47.3 (Sous) Le T-Shirt De Thibault.
Cest inexprimable
une image vague mais insistante
ça donne des frissons bizarres, mais intenses
ça éveille les sens
ça fait se poser la main autour de la queue
ça sannonce comme un fantasme qui va bien accompagner cette branlette dans le noir, sous les draps, pour appeler le sommeil
Cest juste une image qui fait surface, venue don ne sait pas trop où
enfin, qui refait surface
car elle sest déjà présentée à son esprit, parfois
mais elle est aussitôt repartie
et jamais elle n'est venue en même temps que lenvie dune branlette
jamais elle nest venue inspirer une branlette
pas avant ce soir
Deux potes
cest peut-être juste cette bière de trop
cette heure tardive qui appelle aux confidences, à la proximité, à un besoin de tendresse quon na pas vu venir
ou alors juste la curiosité
oui, la curiosité
mais peut-être aussi à cause de cette envie longtemps refoulée
Suite de la rencontre avec le beau mécano.
« Qu'est-ce qui est arrivé à Jérém ? Il s'est blessé? » je demande direct.
« Tu las eu ? » je lentends demander pour toute réponse.
« Non
mais comme il ne répond pas à mes messages, je suis passé à la brasserie... jai entendu un serveur en parler... ».
« Cest l'épaule qui est touchée... » mexplique-t-il.
« C'est grave ? » je me renseigne.
« Apparemment il n'y a rien de cassé, cest douloureux car il a pris un sacré pet... ».
« Qu'est-ce qui sest passé ? ».
« Le rugby est un sport dangereux
» il plaisante.
« Jimagine
».
« Le match a été très dur... » il reprend sur un ton plus sérieux « au milieu de la deuxième mi-temps, un joueur de Cugnaux la plaqué et Jéjé est mal tombé... ».
« Toi non plus tu nas pas l'air en forme... » je relance.
« Le match a été dur... » il répète.
« Et comment ça s'est fini, vous avez gagné ? » je m'inquiète.
« Malheureusement... non
» soupire le beau mécano « malheureusement, non
».
« Ah... merde... je croyais que c'était dans la poche... ».
« Oui, c'était tout à fait dans nos cordes... si Jéjé avait été en forme... ».
Voilà ce que je craignais... Jérém pas en forme, le match raté
le pire scénario possible
avec en malus, cette blessure
Soudainement je repense aux mots que Thibault mavait glissé à loreille juste avant le départ du KL avec Jérém
de ne pas r des bonnes choses car le lendemain il avait besoin de son capitaine en pleine forme
sur le coup, cette sympathique complicité mavait fait sourire
mais là, ça me met terriblement mal à laise
Heureusement que la fatigue ma empêché d'aller au match, j'aurais vraiment été super mal à l'aise de le voir mal dans ses baskets
de le voir se blesser
mon pauvre Jérém
Pourtant
un instant plus tard je me dis que jaurais dû être là
bien sûr, ça naurait rien empêché
mais je me sens coupable davoir passé mon après midi à roupiller et à rêvasser alors que mon beau brun souffrait
« Viens, Nico, on va prendre un verre... » me propose le beau mécano.
Le soleil tape fort en cette fin daprès-midi
Thibault vient de sortir de ce garage où il devait faire très chaud
de grosses gouttes de transpiration perlent sur son front
depuis quon discute, le bogoss passe régulièrement les doigts ou bien le revers de la main sur les tempes pour sessuyer
mais là, débout à discuter en plein soleil, en dépit de ses efforts, la transpiration ne lui donne pas de répit
Et cest là que le beau mécano a ce geste, un geste dune inconscience qui nappartient quà ce style de mec, le style « nature », qui ne cherche pas à sexhiber, qui na pas darrière-pensées
et qui ne mesure pas la portée de certains de ses actes dont il ne se rend dailleurs même pas compte
Le bogoss a chaud, son front dégouline de sueur
alors, dans labsolu, le geste est naturel, évident, pratique, instinctif
pourtant
tellement chargé dimages et de fantasmes à mes yeux
Tout se passe en un éclair
les doigts se portent sur le bord inférieur du t-shirt
le coude se plie, au même temps que le buste
le coton se soulève, le cou sincline, le front se pose sur le tissu pour y être épongé
geste naturel, anodin, presque in
Ça ne dure quun instant, avant que les doigts ne relâchent le tissu, que ce dernier retombe sur le jeans et que le buste se relève, que tout revienne à la normale
mais pendant ce court instant, le temps sest arrêté pour moi
à partir du moment où je me suis rendu compte des conséquences et des possibilités offertes par son geste, tout sest passé comme au ralenti
Mes yeux ont filmé la courte scène en HD et chaque image est imprimée dans mon disque dur
Voilà la scène
le tissu commence à monter, dévoilant dans lordre, la partie haute de sa braguette, un joli rebondi derrière la toile, le bouton haut du jeans, presque totalement caché par une belle ceinture noire de mec
les millisecondes ségrainent et le rideau de coton continue de monter
le spectacle vient juste de commencer
on passe du noir de la bande de cuir à une couleur plus claire
sa peau
et, comme une piqûre dans le ventre, lapparition dun alignement de poils régulier, assez large, fourni, des poils qui ont lair par ailleurs très doux
et ça continue de monter
lhorizon souvre sur le bas du torse du beau mâle
le territoire vallonné de ses abdos commence à se profiler
mon regard rencontre bientôt la dépression de son nombril, moins marquée que celle de mon beau brun, mais non moins érotique à mes yeux
ça remonte encore, et ses abdos se dévoilent presque dans leur intégralité
et là
Et là
BAM ! le rideau tombe brusquement
circulez, rien à voir
Mais, putain
comment sarrêter en si bon chemin ? Putain, mec
tas chaud
ne te gêne pas
ôte carrément ton t-shirt
on est entre potes, oui ou quoi ? Envie de voir en entier ce torse de fou
ces épaules larges, ce cou puissant de petit taureau complètement dénudé
ses tétons diaboliques que jai vu pointer derrière le tissu tendu
ALLEZ !!! laisse-moi te voir torse nu intégral
laisse-moi te regarder en train de passer ton t-shirt partout ou la transpiration te gêne
front
aisselles, cou, dos
et je nose même pas imaginer ce qui se passe en-dessous de ta ceinture
vas y, éponge partout
et à la fin, on échange nos t-shirts
Je deviens dingue
le fait est que ce geste, soulever le t-shirt pour sessuyer le front, avec cette nonchalance que jappellerais délictuelle, me fait un effet de fou
de tous les gestes érotiques quun garçon peut accomplir sans sen rendre compte
celui-là, il est dans mon top 3
Image à la fois indelebile et si furtive, si fragile
image dont ne reste quune delicieuse impression, un souvenir flou mais tellement vif
provocant le bonheur en se le rememorant, et aussi la frustration, une forme de regret de ne pas en avoir profiter plus longtemps sur linstant, ne pas se letre davantage « approprieé», sen etre impregné, abreuvé
ne realiser quune fois le geste terminé, la scene terminée combien elle avait ete magique
.
