A Tu Et À Vous
Chapitre 1
C'était il y a 3 ans déjà. Durant les caniculaires journées de juin, j'avais l'habitude d'aller voler l'ombre d'un vieux platane en bas de chez moi, dans un cimetière parisien extra-muros, histoire de voir si quelque fraîcheur y était restée présente.
Un banc, hors d'age, dans la division 38 attendait en général mon céans et procurait un bienheureux accueil à mes méditations ou le contraire. Le coté méditation dans la majorité des cas se résumait à la vacuité de mon esprit indolent. D'ailleurs c'est dans cet état, voisin du néant que ce samedi là, un homme vint s'asseoir à coté de moi.
D'un physique imposant de montagne himalayenne, de mon âge, la bonne cinquantaine -comme s'il y en avait une mauvaise-, le teint halé de celui qui passe ses week-ends à tondre son gazon. Presque chauve avec une tâche de vin sur une tempe, muni d'une paire de moustache fines, grises, surmontées par un nez fort proéminent, un quart de brie, comme aurait pu dire ma crémière, un regard de jais, brillant de milles feux sous des sourcils broussailleux. Une allure de quidam, ressemblant fort à monsieur Toulemonde, comme aurait dit un adepte du pléonasme.
Après quelques instants de silence, il commença à s'adresser à moi, me disant qu'il avait perdu sa femme il y a un an.
- ...Je viens souvent ici me souvenir d'un temps qui n'existera plus, je profite de la proximité mon appartement pour venir me recueillir sur sa tombe. Et vous ?
- Moi, ben ma femme m'a quitté il y a dix ans et je viens ici, à la belle saison, pour prendre l'air et profiter de la fraîcheur estivale de ces platanes. Lui répond-je un peu surpris qu'un importun trouble mon repos.
- Enfin quand je dis quitté je devrais plutôt dire séparé c'est elle qui est partie et pas pour ce cimetière mais pour un obscur gratte-papier d'un quelconque ministère. Elle me considérait comme un type petit, sans ambition, elle n'avait pas tout à fait tort d'ailleurs, mais je crains qu'elle ne soit tombée de Charybde en Scylla.
- Vous êtes ce qu'on appelle un homme seul ?
- Un homme seul, oui et non, j'ai mon fils et ma belle-fille qui viennent me voir de temps en temps, ils habitent à quelques arrêts de bus de chez moi. Non je ne me considère pas comme seul, en tous cas, je me suffis à moi-même.
- Se suffire à soi-même, vous avez de la chance. Tout est pour le meilleur, donc.
- Oui, il n'y a que la chaleur qui me dérange en ce moment, j'aime pas trop ces températures caniculaires.
- Moi c'est pareil, trop chaud, trop chaud ! Je peux d'ailleurs vous offrir un rafraîchissement, thé froid, eau chaude ou froide, ou tout autre boisson, j'habite dans le grand immeuble de la rue Marx Dormoy devant l'entrée du cimetière et mon pèlerinage quotidien est fini.
N'ayant rien de mieux à faire, pourquoi ne pas tenter l'aventure pendant quelques minutes.
- Pourquoi pas, mais je ne dispose que de vingt minutes.
- Grandement suffisant pour se décapsuler une bière, Allez, venez, vous profiterez de la vue de mon dernier étage.
Et je l'ai suivi bêtement, comme un chien suit la main qui le nourrit. De toutes manières cela n'engageait à rien. Arrivés devant la porte de l'immeuble il tapa son code d'accès et me tint la porte pour me faire pénétrer dans le hall, m'indiquant le chemin des ascenseurs sur la droite.
- Dernier étage..., avec terrasse et parasol, et brumisateur pour la fraîcheur de mes plantes, en bac hélas!!! car il n'y a plus qu'au cimetière que le terrain est abordable, et encore.
Un agent immobilier, pensais-je c'est vrai que je ne connais rien de lui, quelle idée d'aller se fourrer dans la gueule d'un agent immobilier veuf et peut-être même pas encore à la retraite. Je respire son eau de toilette, légère n'est pas le mot exacte, plutôt lourde et animal de près et insignifiante à 2 mètres.
- Allez, entrez, je vous demanderai juste de laisser vos chaussures dans le premier placard de droite. Je suis un maniaque de la propreté.
Je me déchausse, laissant mes chaussettes dans mes chaussures en bas du placard, et pénètre dans le salon. Whaou, c'est vaste, meublé moderne mais pas du style kit, que de l'acier, du cuir, du vrai bois, du verre et tout en massif. Me désignant un fauteuil :
- Prenez vos aises, je vais prendre les miennes. Au fait que voulez-vous boire ?
