La Hase Et Le Rapace - 1
Le petit bistrot ne paie pas de mine. Propre et bien tenu par un patron aux yeux rigolards, cest avant tout latmosphère qui y règne qui sort de lordinaire : ici, pas dengueulade, pas dagressivité, seuls les rires et les chansons sont tolérés. Quand vous y rentrez pour la première fois, cest votre capacité dadaptation, dintégration, qui est jugée (le mot nest pas trop fort). Si vous vous isolez, si vous ne participez pas dune voix calme à la discussion en cours, pas la peine de revenir, vous naurez pas de seconde chance. Si, au contraire, vous vous glissez dans les conversations, nul ne vous en tiendra rigueur et vous verrez, comme par magie, une soucoupe emplie de tranches de saucisson et de tartinettes de rillettes, accompagner le verre suivant. Cest la preuve de ladoubement, le sésame qui vous autorise à revenir
Le bruit des rires ; les échos des grandes claques dans le dos que se donnent les buveurs, joyeux de se retrouver « en famille » ; les apartés, souvent grivois, quéchangent hommes et femmes ; tout cela ne dérange pas lhomme qui lit tranquillement un magazine, attablé dans langle du bistrot. Il a choisi cette place parce quun simple coup dil lui permet dembrasser toute la salle. Personne ne linterpelle, on sait quil est ainsi, quil a besoin de ce temps calme avant de se mêler aux autres. Il lit consciencieusement chaque article du magazine. Entre deux, il lève la tête. Que cherche-t-il ? Rien, selon toute apparence puisquil replonge aussitôt son nez dans sa lecture. Une fois, il se lève pour échanger son verre vide contre un plein. Il en profite pour saluer tous ceux quil na pas vus à son passage précédent : poignées de mains, embrassades puis
Elle entre.
Elle entre et il sait aussitôt quil a trouvé sa proie pour cet après-midi. Il ne la regarde pas, il séloigne même et retourne à sa table. De ce poste de vigie, il peut sans se gêner, observer, de son regard daigle, la hase dont il dinera.
Cela fait plusieurs fois quil la voit mais ne la jamais abordée. Ils ont échangé des regards brûlants, pas plus. Il est patient et sait attendre le moment opportun. Même sil bande rien quà la regarder, même sil sait que la culotte de la dame nest pas sortie indemne de leurs croisements visuels, il patiente. Elle, de son côté, la repéré dès son entrée. Ce type la trouble. Elle sent la petite étincelle dans son ventre, elle mouille. Oh ! Pas beaucoup. Juste ce quil faut pour faire rosir ses joues
Elle a pourtant une bonne raison de venir ici. Une raison qui est à mille lieues de lattraction quopèrent sur elle ce type solitaire et son regard de rapace. Pourtant, elle est nue sous sa robe, nayant, avant de venir, conservé comme dessous, que ses bas auto-fixant. Pas un instant, en se dirigeant vers le bar, elle na pensé à la salle quelle doit impérativement trouver pour samedi ; elle sest imaginé comment elle se laisserait besogner par lui dans les toilettes du café.
Mais maintenant quelle est là, il faut quelle se concentre sur la raison officielle de sa venue. Elle sadresse au patron, à voix basse, penchée sur le bar, inconsciente (?) de la posture aguicheuse quelle a.
Le patron lécoute puis agite les bras pour demander le silence. Ici, il est de coutume que des questions soient portées à lattention de tous afin dy trouver une solution commune. Cest le cas maintenant et tout le monde écoute.
- Evelyne a un petit souci quelle aimerait solutionner avec votre aide, merci de lécouter.
La jeune-femme prend son élan et se lance, on voit bien quelle na pas lhabitude des discours même si elle ne manque pas dassurance.
- Voilà, entame-t-elle, ma fille va avoir quinze ans et je lui ai promis une méga soirée pour son anniversaire. Malheureusement, la salle que javais trouvée ne peut plus nous recevoir. La fête est samedi et je suis un peu désemparée
Les têtes sagitent en signe de négation. Non, décidément, personne ne connait de salle susceptible de convenir, à proximité.
Bien quil ait remarqué - il faudrait être aveugle pour ne pas le voir - que la jeune-femme évite soigneusement de tourner son regard vers lui, il attend patiemment la seconde dinadvertance de sa part pour lui faire signe dapprocher. Ce quelle fait.