Et merci le soleil
un rayon de trop et voilà les détails anatomiques qui me manquaient pour rendre mon rêve de la veille parfait
pas tous, évidemment
mais cest déjà pas mal
putain, que cest déjà pas mal
putain le rugby
quel sport, quel artiste, quel façonneur de physiques de petits dieux vivants, sculpteur dabdos à sen rendre dingue
« Tas le temps ? » je lentends de me demander, chose qui me fait penser quavant que je parte dans mes délires, le bogoss venait de minviter prendre un verre
combien de temps, après que le t-shirt soit retombé, suis-je resté à mater ses joues et son menton légèrement brunis par un duvet quon devine bien fourni, même rasés de près
combien de temps me suis-je attardé sur ces deux biceps qui remplissent les manchettes, au point qu'on dirait qu'elles vont exploser dès qu'il plie le bras et que les muscles bandent un peu... et il n'y a pas que ses biceps qui bandent, c'est moi qui te le dis... mec
« Ok, je te suis
» je réponds devant le ton empreint de gentillesse et de chaleur de sa voix, même si je suis un peu inquiet pour la conversation qui s'annonce.
« Il fait trop chaud, ici
» commente-t-il pendant quon traverse la rue.
Si tu savais à quel point, mon Thib, si tu savais à quel point
Une fois installés en terrasse et les deux bières commandées, Thibault démarre en trombe.
« Je ne sais pas ce qui s'est passé, hier après-midi... Jéjé était complètement ailleurs... déjà il est arrivé en retard
».
« Ah bon ??? »
« Oui
tout juste pour le début du match, et ça ne lui ressemble pas... ».
« Cétait à quelle heure, le match ? » je demande.
« 14 heures
».
« Ah, bon... » je laisse à nouveau échapper bêtement, alors que je suis en train de me demander où est-ce qu'il était entre le moment où il est parti avant mon réveil et le début du match
en gros, pendant environ trois heures...
« D'entrée il était de mauvais poil.
Pendant que Thibault me raconte tout ça, jessaie de déchiffrer le comportement de mon bobrun avec les cartes que jai en main et qui manquent au beau mécano... si Jérém était si fatigué... c'est que la nuit a été particulièrement intense, certes... je repense à Elodie comptant jusqu'à cinq sur les doigts de sa main... mais si cela explique la fatigue, ça ne dit rien au sujet du fait que, selon Thibault, « d'entrée Jérém était de mauvais poil »
Voilà qui est déjà plus inquiétant
Que s'est-il donc passé dans sa tête depuis notre conversation sur loreiller, depuis notre câlin au petit matin ? Regrette-t-il ce plan à trois qu'il a pourtant voulu ? Regrette-t-il la tendresse de cette nuit, qu'il a pourtant voulue ? Est-il encore tracassé par le fait d'avoir joué avec sa jalousie tout au long de la soirée ? Est-ce que ce sont les mots de Romain qui ont remué quelque chose de sensible ? Notamment sa dernière bonne provoc avant son départ un brin précipité ?
Quoi quil en soit
Jérém était à louest
ça lui a valu une blessure et une défaite
merde, alors...
« Je ne l'ai jamais vu dans cet état... » continue Thibault « il était maladroit... et surtout
absent
une équipe a besoin de son capitaine
ça ny paraît pas, mais ça compte
Jérém navait pas le moral
léquipe non plus
on est partis perdants
cétait presque couru davance
sans Jéjé aux manettes, on sest fait laminer.
« Complètement essoufflé... son maillot était trempé... »
les mots de Thibault me font soudainement penser à sa douleur dans la poitrine après notre dernière galipette
mais quest-ce quil a mon Jérém ? Juste une grosse fatigue, un gros stress
ou alors quelque chose de plus grave ? Est-ce que je vais oser parler de ça à Thibault ? Lui parler de la-douleur-à-la-poitrine-accusée-par-Jérém-juste-après-notre-dernière-galipette ?
« Nico... » j'entends le beau mécano sadresser à moi avec sa voix chaude, m'obligeant à lever mon regard de ses mains puissantes et à le regarder dans les yeux « est-ce qu'il s'est passé quelque chose l'autre nuit ? Vous vous êtes disputés ? ».
Ça, pour être direct
voilà le genre de question que je redoutais
« Non... non... il ne s'est rien passé... » j'arrive à proférer, alors qu'évidemment mon esprit ressasse à vitesse grand V tous les événements de cette soirée, en essayant de trier ce qui a pu troubler Jérém à ce point... évidemment je ne peux pas lui dire que nous navons pas assez dormi car il a voulu aller au On Off, qu'il a levé/qu'il s'est fait lever par un beau barbu, qu'on a fini tous les trois à l'appart pour un plan de dingues et qu'on a baisé comme des malades jusqu'au petit matin... je choisis de répondre sans trop en dire :
« Non, on ne s'est pas disputés... il m'a même demandé de passer la nuit chez lui... mais quand je me suis réveillé hier matin, il était déjà parti... ».
« Et tu tes réveillé à quelle heure ? »
« Un peu avant midi, mais je pense quil était parti depuis un moment
».
« Quest-ce quil a foutu entre midi et deux ? Quand lentraîneur lui a passé un savon parce quil était en retard, il a prétexté un problème de voiture
».
« Je nen sais rien
cest la question que je me pose moi aussi
» je lui réponds.
« Tes sûr quil ne sest rien passé qui aurait pu le mettre en rogne ? » il revient à la charge, le ton de voix toujours apaisé, pas un mot plus haut que lautre.
