Petits Secrets De Village - Mère Et Filles, Brigitte

« « Dans « Autres petits secrets de village – Le club des quatre », je vous ai présenté Brigitte et Caroline, Julia et Fanny. On y avait croisé leurs s, des ados.
Je vous avais dit, tout à la fin , « je vous parlerai de tout ça ».
Dans « Caro et Fanny », je vous ai raconté leur presque, pas encore, réconciliation autour d’un secret partagé.
Ah ! Autant vous prévenir : si vous n’avez pas lu les deux premiers épisodes de cette série, il y a des allusions que vous aurez du mal à comprendre … Dommage !
D’autres petits secrets ? » »

« « Mercredi après-midi, Fanny et sa fille ont rendez-vous chez le médecin … » »

Il a mis sa blouse blanche, il trouve la tenue adaptée. Par-dessous, pantalon de costume chemise blanche et cravate complètent.
Il reçoit aujourd’hui, toute la journée, longue journée.

Lui, c’est Jérôme. Il remplace le médecin du village une semaine par mois.
Au début … au début les habitués boudaient. Certains boudaient.
Et maintenant la salle d’attente est bondée les semaines où c’est lui qui assure les consultations.
Pourquoi ! Parce qu’il est jeune ? Parce qu’il est plutôt beau garçon ?
Elles disent : « … il rougit si bien … ».
Eh oui, ses patients sont surtout des patientes …


Elle s’énerve. Elles allaient être en retard. Déjà qu’elle n’a pas envie d’y aller … Caroline a insisté pour qu’elle voit un médecin …Au moins ce sera le remplaçant, sinon, elle aurait renoncé. Lui, elle ne le connaît pas ! Elle osera ? Elle n’est pas très décidée. Les soins que lui a prodigués Caroline lundi semblent faire effet, même si son sein gauche est toujours douloureux … comment lui expliquer ? Quelle histoire inventer ?

Elle ? c’est Fanny, la femme de Benoît, qui tient la boutique d’électro-ménager sur la place.

Avec elle ? Celle qui la met en retard ? Marie-Luce, bientôt quinze ans, sa fille.

Il y a déjà du monde dans la petite salle d’attente, une mère et ses deux s, la femme du boucher, un vieux monsieur.



Fanny feuillette nerveusement un magazine vieux de trois mois, replie ses jambes sous sa chaise pour laisser passer le petit garçon au nez encombré, tire sa jupe sur ses genoux et sous elle, agacée du skaï de la chaise qui colle à ses cuisses.
La mère aux traits tirés de lassitude la remercie d’un regard d’excuse et déplace dans ses bras la petite fille assise sur ses genoux.
La femme du boucher soupire d’exaspération et regarde sa montre, sa jambe gauche s’agite nerveusement provoquant le petit bruit de succion humide de sa cuisse sur le skaï, une cuisse épaisse et blanche haut découverte par la jupe étroite, s’évente d’un magazine, lèvres pincées.
Le vieux monsieur croise ses mains sur son gros ventre et ferme les yeux, prend de la gîte et se redresse d’un sursaut, vérifie sur son front la position de sa casquette de velours, fouille des yeux en face de lui le triangle sombre sous la jupe noire de la femme du boucher entre les cuisses blanches, souffle court et teint rouge.
Marie-Luce, affalée sur sa chaise, pianote sur sa console de jeux, mâche son chewing-gum bouche ouverte, souffle une bulle qui éclate sur ses lèvres où elle ratt du bout de la langue les voiles roses collés.

A 16h00 précises, la porte de la salle d’attente s’ouvre sur le jeune remplaçant :
— S’il vous plaît, le rendez-vous de 16h00 ?
La femme du boucher lève les yeux au ciel, parce qu’elle était arrivée la première et devra attendre, le vieux monsieur dort, le petit garçon se fige dans sa ronde, une bulle de salive gonfle sur les lèvres de la petite fille dans les bras de sa mère.

Fanny se lève. Dernière arrivée, mais c’est elle le rendez-vous de 16h00. La femme du boucher a l’air excédé, la petite fille pleure, le vieux monsieur dort. Sa fille la suit d’un pas traînant.

Sa fille la première, bien sûr. Au jeune remplaçant Fanny explique les maux de ventre au moment des règles, sans le regarder, gênée, rougissante, hésitante.

