La Hase Et Le Rapace - 7
Ils sont dehors. Galamment, lhomme lui offre le bras. Elle le prend et marche à ses côtés. Elle sen étonne mais éprouve une certaine fierté de ce bras offert. Elle se dit que, sil le lui a proposé, cest quil considère quelle en est digne. Cela la touche dune façon ambivalente qui ne lui déplaît pas non plus. Elle aime à penser que cest la soumise quil récompense en agissant comme il le fait. Elle aime à se voir comme une soumise digne dêtre récompensée. Les deux mains autour du bras de lhomme, elle avance fièrement. Elle veut être belle et désirable pour lui. A cet instant précis, elle est prête à tout pour lui plaire.
Il fait froid, elle se sert contre lui. La rue est vide, terne. Le jour se lève à peine, aucun passant ne vient troubler le calme et le silence qui les entoure. Ils dépassent une boulangerie ouverte puis un café encore fermé. Lhomme se penche vers la jeune-femme pour lui murmurer quelques mots. Il parle trop bas pour être entendu de qui que ce soit dautre quelle. Sa réaction, cependant, tendrait à démontrer quil sagit de paroles à consonances sexuelles. Elle frémit et son corps se détend, ondule, comme sous leffet dune vague de désir, de plaisir. Lhomme libère son bras, la prend par la taille et laisse sa main descendre, un peu plus bas. Toujours plus bas.
Ça y est, dune main légère, il flatte la croupe de sa femelle. Instinctivement, elle se cambre, elle tend ses fesses à la caresse. Elle aimerait être moins vêtue. Elle aimerait être nue, comme vendredi soir sous le manteau de cuir. Elle imagine la main de lhomme sinsinuant dans sa raie, elle rêve quun doigt se faufile dans son petit conduit. Elle pose sa joue sur lépaule de lhomme qui la laisse faire bien quil se soit promis de ne jamais accepter ce genre de marque de tendresse.
- Jai envie de baiser ton cul de salope.
Linsulte lui déplaît et lexcite tout ensemble. Elle na pas lhabitude quon lui parle ainsi. Ceux qui lont fait, jusquà présent, elle les a virés impitoyablement, de son lit, de sa vie.
Lhomme avait dans lidée de trouver une rue calme et déserte, dans le quartier et de sy faire tailler une pipe. Cela fait si longtemps quil résiste à son désir que son envie déjaculer sest transformée en un impérieux besoin. Cependant, comme il est homme, il est inconstant et son désir évolue au gré des minutes qui passent et de la météo. En effet, le froid a eu raison de sa persistante érection. Cette accalmie lui donne le temps de repenser ses priorités et ses envies. Sodomie ! Voilà ce qui occupe à présent son esprit. Sans prévenir, il fait donc demi-tour fidèlement suivi par la jeune-femme dont le visage repose sur son épaule.
Un bref retour à lappartement pour un changement de costume, les voilà repartis. La femme sest pliée de bonne grâce aux désidératas de son Maître. Elle sest dévêtue et sest glissée dans une paire de bas sans poser de question, ni afficher un regard surpris. Elle a revêtu le manteau de cuir et de fourrure sans exprimer le moindre sentiment ni la moindre contrariété. Elle la suivi sans un mot vers une nouvelle promenade. Et maintenant, ils marchent, elle serrée contre lui, lui, une main crochée sur sa fesse droite. Lhomme aime sentir la peau douce et ferme de sa femelle sous sa paume, tandis quil la dirige vers la coulée verte dont il espère, vu la température et lheure matinale, quelle sera désertée même par les joggers les plus courageux.
Rue de Reuilly puis rue Jacques Hillairet, ils arrivent aux portes du jardin de Reuilly qui sont encore fermées mais assez basses pour être enjambées sans effort. Evelyne dévoile une partie de ses charmes en se livrant à lescalade. Lhomme sourit, il a retrouvé sa vigueur. Sans attendre, il la propulse vers un banc. Instinct ou prémonition, Evelyne sinstalle à genoux. Les pans de son manteau sécartent, délivrent ses jolies fesses qui vont être lobjet de lintérêt de lhomme. Une claque, une caresse, le gland qui vient flirter avec la raie, une légère douleur. Lhomme la sodomise. Il senfonce lentement dans son conduit.
Ainsi la besogne-t-il plusieurs minutes daffilée. En ressent-elle du plaisir ou, au contraire se laisse-t-elle faire comme une potiche sans âme ? Lhomme ne se pose pas la question, il la laboure. Un point cest tout. A cet instant, il ne soccupe que de lui-même et de la trop longue frustration quil sest imposée. A dire vrai, il se fiche que la femme prenne ou non du plaisir en subissant son assaut. Il a besoin de jouir et ne voit pas plus loin que le bout de sa queue. Pourtant, Evelyne geint. Elle bruisse son orgasme sans excès ni ostentation. Mais lhomme ne la voit pas, ne lentend pas. Il use delle comme dune poupée gonflable, comme dun garage pour sa bite, comme dun grenier pour son sperme. Pourtant Evelyne jouit. Lhomme jouit. Et malgré cela, ils nont rien partagé. Chacun a été le succédané de lautre. Quand cesse enfin leur simulacre, chacun reprend sa marche. Elle, trois pas derrière lui.