« Tu sais, Thibault
cest pas facile avec lui
» je me lâche « entre ce quil voudrait être, ce dont il a envie, ce quil pense, ce quil dit, ce quil fait
ses sautes dhumeur
un jour blanc, un jour noir sans que lui-même sache pourquoi
cest la pagaille
jessaie de prendre les choses telles quelles viennent
parfois il se laisse aller, un peu
et il regrette ensuite
tiens
la nuit dernière il ma un peu parlé de lui
de sa famille
évidemment je ne lui ai pas dit que certaines choses nétaient pas nouvelles pour moi
(cest là que je marque une pause complice en regardant tout droit le beau mécano dans les yeux et en lui montrant un petit sourire, pause pendant laquelle il me balance un clin dil tout aussi complice)
il ma parlé de limportance du rugby dans sa vie
».
« Jéjé sest construit autour du rugby
» mexplique-t-il « il a besoin de ça
cest sa façon dexister, de se sentir vivre
de faire taire ses angoisses
».
« Oui, mais il y a plus important que le rugby à ses yeux
» je pense pouvoir affirmer sans me tromper.
« Je ne suis pas sûr
» fait Thibault « si tu lui enlèves ça, Jéjé est une bombe à retardement
».
« Moi je te dis que si
» jinsiste.
« Je ne vois pas
enfin
cest vrai que jai limpression que tu prends de plus en plus de place dans sa vie
» je lentends lâcher, phrase qui arrive à mon cerveau en provoquant un bonheur certain.
« Je parle de ton amitié, Thibault
» je continue sur ma lancée, en essayant de ne pas me laisser émoustiller par les mots du beau mécano « quand je lentends parler de toi, jai limpression, la certitude même, que Jérém na rien de plus cher au monde
et lautre soir il ma fait comprendre à quel point tu es important pour lui
depuis longtemps
à quel point il a besoin de toi
Jérém a une telle estime pour toi, un truc de fou
bien sûr
je le comprends
tu es un mec tellement chouette
il a de la chance de tavoir
».
Voir un garçon comme Thibault mécouter attentivement et apprendre de mes propres lèvres une info plaisante à ses oreilles est une expérience grisante
mais voir un garçon comme Thibault, si solide, si bien dans ses baskets, se laisser rattr par lémotion est une expérience touchante, émouvante. Ainsi, lorsque le regard du beau mécano semplit de tendresse et quun sourire pudique vient essayer de contenir un trouble pourtant manifeste, je le trouve attendrissant
cette belle bête toute en muscles rattrapée par lémotion
si cest pas une image dune beauté surnaturelle
Je me trouve là devant un Thibault mis à nu sur ce quil a de plus intime. Son amitié avec mon bobrun. Avec son Jéjé. Cest là que je me dis quau fond, derrière son image de mec solide, derrière son caractère apaisé, inébranlable
Thibault nen demeure pas moi un adorable choupinou de 19 ans, un garçon excessivement sensible et avec des besoins affectifs, comme tout le monde
Et pendant que je le regarde lutter contre lémotion, je vois apparaître en filigrane dans son regard, cet qui pleure et qui est quelque part en chacun de nous, sans exception, et à tout âge
je sais quil pleure parce que son pote lui manque
parce quil sinquiète pour lui
pour lavenir, pour son départ
Jai soudainement très envie de le serrer très fort contre moi
envie de le câliner, le prendre dans les bras, lui donner de la tendresse, le rassurer
une envie qui va même au-delà de la sensualité furieuse quil minspire
oui, Thibault
toi, de tout temps si protecteur, rassurant
toi aussi tu mériterait de connaître cela, pouvoir tabandonner, te laisser aller, te sentir protégé, réconforté
tu es tout le temps en train de veiller sur ton pote, tout le temps en train de faire attention aux personnes autour de toi
dans lintimité, tu dois être un garçon à qui il fait bon sabandonner
rassurer
cest le rôle du mec, ça
bien sûr, on ne peut jamais présager des équilibres dans lintimité dun couple
parfois lélément « fort » nest pas celui quon croit
en tout cas, rassurer cest très souvent le rôle dun mec comme toi, Thibault
un mec qui prend tout le monde dans tes bras, que ce soit au sens propre, ou au sens figuré
Mais toi, beau Thibault
qui te prend, toi, dans les siens ? Qui te fait un vrai câlin, celui que tu mérites, quand vraiment tu en as besoin ? »
tu es tellement touchant
si josais, je passerais mes mains autour des tiennes comme tu las fait la dernière fois, pour me réconforter
mais je nose pas
« On aurait dit que quelque chose le tracassait... » relance le beau mécano comme pour se secouer de cette émotion et reprendre le dessus.
« On a parlé aussi de mes études à Bordeaux
» je lance, la voix encore marquée par lémotion.
« Tu sais, Nico
toi aussi tu es important pour lui
il ne veut pas ladmettre, mais cest bien le cas
et moi je le sais, je le sens
».
« Je ne sais pas
je ne sais pas
» je bégaie, ému à mon tour. Je nai pas envie de chialer une fois de plus devant cet adorable Thibault qui sest lui aussi retenu de justesse, alors je tente de changer de sujet.
« Et le championnat ? » je lance, tout en attendant la réponse à ma question avec une certaine inquiétude.
« Si on avait gagné hier, on serait arrivés peinards dimanche prochain face à Colomiers... maintenant, il nous faut impérativement gagner dimanche prochain, sinon c'est foutu
».
« Il pourra jouer ? » je minquiète.
« On en sait rien, il faut voir comment son épaule évolue dans la semaine... ».
« Et sil ne peut pas ? »
« Pas cool
sans lui, ça va être plus compliqué... ».
« Merde
».
« Cest la vie, cest le sport
cest comme dans Forrest Gump
» fait le beau mécano.
« La vie est comme une boite de chocolats
»
« Et le rugby cest pas mieux
»
« Oui mais ce serait dommage
».
« Ça cest sûr
tous ces efforts pour rater le dernier coche... surtout que déjà lan dernier on est passés si près du but
Jéjé était tellement déçu il y a un an
on y avait cru jusquà la dernière minute
perdre en finale pour une poignée de points
ça fait mal
alors, depuis la rentrée, il s'est donné comme jamais... tout le monde sest donné à fond
mais Jéjé a mouillé le maillot plus que son dû... il était tellement heureux d'y arriver enfin... qu'on y arrive tous ensemble... si ça foire... il va péter un câble... je le sens... ».
« Jespère vraiment quil va être en forme pour dimanche prochain
».
