Des Larmes
LARMES
Un cri de joie perce le silence.
-Hé, regarde ce que jai trouvé dans le tiroir.
- Oui, je vois. Que veux-tu faire de ce truc?
- Ce quon fait habituellement avec une capote anglaise. Viens maider à lenfiler. Tu prends le petit bout entre les dents et tu déroules le reste vers la base.. Le sang ,ne me gênera plus.
-Ce nest pas fait pour ça.
- Jai attendu une semaine , mes couilles gonflent, je ne pourrai bientôt plus marcher. Le débarquement de ce soir et des jours dabstinence à prévoir mettent en suspens mon envie de taccompagner jeudi.
-Tu me fais chanter. Bon , viens là. Tu s de la situation.
Le sommier se met à grincer, Julie donne de la voix, en cadence. Il est clair que son cavalier servant a gagné son tour de manège. Il charge comme précédemment avec une fureur non contenue, force lallure pour faire monter la chanson. Comme il a commencé, il met fin à la chevauchée. Julie élève la voix après avoir repris son souffle:
- Dégage ta cuisse, tu mécrases,
- Pourquoi?
-Tu mas barbouillée de sang, je veux me laver.
-Encore ! Tu ne penses quà ça ! Prends ça et jette le contenu dans les wc.
Je bats en retraite, jécoute couler leau de la douche.
-Zut, il ny a que de leau froide. se lamente-t-elle.
Elle retourne dans notre chambre à coucher, ne cherche pas à se soustraire aux assauts de ce compagnon lubrique. Cette disponibilité me désole. Elle est désespérée, sans force, se laisse couler Elle na pas fini daller faire des ablutions Un court instant jentends un ronflement sonore quand elle referme la porte. Vues la quantité de vin descendue et la somme dénergie dépensée en accouplements tonitruants, André paie son tribut à la nature. Il sest endormi dun lourd sommeil et lintensité des ronflements nannonce pas un réveil proche.
Cette chambre où le couple va passer la nuit est avant tout la mienne. Muni dune faible lampe de poche, je décide daller inviter Julie afin de tout mettre à plat. Ce sera délicat, le temps mest compté jusquà leur départ, je veux être fixé sur ses intentions et ses sentiments avant Jeudi.
Sur chaque table de nuit, gît une perruque. André ronfle comme logre du petit poucet. Il aurait intérêt à consulter un pneumologue ou un oto-rhino-laryngologue. Ce roulement de tonnerre continu aura raison de lamour de la plus passionnée de ses maîtresses. Julie a succombé à la fatigue et dort, la poitrine enfermée sous le bras droit de son amant. Ils forment un couple paisible, avec la particularité des taches blanches autour des sexes rasés. Celui de lhomme se recroqueville contre la hanche droite de ma femme pour un contact mou. Jai tout loisir de contempler la nouvelle tête de Julie,le fin duvet qui repousse et le décrochement des pavillons doreilles. Son rouge à lèvres a disparu lors de la fellation. Sa vulve garde la rougeur des frottements intempestifs du pieu maintenant assagi mais forme une moue désabusée Pourrai-je un jour reprendre ma place dans ce sexe devenu propriété dun autre avec le consentement de ma femme que seul a protégé de tous les abus un mince filet de sang menstruel toujours visible sur le périnée où se déplace le faisceau de ma lampe.
Quel gâchis !
-Oh !
Un cri vite étouffé marque le réveil de la belle au bois dormant. Jamais prince na inspiré semblable panique . Une main sur la bouche, Julie est lincarnation blanche de la terreur. Dun geste instinctif, symbolique de la frayeur qui la frappe et de la hantise de montrer sa coupe de cheveux, elle cache son visage derrière son bras et couvre son front de sa main libre. Redoute-t-elle des coups? A-t-elle honte devant son mari dêtre trouvée nue dans le lit conjugal en compagnie dun étranger aussi nu.. Je pourrais les amants, frapper, abattre lune ou lautre, me faire justice.
Elle cherche du regard son partenaire, son dernier recours, sil nest pas égorgé, quand le cri bloqué dans sa gorge pourra exploser.
-Jean, cest toi ? Murmure-t-elle . Pitié
De quel crime me croit-elle capable? Elle se sent coupable et punissable, répète : « Pitié »
Je mets mon index sur ma bouche, éclaire mon visage et dis tout bas :
-Viens, suis-moi.
André continue son jeu dorgues assourdissant, Julie se dégage lentement, ne prend pas de risque, me suit sans bruit dans le couloir.
-Naie pas peur, je ne te veux pas de mal. Je ne toucherai pas un cheveu de ta tête (sic), ou de la tête dAndré. Le voudrais-je que je ne le pourrais pas. Ne pleure pas
Le prénom la fait sursauter. Elle réalise létrangeté de la situation, se pose « la » question:
- Cest toi ? Doù sors-tu. Je te croyais en voyage
Je brûle denvie de lui demander si cest pour cela quelle a cru nécessaire de sadjoindre un compagnon de lit, ou si son colocataire sest trompé de chambre.