Oh Bon Dieu ! Ce regard ! Elle a limpression que sa robe fond sous son intensité. Elle est à poil. Et cinq pas, quand on est à poil, cest très long.
Lui, la détaille tout son soûl. Un mètre soixante-dix. Les cheveux coupés courts, châtains légèrement argentés qui mettent en valeur deux oreilles charmantes. Une robe de laine tricotée par des mains irlandaises serrée à la taille par une cordelette de même matière, nouée à la diable. Une bouche crispée par - il ne le sait que trop - le désir, quil trouve terriblement aphrodisiaque. Un menton volontaire. Des jambes coquinement gainés de bas nylon. Et un regard, Mordious ! Qui laisse présager deffroyables batailles tant il est carnassier.
Evelyne sassied face à lhomme. Elle soutient son regard.
La voix de lhomme est basse, envoûtante. Il est Kaa, elle est Moogli.
Il glisse un papier sur la table. Elle nose pas le prendre.
- Cest juste ladresse de la salle. Elle nest pas très loin dici.
Sa voix est profonde, elle voudrait sy perdre. Mais elle résiste malgré ses cuisses qui sécartent, à labri de la table.
- Merci.
- Il ny a pas de quoi.
Je vous ai mis mon numéro au cas où ça ne marcherait pas avec cette salle. Jen connais dautre mais elles sont plus loin
et plus chères.
De toute façon, nous trouverons une solution.
- Je ne sais pas comment vous remercier
- Quand vous aurez trouvé, appelez-moi.
Sur ces mots il se lève, va payer ses consommations et sen va.
Evelyne est désarçonnée. En colère aussi. Comment ? Il na donc pas vu quelle soffrait à lui ? Elle na pas été suffisamment explicite ? Ou alors, il fait durer le plaisir
Mais elle, cest maintenant quelle a envie ! Pas dans quinze jours ou jamais
un instant, elle imagine sa queue qui la besogne, qui lempale. Elle a faim de sexe, de son sexe à lui. A ce salaud qui labandonne
Elle défroisse le papier quelle tient encore à la main. Le lit rapidement et décide de se rentre aussi sec à ladresse indiquée. Tout plutôt que penser à ce sale type qui la laissée en plan avec son désir.
Elle a dû déployer son plus beau sourire pour amadouer le responsable de la salle. Non, non, non, samedi soir cest impossible, la salle est louée pour le dimanche à la première heure
Elle sest donc engagée à rendre une salle et ses abords immédiats impeccables, pour cinq heures du matin. Comment elle va faire, ça, cest une autre histoire. Pour linstant, elle pianote sur son téléphone, comme par hasard le numéro de lhomme.
- Bonsoir, cest Evelyne, nous
- Je sais qui vous êtes.
Quel goujat ! Il pourrait être aimable et dire bonsoir
Le silence séternise, il le brise impatiemment :
- Je vous écoute.
Elle reprend ses esprits sans changer dopinion.
- Je voulais vous remercier encore. Jai eu la salle pour samedi. Elle est grande et il va falloir la décorer.
- Je suis sûre que vous serez parfaite en décoratrice dintérieur.
- Je me suis aussi engagée à la laisser propre, elle est louée tout de suite après nous
- Peut-être aurez-vous besoin dun coup de main ?
Une pensée fugace traverse la pensée de la jeune-femme : pas que la main
- Je ne voudrais pas vous déranger, la fête finira vers deux heures du matin
- Je dors très peu et jhabite à côté. Ce sera un plaisir
- Merci, cest
- Ce nest rien. Bonsoir.
- Je vous appelle ?
- Pas la peine, jy serai. Bonsoir.
Quel sale type !
Evelyne ne sait que penser. Il est aussi serviable quil est désagréable. Cest à ny rien comprendre
Vivement samedi se dit-elle tout de même.
Bientôt deux heures et demie du matin. Lhomme est là depuis trois quart dheure et, vu quil sirote à petite gorgée le whisky quelle a apporté à leur seul usage, il na pas dû dormir beaucoup. Evelyne se décide enfin prendre sa fille à part et lui montre lheure. La gamine a beau insister pour grappiller quelques minutes, cette fois, sa mère est intraitable. Pas trop tôt ! se dit lhomme qui avale dun trait le médiocre breuvage que lui a servi son hôtesse ; il va falloir faire son éducation sur ce point.