« J'ai passé la soirée avec lui aux Urgences à Purpan... apparemment ce n'est rien qui ne se soigne pas avec un anti-inflammatoire, un analgésique et une bonne dose de repos... ».
« Il na pas eu des douleurs à la poitrine ? » je demande à brûle-pourpoint. Il fallait que ça sorte à un moment ou à un autre.
« Si
si
mais comment tu sais ça ? ».
« La nuit dernière il a eu mal aussi
après la dernière
je veux dire
le dernier
enfin
» voilà comment je me lance dans un pétrin sans nom.
« Le dernier câlin ? Ce qui laisse imaginer quil y en a eu plusieurs
et voilà qui explique pas mal de choses
» fait-il avec un beau sourire dans lequel il me semble déceler une petite étincelle coquine.
« Oui
» je réponds, gêné, limite honteux.
« Nico, il ne faut pas avoir peur des mots
tas pas à avoir honte
vous vous faites du bien, et il ny a aucun mal à ça
».
« Je sais
» je fais, à la fois rassuré sur le fond mais gêné à cause de ma bêtise.
« Quel petit con, quand même ! » sexclame Thibault sans transition « il ma juré que cétait la première fois que ça lui arrivait ! ».
« Il en a parlé aux urgences ? » je demande.
« Timagine bien quil ne voulait rien dire
jai dû commencer à en parler à sa place pour quil se décide à se mettre à table
à force, il lui ont fait passer un électrocardiogramme
résultat des courses
le médecin a décrété quil a rarement vu un cur en aussi bonne forme, aussi musclé et bien rythmé
on a perdu une heure de plus, mais il fallait en avoir le cur net
».
« Ah
cest clair
je suis rassuré
la nuit dernière je me suis inquiété aussi
je voulais lamener aux urgences, car il avait lair davoir vraiment mal
mais moi
moi il ne mécoute pas
».
« Cest pas un mec facile, le Jéjé
il a un sacré caractère
» plaisante le beau mécano.
« Ça, je ne te le fais pas dire
» je lui confirme du tac au tac, avant de lui lancer « mais toi au moins tu arrives à le raisonner
».
« Cest que je ne lui laisse pas le choix ! » plaisante-t-il, adorable, et il continue, sur le même ton « si tu savais, Nico
le dresser a été un travail de longue haleine
et encore
il nen fait souvent quà sa tête
je me bats tout le temps avec
».
« Jimagine.. jimagine
» je lui fais en écho, amusé.
« Le médecin lui a juste dit de se ménager
» explique-t-il « car il a quand même fini par remarquer que si Jéjé avait une petite forme, cétait probablement à cause dun manque de sommeil
il lui a carrément balancé quil ne fallait pas faire la nouba jusquà pas dheures une veille de match
parce que cest ça qui est arrivé, nest-ce pas Nico ? ».
« Un peu
» je tente de rigoler, démasqué.
« Enfin, moi aussi je suis rassuré
» fait-il « si sa petite forme nétait due quà un excès de bonnes choses
ce nest pas bien grave
».
« Jaurais dû rentrer chez moi
». Sans transition, le Nico passe en mode auto-flagellation.
« Je suis sûr quil avait besoin de toi hier soir
» réagit Thibault, rassurant « je pense quil a été très surpris de te voir prendre la direction de la sortie au KL avec ce mec
».
« Il ne me calculait pas
je me suis dit quil allait encore se taper
un
» je tente de mexpliquer en remplaçant de justesse plan à 4 par «
une nana
javais pas envie de le regarder partir de son côté
et puis cest ce mec qui est venu me voir
je ne my attendais pas
et
».
« Tas pas à te justifier, Nico
» il me coupe, rassurant « tas fait ce qui te semblait juste
et en plus
tas vu comment il a rappliqué ? ».
« Oui
».
« Il tient à toi, cest sûr
il peut se comporter comme un con, mais il tient à toi
je pense quil aurait été très malheureux si tu étais parti avec lautre mec
».
« Ouais
mais je pense vraiment que, une fois en ville, jaurais dû repartir chez moi
» jinsiste.
« Tu plaisantes, jespère
quoiquil se soit passé cette nuit, il la voulu, autant que tu las voulu
et tu ny es pour rien
un accident est un accident
et puis ça lui est déjà arrivé de foirer un match parce quil a trop donné de sa personne la nuit davant
si tu vois ce que je veux dire
» rigole le beau mécano qui na pas son pareil pour rassurer, dédramatiser, relativiser, soigner langoisse, pardonner chez lautre, donner envie de faire la paix avec soi-même et faire mieux la prochaine fois.
« Il a dû être très déçu de ne pas pouvoir finir le match
» je relance.
« Oui... il était très déçu... c'est le moral qui a pris le plus gros coup, plus que l'épaule... surtout quand lentraîneur la obligé à sortir
Jéjé ne voulait pas
là encore il sest énervé grave
jai eu peur quils en viennent aux mains
mais lentraîneur a bien fait dinsister
ça aurait pu être plus grave
».
Ça me rend triste de savoir Jérém et Thibault dans la merde vis à vis du championnat... après tous leurs efforts... je tente dimaginer lampleur des séquelles laissées par le passage de cette nuit sur mon beau brun
jimagine quelle a dû avoir leffet dun rouleau compresseur... sur son corps, dans sa tête... ce nest vraiment pas le genre de nuit qu'il faut la veille dun match décisif... si seulement j'avais su me tenir à carreau... ne pas flirter avec Martin... ne pas le provoquer
on serait rentré ensemble... ou pas... mais la nuit aurait été bien plus calme pour lui... physiquement autant que mentalement
son corps se serait reposé et son esprit n'aurait pas connu tant de sollicitations troublantes... et le match se serait mieux passé
Je ressens un malaise grandissant devant cet adorable Thibault... un Thibault qui ne me demande pas de comptes, un Thibault qui se veut rassurant comme à son habitude, mais un Thibault qui dégage quand même une certaine inquiétude au sujet de son pote, une inquiétude qui résonne en moi...
