Les Découvertes De Ludivine - 3 : La Manif
""Ludivine : vous sous souvenez ? Une jeune et jolie fille, blonde, cheveux courts doucement ondulés ... grande, vraiment jolie, 18 ans ... non ?
Bon voyons ça autrement : un pensionnat pour jeune-filles de bonnes familles, des soeurs, son amie Luce ;ensemble elles ont découverts le sexe entre filles à 14 ans ; à 16 ans, avec un petit cousin de Luce, elles ont appris ce qui plaît aux garçons ... c'est mieux?
Je m'en doutais ! Dès que ça devient un peu cochon ...
Depuis deux mois l'Ecole grondait d'indignation, le scandale du monde en avait franchi les portes : le mariage pour tous ! Indignation et horreur !
A l'Ecole, les amitiés particulières entre filles étaient monnaie courante ... mais ... c'était différent !
Mais que des gays veuillent se marier ... entre eux, quelle honte ! Le mariage ! Cest sacré le mariage ! Cest pas pour les
Les soeurs en étaient toutes retournées ! Ludivine ? Cette manif ? L'occasion d'une sortie ...
La liaison était mauvaise, entrecoupée. Elle a compris "...l'Etincelle ... bar ...", le lieu de rendez-vous avec Luce et son fiancé, celui que sa famille avait choisi pour elle, la Banque épousant le vin de Bordeaux.
L'Etincelle. Ludivine n'était pas inquiète, il faisait un temps magnifique : elle trouverait.
Beaucoup dans le métro se sont retournés sur cette grande fille blonde aux cheveux courts et épais, doucement ondulés, une silhouette de mannequin dans un tailleur bleu marine près du corps.
Ils se sont retournés parce qu'elle est fraîche et jolie, toute jeune, qu'elle sourit en croisant les regards, ce qui déjà est étonnant à Paris, convenons-en !
Ils ont remarqué l'élégance et la finesse des jambes, les hauts talons qui claquaient dans les couloirs du métro. Quelques-uns dans le wagon ont levés les sourcils en voyant au revers de la veste la croix épinglée, à l'autre revers le badge rose de la "manif pour tous". D'autres préféraient admirer les fesses moulées par la jupe sous la veste courte.
Elle n'avait pas pu noter l'arrondissement, n'avait pas compris le nom de la rue, elle s'est fiée à l'application sur son téléphone portable.
Deux fois elle a vérifié lenseigne du café, peu rassurée de ce qu'elle devinait de l'intérieur au travers des baies vitrées et cherchant en vain un visage connu.
Elle est entrée.
Devant le comptoir, elle fouillait la salle du regard sans reconnaître personne, ne voyait ni Luce ni Jean-Charles.
Parce que toutes les tables étaient prises et quelle voulait guetter larrivée de ses amis, elle a commandé un chocolat chaud et est restée près de lentrée au comptoir, au milieu de passage
Certains lécartaient dune main sur lépaule, et quelques-uns la bousculaient sans un mot dexcuse.
Une nouvelle fois bousculée pendant quelle portait la tasse de chocolat à ses lèvres, elle sest retournée pour faire une remarque acerbe, et sest retrouvée nez-à-nez avec une fille de son âge qui se tenait tout contre elle, elle-même poussée dans le dos par un serveur : des cheveux roux en épis, des yeux bleus pleins de rire, des tâches de rousseur semées sur le nez et les joues rebondies dun grand sourire. Comment se fâcher ? Impossible !
Une si jolie frimousse ! Elle a souri en retour à la jeune-fille qui lui adressait une mimique dexcuse en riant :
Désolée
cest moi qui ai fait ça ?
La fille a levé la main pour effacer sur la lèvre de Ludivine la mousse du chocolat qui sy était collée quand elle lavait bousculée :
Oups ! Ça te faisait une moustache !
Quelquun venait à nouveau de pousser la fille et elle se retrouvait plaquée contre Ludivine.
Elle riait, se retenait dune main au comptoir, de lautre main sur lépaule de Ludivine, ne faisait aucun effort pour sécarter, au contraire a plongé son nez dans son cou :
Je fais pas exprès
mais cest pas désagréable, et puis tu sens drôlement bon ! Marco ? Tu me fais un demi, sil te plaît ?