- De l'eau gazeuse, si vous avez, sinon...
- Attendez-moi ici trois minutes, je passe quelque chose de plus léger et j'arrive avec les boissons, vous pouvez prendre 2 verres dans le bas de la bibliothèque et les déposer sur la table sur des sous-verres.
Pendant son absence je prends deux verres dans le bas de la bibliothèque, regarde la vitrine et y découvre une paire de menottes, une ancienne matraque de policier, un sifflet. Ce n'est plus un agent immobilier mais un commissaire de police, va falloir que je lui pose la question quand il reviendra. Les livres ne sont pas classés, ni par hauteur, ni par auteur et il y a de tout. Maupassant, Henry Miller, Émile Zola, La kyrielle de Proust, sans doute complète, un Pierre Louys, un Murakami, un Malraux, que des romans, pas d'essais. enfin à première vue. Le personnage semble avoir une culture générale éclectique, mais pas de passion pour un genre spécifique.
Sa présence interrompt mes investigations, je me retourne, il est là une bouteille d'eau gazeuse à la main, il a ôté aussi sa chemise et son pantalon pour les remplacer par une robe de chambre, de coton blanc, un liseré carmin au col et au poignée, un F gothique brodé sur la la poitrine, je vois le bas de ses mollets poilus, gris et ses pieds remplissent une paire de chaussons en tissus, une poitrine touffue se laisse apercevoir par l'ouverture du col, les manches dégageant un début de tatouage qu'il m'est impossible de décrire, un dessin, un symbole?
-On se met sur la terrasse ou on reste à l'intérieur ?
- L'intérieur m'ira bien comme disait un ancien ministre, lui dis-je en forme de boutade.
- Très bien, alors prenez le canapé noir en cuir, c'est le plus confortable, je vais prendre le fauteuil en face si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Et servez-nous deux verres.
Me tendant la bouteille, puis s'affalant dans le fauteuil, le dedans de ses cuisses partiellement dévoilé par l'ouverture des pans de sa robe de chambre.
- Il y a des glaçons dans le congélateur dans la cuisine si le cur vous en dit
- Non merci, avec cette chaleur, le risque de chaud et froid...
- Petite nature ? vous êtes souvent malade ?
- Petite nature, oui sûrement, mais jamais malade. Au contraire je crois bien que ça doit faire 20 ans que je n'ai pas vu de médecin.
- Tant mieux, tant mieux, c'est quand même ce qu'il y a de mieux la santé. Quant à la petite nature et bien on s'adaptera.
Je me suis longtemps demandé ce qu'il entendait par là. Sans réponse immédiate la conversation a roulé sur quelques lieux communs, une analyse circonstanciée des quelques bouquins de sa bibliothèque, en réalité, il ne se souvenait de rien pour la plupart d'entre-eux.
- La littérature n'est que la photo d'un souffle de vent, aucun intérêt, je préfère le cinéma pour m'évader, j'ai une assez grande collection de DVD dans ma chambre. J'aime aussi les jeux de société, cartes, dés, échec, dames. Une partie d'échec vous dirait ?
- Échec, je crois que le temps m'ait compté, une partie de dames serait beaucoup plus rapide.
- Allons-y pour une partie de dames, rien de tel pour faire vraiment connaissance, prenez donc les pions et le damier dans le tiroir gauche de la bibliothèque.
Évidement, j'ouvre le tiroir de droite, un bric à brac d'outils en inox que je n'avais jamais vu nulle part, ni agent immobilier, ni policier, peut-être chirurgien. Je referme aussitôt ce tiroir pour celui de gauche, le damier en bois et sa boite de pions était là. Il pousse la table basse vers moi, je me rassieds et dispose les pions.
- Prenez les blanc et commencez.
Je prends les blancs, et commence. La partie dura en tout et pour tout 4 minutes, battu à plat de couture. Une humiliation sévère, pourtant je sais jouer, enfin je le croyais.
- Heureusement qu'il n'y a pas de gage, mais vous pourrez prendre votre revanche quand vous voulez. Je vous laisse ma carte, il y a dessus le code d'entrée et mon nom, tout pour revenir.
- Florimont d'Harcourt, ça c'est un nom de personnage de roman, moi c'est juste Dominique Martin, pas très original et je n'ai pas de carte à vous laisser.