Je n'ose à nouveau plus le regarder dans les yeux, je fuis son regard... jai limpression que je ne lui ai pas tout dit
limpression de lui mentir
même si ce nest que par omission, et que mes omissions relèvent dune intimité avec mon beau brun quil serait certainement malvenu de partager, même avec lui
Oui, je ne lui mens que par omission et déjà je me sens très mal à laise
je me fais la réflexion que c'est dur de mentir à un garçon aussi exceptionnel que Thibault... car dès quon le connaît un peu, on a envie de mériter sa confiance
mieux que ça, on en a réellement besoin
Thibault est le genre de mec qui, rien quavec un regard, rien quavec sa présence, donne envie de marcher droit, dans son sillage
Cest dur de lui cacher des choses, mais je devine que ce serait encore plus dur de voir la déception dans son regard
car cest sans doute de la déception quil ressentirait si jamais il savait pourquoi son pote nétait pas en forme
sil pouvait apprécier le rôle de mon comportement dans la séquence dévénements de la nuit dernière qui ont amené à un Jérém HS sur le terrain de jeu
Jai limpression que décevoir un gars comme Thibault, serait dur, dur c'est comme se décevoir soi-même...
Soudainement, je me mets à la place de Jérém pendant le match, lorsquil sest rendu compte quil nétait pas en état de mener le jeu
Jérém croisant le regard de Thibault pendant les adversités du match, à cause de son insuffisance physique... lui aussi, et plus encore que moi, a dû craindre de lire la déception dans le regard de son meilleur pote... je n'ose imaginer le bordel dans sa tête
le malaise vis-à-vis de son équipe qui compte sur lui et quil va décevoir
mais surtout le malaise vis-à-vis de Thibault, l'ami le plus proche, dont l'estime lui est indispensable
Oui, décevoir un gars comme Thibault, doit être dur, comme se décevoir soi-même... mais décevoir un pote comme Thibault, ça doit être carrément insupportable...
« T'en fais pas
» tente de me rassurer le beau mécano, en laissant un sourire charmant illuminer son visage et faire vibrer nombre de cordes sensibles en moi « Jéjé est comme ça... quand le vent tourne, il démarre vite... mais il est aussi capable d'incroyables sursauts pour obtenir ce qui lui tient à cur... ».
Pendant quil parle, je le regarde, hypnotisé par son sourire
quest-ce quil est sexy, ce mec
sexy, rayonnant de sensualité
une sensualité bien à lui, une sensualité frappante, puissante, mais si différente de celle de mon Jérém
Jérém est un magnifique animal sauvage, au physique dune beauté aveuglante, brûlante évoquant une sexualité torride, débridée... Thibault possède un autre genre de physique, un physique dont le charme résulte dun mélange subtil entre puissance, assurance et douceur
un style si différent de celui "je suis bogoss, je le sais, je me la pète" de mon bobrun
Thibault fait très naturel, gentil, doux, « calinable » et « baisable »
on se dit que lamour avec lui ce serait doux, tendre mais sensuellement puissant, sûrement très intense
Thibault fait garçon sage
mais on aime imaginer, tapi derrière sa sagesse, un potentiel de sensualité peut-être encore inexploré
bref, on est conquis par son côté gentil garçon
mais en même temps on a envie de déclencher chez lui toute la fougue qu'il semble retenir derrière son air de genre parfait
on voudrait le voir se lâcher... assister au spectacle sans prix de la découverte de plaisirs inconnus
Putain, je mégare
me voilà hors-sujet
Thibault, Jérém, deux potes, si proches, si différents
Thibault attachant, Jérém plus distant
Thibault réfléchi, Jérém impulsif
Thibault doux, Jérém cassant
Thibault posé, rassurant, Jérém constamment en mouvement, imprévisible
Jérém meneur fougueux, Thibault tout en équilibre, en retenue et sagesse.
Tant dannées plus tard, me promenant dans une fête dété en ville, je me trouve si souvent confronté à des gifles visuelles et olfactives de bogoss croisés ici et là, à en avoir le tournis
dans nombre dentre eux, je retrouve un côté petit con à la Jérém
mais il est beaucoup plus rare de croiser un charme viril à la Thibault
car le « Thibault » est un animal plus rare, plus discret que le petit con à la Jérém
surtout à lâge de 19 ans
« Là il est un peu abattu
» jentends le beau mécano continuer « mais je suis sûr qu'il va vite se remettre en état de marche et que dimanche prochain il va tout déchirer... on va tout déchirer... ».
Pendant que je jongle entre mes réflexions, le son doux et chaud de sa voix, ses mots que je bois comme du petit lait, jai tout juste remarqué que la sonnerie de son portable a commencé à retentir.
Tout en terminant sa phrase, le beau mécano extrait lappareil de la poche de son jeans et, après avoir consulté lécran, il me lance :
« Désolé, il faut que je réponde
cest important
».
Jessaie de le mettre à laise en lui adressant un petit sourire.
« Allo ? » fait-il en décrochant. Le ton est ferme, chaud, assuré, gentil, adorable. Ça donne envie de lappeler.
Un « âllo » suivi de près dun certain nombre de réponses et dinterrogations, de courts échanges dont je nentends pas les répliques, une conversation dont je ne comprendrai les tenants et aboutissants quune fois la communication terminée, tout en découvrant quelque chose de fondamental au sujet du beau mécano.
« Je viens de sortir du taf
».
« Je suis à proximité de la Gare Matabiau
».
« Avec les bus, je peux y être dans dix minutes ».
« Quest-ce qui se passe ? ».
« Où ça? ».
« Dans un immeuble ? ».
« Ok, ok, j'arrive
à tout
».
« Désolé, Nico » fait-il en raccrochant et en se levant au même temps ; il na pas terminé sa bière, mais il na pas oublié de glisser deux pièces de dix francs sur la table ; il a lair soudainement très pressé « il me faut y aller
».
« Rien de grave ? » je linterroge, sans encore comprendre ce qui se passe.
« Non
enfin
je ne sais pas trop
il y a un feu dans un immeuble vers chez toi... avenue de Muret
je dois me rendre à la caserne au plus vite
».
Soudainement ça fait tilt dans ma petite tête engourdie.
« Mais tu es pompier... ? » je finis par laisser échapper bêtement.
« Je suis juste volontaire, depuis deux ans
».
« Ah, oui
je ne savais pas
»
de plus en plus bête, Nico
« Je dois y aller, Nico
» il coupe court « on se recapte un de ces quatre si tu veux, je te tiens au courant pour Jéjé
et ten fais pas, ça va aller
».
« Ok, bon courage
».