Ludivine qui était jusque-là très préoccupée de ne pas voir ses amis, a enfin compris ce qui depuis le début la mettait mal-à-laise : elle a vu les banderoles et les foulards arc-en ciel, compris les regards étonnés et les sourcils froncés quand ils se posaient sur elle, a rougi en entendant celui à qui elle venait décraser les orteils dire dun ton moqueur :
Ben dis-donc, Aurélie, tu nous a pêché un drôle de poisson !
Ludivine se rendait bien compte que cétait elle le drôle de poisson, avec son petit tailleur et le gros badge de la « Manif pour tous » épinglé au revers !
Javais rendez-vous avec des amis
j'ai dû me tromper.
Ah ça ! Y a des chances ! Tinquiète pas ! Si tes amis sont comme toi, on les repèrera facilement ! Moi, cest Aurélie ! Et toi ?
Ludivine.
En mordant un sourire amusé, un peu moqueur, Aurélie la dévisageait, baissait les yeux sur le tailleur et le petit foulard, la croix épinglée au col dun côté, le badge de lautre, la jupe étroite et les hauts talons :
Elle riait franchement en bousculant le badge « Manif pour tous » du bout de lindex tendu :
Tinquiète pas ! On est pas sectaires ! On te mettra sur la route ! Dailleurs on part bientôt ! Tes quand même gonflée !
Deux fois Ludivine a essayé de joindre ses amis au téléphone : pas de réponse.
Quelquun a donné le signal du départ et le café sest vidé. Tous se sont rassemblés dans la rue, ont déplié leur banderoles et sont partis en cortège.
Plusieurs dentre eux fronçaient les sourcils en se retournant vers Ludivine. Aurélie la retenue pour quils marchent en queue, lui a mis son duffle-coat sur les épaules pour cacher sa tenue qui faisait tache au milieu de leur troupe, a enroulé un foulard arc-en-ciel autour de son cou dont un pan masquait le badge « ennemi » au col de la veste de son tailleur, et a pris son bras sous le sien pour suivre la troupe.
Cest juste pour un moment, tu me les rendras quand je te mettrai sur ta route !
Elle nen a pas eu loccasion.
Leur troupe approchait de République quand un groupe de jeunes a débouché dune rue en criant : « Barrez-vous les pédés, pas de ça chez nous ! ».
Tout le monde courait. Tout le monde criait.
Pantalons noirs, blousons rembourrés, des bâtons, des rangers.
Ludivine était figée. Elle na pas couru, ne sest pas enfuie quand le groupe sest éparpillé.
On la bousculée, elle est tombée. Des coups, sur le dos, la tête, des coups de pieds, dans les reins, dans le ventre et la poitrine. Un poids sur elle, son visage caché. Des cris.
Quelques secondes à peine, une éternité.
Ça va ?
Je sais pas
non
Aurélie la aidée à sasseoir.
Un peu plus loin un garçon était à quatre pattes, tête basse, il geignait. Elles deux. Et la rue vide et silencieuse.
Elles sont entrées dans un bar pour se passer le visage sous leau dans les toilettes et remettre un peu dordre à leur tenue. Ludivine avait du mal à marcher, Aurélie la soutenait dun bras autour de la taille.
Ludivine pleurait doucement en tenant son bras droit contre elle au bout duquel sa main tremblait.
De la main gauche elle a arraché de son col le badge rose et la jeté au fond de la salle.
Aurélie avait voulu lemmener aux urgences, mais Ludivine a énergiquement refusé.
Elle a essayé sans succès de joindre ses amis, ceux quelle aurait dû retrouver en début daprès-midi, a parlé de reprendre le train pour Le Mans :
Tu peux pas rentrer comme ça ! Ta veste est déchirée au coude, ta jupe a un accroc
il faut te changer.
J'ai rien pris pour me changer.
Elle habite où, ton amie ?
Chez son fiancé
Elle est à la manif.
Bien protégée par les salauds qui nous sont tombés dessus ?
Je sais pas, Aurélie, je savais pas quil y avait des types comme eux.
Ça va
je te confonds pas avec ces mecs. En attendant, on va chez moi.
Un studio tout petit, au sixième, de grandes toiles de couleurs chaudes agrafées aux murs pour réchauffer lambiance. Un petit nid douillet.
Voilà mon palais. Ne regarde pas le désordre. Personne ne vient jamais, alors
Ludivine ne regardait rien, elle tremblait. Elle avait tenu jusque-là, mais arrivée au studio dAurélie, ses nerfs lâchaient.