Sa fille regarde autour d’elle, le bureau de bois verni et l’ordinateur portable posé dessus, les planches anatomiques au mur, écoute mais ne montre rien, se trahit en levant les yeux au ciel aux propos de sa mère, claque une grosse bulle de son chewing-gum.

Jérôme invite Marie-Luce à le suivre vers le fond du cabinet, derrière le paravent, et voyant le petit signe de la main de Fanny, il pousse Marie-Luce de la main :
— Défais-toi … j’arrive.
Il fait demi-tour et s’approche de Fanny.
Derrière le paravent Marie-Luce enlève sa veste en laine et déboutonne son chemisier, s’assoit sur la table d’examen en attendant le médecin qui va l’examiner. Elle entend sa mère lui parler, s’agace et s’amuse en même temps des propos échangés à voix basse.
— Oui ? Vous vouliez me dire quelque chose ?
Fanny baisse la tête, les joues rouges, et d’une toute petite voix :
— Je crois … je crois qu’elle … elle a un copain …
— Oui ? quel âge a-t-elle ?
— Bientôt 15 ans.
— Eh bien c’est normal, non ?
— Vous … vous pourriez … lui parler ? Et puis … je vais vous laisser, elle sera plus à l’aise.

Fanny sur un signe d’excuse, quitte le cabinet de consultation. Elle a renoncé, elle s’échappe, elle fuit. Parce qu’elle ne sait pas comment expliquer au jeune médecin la cause de cette vilaine blessure sur son sein, qu’elle craint de devoir dévoiler les autres marques encore visibles ailleurs sur sa peau, et puis elle préfère ne rien entendre de l’entretien entre le médecin et sa fille. Honte et lâcheté …

Même si Fanny était horriblement gênée au début, Caroline avait su s’y prendre avec elle en lui racontant ses expériences passées, ces secrets bien cachés qui l’avaient aidée à dépasser sa honte à lui parler des jeux spéciaux de son mari et à se dévêtir, d’autant plus que Caroline s’était montrée d’une étonnante gentillesse avec elle. Mais tout raconter à ce jeune médecin ? Elle s’enfuit !

Le médecin referme la porte derrière Fanny et rejoint Marie-Luce :
— Bien … je vais commencer par t’ausculter, d’accord ? Allonge-toi …

« « Eh ! Vous ne pensiez tout de même pas assister à un examen gynécologique, si ?
Eh ! Elle a même pas 15 ans ! Bon, une drôle de fille, d’accord ! Mais quand même !
Non, pas question, ces choses-là sont assez désagréables comme ça ! » »

Marie-Luce retrouve sa mère qui l’attendait dans sa voiture :
— Ça s’est bien passé avec le médecin ?
— Ouais … ça va !
— Qu’est-ce que …qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— D’enlever ma culotte et d’écarter les …
— MARIE !!! voyons !
— Ben quoi ? J’étais là pour ça, non ? Il avait les mains froides !
— Et … c’est tout ?
— Quoi ? Ce que tu lui as demandé ? Ben il m’a dit qu’il fallait mettre des capotes et que si je lubrifiais pas, il fallait que je mette du gel, et que si je voulais prendre la pilule, il fallait d’abord que j’en parle avec toi.

Fanny conduisait en regardant droit devant elle, les joues cramoisies. Ses lèvres tremblaient un peu et elle s’est grattée la gorge avant de commencer :
— Mais … tu … il n’est pas question que …
— Que ? Mais non maman, il n’est pas question. Enfin, pas tout de suite ! Et puis tu sais, tout ce qu’il m’a dit, je savais déjà.
Marie-Luce se met à rire en regardant Fanny :
— Il est marrant le médecin … il était aussi rouge que toi en ce moment ! … Oh ! Arrête-toi là ! Y a Manon !
— Tu rentres pas trop tard !
— D’accord !

« « Entre copines, on se dit quoi ? Ecoutons … » »

Marie-Luce rejoint Manon qui lui faisait de grands signes :
— Tu fais quoi ?
— J’étais au toubib !
— C’était le jeune ?
— Ouais !
— Il est pas mal, non ?
— Carrément ! Vachement mignon !
— T’es malade ?
— Non, mais j’ai mal au ventre quand j’ai mes machins, et puis ma mère voulait qu’il me parle ! Elle m’a vue avec Jonathan à la sortie du bahut, ça la fait flipper !
— Il t’as dit quoi ?
— Qu’il fallait mettre des capotes !
— Cool … t’as bien fait d’y aller !
… et elles explosent de rire toutes les deux.
— C’est dommage, il avait les mains froides …