Venir à la rencontre de celui qui était jusque là le meilleur pote de mon Jérém, un beau mécano
échanger la bise, comme des potes
sentir sa main qui se pose sur mon bras pour empêcher de me vautrer sur le goudron
voilà une expérience magique
Mais me séparer de celui qui sera désormais et avant tout à mes yeux un jeune pompier volontaire
nous quitter en me laissant serrer brièvement dans ses bras et en nous claquant la bise à nouveau mais de façon plus pressée, en sachant quil part en mission
voilà que ça me donne carrément des frissons indicibles
Thibault jeune pompier volontaire
et voilà un truc qui m'avait échappé
un truc dont je suis étonné de ne pas en avoir entendu parler plus tôt
bien sûr, je ne le connais pas depuis longtemps
mais je trouve bizarre que ni lui ni Jérém ne men aient jamais parlé
en même temps
entre la discrétion de Thibault qui nest pas du tout le genre de mec à se faire mousser pour quelque chose quil fait en plein esprit civique
et un Jérém avec qui, après des mois de baise pure, je commence tout juste à avoir des conversations
pas étonnant que ce genre dinfo ne me soit pas parvenue plus tôt
Putain
Thibault
pompier
ça en jette grave
en même temps
ça ne métonne pas de lui
ça lui ressemble tellement
pompier
cest tellement Thibault, ça
Je regarde ce physique de bogoss séloigner, soudainement animé par un empressement qui est pur dévouement à une noble cause
mon regard se pose une fois encore sur ces putains de biceps qui non seulement remplissent bien ces manchettes bicolores
mais qui semblent carrément en forcer le coton au moindre mouvement musculaire
Oui, je mate ce beau physique en me disant que désormais je le regarderai autrement
car à chaque fois que je verrai apparaître ses bras, son torse
je ne verrai plus seulement le bogoss, charmant, gentil et bienveillant au possible
le meilleur pote de mon Jérém
ou encore
un rugbyman scandaleusement sexy... ni seulement un mécano consciencieux passant sa journée les mains dans le cambouis...
Désormais, lorsque je croiserai son regard, je me dirai que parfois ce même regard a dû voir des choses difficiles à affronter
quil a vu la souffrance
et que ses bras, ses jambes, et certainement ses mots, sa voix rassurante, ont contribué à la soigner
Oui, « pompier » éveille en moi une estime et une admiration sans limites
pompier est un mec qui peut être appelé à devenir un héros... pompier est un mec qui peut sauver des vies... parfois au péril de la sienne
Bien sûr, lestime avant tout
et si en plus on parle du côté charme
il faut admettre que « pompier » ça en rajoute grave
je nose même pas l'imaginer dans son uniforme de service
cet élément si spécial, part intégrante du fantasme : luniforme, symbole de lautorité, de la soumission à lautorité
et de vestiaires communs
Oui, c'est à partir de ce moment-là que Thibault à été propulsé à mes yeux dans une nouvelle dimension... une dimension où il mapparaît désormais comme étant un être supérieur
soudainement, son amitié me devient indispensable
on a ment envie dêtre pote avec un mec pareil
même si devant tant de noblesse desprit
on se dit que cette amitié, il faudra la mériter
et cest peut-être là quest la plus grande valeur dun garçon comme Thibault
un mec comme ça, aussi pur, aussi droit, ça donne envie dêtre meilleurs.
Je le regarde partir dun pas soutenu
et à un moment, partir carrément au pas de course
je le regarde jusquà ce quil disparaisse de mon champ de vision
je le regarde en me disant que ce mec est un ange tombé du ciel, par erreur
Quand je pense que je nai même pas pensé à le féliciter
Soudainement mes petits tracas sentimentaux prennent une autre proportion, je relativise. Mais ça ne dure quun temps
hélas, lorsque sa présence rassurante s'éloigne... lorsque je regarde lécran de mon portable immuablement vide
mes petits soucis reviennent au galop
l'angoisse me happe à nouveau... je sais que laccident de Jérém
ça va me tomber sur le coin de la gueule...
Après ce que je viens dapprendre, je sais que je noserais pas aller le voir. Je nai pas demandé lavis de Thibault à ce sujet, je nai pas eu le temps, je nai pas osé.
De toute manière, son silence après mon sms semble assez explicite
« fiche-moi la paix ! »
jai limpression de lentendre dici
Demain je m'envole pour Londres et cette angoisse risque fort de gâcher le plaisir de ce concert tant attendu... comment je vais retrouver Jérém à mon retour ? Est ce que je vais seulement le revoir ? Quand ?
Tout part en vrille
je pense que Jérém doit men vouloir pour cette défaite, pour sa blessure... et si jamais dimanche prochain il n'est pas en état d'assurer le jeu... que son équipe gagne sans lui ou, pire, qu'elle perde sans lui, il va me détester
Mais quoi faire ? Ce qui est fait, est fait
et, comme le dit le jeune pompier, « ce qui sest passé la nuit dernière, Jérém la voulu autant que moi »
je repense au concert
mon esprit est déjà dans lavion
heureusement quElodie sera du voyage
on va bien se marrer ensemble
sa présence me rassure
cest la première fois que je prends lavion, que je pars dans une très grande ville à létranger
on va passer trois jours ensemble, trois jours de dingue
et les soucis de Toulouse, je vais essayer de les laisser à Toulouse
Allongé seul dans son lit, les draps propres sur sa peau fraîche tout juste douchée, il attend le sommeil.
Son corps est fatigué, il sent quil ne va pas tarder à venir. Il repense à sa journée. Au boulot ça sest bien passé
une journée bien remplie mais ça a bien avancé
ça se passe bien tout le temps
il faut dire que son métier, il laime, il ne se verrait pas faire autre chose. Il y a bonne ambiance au taf, les gars sont sympa. Il repense à la déconnade avec ses collègues à la pause de midi et il en rigole tout seul, dans le noir.
Oui, au taf lambiance est bonne.. et lui, pour sa part, il fait tout ce quil peut pour quelle le reste. Il fait tout ce quil peut pour rendre service. Pour désamorcer les tensions. Pour que tout se passe bien. Toujours prêt à donner un coup de main, ou juste un conseil quand on lui demande, et avec le sourire en prime.
Depuis un an quil est embauché, il sait quil a beaucoup appris
il sait que le patron lapprécie beaucoup, et il lui a déjà parlé à mi-mots dun poste de responsable datelier à pourvoir sous peu dans le deuxième garage qui va bientôt ouvrir à Balma. Une belle promotion. Il sait que cest un gros challenge, quil a encore des choses à apprendre, et il se donne à fond.