Va faire un brin de toilette, et puis tes fringues sont dans un sale état, enlève-les, je te prépare de quoi te changer, va !
Pas de réponse. Ludivine tremblait, les yeux dans le vague, gémissait en se balançant davant en arrière.
Aurélie a fouillé son armoire, na trouvé dans ses affaires quun pantalon de zouave noir qui pourrait aller à Ludivine, a ajouté un grand pull tricoté par sa mère.
Hasard, destin, il faut tellement de détails, dévènements improbables pour que deux filles comme elles se rencontrent ! Ça ressemble à quoi ? aux scénarios un peu gnangnan quon voit au cinéma ! Meg Ryan et Tom Hanks, Julia Roberts et Richard Gere
Euh
il est où le mec, ici ? Pas là ! Pas de mec ! Au ciné, cest rarement deux filles ! Et pourtant, cest pareil, non ? la même histoire
hétéro, homo, quelle importance !
Aurélie a fait un peu de ménage pendant que Ludivine était dans la salle de bains, un peu honteuse du désordre qui régnait dans sa chambre. Elle a arrangé la couette, retapé les oreillers, rangé les affaires qui traînaient un peu partout, sur le dossier de ses deux chaises et parterre, a lavé dans lévier la vaisselle de la veille et du matin, a débarrassé la petite table et rangé son bureau.
Souvent elle portait la main à sa joue où le coup quelle avait reçu la lançait, se frottait la hanche où elle avait elle aussi reçu un coup de pied des brutes qui les avaient agressés.
Elle guettait le retour de Ludivine, sinquiétait du temps quelle mettait. Ny tenant plus, elle a frappé à la porte :
Ça va ?
Pas de réponse.
Ludivine ? Je vais entrer
Elle a entrebâillé la porte, jeté un coup dil, est entrée en voyant Ludivine prostrée, assise sur le carrelage dos au mur en face du lavabo, les deux bras fermés sur ses jambes repliées, le front appuyé sur ses genoux.
Eh
ça va pas ? Tas mal ?
Ludivine nétait plus vêtue que de ses dessous et de son chemiser ouvert. Ses joues étaient mouillées de larmes quand elle a levé le visage vers Aurélie, en se forçant à sourire :
Ça va aller
ten fais pas
je récupère
Tas mal ?
Un peu partout
Je ... tu pourrais aussi me prêter une culotte ?
Elle essayait un pauvre sourire en sessuyant la joue du plat de la main :
C'est ... j'ai eu peur ... j'ai honte ...
C'est rien ! T'en fais pas. Je vais t'en chercher une, bouge pas.
Elle la aidée à shabiller, en se retournant quand Ludivine a changé de petite culotte et en faisant bien attention à ne pas effleurer sa peau ensuite, toute rougissante, et ça ne lui ressemblait pas, à la voir quasi nue et tellement jolie quelle préférait détourner les yeux des longues jambes et des fesses sous le nylon léger de la culotte un peu trop grande pour elle qu'elle lui avait prêtée, la plus jolie qu'elle ait trouvée dans ses affaires. Elle lui murmurait des bêtises à loreille pour essayer de la faire rire, et surtout pour ne pas trop penser, ne pas trop rêver ; ce n'était pas vraiment le bon moment.
Sur le quai de la gare, Aurélie se moquait gentiment de lallure de Ludivine, qui marchait à petits pas hésitants pour soulager sa jambe, en pantalon de zouave et chaussures à talons, les mains cachées dans les manches trop longues du pull tricoté en grosse laine.
Aurélie ? toute la semaine, repensait aux yeux malheureux pleins de larmes dans la salle de bain, , au parfum dans son cou quand elle la consolait dune bise sur la joue et la berçait en disant des bêtises
aussi aux longues jambes bronzées et aux jolies fesses quand elle s'était changée. Elle navait pas osé. Ni dire ni montrer. Intimidée, empruntée, elle qui na pourtant aucune honte à aimer les filles.
Ludivine ? Elle na raconté quà Luce. Elle a dit son « aventure », a ri avec elle, un peu, sest sentie gênée, et en colère du snobisme stupide et du mépris affiché par Luce pour « cette rouquine, une gouine sans doute !», qui lavait attifée de ce ridicule accoutrement.