Ce genre de plaisanterie de mauvais goût napportera rien. Jy renonce et je réponds de la façon la plus claire
- Je ne sors de nulle part, joccupe régulièrement ma maison. Cela tétonne?
- Victoire et Anais mont dit
-Tellement de choses. Il ne faut pas croire tout ce quelles te racontent.
- Tu étais là quand je suis arrivée? Tu connais le type qui occupe ton côté du lit. Ce nest pas ce que tu crois, je vais tout te dire, texpliquer
Tu peux me poser toutes les questions, je répondrai franchement. Tu veux. Oh que je suis malheureuse. Crois-moi, Je naime que toi.
Afin de lui éviter de mentir, je coupe court :
-Ne te fatigue pas. Je sais tout ce que je dois savoir et jai même des choses à tapprendre, si tu veux mentendre. André ne se réveillera pas de si tôt.
- Tu es en colère, sûrement. Quest ce que tu veux. Ça y est, tu tiens le motif de divorce. Je ne ferai pas dembrouilles, jai tort. Je regrette de tavoir imposé de voir la présence dun autre homme dans notre lit. Je ne voulais pas te faire mal.
- Évitons pour le moment les paroles qui nous fâcheraient . Prenons les événements avec philosophie. Restons sages et pour une fois, dans le calme, trouvons une solution raisonnable à notre problème.
- Une solution ? Quoi en dehors du divorce? Je ny tiens pas, et toi ? Si, naturellement. Ce nest pas ce que je souhaitais. Hélas, je suis en faute.
- Je ne suis pas le juge. Ensemble oeuvrons pour obtenir un résultat qui nous convienne, à toi, à moi et à notre fils.
- Tout est foutu. Je suis désespérée.
-Voilà, je te propose de visionner des DVD, sans commentaire. A la fin du dernier, jaurai une question, une seule. Suit attentivement le contenu, fais-toi une opinion personnelle. Tu prendras une décision quand tu auras tout pesé
A la demande de ton ami André, jai filmé ce qui se passait dans son appartement. Il sagit dimages non truquées, de faits réels. Tu pourras te forger une opinion sur lui, sur votre relation et sur votre avenir. Enfin , je compléterai ton information en te donnant à lire quelques pages de ses écrits.
- Tu cherches à me dire du mal de lui, par jalousie.
-Sil te plaît de le croire, Je te demande juste de tout visionner dans un premier temps.
- Tu ne supportes toujours pas mon idée de liposuccion. Dis tout de suite que tu divorceras.
Tu sais faire fonctionner lappareil. Je me retire pour ne pas tinfluencer. Ma présence tirriterait.
-Tu me laisses seule. Que mimporte ce quAndré fait chez lui?
-Revoir certaines scènes avec toi, me blesserait trop. Si tu maimes un tout petit peu
Je laisse Julie devant lécran. Elle va assister aux amours de son chéri et de ses amies de la piscine.
A mon retour, Julie, en larmes, ce nest pas étonnant,me tombe dessus :
- Cest toi qui as filmé tout ça ? Pourquoi? Tu devrais avoir honte, voyeur, vicieux..
-Au début pour rendre service à André qui voulait garder un souvenir de ses conquêtes. Je me suis scandalisé puis habitué. Quand ton tour est venu, jai voulu savoir si tu me trahirais, jusquoù tu irais.
-Tu ne mas pas fait confiance,
Je réponds trop vite :
- Jaurais dû?
- TUsavais que je viendrais ? Cest dégoûtant. Pourquoi ne mas-tu pas mise à labri?
-Javais flairé un piège dès le début dans cette histoire de liposuccion. Quelquun texcitait. Je savais que quelque un tinfluençait et je constatais que plus je cherchais à te convaincre de linutilité de lopération, plus tu maccusais de conservatisme, dincompréhension têtue. Tu balayais mes arguments avec passion et nos conversations finissaient en eau de boudin ou tournaient au vinaigre. Intervenir cétait mexposer à ta colère. Cest ainsi que tu as offert le voyage, le gîte et le couvert à ton coach, à ton homme de confiance. Lenregistrement est parlant. Que pouvais-je contre Victoire, Anaïs, lui et ta folle envie de te changer? Jétais considéré comme lennemi, lempêcheur de tourner en rond et javais compris quAndré jetterait toutes ses forces dans la bataille pour la gloire de te plier à ses désirs et de te « baiser » . Pour prix de mes services il ma proposé de partager ses proies. Il ta eue, il sera obligé de toffrir à moi. Si je le rencontre je réclamerai mon dû
- Ah ! Et tu me possèderas ? Toi ? Sans dégoût ? Tu te foutais de moi, cest tout; tu menaçais de divorcer si je me faisais opérer. Tu mas poussée au désespoir.