Je suis complètement troublé par cette partie, la vision fugace qui m'avait fait perdre mes moyens, la défaite subie, la mise à la porte rapide, je ne décide de rien et subis tout. Il commande, j'obéis. Le mieux était de rentrer au plus tôt chez moi, même si, maintenant, ma curiosité éveillée, j'avais envie de prendre ma revanche, de cerner mieux le personnage.
Il me raccompagne à la porte me regarde enfiler mes chaussures, sans prendre le temps de finir de les lacer, et me fixant de ses yeux noirs, me dit.
- Je compte sur vous, demain 16 heures, pour la suite et peut-être votre revanche.
- Oui sans doute !
Je me retrouve sur le palier, complètement liquéfié par son regard, et mets quelques instants avant de réaliser que je dois appeler l'ascenseur, les contingences d'une vie bassement matérielle.
Je dors assez mal cette nuit là, le train-train quotidien vient d'être brisé, je ressasse l'aventure, l'humiliation, des questions me viennent à l'esprit "m'avait-il intentionnellement montré son sexe, pourquoi n'ai-je pas pu prendre ma revanche tout de suite? Ai-je été mis à la porte?" Est-ce que demain je reviendrai, rien ne m'y oblige et pourtant tout m'y pousse.
Le lendemain - 15 heures - Pile j'y vais, face j'y vais pas. Face. Son immeuble n'est qu'à un pâté de maison du mien. Je rejoue, encore Face, décidément je n'arriverai pas à sortir un pile.
- 15 heures trente, un dernier essai, pile. Ouf. Je passe ma veste, malgré la chaleur et descend de mon miteux 2 pièces au troisième pour rejoindre le luxueux immeuble. J'ai sa carte avec le code. Mais j'ai aussi une boule au ventre, pourtant je n'ai rien à craindre, d'autant plus que j'ai laissé en évidence son nom et adresse sur une feuille posée sur mon lit, au cas ou.
J'arrive devant sa porte avec mes bouffées de chaleur, sonne. La porte s'ouvre immédiatement, on aurait dit qu'il m'attendait derrière.
- Bonjour Dominique, je ne vous attendais plus, vous avez trouvé facilement ? Laissez vos chaussures dans le placard, vous connaissez le chemin maintenant.
Florimont, décidément quel prénom bizarre, s'effaça pour me faire entrer et referma la porte.
Il porte la même sortie de bains qu'hier et me regarde toujours avec ce regard perçant qui n'arrangeait pas mon mal être.
- Toujours aussi chaud, surtout en fin de journée. Je vous ai trouvé un peignoir, vous serez plus à l'aise qu'avec votre costume, vous pouvez le passer dans la salle de bains, il est pendu à la patère derrière la porte, c'est la première porte à droite.
- Ce n'est pas la peine, j'ôte simplement ma veste.
- Vous serez en sueur très vite, le soleil à cette heure-ci tape directement dans la pièce, la température est très chaude et mon canapé vous remerciera pour les tâches de sueur que vous lui éviterez, je vous en prie, c'est la première porte à droite.
Bon, ben si maintenant il faut se changer pour prendre le thé, où allons-nous. N'ayant aucun argument à opposer au désir de son canapé, j'entre dans la salle de bains, refermant la porte derrière moi. Un peignoir bleu clair se trouve effectivement derrière la porte. Je me déshabille c'est à dire j'ôte mon pantalon, ma veste et ma chemise mais garde mon slip, de toutes façons il n'aura aucune occasion de le voir.
J'enfile le peignoir, un peu court par rapport au sien, il m'arrive nettement au dessus du genou. Je me regarde dans la grande glace placée au dessus de la baignoire, je le ferme avec la ceinture bleu marine qui y est attaché. Pas trop déshabillé, un peu fendu à l'arrière mais ça reste du domaine du raisonnable, je sors en me demandant pourquoi je ne lui ai pas dit Non, pourquoi ai-je accepté de me changer. La politesse n'explique pas tout.
- Pour le peignoir, je suis désolé, je n'en avais pas d'autre propre, il appartenait à mon épouse mais je vois qu'il vous va comme un gant, il manque juste quelques centimètres en bas et peut-être vous découvre-t-il un peu trop la poitrine. Mais vous n'avez rien cacher, je pense ?
- Ça ira très bien pour ce que c'est faire, ne vous en préoccupez plus, alors on fait la revanche parce que la dernière fois j'étais peut-être un peu troublé, voir ailleurs. Mais là je vais être plus attentif au jeu.
