Mister Hyde - 1
« Je suis moulue » affirma Frédérique en se laissant tomber dans le canapé. Derrière elle, Frédéric ébaucha un mouvement mais laissa retomber sa main. Il reporta son attention sur la pièce. Tout y était parfaitement ordonné. Le déménagement était terminé, il navait plus quà sen aller. Il resta cependant planté là, sans bouger, à moins dun mètre de la femme quil aimait encore et qui lavait quitté. Il lui fallut faire un effort pour déporter son regard de la chevelure blonde vers la cheminée qui occupait bien les trois quarts du fond de la pièce. Une cheminée splendide, dans laquelle on aurait pu faire cuire un mouton entier, tant elle était large et profonde. Dun pas qui se voulait nonchalant, il franchit la dizaine de mètres qui le séparait de louvrage de pierre.
De la pierre de Caen, granuleuse. Il trouva sous sa main la sensation quil espérait, celle du sable solidifié. Il caressa la cheminée, accompagnant de la paume et des doigts les arrêtes et les rotondités du tablier et des jambages. Il sentit les fines granules agacer lextrémité de ses phalanges. Ce nétait pas cela quil souhaitait caresser, il le savait. Mais ses doigts le démangeaient trop et il se devait de tromper leur faim. Il entra dans le cur en baissant à peine la tête et frôla le linteau. Puis, levant les yeux, il découvrit le ciel. Un instant, il simagina ramoneur et samusa de lanalogie sexuelle quil chassa aussitôt de sa pensée en la faisant bifurquer vers Noël et son heureux père qui naurait aucun mal à se glisser dans le large conduit. Une fraction de seconde, il détesta le vieux barbu qui serait présent près des siens alors que lui était chassé du paradis. Il se tourna alors vers le fond de lâtre pour se repaître de sa noirceur. « Mon cur est comme cette cheminée, se dit-il, il a brûlé dun feu joyeux mais maintenant, il nest plus que cendres et suie. » Cette réflexion apporta un sourire triste sur ses lèvres, un sourire de façade, certes mais assez présentable pour qui puisse enfin faire face à Frédérique en lui masquant son désespoir.
- Je vais prendre une douche et me coucher dit-il en lui montrant ses mains couvertes de poussière noire
A moins que tu ne veuilles profiter de la salle de bains avant de técrouler complétement.
Frédérique ne répondit pas, elle se contenta de le regarder sapprocher pour la dépasser et quitter son champ de vision. Elle lentendit descendre les premières marches, ébaucha un geste de la main, comme pour le retenir, et laissa retomber son bras. Elle navait plus aucun droit sur lui puisquelle lavait quitté. Elle navait donc pas celui de le retenir et encore moins celui dimplorer ses caresses.
Du regard, elle embrassa la pièce dans laquelle elle allait vivre désormais. Seule
ou presque. Son petit bout de chou dà peine six mois narriverait que mardi, en compagnie de sa mère. Dici là, Frédéric serait reparti à paris. La rupture serait alors consommée. Sen voulait-elle ? peut-être, elle nen était pas sûre, elle nétait sûre de rien ces derniers temps. Si ! Elle était sûre que Frédéric avait été en dessous de ses espérances et quil lui mentait par omission depuis toujours. Elle se remémora leur rencontre chez des amis communs la femme était une collègue de Frédéric qui avaient organisé un dîner dans le but avouer de les présenter lun à lautre. « Cest un type gentil et solide » lui avait dit Myriam. Pour ce qui est de la gentillesse, elle ne se trompait pas
bien quune lueur de colère au fond de ses yeux bleus démentît parfois ce diagnostic. Ils se revirent de temps en temps, jusquau jour où elle fut choisie pour remplacer Myriam pendant son congé de maternité. Il resta très professionnel avec elle. Jamais il ne fit allusion à leurs rencontres hors du travail et donna même limpression de ne pas la connaître lorsquelle lui fut présentée par la directrice du site. « Au boulot, nous sommes au boulot » lui avait-il rétorqué dun ton sans réplique alors quelle lui en faisait le reproche, assise face à lui dans un restaurant. « Carabosse est à laffût de la moindre erreur pour le virer, en étant comme il est, il protège tout le monde » - intervint Vincent, le mari de Myriam qui, pour simmiscer dans la conversation nen cherchait pas moins à la déminer.
