Sévices

Je ne supporte pas les larmes des femmes. Celle à côté de laquelle je prends place m’a cocufié, a vu pousser mes cornes sans émotion, m’a désespéré, n’est là que parce que on me l’a livrée avec ses vêtements. Elle n’a pas échoué là de son plein gré. L’annonce de sa répudiation n’a pas suscité des cris de joie, au contraire. Elle en a gros sur le cœur et ressent le besoin de se raconter, moins pour inspirer pitié que pour décharger sa conscience d’un lourd fardeau. Brutalement jetée face à moi, elle affronte son passé et ressent une gêne soudaine. Je suis condamné à l’écouter si je ne veux pas augmenter le flot de ses larmes.
- Oui, maintenant je vois clair : Nora ne m‘aimait pas, ou plutôt ne m‘aimait plus et, pour plaire à Richard, elle saisissait chaque occasion de lui prouver qu’elle ne voulait plus de moi. M’entends-tu ? Elle craignait que j’accapare son chéri et me poussait en touche. D’amie intime, je suis devenue une menace dangereuse, une ennemie gênante et inutile. Il y a eu de sérieuses empoignades pour me contraindre à partir. Cela commençait comme un jeu et finissait en petites s sournoises , puis des coups déguisés en bienfaits.
- Ah, avec des blessures physiques ?
- Les bleus que tu vois sur mes cuisses ? Ce ne sont pas des suçons, mais des marques de lubricité, des pinçons vicieux de Nora. Oui, et elle a eu envers moi quelques gestes de maltraitance avec un fouet. Richard riait de mes cris de douleur sous le fouet et essayait d’obtenir les mêmes, me strier les fesses de rayures l’excitait assez..
Les  « Je me suis cognée à un meuble » et autres excuses du temps où elle faisait partie du trio sont remplacés par des explications plus plausibles :
- Souvent, tous deux m‘expliquaient que ces gestes d‘amitié étaient censés éveiller mes sens endormis. Au cours des jeux à trois il n’y avait jamais de coups sur Nora, j’étais leur cible préférée, unique, bien que je n’aie pas eu besoin plus qu’elle d’être pincée, fouettée sur les fesses pour être chaude et réceptive.

Nora disait pour encourager Richard :
- « Ses fesses sont si belles quand elles sont rouge vif, gifle les plus fort, ou prends la cravache : elle est maso et elle aime ça. »
C’était faux, mais je me taisais. Mielleuse, elle m’invitait à intérioriser mes réactions,
- Ma chérie, ne geins pas, c’est pour accroître ton plaisir. Vois dans ce miroir ces preuves d’amour alignées sur tes magnifiques courbes, en raies de couleurs différentes selon leur ancienneté. J’adore ton cul bariolé, il faut que je l’embrasse.
Je recevais un baiser morsure en serrant les dents. Jamais donc, comme déjà souligné, les coups ne tombaient sur les rondeurs plantureuses de Nora. La surface pourtant était plus importante et j’aurais adoré, moi aussi, lui colorer la peau du cul à la cravache bienfaisante avant d‘y poser le baume de ma salive ou d’y graver l’empreinte de mes incisives en signe de mon amour. Comme elle j’aurais pris mon pied à la regarder tressaillir de joie au bruit du choc du cuir sur les fesses. Mais elle avait fait le plein de ces gâteries avec son défunt mari et s’en disait désormais dispensée. J’en recevais double portion !
Évidemment la garce m’obligeait à lui frotter doucement le clitoris ou à caresser de la langue ses petites lèvres puis elle réclamait l’assaut de Richard en elle. Et j’étais encore mise à contribution au service de l’amoureuse ambiguë. J’assurais les préliminaires et au signal, je guidais en elle, avec précaution, écartant les poils du bout des doigts, la verge dure, alors que je brûlais du désir de la recevoir en moi. Je tirais sur les nymphes délicates pour faciliter l’intromission du membre que je convoitais. Moi, j’aurais fait moins de manières pour l’accueillir. Ensuite venait le service après vente : je nettoyais la queue gluante à sa sortie du vagin et j’aspirais les sécrétions du mâle déversées dans sa femelle, avec l’obligation d’avaler les glaires de sperme qui débordaient du sexe de Nora. Une fois j’ai cru pouvoir recracher : Nora, en guise de punition, méritée bien sûr selon ses cris scandalisés, m’a planté dans l’anus, sans vaseline, un objet long en verre, une sorte de cône à la pointe arrondie et en a fixé à la peau de mes fesses la large base circulaire avec un scotch épais, puis elle m’a menacée :
- Va dans ta chambre.
Je vérifierai demain matin que tu as gardé ce jouet dans ton cul toute la nuit. Si tu l’as retiré, tu auras droit à cet autre plug de volume double pour 24 heures. Ça t’apprendra à gaspiller les matières nobles, rares et nourrissantes. Ie reverrai la question, tu dois être trop bien nourrie pour recracher toutes ces vitamines.
Ma nuit fut horrible, chaque mouvement involontaire promenait l’extrémité en verre contre les parois de mon intestin et, comme je craignais une perforation, je restai éveillée pour éviter de bouger en dormant.
Avec animosité Louise relate encore sa soumission aux sévices, le goût qu’elle y prenait, y voyant un avantage sur Nora. Plus on la maltraitait, plus elle se croyait aimée. Si l’homme battait tambour sur son cul ou la pinçait ou la brutalisait, lui liait les mains ou tirait sur ses cheveux pendant une levrette, c’était, oui c’était, précisait-il en catimini, Nora absente, parce qu’il trouvait Louise plus souple, parce qu’il l’aimait plus que la bien-aimée Nora. De même, plus elle se sentait privilégiée, plus elle couvrait la veuve de preuves de son amour, et elle se réjouissait de recevoir en retour des coups de son amoureuse. Nora en la maltraitant lui témoignait sa préférence ! Assurément l’amour rend aveugle ou idiot.
- Ils se sont bien foutus de moi pour aboutir à ce « Je te rends ton bien le plus précieux », juste pour se débarrasser de moi, devenue gênante. Mais je les aimais ! Ce que j’ai pu être « conne ». Maintenant, je le sais, toutes ces brimades devaient me faire souhaiter la séparation et me mettre en fuite.
- Il est temps de t’en apercevoir.
- C’était pour m’obliger à les quitter. Ils n’ont pas eu finalement la patience d’attendre que je me sauve. Ce sont deux salauds, je ne méritais pas ça. Qu’en dis-tu ?
La question est embarrassante, je suis mal placé pour me montrer véritablement impartial. A cette question posée quelques heures plus tôt j’aurais répondu :
- Ce sont trois salauds.