Marie-Luce, se faire tripoter cuisses ouvertes par le médecin, même s’il est « vachement
mignon » comme elle le dit en roulant des yeux, ça ne lui a pas vraiment plu, une expérience désagréable, mais pour elle c’est le grand fait du jour, alors pour Manon, elle en rajoute, tient à garder la vedette. Regard droit, à voix basse :
— Il m’a mis un doigt … avec du gel, entre les fesses aussi … et puis il m’a tâté les seins, après …
— Ah bon ? C’est … normal, ça ? Moi la première fois c’était le vieux ! Il m’a pas fait. Beurk ! Heureusement que ma mère était là !
— Moi elle s’est barrée ! Elle voulait qu’il me cause ! Tu parles …
— Il en a profité pour te tripoter, tu crois ?
— Il aurait pu … J’avais les tétons tout durs … je crois qu’il a vu …
— Il a quel âge, tu crois ? Il bandait ?
— Sais pas … il avait une blouse.

— T’aurais pu lui dire que c’était pas la peine qu’il se fatigue ! Entre les cours de SVT et ton frère qui expose son machin … ! Il est un peu fou, ton frangin, non ?
— Un peu, ouais !
— Mais … il se cache même pas ? pour …
— Tu sais, on dort dans la même chambre depuis toujours, alors se cacher … même si on voulait … n’empêche, j’aurais pas cru qu’il le ferait devant toi ! Te voir te balader avec le string de Caro, ça l’a rendu moitié dingue !
— Tu crois qu’elle s’est aperçue qu’on avait touché à ses fringues, l’autre jour ?
— Je sais pas, en tout cas elle a rien dit … Tiens ! Quand on parle du loup ! Elle est là-bas, avec ta mère.

Bras dessus bras dessous, elles traversent la place et font coucou de la main à la mère de Manon, Brigitte, qui prend un café en terrasse avec Caroline.
— Qu’est-ce qu’on fait ? On va chez moi ?

« « Vous croyez que c’est facile, d’être la mère d’une ado ? On voudrait tout savoir … et ne pas savoir … » »

Les deux filles s’éloignent, suivies des yeux par Brigitte et Caroline :
— Qu’est-ce qu’elles grandissent ! La tête de Fanny la semaine dernière quand elle a vu sa fille embrasser un garçon à la sortie du Lycée ! C’était trop marrant ! Elle est passée par toutes les nuances de rouge ! … et ta fille ? Elle a un petit copain, la tienne ?
— Je crois pas.
— Elle te le dirait ? Elle a 15 ans, ça serait normal, non ?
— Je préfère pas trop y penser ! En ce moment, elle me dit pas grand-chose … c’est l’âge !
— Moi à leur âge …
— Ne me dis surtout pas ! Je ne veux pas savoir ce que tu faisais à leur âge ! Je ne veux pas penser à ça en regardant ma fille ! Mon bébé …
— Tu fais l’autruche !
— Laisse-moi mes illusions … ma petite-fille … t’as un garçon, toi, c’est pas pareil.
— Il grandit aussi ! La semaine dernière en changeant ses draps, j’ai vu des tâches … suspectes. Tu te rends compte ? Même pas 13 ans ! Les filles, c’est plus discret, mais …
— Tais-toi !!!
— Moi …
— Arrête ! ça non plus je ne veux pas savoir !
Caroline rit en regardant Brigitte qui se bouche les oreilles et prend une mine fâchée, démentie par ses yeux brillants d’amusement :
— Si tu tiens à raconter ta vie d’ado, va donc raconter ça à Fanny ! Parce que Marie-Luce et son frère, ça m’a l’air de sacrés numéros, ça lui ouvrirait les yeux !
— Et je te signale que ta fille traîne avec Marie-Luce …

Caroline, une semaine plus tôt, à la piscine, bien que très absorbée par les marques aperçues sur le corps de Fanny, avait aussi remarqué les mains baladeuses des ados pendant qu’ils jouaient dans l’eau, et que Manon n’était pas la dernière à ces jeux, mais elle n’en a rien dit à Brigitte.
Elle n’a rien dit non plus de ce qu’elle avait remarqué en se rhabillant, la trace sur le gousset de son string qu’elle avait pris dans son sac, pourtant sorti tout propre de sa commode pour se changer après la piscine. Elle était repartie de chez Julia comme elle était venue, avec son maillot de bain. Le parfum au fond du string ne laissait aucun doute : une des filles l’avait enfilé et tâché de sécrétions vaginales … Marie-Luce ? Manon ? Elle a préféré n’en rien dire à Brigitte.