Frédérique rouvrit les yeux, une larme sen échappait. Quéprouvait-elle ? De la tristesse ? De la nostalgie ? Des regrets ? Elle ne savait répondre à cette question. Peut-être ne saurait-elle jamais le faire. Cela navait, de toute façon, guère dimportance puisquelle lavait quitté. Elle secoua la tête comme pour chasser les idées noires qui lenvahissaient. Sa lourde crinière blonde fouetta lair avant de revenir en place. Elle arpenta la pièce encore jonchée de cartons et de meubles. « Ici je mettrai mon lit, là, celui de Jean. Un paravent nous séparera, ainsi, je ne serais pas sous son nez et il pourra dormir en sécurité, à la fois proche et loin de moi. Là, ma commode et ici ma coiffeuse. Il faudra que je rachète des paravents pour bien séparer nos chambres du salon. Quand il sera plus grand, Jean dormira dans la chambre den bas. Il faut que je profite de la présence de Frédéric pour la préparer. Le temps passe si vite
»
Le temps passe si vite mais, pour elle, il se figea. Frédéric était revenu dans ses pensées et elle le revit en train de caresser la cheminée. Un frisson parcourut son corps. Les mains de Frédéric, elle en rêvait toutes les nuit depuis quils étaient séparés. Elles étaient si douces sur sa peau. Tellement possessives et tendres
Elle voulait les sentir à nouveau. A nouveau ressentir le plaisir quelles lui prodiguaient. Et plus encore. Elle avait envie quelles expriment enfin la colère qui sourdait parfois dans le regard de Frédéric.
***
Leau coulait à flot sur la peau bronzée de Frédéric. Il avait choisi quelle soit froide pour le calmer des échauffements de la journée. La veille, il en avait pris une brûlante. Il était au soir du déménagement le plus harassant quil lui avait été donné de faire puisquil avait vidé à lui seul le petit appartement quoccupait Frédérique sous les toits de Paris. Six étages sans ascenseur, quil avait descendu tantôt le dos chargé dune machine à laver ou dune commode en bois massif, tantôt les bras chargés de cartons de vaisselle ou de livres. Une véritable sinécure
A chaque montée, à chaque descente, il se maudissait dêtre là. Après tout, il ne devait rien à Frédérique : elle lavait largué, quelle se débrouille
Mais il était bel et bien là, se refusant à la lâcher alors quelle avait besoin de lui et que tous les autres étaient partis en vacances. Au moins, il nétait pas emmerdé par lobligation de côtoyer ses amis à elle. Pas plus que par les voisins car, il lui fallait bien reconnaître que Paris sétait vidé en ce 14 juillet. Il navait même pas eu besoin de faire un créneau avec la camionnette quil avait garé juste devant la porte.
« Hier le chaud, ce soir le froid » sourit-il dans sa barbe. Un froid dont il avait besoin. Pas pour soigner ses muscles endoloris mais pour calmer ses ardeurs.
Il ferma le robinet dune main grelotante, il était resté sous le jet glacial trop longtemps, à se perdre dans ses souvenirs. Prestement, il se bouchonna afin de ramener un peu de chaleur dans son corps. Puis il se rhabilla. Lhabitude de dormir nu (ou juste couvert dun caleçon), lobligeait à cet exercice. Il refusait de croiser Frédérique en tenue dAdam. Il y avait encore dix jours, cette situation ne laurai pas gêné, il aimait se promener nu chez lui et ne fit jamais mystère de cette habitude à sa compagne. Mais elle ne létait plus et il nétait pas chez lui mais chez elle. La différence était de taille. Très vite, il sengouffra dans la chambrette quil sétait attribué pour les deux nuits quil devait passer ici avant de repartir pour Paris. Avec un peu de chance, linstallation de lappartement serait terminée plus rapidement que prévu et il pourrait fuir ce lieu de tentation. Il le savait déjà, son principal regret serait, en partant, de ne pas voir Jean. Son petit lui manquait mais il devait se rendre à lévidence, mieux valait quil puisse sinstaller dans un appartement rangé que de subir le désordre de linstallation. Cette constatation le rasséréna, il sallongea calmement sur le matelas jeté par terre comme un bas flanc.
Il lisait quand le bruit de leau tombant en cataracte dans la baignoire vint troubler sa concentration. Aussitôt, il imagina Frédérique dans le plus simple appareil, ses seins jolis et lourds de lait, son ventre encore un peu lâche de sa récente grossesse, ses cuisses nerveuses, sa peau blanche de blonde
Il lui fut impossible de calmer son désir : une érection pesante lui prit le bas du ventre. Il eut beau reprendre sa lecture, la magie des mots nopérait plus. Loreille aux aguets, il tentait de deviner les gestes et les déplacements de la belle en fonction des clapotis de londe. Très vite, ses mains sarrondirent comme pour posséder les seins, coinçant, entre leurs phalanges, les tétons gonflés. Dun mouvement lent et subtil, il les faisait rouler entre ses doigts sans les pincer. Il sentait la poitrine se gonfler sous ses paumes, la respiration saccélérer ; la bouche de Frédérique ahanant le désir qui montait en elle. Les yeux fermés, il savourait son rêve, ses mains remontaient vers la gorge et les épaules de la douce. Il la caressait tendrement, descendant le long des bras, faisant une incursion sur le ventre puis remontant vers la poitrine dure et tendue par le plaisir
Le jeu aurait pu durer indéfiniment. Il fut interrompu brusquement.