Elle se souvenait trop bien des joues rouges et des taches de rousseur sur le nez plissé dinquiétude, des regards vite détournés.
Il ne sétait rien passé
et ce rien sonnait comme un regret, un vide, un manque quelle ne sexpliquait pas, un rien qui pourtant rendait impossibles et laides les caresses vides de sens dont elle saccommodait avant avec Luce.
Le samedi suivant à ses parents Ludivine a dit rester au pensionnat, aux surs elle a dit passer le samedi chez ses parents, à Aurélie au téléphone elle a dit je te ramène tes affaires demain.
A ses amies Aurélie a dit « Pas demain, je travaille », a passé la soirée du vendredi à laver, ranger son studio, sest appliquée le matin après sa toilette à domestiquer les épis sur sa tête, et depuis la première fois depuis longtemps sest essayée à maquiller ses joues et ses yeux, sest parfumée dans le cou.
Toute une semaine à penser lune à lautre aux moments les plus inattendus, à sétonner de ces pensées, les a faites timides à se revoir, à échanger une bise sur le seuil du studio.
Ludivine a vu le changement, le petit bouquet sur la table basse, et le ricil aux paupières. Aurélie a rougi quand Ludivine lui a dit avec un petit sourire « tu es toute jolie ».
Elles ont parlé de la manif, Aurélie disait «
cest ma faute, je tavais déguisée
», Ludivine répondait dune petite voix «
comme ça on se connaît
».
Aurélie a parlé de la fac de droit, Ludivine du pensionnat, chacune mesurant ce qui les séparait et incapables des mots ou des gestes qui les rapprocheraient.
Il y avait des blancs dans la conversation, une gêne quelles narrivaient pas à dépasser.
Aurélie savait ce quelle ressentait et était paralysée, Ludivine ne savait pas très bien ce qui lui arrivait et en était perturbée.
Il a fallu une course pour prendre le métro en retournant à la gare pour que Ludivine prenne la main dAurélie pour lentraîner en riant derrière elle, cette main quAurélie na pas lâchée dans le wagon de métro et les couleurs à leurs joues en échangeant un regard, la chaleur de leurs joues à la bise sur le quai de gare pour quelles sachent lune et lautre que ce contact allait leur manquer. « Tu reviens quand tu veux
», « Daccord , samedi prochain ? ».
Leurs sourires étaient lumineux, leurs yeux brillaient.
Aurélie savait, Ludivine toujours pas.
Toujours pas, mais le soir où Luce après sa toilette de nuit sest approchée de son lit en battant des cils outrancièrement, leur code en prélude à leurs caresses, elle a trouvé un prétexte pour ne pas lui ouvrir ses draps. Elle ne voulait pas de ses froides caresses, si ternes et déplacées, des gestes qui aujourdhui lui semblaient pathétiques.
En lui tournant le dos elle savait « Si cétait Aurélie
», et pour la première fois ce jeu sous les draps prétexte à confidences, initiatique et provocateur, perversion en réaction aux valeurs imposées, nétaient plus un jeu mais un désir véritable, né dun sentiment diffus quelle croyait réservé et dû à celui qui partagerait la vie quon préparait pour elle.
Le samedi suivant, leur troisième rencontre, Ludivine sent ses joues piquer et ses seins durcir à la seule vue du sourire qui fait briller les grands yeux bleus dAurélie qui lattend en bout de quai.
Elle a 18 ans.
Elle sait lattrait que peut avoir linterdit, combien la transgression peut enflammer le corps et lesprit, elle y a réfléchi toute la semaine, et chaque fois de grands yeux bleus venaient balayer ces pensées froides.
Elle a 18 ans et vit toute étonnée les premiers émois de son cur, riant de lhypocrite permissivité de son éducation qui admet que deux filles se livrent à des jeux dans la nuit, puisquon est « entre soi », mais renie tout sentiment.
Malgré cela, Ludivine accepte, sans aucune retenue, accepte dêtre attirée
amoureuse ? dune fille ?
Aurélie était inquiète daimer sans retour. Ludivine, elle, est passée directement des questions à lintention. Cest elle qui après une bise sur la joue dAurélie a effleuré sa bouche de ses lèvres, a ri de léclair de surprise dans les yeux en haussant les épaules, a murmuré en collant sa joue à la joue dAurélie « Jai beaucoup pensé à toi
», elle riait en songeant toute étonnée « Luce, je ne lai jamais embrassée comme ça ! ».