Même elle, cependant, aurait été estomaquée de savoir ce qui se passait en ce moment même, pendant que Brigitte et elle prenait le soleil en terrasse, et que Fanny était dans sa boutique.

« « Ah ! Les ados ! Pas tous ? Bien sûr que non … Mais … ceux-là ! » »

— Bonjour Manon !
— Bonjour madame.
— Maman, on va écouter de la musique dans ma chambre.
— D’accord.

Les deux filles étaient sur le lit du haut, les écouteurs aux oreilles. Marie-Luce battait du pied, les yeux fermés. Manon, le son de son MP3 réduit, un seul écouteur à l’oreille, guettait le bruit rythmé et la respiration hachée qui venait du lit d’en-dessous.
Marie-Luce a ouvert les yeux et enlevé un de ses écouteurs en se tournant vers Manon :
— Il est infernal, je t’avais dit ! Il matait ta culotte quand t’es montée, il en a pour un moment …
En riant, avec un clin d’œil, Marie-Luce s’est approchée du bord du lit pour regarder sur la couchette en-dessous. Manon aussi s’est approchée du bord du lit pour voir ce qui se passait. Un peu gênée ? A peine … elle n’aurait pas osé, mais puisque Marie-Luce montrait l’exemple …
— Je t’avais dit ! Infernal !
— C’est quoi ce truc ?
— Ma culotte d’hier …
— Et tu dis rien ?
— Si ça l’amuse ! Il l’a piquée dans le panier à linge … Eh ! Mathieu ! Tu veux pas celle de Manon ?
— T’es folle ? C’est dégueu ! Je vais pas lui filer ma culotte !

Si Fanny avait su ce qui se passait à l’étage ? Elle ne voulait pas savoir … Brigitte ? Brigitte se serait fâchée tout rouge, aurait crié sans doute.
Caroline ? Elle aurait ri ! Des ados ! Des ados peut-être un peu spéciaux ? Peut-être …
Epoque de découvertes, certes, mais de là à les partager !

« « Mais elles ne savent pas. Elles traînent en terrasse. Il fait beau. Elles plaisantent … et parfois, les mères, elles se lâchent un peu ! » »

— Et celui-là ? Pas mal, non ? Sa chemise est moche, d’accord, mais il a l’air plutôt gâté par la nature, tu trouves pas ?
— Hein ? Quoi ? De quoi tu parles ?
— Le type, là-bas, la voiture blanche, il a un gros zizi !
— Ben … comment tu sais ça ? et puis c’est quoi, ça : « un zizi » ! non mais tu t’entends ? tu parles comme une gamine, maintenant ?
— Comment tu veux que je dise ? Une bite ? Un braquemard ? Un joli paquet ?
— Je veux rien moi !T’as rien d’autres à regarder que le pantalon des hommes ?
— C’est marrant ! Tiens, celui-là , regarde !
— Mais non ! J’ai pas envie de regarder la braguette de tous les types qui passent !
— T’es une bêcheuse ! Tu dis ça, mais je suis sûre que tu mates !
— Qu’est-ce qui te prend ? T’es en manque ? Alex te tourne le dos, en ce moment ?
— Bof, il est pas très en forme, c’est vrai, mais c’est pas ça … c’est comme … tiens ! J’ai des fringues plein mes armoires mais ça m’empêche pas de faire du lèche-vitrine ! C’est pareil !
— Fais attention à ce que tu dis !
— Quoi ?
— LECHE-vitrine ! Vu ce que tu regardes …
— Mmm … Pas lui ! ça donne pas envie, il fait négligé, pas de LECHE-vitrine avec lui.
— T’es ignoble !
— Quoi ? Tu le sucerais, toi ?
Brigitte secouait la tête et se laissait gagner par un fou-rire. Son regard allait du monsieur attablé à l’autre bout de la terrasse à Caro qui continuait à le regarder d’un œil évaluateur en faisant la moue, l’air dépité.
— Ah ! Tu vois bien ! toi non plus !
— T’es pas possible !!!
— Allez … me dis pas que tu regardes jamais ! Allez …
— Mais non !
— Même pas le cul ? Un beau cul de mec, bien moulé dans un jean’s ! On peut s’attarder, non ? Un cul bien moulé …