- Frédéric
Frédéric tu mentends ?
- Oui grogna-t-il, assez mécontent de larrêt brutal quelle lui imposait.
- Jai oublié mon peignoir à létage, tu peux me lapporter sil te plait ?
La question était de pure rhétorique, Frédéric se leva et alla dun pas lourd chercher le peignoir requis. Le bruit quil faisait était intentionnel, il voulait quelle sache quil obtempérait sans avoir à parler. Depuis le matin, il navait pas dû lui dire plus de dix phrases, la plus longue lui annonçant quil allait se doucher.
A létage, il fouilla un puis deux puis une multitude de cartons avant de trouver celui qui renfermait le précieux vêtement. Il sen saisit, ainsi que dune paire de chaussons et redescendit. Il cogna à la porte de la salle de bains.
- Je lai coincé dans la poignée dit-il en se dirigeant vers la chambre.
Le temps quelle entrouvre la porte, il avait refermé la sienne.
***
« Jaurais dû lui demander des chaussons aussi » se dit-elle, dépitée par le tour que prenaient les événements. Elle navait pas le moins du monde oublié de prendre son peignoir, elle avait juste trouvé une bonne excuse pour quil le lui apporte. Pas un instant elle navait pensé quil le laisserait sur la porte. Bien au contraire, elle était persuadée quil entrerait et laiderait à lenfiler. Elle se serait alors laissée glisser contre sa poitrine, lobligeant à la retenir, à lenlacer. Il avait déjoué son plan et elle nen éprouvait que plus de désir. Vite, vite, vite, il fallait quelle trouve une idée. Elle navait pas lintention de passer sa nuit à étancher sa frustration en se caressant comme elle venait de le faire dans son bain. Elle avait imaginé les mains de Frédéric parcourant son corps, ses doigts la pénétrant et la quittant, la laissant sur sa faim. Et elle navait pas réussi à se satisfaire. Depuis dix jours, elle ny arrivait plus. Pour cela, les doigts de Frédéric étaient magiques, ils lui manquaient. La frustration la rendait insatiable.
Elle se déplaça en silence jusquà la porte de la petite chambre. La lumière filtrait mais pas un son ne se faisait entendre. Elle hésita quelques secondes sachant pertinemment que, sil sétait comporté comme il venait de le faire, il serait sans doute mécontent quelle le dérangeât de nouveau. Le désir fut plus fort que la crainte. Peut-être même, la crainte sadditionna-t-elle au désir. Elle frappa. Un grognement lui répondit.
- Tu nas pas faim ? demanda-t-elle.
Le grognement émis sonna comme un « non »
- Jaurai bien besoin dun massage, tout mon corps est tendu.
- Vas te coucher, dors ! Demain ça ira mieux.
Ce nétait pas la réponse espérée, elle insista.
- Je vais passer la nuit à avoir des crampes
- Tu fais vraiment chier sentendit-elle répondre à travers la porte.
Mais elle perçut aussi les bruissements produits par quelquun qui se lève. Et la porte souvrit enfin.
Elle se serait bien jeté à son cou tant elle avait envie de sentir ses bras lemprisonner. Elle se retint cependant, de peur de leffaroucher.
Il navait sur lui quun boxer, leffet sur elle fut immédiat.
- Monte ! Je mhabille et jarrive.
Elle ne se le fit pas dire deux fois, fit volte-face et grimpa sans attendre le petit escalier sans omettre de remonter bien haut le bas de son peignoir. Lavait-il vu, elle lignorait mais elle avait la certitude quil avait toujours envie delle et que ce fugace aperçu de sa féminité avait, au pire réveillé son désir, au mieux lavait entretenu. Elle sallongea sur le canapé, le dos et les jambes nus, le peignoir masquant juste ses fesses. Si en la voyant ainsi il ne bandait pas, cest quil sétait transformé en robot
Frédéric monta les marches lentement, vêtu de pied en cap et lesprit assailli dune seule question : « pourquoi agissait-elle ainsi ? » Un instant il pensa quelle navait pas conscience de lallumer. Cela ne dura quun instant. Il la connaissait trop bien et savait quelle nagissait jamais sans avoir mûrement réfléchi chaque geste, chaque mot. Aussi ne fut-il pas surpris de la découvrir quasiment nue sur le sofa. Il nen eut pas moins le souffle coupé : son imagination et sa mémoire ne pouvaient rivaliser avec la réalité qui lui était offerte. « Putain quelle est belle ! » se dit-il en hésitant à fuir. Il simmobilisa et sobligea à retrouver son calme.
- Quest-ce que tu fais ? demanda-t-elle dune petite voix suave.
- Je réfléchis. Dans quel carton sont les huiles ?
