Une Villa, Là-Bas, Dessus La Dune
Cap Ferret, décembre 2014
Javais mis Johnny plein pot.
Johnny en automne cest comme qui dirait du chaud à lâme.
En fait, cétait le seul truc qui marchait dans cette villa, alors je métais empressé, à peine porte ouverte, vers le tourne-disque vinyle et plein pot javais mis Johnny sur les grosses baffles Cabasse
Alors, seulement, je métais retourné vers elle.
En fait, cette fille était un peu comme la villa ... abandonnée.
La villa était dété. Haute, vitrée, claire dans les pins, embroussaillée darbousiers.
Mais en ce début décembre embrumé elle se dressait comme manoir en Highland solitaire et un peu trouble dans la forêt sombre. Le grépin au sol jonchait le sentier.
Javais mené mon amie sans même lui tenir la main. On avait cheminé lun derrière lautre, silencieux, en file indienne, en binôme, sous les mimosas géants, slalomant entre les troncs des pins immenses. Chacun sa valise tenue à poignée, roulettes inutiles.
Javais pensé les roulettes sont pour lasphalte, pour la ville, par pour nous, pas pour les dunes du Bassin d'Arcachon.
Le chemin entre arbousiers et buissons ajoncs genêts avait été long. On était arrivés enfin à la villa en haut de la dune devant locéan. Elle ne savait pas.
Johnny hurlait sa solitude dans le froid humide. C'est son truc, à Johnny, ça, la solitude.
Moi je lai, enfin, prise dans mes bras.
Le moment était venu et je lai regardée.
Je nai pas voulu repenser.
Jai juste pensé, la villa au vent douest, les volets décrochés, les tuiles soulevées en vrac sur la toiture, les vitres tachées dauréoles de sel.
Jétais submergé des odeurs dhiver de maison de moisi de pignes de terreau riche humide.
Je la serrais dans mes bras et tout me revenait de notre passé. A elle à moi.
Comment, pensais-je, lodeur de moisi de maison abandonnée était-elle ainsi attachée à cette jeune fille.
Jeune fille elle nétait plus trop mais lodeur, elle, navait pas vieilli, navait pas changé, du tout.
Ce moment, là, était...
Comment vous dire, comment expliquer ?
Tout était moisi, elle aussi... Passée.
On n'avait rien mangé et il faisait faim.
J'ai pensé, me faut faire une bonne flambée, cela nous réchauffera. Le bois sous l'abri était sec, les vieux Sud-Ouest-dimanches froissés se sont enflammés à la quinzième allumette gitane, et, pignes aidant, le feu a pris.
On avait apporté des ufs, une grosse boite de carton moulé de douze ufs. Elle les a cassés un à un dans la poêle noire dessus le gaz famélique avec du sel et de l'huile. L'odeur de friture m'a submergé. Souvenirs de ces moments en famille avec mes frères, mes parents, dans les froidures d'hiver des Landes noires des pinèdes des dunes des broussailles d'arbousiers de genêts d'ajoncs.
Je suis venu derrière elle devant le fourneau. J'ai pris ses seins dans mes mains.
Elle était si jolie que je n'osais l'aimer...
Elle si jolie quand le vent l'emmenait...
En fait non
Aujourd'hui c'est l'automne
Qu'il est loin le printemps
Plein les bonnets, qu'elle a dit, et c'était vrai... Et j'en étais tout dépité. Où étaient mes souvenirs des pigeons joyeux vifs et agiles sous mes mains innocentes égarées sur son poitrail, un jour au soleil d'après-midi ?
La magie n'est plus. Saurai-je reconstruire le poème ?
Le silence de la nuit landaise nous submergeait. Johnny s'était tu, disque au bout du rouleau avec juste un crac chaque seconde comme fin du monde.
On a dîné sur la grande table familiale de bois brut. uvre de mon père. Des ufs du pain du vin. Et puis je l'ai prise par la main pour une promenade dans la tourmente de vent de pluie sous les futaies. Les pieds à chaque pas à buter dans les pignes.
Au retour, ce fut moment de vérité. Allions-nous nous retrouver comme cinquante ans auparavant ?
Dans le grand lit Ikéa sous la couette.
Ce fut.
Humide le lit. Je l'ai prise dans mes bras pour la réchauffer. Elle était frèle comme par le passé. Et gelée aussi et moi je l'ai serrée. Bras cuisses jambes pieds. On aurait pu s'endormir emmêlés. Mais trop de temps avait passé et nous avions hâte de nous trouver.
Ces gestes que nous n'avions pas osé à quinze ans allions nous les faire maintenant ?
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