- Très bien, ressortez-nous 2 verres, vous savez où ils se trouvent. Le jeu est toujours à la même place. Et pendant que vous y êtes passez à la cuisine, il y a une bouteille d'eau gazeuse dans la porte du frigo. Pour ma part je vais y adjoindre un fond de whisky.
Je ne sais si je dois être fier de pouvoir « faire comme chez moi » dans son chez lui ou bien si je dois montrer un peu moins de soumission vis-à-vis de sa façon de me commander. Après avoir sorti 2 verres et les sous-verres, je passe à la cuisine, seul. La pièce est nickel propre, on dirait une cuisine d'exposition, le réfrigérateur est impeccablement rangé, je prends la bouteille, profite de quelques instants pour explorer les placards, tout est normal, pas plus de 4 assiettes, Florimont ne doit pas recevoir beaucoup, dans un coin une écuelle pour chien, étincelante elle aussi.
Je reviens au salon. La bouteille de whisky est sur la table mais il ne s'est pas servi. Attend-t-il que je le serve ou m'attend-t-il ? Je me propose de le servir, je lui mets deux bons centimètres d'alcool et rempli son verre d'eau gazeuse, puis je m'en sers un verre plein mais sans whisky.
- Très bien pour un début, maintenant prenez les blancs comme hier et commencez.
- Vous ne voulez pas commencer, chacun son tour.
En fait je commence, il joue, au quatrième coup, je sens qu'il a pris la main. Et comme hier la partie se termine par ma déroute. C'est pas possible il y a un truc, même si je ne suis pas un joueur émérite, comment a-t-il fait ?
- Vous vous demandez sans doute comment j'arrive aussi facilement à vous mettre KO. Laissez-moi vous expliquer, il y a avant tout quelque chose que vous devez savoir, ce n'est pas par hasard que vous êtes ici, je vous ai choisi comme "élève". Allons sur la terrasse voulez-vous, prenez la paire de jumelles qui est sur ce siège, appuyez vous sur la balustrade et regardez au loin, juste à la gauche du réverbère. Vous voyez c'est le banc où je vous ai abordé la première fois. Mais vous allez me dire que cela n'explique pas mes deux victoires faciles, à juste titre la raison de mes victoires est la suivante, je joue toujours avec 3 ou 4 coups d 'avance sur mon adversaire, c'est à dire vous, peu m'importe ce que vous jouez. Voyez.
Je suis toujours accoudé à la rambarde quand il soulève l'arrière de mon peignoir et descend mon slip, tranquillement.
- Tu ne me facilites pas la tache, mais ce n'est pas grave pour le moment, ôtes complètement ton slip, ouvres ton peignoir et retournes toi que je vois l'homme que j'ai choisi.
3 secondes de blanc, mon cerveau tournait à vide. Je dois sortir au plus vite d'ici, où suis-je tombé, dans quel guet-apens me suis-je fourré. Je lui fait volte-face. Et puis son regard att le mien et j'ai ouvert mon peignoir.
Il s'est approché et me met la main au paquet, paquet qui n'en menais pas large, mes testicules étaient remontés au maximum et la peau des couilles ressemblait à un vieux sac plastique placé devant une flamme. Son autre main libre parcouru ma poitrine et ses quelques poils, il tira un téton.
- Et bien voilà, les présentations réelles sont faites, tu n'as plus besoin de m'appeler Florimont, Monsieur suffira, par contre continues à me vouvoyer. Le peignoir tu peux continuer à le porter mais pour la ceinture tu oublies. On est bien d'accord ?
Je me suis toujours demandé pourquoi les lapins la nuit sur les routes, regardent les phares des voitures leurs passer dessus, sans chercher à s'enfuir sur les bas-cotés, la réponse était là.
- Bien, d'accord Monsieur.
- Faisons plus amples connaissances, je vais te poser quelques questions plus personnelles, tu réponds par oui ou non et t'évites les longues explications. Ton dernier rapport sexuel ?
- Il y a 4 ans, c'était pa.....
-Tu as déjà eu des rapports avec des hommes
- Oui, mais ...
- Tu aimes obéir
- Non, j'ai tendance à obéir, mais ...
- Donc tu aimes obéir, et je vais te faire obéir, crois-moi.
-Tes prochaines obligations sociales
- A part la visite de mon fils demain lundi, aucune.
- Très bien, nous allons en profiter pour évaluer ton niveau de tolérance, si l'on peut appeler ça comme ça. Direction la salle de bains.
A suivre dans le chapitre 2 à paraître
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