… elle joignait le geste à la parole, les mains ouvertes au-dessus de la table devant elle.
— Qu’est-ce que tu crois qu’ils matent, les mecs ? D’accord, si tu poses la question, ils te diront qu’ils regardent nos yeux, s’ils sont à peine plus honnêtes ils diront « l’allure, la silhouette ». Mon œil, oui ! Ils matent les seins et le cul !
— C’est pas une raison de faire comme eux. Et puis ils sont pas tous comme ça !
— Taratata ! Tous ! Même ton mari, ma poule, comme les autres ! Et puis c’est tant mieux ! A quoi ça servirait qu’on se fasse belles, qu’on fasse ces régimes à la con, qu’on s’achète des petits trucs mignons s’ils ne nous regardaient pas ?
— C’est pas très valorisant …
— Eh ! Je t’ai vue !
— Quoi ?
— Le type qui est rentré ! T’avais l’œil baladeur !
— C’est ta faute … il avait de belles fesses … moi je regarde plutôt les fesses …
— Aaaaah ! Tu vois bien ! Tu fais ta sucrée, mais t’es comme tout le monde, Brigitte ! Pour le coup, celui-là, je l’ai raté. Préviens-moi quand il ressort.
— Tu vas finir par nous faire remarquer.
— T’inquiète pas. Il fait beau, la vie est belle, on peut bien rigoler, non ?
Brigitte aussi pensait que la vie était belle. Mais elle n’a rien dit.

Des quatre, la « bande des quatre » comme on les appelle dans le village, Brigitte est celle qui écoute, qui prête oreille aux petits malheurs des trois autres, qui console. Mais d’elle, elle ne dit rien. Les autres travaillent, elle, est mère au foyer.
Un mari qui voyage beaucoup, ses trois s, elle a de quoi s’occuper.
Une vie rangée ? Lisse ? Sans surprise ? Ses amies parieraient là-dessus !
Caroline et sa vie de patachon, Fanny plus souvent à l’église que dans sa boutique, Julia qui ne fait pas mystère de ces goûts éclectiques, mais Brigitte ? Mère, grande sœur, jusque dans son physique généreux !

Et pourtant !
Tous les mercredis et les vendredis après-midi, elle est dans les bras de son amant, celui qu’elle voit depuis quelques mois, qui a succédé à un autre qui a été muté dans le sud, qui lui-même … Depuis toujours ! Depuis toujours elle se partage entre son mari voyageur et un amant, et jamais personne n’a rien deviné de sa double vie.
Brigitte aime le sexe. Elle n’en parle pas comme ses amies, ne s’affiche pas. Une pratiquante zélée et gourmande !

Alors elle n’en dit rien, mais oui, elle trouve aussi que la vie est belle !
Bientôt 38 ans, 17 ans de mariage, et une collection d’amants ! Son mari ? Il sait. Il sait depuis longtemps. Le problème des voyageurs, c’est qu’ils rentrent parfois plus tôt que prévu, qu’ils ne pensent pas toujours à téléphoner avant. Souvent ça fait des drames, et plus rarement, ça se passe bien.
Ils étaient mariés depuis trois ans, quand Gilles a trouvé Manon babillant dans son berceau au pied du lit où Brigitte était très occupée, à cheval tête-bêche avec le fils de leurs voisins qui visiblement ne se contentait pas de s’occuper de leur pelouse.
Le jeune-homme et Gilles s’étaient tous deux figés, le premier le visage noyé entre les cuisses de Brigitte, le second les yeux irrésistiblement attirés par la croupe généreuse de son épouse.
Brigitte a redressé la tête, abandonnant pour un temps le sexe tout humide de salive qu’elle tenait dressé d’une main et a tourné le visage vers son mari :
— Oups ! Je ne t’attendais pas …
— Je prends Manon, on se voit plus tard …
Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre, le jeune-homme tremblait un peu et débandait, très surpris en voyant Gilles prendre le bébé dans ses bras et leur sourire en ajoutant :
— Désolé d’avoir interrompu un bon moment, mais continuez, je m’occupe du bébé.
En quittant la chambre il a doucement tapoté la croupe de sa femme.