Je n’aurais pas fait de distinction. Les récriminations de Louise m’apitoient un peu. Elle se retrouve, par sa naïveté, à cause de ses illusions incroyables de chasse victorieuse au bonheur absolu à trois, en bien mauvaise posture. On ne tire pas sur une ambulance. Je ne réponds pas et lui laisse déchiffrer mon silence. Son dépit et son ressentiment se traduisent par ses larmes et par la perte de maîtrise de son vocabulaire. Je compatis, elle vient de traverser une épouvantable épreuve. Sa déception est d’autant plus forte que Louise a été refoulée sans avoir vu venir le coup. L’excès d’amour au moment de l’abandon et du rejet se transforme en une haine violente. J’écoute et je la plains.
Qu’attendre du retour d’une femme déçue et rejetée ? Je l’ai tant aimée, je suis son mari…Mais je n’oublie pas le passé récent, mes souffrances que nul, en dehors de Chloé, n’a cherché à adoucir.
Dans sa rage, a-t-elle une pensée pour le sort qu’elle m’a fait ? Avec Nora elle avait mené une vie amoureuse secrète, parce que soigneusement cachée. Quand j’ai découvert leur liaison, elle a consenti à m’associer à leurs rapports pour m’imposer la présence permanente de sa maîtresse dans notre lit. Puis elle s’est donnée et imposée à Richard, a commencé à me délaisser une nuit par semaine, puis deux nuits et enfin m’a quitté, a disparu avec ses deux amours. Aujourd’hui,plaquée par eux, refoulée sans possibilité de retour, elle passe ses nerfs à les maudire et, oublieuse du reste, prend à témoin sa première victime.Je pourrais m’attendre à l’expression de regrets, à des excuses. J’aurais bien tort !
Car soudain sa colère change de cible, se tourne contre moi. Puisqu’ils ne peuvent plus l’entendre, puisque j’écoute sans l‘approuver, elle décoche ses flèches dans ma direction, elle se lâche :
- Et toi, tu profites de mon absence pour séduire des gamines. Je tourne le dos cinq minutes et tu t’envoies la première venue, ou presque: il te faut de la viande fraîche, des tendrons à initier au vice.
Tu devrais avoir honte. Toi aussi tu es pourri. Si j’ai bien compris, ta maîtresse est la fille de Richard. La fille ne vaut pas mieux que le père, c’est déjà une petite putain. Dire que tu as prétendu m’aimer. Dégoûtant gredin. Quel panier de crabes libidineux ! Je te déteste encore plus que les deux autres.
Voilà, j’ai bien fait de ne pas applaudir son retour. D’un air dégoûté, elle se venge :
- Tu pues le sexe, la sueur, le foutre.
C’est vrai, on ne m’a pas laissé le temps de faire ma toilette. La sonnette m’a arraché du lit partagé avec l’ardente fille de mon rival. Mais il y a des limites à tout. Je prends la mouche :
- Louise, tu oublies que tu m’as trompé en premier, puis quitté. Sois honnête ! Contrairement à ce que tu as raconté, ça ne fait pas cinq minutes que tu m’as tourné le dos, mais des semaines. T’ai-je adressé un reproche depuis que tu es revenue dans notre maison, bien malgré toi, sans savoir si je voulais encore de toi. Tu es furieuse de te voir délaissée, ça ne te permet pas d’insulter une brave fille qui est venue me consoler aujourd’hui pour la première fois, ni de me reprocher d’avoir mis fin aujourd’hui pour la première fois aussi à l’état de solitude où tu m’as plongé sans égards pour ma fidélité passée envers toi… Dis-moi plutôt ce que tu comptes faire ce soir, demain et après. As-tu des projets?
Ce rappel à la réalité stoppe le flot de réclamations. J’ai droit à un torrent de larmes. Un de plus. Louise s’effondre .

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