Lintervention route de Muret aussi sest bien passée. Plus de peur que de mal. Juste un feu de poubelles. Encore des mômes désuvrés. Leurs parents nont pas dû avoir lidée ou les moyens de les initier au rugby ou au foot, cest dommage
taper dans un ballon avec ses potes évite souvent de faire des conneries avec ses potes
cest dommage que tout le monde nait pas la même chance dans la vie
Oui, plus de peur que de mal, mais il vaut mieux ça
bien sûr, cest con et coupable de faire déplacer des pompiers pour des bêtises de mômes
mais il vaut encore mieux ça que de devoir se rendre sur un accident de la route et passer des heures en essayant de désincarcérer un corps inanimé dont on ne connaît pas la gravité des blessures
car cela lui est arrivé, lors de lune de ses toutes premières missions
il na pas oublié cette sensation dimpuissance, cette leçon dhumilité quon se prend en pleine gueule, cette angoisse qui guette face à une vie en danger
surtout lorsquon a tout juste 18 ans.
Il a toujours voulu être pompier. Rendre service est dans ses gènes. Aider et soulager, sa devise. Et ce soir il est fatigué, mais il se sent bien.
Entre le taf et lintervention, il y a eu une rencontre intéressante, quil regrette davoir dû interrompre un peu brusquement. La conversation avec Nico a été enrichissante. Car, depuis, il a désormais en main un début dexplication pour la mauvaise performance et létat physique de son pote lors du match de la veille
il est rassuré, du moins de ce côté-là
Et puis il y a eu ces mots de Nico qui lont touché, vraiment touché
comme quoi Jérém ressentirait pour lui une estime et une amitié sans limites
il ne sait pas pourquoi les mots de Nico lont autant touché
il le sait depuis longtemps que lamitié qui le lie à son pote de toujours est profonde, sincère, irremplaçable, et il sait aussi quelle lest dans les deux sens
car, même si Jérém na jamais été trop bavard à ce sujet, préférant se retrancher pudiquement derrière des non-dits typiques des mecs de leur âge, il lavait bien ressenti, à bien des occasions
dans leur complicité, leur entente, leur confiance réciproque
Oui, ça fait longtemps quil sait quil a une place importante dans la vie de son Jéjé
mais entre ressentir les choses et les entendre, même si elles sont rapportées
il y a juste un surplus démotion quil a failli ne pas arriver à contenir
il sait que le petit Nico a été sincère
lui, si proche de la source de linfo, il sait quil peut lui faire confiance
Ce sacré Nico
envie de le connaître un peu mieux, envie de comprendre qui est ce garçon qui a chamboulé la vie de son pote, ce sacré bonhomme qui a lair sincèrement amoureux de son Jéjé... envie de se rapprocher de Nico
et non pas pour avoir de lui les réponses quil na pas de son pote, mais juste pour garder un il bienveillant sur lui
Car sil est rassuré sur la forme physique de Jérém, à ses yeux dautres inquiétudes demeurent, notamment dans le fait quun malaise, des non-dits, des malentendus sinstallent entre eux justement à cause de la relation avec Nico
Il repense à létat de Jérém en arrivant dans les vestiaires tout juste avant le match
son regard fuyant
gêné, honteux
est-ce que Nico lui a vraiment tout dit ? Par ailleurs
est-ce que vraiment il aurait pu lui en dire plus ? Bien sûr, il le sait
les histoires sur loreiller, ça ne le regarde pas
Pourtant
très dur de se sentir tenu à lécart
et encore plus dur de sentir les non-dits, de plus en plus nombreux, de plus en plus encombrants, comme un mur invisible mais de plus en plus épais, se cumuler entre son pote et lui, les éloigner
Les non-dits
il a eu limpression de sy cogner de plein fouet justement pendant ce maudit match
dans cette chronique dune défaite, une image le hante plus que toute autre
un regard
le regard de son Jéjé à bout de forces
un Jéjé qui se sent impuissant face à lampleur de la tâche et à son manque de ressources pour y parvenir
Jéjé perdu, désemparé
un regard quil narrive pas à oublier
c'est triste le regard dun mec sur le point de voir son rêve de toujours lui échapper des mains
son visage défait
la honte de ne pas y arriver
voir sa déception
et, dur par-dessus tout, arriver à capter dans ce regard quelque chose qui ressemblerait à une autre peur, la peur de le décevoir, lui, lami de toujours
Cet échange de regards avec Jéjé la vraiment marqué et attristé... jamais encore il navait vu ce regard dans les yeux de son pote
il lavait déjà vu déçu, mais jamais dépité à ce point
il lavait déjà vu déçu, mais encore il y a quelques semaines ils en auraient parlé juste après le match, dans les vestiaires, la serviette à la main, sous la douche, sans faute. Jéjé lui aurait dit ce qui se passait, quels soucis le tracassaient
et lui il aurait joué son rôle de grand frère, il laurait rassuré
Mais pas cette fois-ci. Dès la fin du match, il était parti le rejoindre aux urgences à Purpan. Ils avaient attendu un long moment. Il avait tout tenté pour essayer de le détendre, de le déculpabiliser, de relativiser léchec
lhumour, les mots apaisants dont il avait le secret, le rappel dautres moment difficiles quils avaient fini par surmonter
pourtant, malgré les nombreuses perches, Jérém navait pas voulu en parler
il avait quand même continué à lui faire la conversation, pour tenter de lextirper de son broyage intensif de noir
chose qui avait fini par agacer Jérém qui avait fini par balancer, sur un ton très agacé : « Jai été minable !, je nai pas dexcuse, rien à dire de plus ! », et il sétait refermé comme une huître
Thibault avait été surpris et sétait tu. Il avait attrapé une vieille revue auto sur la table basse juste à côté et il sétait plongé dedans. Et le malaise sétait encore un peu plus installé entre eux
Et ce soir, dans son lit, les yeux ouverts dans le noir, il revoit encore le regard dépité de son pote en plein match
à force de ressasser cette image, il finit par se demander si dans le malaise de Jérém il y avait aussi le fait de se sentir comme sali, honteux par rapport à ce qui sétait passé la nuit précédente avec Nico
ces excès inavouables qui étaient à la base de son forfait physique
Trop de non-dits, depuis trop longtemps déjà
se dit Thibault, dans son lit
il faudrait évacuer ça
au plus vite
car une amitié sans partage
une amitié où lon nose plus se dire les choses
où les différences signorent, cest une amitié qui a les jours comptés
à force dignorer nos différences nous ne marcherons plus ensemble
ce couplet de Mylène entendu à la radio ce jour-là, résonne soudainement dans sa tête comme une sonnette dalarme
Et parce quil ne veut pas perdre son pote, pour rien au monde, surtout si dans quelques temps il part travailler loin
pour que la distance de cur ne sajoute pas à la distance physique, Thibault se sent motivé pour faire le premier pas vers son pote
pour lui parler
évacuer le malaise, affronter le « dossier Nico », ce si beau dossier au fond, ce dossier qui na rien à se reprocher
Oui, laffronter, mais sans forcement affronter le sujet « Sexualité » plus en général
si Jéjé a besoin de Nico, ce nest pas pour autant quil a changé du tout au tout
que ce soit une passade ou quelque chose destiné à durer, Jéjé a besoin dêtre rassuré, de se sentir compris, accepté
Mais comment arriver à lui montrer tout ça, la force de son amitié, sil ne lui parle pas, sil ne lui en offre pas la possibilité ?