Où on va ?
Ludivine a glissé son bras sous le bras dAurélie, la suivie sans se poser de question, juste occupée de suivre son pas.
Je sais pas
où tu veux. Tu repars à quelle heure ?
Ludivine riait de la voir si troublée :
Tu veux déjà que je men aille ? Chez toi !
Elles sétaient assises sur la banquette-lit, sétaient adossées au mur, après avoir enlevé leurs chaussures.
Ludivine a tendu la main vers son sac à main, elle se mordait la lèvre en jouant avec la fermeture du sac, et sest décidée à louvrir. Elle a jeté un coup dil vers Aurélie a sorti du sac une petite culotte rose en dentelle et une brosse à dents :
Jai pris le minimum vital
Aurélie mordait un énorme sourire à pleines dents.
Dun élan, Ludivine sest assise à califourchon sur les genoux dAurélie en retroussant bien haut sa jupe trop étroite pour lencadrer de ses genoux et a pris les joues entre ses mains pour lembrasser, de petits baisers qui piquaient ses lèvres, presque brusque, comme affamée davoir si longtemps refoulé son envie. Elles riaient.
depuis le premier jour
dans le bar
je pense à toi sans arrêt
Et tu mas sauvée des méchants !
Si je tavais pas entraînée avec moi
il te serait rien arrivé
cest ma faute !
Je te connaîtrais pas, ce serait bête
Tous les mots entrecoupés de petits baisers. Une main qui caresse une joue. Une mèche de cheveux repoussée dun doigt sur le front de lautre. Un rire quand Ludivine étire un épi de cheveux roux sur la tête dAurélie. Un rire , un sourire tremblé. La main sur un bras. Les doigts croisés aux doigts de lautre. Les tâches de rousseur balayées du pouce sur les joues dAurélie, un doigt sur les lèvres, mordu, pris entre les dents et gardé, embrassé, sucé. Elles se sont racontées, le bien le moins bien, tout.
Surprise ? Aurélie ? Oui ! Une fille « de
», un milieu social si éloigné du sien, elle qui drague les filles et parle fort et rit et qui se classe dans les « peur de rien », curieusement cette fille lintimide. Pour la première fois de sa vie, elle qui a toujours tout assumé avec hargne et désinvolture, Aurélie se sent « vilain petit canard ».
Elle, la première, naurait pas osé. Elle va rester ! Une petite culotte et une brosse à dents en promesse de rester avec elle. Elle y croit ? A peine ! Le chemisier ouvert, la jupe remontée haut sur les cuisses
invitation
Trop beau, trop attendu, trop espéré ? Et ce sourire quelle a ! Pas provoquant, juste
juste doux. Et ce regard ! Quoi ? Une pointe dinquiétude ? Elle ?
Un murmure, des mots soufflés, elle comprend ? Elle a dit
vraiment ?
Aurélie en tremble, elle la rugueuse, la battante, elle tremble devant cette fille assise sur ses genoux qui murmure quelle rêve delle, quelle veut ses baisers et ses caresses, qui dit quelle sait pas, que peut-être, peut-être elle est amoureuse, qui dit « explique-moi », qui a lair si sérieuse tout dun coup en se trémoussant sur ses genoux. Mais
elles se connaissent si peu !
Ludivine se penche, rampe sur ses cuisses et se colle tout contre elle, passe ses bras autour de son cou et niche son nez dans son cou, et serre, serre fort ses bras en se collant contre elle, tourne la tête pour susurrer des mots doux à son oreille
et Aurélie, les deux bras autour de la taille de Ludivine serre, serre elle aussi, ferme les yeux, brûlante, des papillons dans la tête la poitrine et le ventre.
Une éternité à se serrer dans les bras lune de lautre, joues brûlantes et souffles tremblés entre les baisers, plein de baisers, des baisers et des mots, pour retarder ? et puis allongées lune contre lautre, jambes nouées, Aurélie et son jeans, son sweat sous lequel une main se glisse pendant un baiser, Ludivine jupe en chiffon, son chemisier ouvert aux mains qui piquent sa peau et la font se cambrer.