Lhomme se sent penaud davoir abandonné son rôle de dominant pour celui de jouisseur. Jamais il ne lavouera mais il sen veut de navoir pas su contrôler ses pulsions. Dans dautres circonstances, cela aurait pu être dangereux.
Evelyne se sent mal. Elle a profité de ce moment dinattention de lhomme pour sévader et inverser les rôles, faisant de lui son godemiché. Tout en marchant derrière lui, elle cherche un moyen de se faire pardonner.
Mais lhomme marche. Vite ! Et dun pas rageur. Il est en colère. Contre lui-même ! Exclusivement. Il ne sen veut pas davoir baisé la femme dans ce lieu public, pas non plus de la précipitation quil a eu de la posséder. Il se reproche juste la façon de lavoir fait, légoïsme dont il a fait preuve en se servant delle comme dun vide couilles. Ce nest pas cela être un Maître ! Il sengueule, tout en marchant dun pas qui sallonge. Être un Maître, cest faire attention à sa soumise, lui montrer quelle est importante, lui donner ce quelle ignore vouloir. Pas la traiter comme un morceau de viande. Or, cest ce quil vient de faire. La relation Dominant / dominée, cest un partage, se dit-il, un don réciproque. Son rôle à lui, cest de créer des situations afin que chacun y trouve du plaisir. Il doit amener sa soumise à se glisser dans le rôle quil lui a dévolu, à accepter ce rôle, à le faire sien. Ce nest pas ce quil a fait ce matin.
Il sarrête. Brusquement. Il se retourne et découvre Evelyne, juchée sur ses talons hauts qui trottine avec, sur le visage, le masque de linquiétude. Cela aussi, cest son rôle, la réconforter. Un sourire triste saffiche sur ses lèvres. Ce matin, cest lui qui mériterait dêtre puni. Pour manquement grave à ses devoirs de dominant. Mais il ne peut pas sexcuser. Un maître qui sexcuserait, perdrait aussitôt le respect de sa soumise. Alors, il lui ouvre les bras et létreint tendrement.
Le retour vers le domicile dEvelyne est lent et silencieux. Lhomme se sent piteux, et elle se sent coupable. Mais il lenlace, tout le long du chemin et elle, se love dans ses bras.
Arrivés, il lui demande de sasseoir à la table-billard. Il lui explique alors les erreurs quil a commises à son endroit, sans pour autant sen excuser.
- Moi aussi jai triché, répond-elle. Je pense que nous sommes quittes sur ce point.
Lhomme acquiesce. Il lui demande de se lever et la prend dans ses bras. Elle sy glisse avec bonheur. Quil vienne de reconnaître ses erreurs fait de lui, aux yeux dEvelyne, son Maître véritable. Elle prend conscience que la confiance quelle avait en lui vient de changer de dimension : combien, à sa place, auraient passé sous silence leurs écarts voire même auraient persévérer dans lerreur ? Une petite seconde déternité
et leurs vies viennent de basculer. Elle, sera désormais à lui quoiquil advienne, où que ce soit, quand que ce soit. Simplement parce quil vient davouer quil est faillible. Simplement parce quil vient de lui prouver quil est un homme, au sens le plus fort de ce terme. Lui, vient de comprendre, enfin, que ce ne sont pas ses désirs qui importent mais, à travers eux, de découvrir sa soumise et de la combler. Pour y arriver, peut-être serait-il temps quil sintéresse à elle, quil cesse dêtre, à chaque seconde, froid et distant, pour devenir, enfin, un maître attentionné. Il se rend compte quil a profité de la position quelle lui a accordé pour se cacher delle. Or, un Maître ne se cache pas, il doit resplendir
Il lui demande, dans un murmure, de shabiller, comme elle en a envie et, surtout pas comme elle pense quil voudrait quelle shabille. Il veut tout reprendre à zéro et, pour cela, ils vont sortir. Bien entendu, il lexhibera mais pas comme un trophée, plutôt comme une femme digne dêtre montrée. Bien sûr, il exigera delle des actes quelle se croit incapable de commettre et qui nécessiteront courage et obéissance. Et même si elle pourra sen sentir vexée, salie, honteuse, humiliée
, il aura du respect pour Elle, pour son courage et son abnégation.
Lun comme lautre, ils savent que le contrat quils ont signé peut être jeté aux orties. Il na plus lieu dêtre puisquils viennent de se donner lun à lautre et, pour sceller ce nouveau pacte, il suffit dun baiser. Et de quelques mots susurrés :
- Jai aussi un prénom
Fin
Pour Maya.
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