- Voilà, nous repartons sur les mêmes sentiers. Tu adorais être manipulée par ce beau gosse. Je lavais vu venir. La combine gagnait. Tu ne veux pas croire que cest un séducteur, tu me soupçonnes encore de tricher pour te retenir ou pour me défaire de toi. Donc, lis cette page de son calepin, ramassé par Victoire, sur linutilité de votre expédition tunisienne et sur la probabilité du refus dopérer du chirurgien. Ce voyou a un goût prononcé pour ta beauté et la perfection de tes formes. Jai espéré te détourner de ce projet en parlant de divorce. Cétait maladroit, cela ta confortée dans le sentiment que je ne taimais plus, ta endurcie et ta précipité dans ses bras.
- Tu le regrettes?
Jai fait ce que jai pu pour te le faire savoir. Après ces vidéos, tu ne pourras plus prétendre que tu ne connaissais pas à quel type dhomme tu confies ton avenir . Cest un coureur. Un quart dheure avant ton entrée avec Victoire il sétait épuisé en joutes amoureuses avec une dénommée Maud, quil mavait recommandée chaudement.
- Cest pour cela quil ne bandait pas. Tu as dû rire derrière ton appareil et te moquer de moi.
- Jétais encore ton mari. André lignore toujours. Je navais vraiment pas le cur à rire. Javais même tenté de le dissuader de commencer et je lui avais conseillé de remettre sa tentative de séduction à un autre jour. Il sest montré nul, pourtant cest lui qui dort dans mon lit après les exploits auxquels il sest livré hier soir avec toi, sur ce canapé, dans la salle de bain, avec mon dernier préservatif!
- Tu as filmé ? Que jai honte ! Le divorce, la promesse dune vie heureuse: Jai perdu la tête Jamais je nai cessé de taimer. Je ne me comprends plus, je suis idiote
- Ce sont des souvenirs à oublier. Ce qui est honteux, ce nest pas dêtre filmé. Cest un manipulateur rusé, aguerri si tu comptes toutes les femmes qui ont succombé comme toi.
- Je sais, tu as assez de preuves accablantes. Donc tu as de quoi gagner le divorce et la garde de Loïc. Tu ne maimes plus. Que me reste-t-il à faire ? Aller cacher ma honte au loin.
-Ça dépend de toi uniquement. Au point où nous en sommes, je te pose ma seule question. Peux-tu encore me faire confiance et maimer ou préfères-tu te sauver avec André. Tu as encore le choix
- Comment ? Ai-je mal entendu? Ce nest pas possible; tu me garderais ? Malgré tout
-Oui, mais sans les larmes, sil te plaît. Ne me fais pas pleurer. Jespère encore, oui.
Elle me saute au cou. Une voix tombe de ma chambre
- Ho, Julie, qui cest celui-là? Arrête de lembrasser. Je suis là!
Mais, cest mon ami Jean. Quest-ce que tu fous ici, toi? Où est mon caméscope, voleur? Que cherches-tu ici, chez nous ?
-Ne mas-tu pas promis que je pourrais coucher avec cette femme quand tu laurais prise? Je tai suivi, je vous ai retrouvés, je viens chercher ma part
- Tu es fou lami, cétait une blague dont je suis coutumier. Il ne faut pas toujours me prendre au pied de la lettre. Celle-ci est trop belle pour toi. Regarde- la, regarde-toi; tu rêves. Je croyais que tu voudrais Maud . Julie et moi partons jeudi matin en Tunisie. . Pauvre type; je ferais le travail et tu ramasserais mes restes. Cest tout simple, demande lui qui elle préfère.
Sa jalousie le trahit, renforce mon discours et le perd. Son marchandage avoué est dune extrême maladresse.
A la manière de se coller à moi, je sais quel sera le choix de ma femme. Je sors de ma poche les billets que ma rendus Victoire, je les tends à Julie.
- Choisis ton accompagnateur. Moi, je taime, et toi ?
-Je taimerai toujours. Viens avec moi.
Que de larmes et de tremblements. André ne se démonte pas
- Bien, bon voyage. Je garderai la maison en votre absence.
- Tu fais erreur, cest ma maison,Julie est ma femme: tu dégages vite fait et ne remets plus les pieds ici. Il y va de ta vie.
- Tu nas pas besoin de crâner. Jai rendez-vous à la piscine. Une de perdue, dix de trouvées. Dans mon appartement tu trouveras un calepin avec des adresses et des observations fort utiles pour apprendre à te faire des amies.
- Bon vent. Julie me suffit. Mon avantage sur toi, cest que je laime.
Il nous laisse en pleines effusions. Il place deux index sur son front en guise de cornes mais se sauve en courant. Cette fois Julie sourit de ma réaction de rage.
Renvoyé de la piscine, poursuivi par des lazzi, André a quitté la ville, au grand dam de quelques femmes insatisfaites. Julie me surveille, jai interdiction de fréquenter les femmes de son ancien club, Maud en particulier. Nous nous sommes retrouvés et reprenons notre vie de famille. La confiance reviendra
Qui peut assurer qu'il ne reviendra pas ?
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