Les derniers gamins quittent la salle. Les mieux élevés proposent leur aide, certains ramassent des bouteilles de soda qui traînent. Evelyne les renvoie chez eux. Elle ne veut pas dun gamin dans ses pattes pour ce quelle projette.
La salle est rangée, le balai passé, les tables disposées comme spécifié par le loueur, tout va bien. Ils ont fini et il nest pas encore cinq heures
La jeune-femme est appuyée sur le balai, elle regarde lhomme dont elle ignore toujours le nom bien quils aient décidé de se tutoyer. Elle sait que dans quelques secondes elle va lembrasser. Ils ne pourront pas aller beaucoup plus loin malgré lenvie qui lui tenaille le ventre. Mais cest ainsi, on ne choisit pas la date de son indisposition
Encore une fois, elle pose la même question :
- Comment je peux te remercier, cest si gentil de
Dun doigt, il pointe sa joue.
- Un baiser suffira.
Elle sapproche de lui à le toucher.
- Un baiser où je veux, alors
Sans lui donner le temps de répondre elle saccroupit. Le sexe de lhomme semble voler à lextérieur de sa cachette dès quelle le libère. Il nest pas exactement aussi imposant quelle lavait rêvé, tout juste la moyenne, mais convient parfaitement à sa bouche. Elle le suce tout doucement, déployant toutes les facettes de son talent. Ce nest pas ce quelle avait prévu mais il lui a coupé lherbe sous le pied en lui demandant un baiser. La surenchère quelle vient de faire lui plait même plus que lidée initiale. Elle aime le goût indéfinissable de ce sexe quelle cajole entre ses lèvres. Elle déteste lhomme qui len prive quand il se retire et lattire à lui.
- Aujourdhui ce nest pas possible murmure-t-elle.
Il comprend le message et la laisse retourner à sa fellation. Il en profite, il se retient. Pour changer ses idées, il pense au whisky quil vient dingurgiter et à celui qui lattend chez lui. Malgré cela, il lance au ciel un râle de plaisir. Elle sent bien quil va bientôt jouir. Sa queue palpite entre ses lèvres, de la langue elle le caresse avec une lenteur démoniaque.
- Impossible de tâcher le sol dit-il dune voix retenue.
Elle navait pas pensé à ça en entamant sa fellation. Sil lui est arrivé davaler, ce nétait jamais voulu. Elle naime pas trop le goût du sperme. Pourtant, bien quelle hésite une seconde, lidée ne leffraie pas, elle ne lui déplaît pas, bien au contraire. Alors elle sacharne, elle pompe lhomme. Lenvie quelle a de sentir le liquide jaillir dans sa bouche, sécouler dans sa gorge, lui procure un délicieux frisson et lui arrache un gémissement. Lhomme se répand en elle et elle le boit. Elle découvrira bien vite que lhomme ne sait pas crier son plaisir et que les soupirs quil expire sont le fruit dun orgasme intense. Pour le moment elle est déçue et elle sen veut de navoir pas su lui donner tout le plaisir quelle voulait lui offrir.
- Cétait phénoménal dit-il en aidant la jeune-femme à se relever.
Cachée au creux de son épaule, la jeune-femme esquisse une moue dubitative.
- Cest moi qui te dois un merci maintenant.
Il poursuit en léteignant. Ses mains voyagent sur le corps dEvelyne comme des avions pressés de survoler une terre inconnue. Mais quand elles arrivent aux rondeurs, la jeune-femme linterrompt.
- Pas maintenant, je ne peux pas. Et puis il est tard
Lhomme ne la retient pas lorsquelle séloigne. Il se contente de la suivre. Elle referme la porte de la salle et glisse la clé dans la boîte. Il laccompagne à sa voiture. Ils se séparent sur un baiser et une promesse delle :
- Je tappelle lundi.
Lui ne dit pas un mot, il regarde lauto séloigner, un sourire aux lèvres.
A suivre
Pour Maya. Dans lespoir que cette historiette lui apportera un peu doxygène.
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