Cest bien la première fois quil ne cherche pas à se rassurer auprès de lui
et cest dur à vivre pour le jeune pompier
Mais il faut à tout prix que Jéjé sache que lui, Thibault, il sait et que ça ne pose aucun problème, que ça ne change rien, absolument rien dans leur amitié
il faut quil sache, sans pour autant que son pote pense quil est passé par Nico pour avoir des infos quil ne voulait pas encore partager avec lui
bien sûr, il a aimé échanger avec Nico
mais de toute façon
même avant de parler avec Nico, le beau pompier avait tout compris
cest juste que
parler avec Nico au sujet de son pote
le rassure
Il lui faut à tout prix parler à Jérém
crever labcès avant quil ne tue leur amitié
mais comment sy prendre pour parler à Jéjé sans blesser son amour propre, sans quil se sente jugé, regardé différemment, démasqué, sans quil ait honte, sans le braquer
comment sy prendre pour lui faire comprendre quil na pas à se cacher de lui, et à se cacher tout court, au sujet de ce qui se passe avec Nico
quil na pas à craindre son jugement
Cest inexprimable
une image vague mais insistante
ça donne des frissons bizarres, mais intenses
ça éveille les sens
ça fait se poser la main autour de la queue
ça sannonce comme un fantasme qui va bien accompagner cette branlette dans le noir, sous les draps, pour appeler le sommeil
Cest juste une image qui fait surface, venue don ne sait pas trop où
enfin, qui refait surface
car elle sest déjà présentée à son esprit, parfois
mais elle est aussitôt repartie
et jamais elle nest venue en même temps que lenvie dune branlette
jamais elle nest venue inspirer une branlette
pas avant ce soir
Deux potes
cest peut-être juste cette bière de trop
cette heure tardive qui appelle aux confidences, à la proximité, à un besoin de tendresse quon na pas vu venir
ou alors juste la curiosité
oui, la curiosité
mais peut-être aussi à cause de cette envie longtemps refoulée
Deux potes qui décident de se laisser aller
qui se disent que si lautre est partant, pourquoi pas
que, ma foi, il ny a pas de mal à se faire du bien
dautant plus que lenvie est là, bien là
Deux potes qui vont goûter aux plaisirs entre mecs
leurs premières caresses timides, encore freinées par les interdits
et puis, les barrières tombent les unes après les autres
désormais guidés par linstinct, les voilà sautorisant le premier baiser, timide, hésitant
un premier baiser quils auront trouvé rudement bon, excitant, suivi par dautres, de plus en plus passionnés, de plus en plus sensuels
Deux corps qui cèdent à lenvie de se mélanger, de partager un plaisir inconnu
un plaisir quon a envie de partager avec lui, et avec lui uniquement
le pote de toujours
celui qui nous connaît plus que quiconque, par qui on se sent compris plus que par quiconque
avec qui on se sent en confiance, plus quavec quiconque
à qui on a envie de faire du bien
plus quà quiconque
ce pote qui nous intrigue, dont la sexualité, dernière facette inconnue dans une complicité presque parfaite, nous intrigue
Le mains qui saffolent, lurgence du plaisir qui sempare des corps, qui embrase les esprits
rencontre denvies, chacun déshabillant lautre à la découverte de ce corps anatomiquement identique au sien, mais si inconnu encore
Enfin
presque inconnu
car, bien sûr, il y a eu les vestiaires, les douches
mais ce nest rien par rapport à cette découverte visuelle rapprochée
bien sûr, il y a eu des gestes de potes, une main sur lépaule, un bras autour du cou, les contacts pendant le jeu
mais ce nest rien par rapport à cette découverte tactile libérée, passionnée
et aussi
on connaît depuis longtemps l« odeur » de lautre, ce ressenti olfactif si unique, si familier, si rassurant
ce mélange de déo, de gel douche, de transpi
mais ce nest rien par rapport à cette découverte olfactive pendant que les peaux se frôlent, une proximité où les narines se chargent de lodeur légère et tiède de lautre
où les petites odeurs de mec se mélangent, au même titre que les corps
Connaître la douceur et le goût de la peau de lautre, de ses lèvres
goûter au plaisir indescriptible dune langue qui court et glisse dans le cou, sur le torse, les tétons, une langue qui provoque à la fois des frissons chez soi et chez lautre
ressentir un frisson inouï lorsque les braguettes souvrent
lorsque les sous-vêtements se baissent petit à petit
lorsque les mains, enfin débridées, libèrent, dévoilent
Le premier contact avec une queue autre que la sienne
expérience inédite, quils pensaient interdite, impossible, quelle expérience pour ces deux mecs, eux si hétéros, si portés sur les nanas
expérience qui sera leur truc à eux, rien quà eux
et sur cette image de découverte de bonheur entre garçons, la jouissance arrive
elle vient mouiller des abdos musclés, ainsi quun chemin de bonheur large, brun et fourni
les jets se succèdent, dans le noir, lourds, chauds, denses
lorsquils cessent, la main arrête aussitôt ses va-et-vient
La jouissance a été puissante
elle vient de sabattre comme un éclair, comme une décharge électrique dans le cerveau et dans le corps du beau mécano
Le beau pompier vient tout juste de jouir
et déjà le fantasme sévapore, comme une petite fumée balayée par un vent puissant, laissant derrière lui un petit mais insistant arrière-goût de culpabilité
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