Et
elles ont reculé ? pris leur temps ? patience et jeunesse ne vont pourtant pas toujours bien ensemble ! Des mots encore. Leur famille, leurs amies, Aurélie ses amours de filles, Ludivine sa relation bizarre avec Luce, ses cousins et cousines un hiver, parlé comme pour se libérer dun avant, le balayer, sen laver pour être entière et neuve pour lautre.
Ceux qui les ont croisées ce soir-là auraient parié que ces deux filles se connaissaient depuis longtemps, complices et amoureuses, un couple. Beaucoup ont pensé «
jaimerais quon me regarde comme ça
», un peu jaloux ? un peu
et puis ils se retournaient pour les suivre des yeux en souriant, parce que cétait deux bien jolies filles, parce que cétait deux filles.
Elles ont mangé dans un MacDo, se sont promenées à la nuit tombée sans but, plutôt sans autre but que de retarder le moment que pourtant elles attendaient toutes les deux, empruntées, timides à faire le premier pas ? le premier geste ? dans lintimité du studio ? lèvres mordues, regards évités, soupirs, main dans la main doigts serrés, indifférentes aux regards surpris ou amusés de ceux quelles croisaient.
Ludivine sest arrêtée sur le trottoir :
Ça mest jamais arrivé avant
être
crispée, tendue, et en même temps toute molle, liquide
des frissons tout le temps
je suis folle
Folle ? Pourquoi tu dis ça ? Tu
Tu sais, on peut
Viens !
Elle a tirée Aurélie à sa suite dans la petite impasse encombrée de grandes poubelles sur roulettes où les habitants de limmeuble avaient garé deux scooters, des vélos, sest collée le dos au mur et a attiré Aurélie contre elle, ses mains autour de son visage pour un baiser.
Maintenant. Sil te plaît, maintenant !
Aurélie la regardait étonnée, fronçait les sourcils :
Maintenant quoi ?
Ludivine se mordait la lèvre inférieure à pleines dents, les yeux écarquillés. Elle a pris une main dAurélie dans la sienne pour la tirer sur son ventre :
Jai jamais été comme ça
On ferait mieux de rentrer !
Non ! Maintenant
Avec
avec Luce on se met au lit et
et cest moche ! pas avec toi, pas pareil
avec elle cest
froid
cest triste
Toi cest différent ! Après ! On se mettra au lit après ! Je sens
je sens quavec toi
jai envie, envie vraiment
je suis amoureuse tu crois ? Moi je sais pas. Plus tard. Je veux pas que ce soit pareil. Je veux pas ! Ce serait trop
trop je sais pas quoi. Je suis un peu folle ?
Elle sest redressée, lair malheureuse, les yeux un peu mouillés.
Aurélie dune main entre ses seins la repoussée contre le mur, a gardé sa main appuyée fort contre elle :
Folle ? Alors je suis aussi folle que toi !
Pas un instant Aurélie na regardé autour delle, jeté un regard vers la rue quelles venaient de quitter. A deux mains elle a troussée la jupe de Ludivine sur sa taille. A deux mains elle a baissé la culotte aux genoux. Sans un instant quitter des yeux le visage de Ludivine, ses yeux écarquillés, ses joues brûlantes, et sa bouche grande ouverte, ses lèvres étirées dun sourire tremblé.
Dune main entre ses seins elle la plaquait contre le mur de brique, lautre glissait sur le ventre, doigts ouverts en peigne qui plongent dans lépaisse toison blonde que Ludivine na jamais voulue couper, résistant aux remarques moqueuses de Luce, plonge entre les cuisses ouvertes en vé, tendues, muscles tellement bandés quelle les sent trembler.
Bouche grande ouverte, sourcils froncés, Aurélie la sait toute proche, continue, continue, rythme lent, balaie de sa main à plat la tige dure sous ses doigts, étouffe le râle de plaisir dun baiser de toute sa bouche, bloque la caresse et soutient dun bras autour de sa taille Ludivine qui tremble et dont les jambes faiblissent, attend, quelle reprenne son souffle, quelle rende le baiser, et reprend, plus vite, plus fort.
Elles ont couru jusquau studio, ont couru tout au long des six étages. Porte claquée dans leur dos, un regard, ont fait la course en riant à la première qui soit nue.
Cest fini ? Cette histoire je ne sais pas
pour elles ça commence à peine.
Peut-être
peut-être que je parlerai encore un peu de Ludivine et dAurélie
Misa-04/2016
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