Gilles et Brigitte riaient le soir dans le canapé, Manon endormie dans les bras de sa mère, serrés l’un contre l’autre :
— Le pauvre garçon ! Il tremblait tellement !
— Je suis sûr que tu as su faire ce qu’il fallait !
— J’ai eu un peu de mal … mais … oui.
Gilles savait déjà que son épouse se consolait de ses absences dans d’autres bras que les siens, Brigitte savait que dans ses déplacements il faisait parfois des rencontres, et tous les deux l’acceptaient.
Un couple étonnant. Ils ne s’étaient promis qu’une chose : elle qu’elle n’aurait d’s que de lui, lui qu’il n’aurait d’aventures qu’avec des femmes qu’elle ne rencontrerait jamais. Vraiment un couple étonnant.
— Pauvre garçon … tu crois qu’il continuera à tondre notre pelouse ?
— Bah, je saurai bien le convaincre.
— Tu sais que j’ai failli rester avec vous ? Toi … les fesses levées … waouh !
— Tu veux que je lui en parle ?

Depuis toujours, Brigitte a des amants. Elle est discrète. Très discrète. Jamais ses amies n’ont soupçonné de ses doubles vies.

Alors oui, attablée en terrasse avec Caroline, elle aussi trouve la vie belle !
Elles regardent les messieurs qui passent, font quelques commentaires, surtout Caroline puisque Brigitte se retient, reste dans son rôle, son image.
Elle ne lui dit pas que ces messieurs elle les trouve pour la plupart trop vieux. Elle, ce qu’elle aime, ce sont les jeunes hommes.
Son amant du moment a 23 ans, un étudiant qui paye ses études en travaillant chez Décathlon. Ils ont plaisanté pendant qu’elle choisissait une tenue de gymnastique pour sa fille : il faisait la moue en regardant tantôt elle et tantôt la tenue qu’elle tenait devant elle, une taille 36, ils avaient ri :
— Celle-ci ne vous ira pas !
— Ah ? La couleur, vous croyez ? Trop triste, vous avez raison ! Trouvez-moi quelque chose de plus seyant !
Il avait disparu dans les rayons, était revenu vers elle un panier plein de tenues improbables : un short de basket, un maillot de bain rose avec des tongs assortis, un kimono de judo :
— Reste à essayer !
Il n’y avait pas grand-monde ce jour-là dans les allées du magasin et les cabines d’essayage étaient désertes. Par jeu, elle avait tout essayé, lui avait demandé son avis en sortant de la cabine où elle se changeait, sauf le maillot de bain :
— La couleur ne vous plaît pas ?
— Je crains que vous n’ayez sous-estimé la taille des bonnets.
— Eh bien ne mettez pas le soutien-gorge !
— Si je me passe de l’un autant me passer de l’autre !
— Bonne idée, le non-maillot, c’est un concept ! Essayez !
Brigitte a des formes généreuses, c’est vrai, mais n’en a jamais fait aucun complexe, et le jeu avec ce jeune homme lui plaisait, le jeune-homme lui plaisait. Elle était nue en entrouvrant la porte de la cabine d’essayage.
— Ce non-maillot vous va à ravir ! J’aimerai bien avoir le même …
— Vous venez l’essayer ?
C’était une première pour elle, pour le jeune-homme aussi, d’ailleurs. Tous les deux ont trouvé que ces cabines étaient bien mal adaptées.
Elle se tenait d’une main au porte-manteau fixé sur la cloison, un pied sur la tablette formant siège. Il se tenait à ses hanches la laissant le guider d’une main entre ses jambes.
La position était un brin sportive, mais après tout, c’était chez Décathlon !
Elle a visité le studio du jeune-homme le mercredi suivant. Il n’était pas bien grand non plus, mais au moins il y avait un lit :
— Entre la cabine et ton studio, tu es la seule chose de taille correcte !
— Seulement correcte ?
— Pardon, tu as raison, mieux que correcte … adaptée, tout à fait adaptée … est-ce que tu veux … comme ça ? Là ?
Peu d’hommes refusent une telle proposition !

Elle n’a rien dit quand Caroline au soleil en terrasse essayait de deviner si les messieurs qui passaient étaient ou non bien membrés. Elle n’a rien dit mais elle est presque experte à ce jeu-là, elle se trompe rarement en choisissant ses amants.
Elle ne dit rien non plus, garde un visage de marbre, prend parfois la même mine outrée que Fanny quand Caroline, pour choquer, leur vante les plaisirs de la sodomie.
C’est pourtant à la combinaison des deux qu’elle trouve son bonheur …
Si ses amies savaient … Mais Brigitte est la grande sœur, la mère … elle se tait.

« « C’est un petit village, il s’y passe tant de choses ! encore tant de choses à vous raconter … » »

« « A bientôt ? » »

Misa – 11/2015

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