La réponse ne fut pas instantanée comme si elle marquait un temps pour le laisser savourer la langueur de son intonation et les promesses quelle contenait.
- Celui du fond, là-bas, près de la cheminée.
Il sen approcha sans un mot, fouilla et extirpa deux flacons du carton. Amande douce et jojoba, cela ferait laffaire. Ce nest quen revenant vers elle quil compris le détail qui clochait. Sil voulait soccuper correctement du dos de sa patiente, il navait que deux solutions : sagenouiller à ses côtés ou enfourcher ses jambes. Frédéric avait toujours eu du mal à accepter les génuflexions - cétait dailleurs une des raisons qui lavait poussé à refuser la religion il nallait pas commencer aujourdhui. Quant à la seconde possibilité, elle puait le piège à plein nez, il ne tomberait pas dedans.
- Je vais commencer par tes jambes, pour le dos, il faudra que tu te retournes
Son ton était empreint dune certaine animosité, Frédérique la saisit parfaitement. Elle fulmina intérieurement davoir été si transparente. Mais peut-être quà force de le faire enrager, elle finirait par obtenir ce quelle voulait
Frédéric posa un quart de fesse sur lextrême bord du canapé et versa parcimonieusement de lhuile damande sur les mollets de la belle. Du bout des doigts, il étala longuent puis, satisfait de luniformité de la couche ainsi créée, entreprit son massage. Il commença par travailler le mollet gauche, celui qui lobligeait à se contorsionner. Il sen saisit à pleines mains mais seuls ses pouces avaient une véritable fonction, appuyant sur la chair pour tirer vers le bas les muscles et les tendons. Il se livra à ce jeu plusieurs minutes puis passa au mollet droit quil traita à égalité. Frédérique, elle, ne bougeait pas, némettait pas le moindre son hormis celui de sa respiration. Elle se laissait bercer par les douces sensations que lui procuraient lhuile et les mains de lhomme quelle désirait.
Elle se laissait bercer mais elle anticipait aussi les frissons quelle ressentirait bientôt, lorsque les doigts de Frédéric viendraient malaxer ses cuisses. Car elle nen doutait pas, il ne changerait pas sa technique : ses deux mains prendraient possession dune cuisse puis de lautre. Tour à tour il les encerclerait de ses doigts et, immanquablement, il frôlerait son sexe. Il sentirait, alors, combien elle était prête, combien elle lattendait
Il ne pourrait pas résister. Cette pensée lui procura un soupir de satisfaction ainsi quun regain de désir. Une brève stase dans les mouvements de Frédéric lui montra que lhomme avait perçu son frémissement. Elle se mordit la lèvre pour retenir le ronronnement qui grondait dans sa gorge. Rester discrète pour ne pas le heurter, cétait pour linstant la seule chose qui importait.
***
Frédéric poursuivit son travail, se voulant impassible. Il espérait quelle navait pas remarqué son hésitation suite au soupir quelle avait laissé échapper. Il nétait pas dupe, il savait pertinemment que ses massages mettaient inéluctablement Frédérique en transe et quelle le désirait toujours, après. Il se souvint brusquement de ce soir où, après lavoir massée, elle lui avait susurré cette phrase quil navait ni comprise ni cherché à comprendre : « Tout ce que tu veux
»
Il avait eu peur.
Pas delle, de lui.
Ce soir-là, il savait ce, quelle, désirait. Ce quelle attendait de lui. Il le lui avait donné, avec beaucoup de douceur et de tendresse. Cétait bien loin de ce que lui voulait
Il tapota les mollets de la belle pour signifier la fin du travail mais surtout pour revenir à la réalité. « Tout ce quil voulait
», il devait loublier. Il sentait monter en lui un désir irascible et violent, il devait se calmer. Pétrir les cuisses de Frédérique ne ferait pas taire son désir mais le ramènerait sans doute vers plus de douceur.
Il savança très légèrement sur le canapé et prit possession de la cuisse gauche.
***
Frédérique frissonna et ouvrit imperceptiblement les jambes pour laisser à la main droite de Frédéric assez despace pour voyager. Elle sentit lhuile couler sur sa cuisse et, tout de suite après, des doigts caressants, létaler. La chair de poule la gagna. Enfin il allait savoir, il allait découvrir son désir. Instinctivement, elle eut un sursaut que lhomme calma dune claque sur sa fesse gauche. Elle se surprit à en espérer dautres.
Deux de ses amants, avant lui, avait tenté de la fesser, elle sétait toujours rebiffée mais en avait conservé un fantasme secret dont elle navait pas parlé à Frédéric. Lui avouer son envie dêtre sodomisée avait été suffisamment difficile pour quelle y épuise don courage. Pour donner le change à la tape, elle poussa donc un petit « Ooooh ! » quelle espérait coquin.
Les mains de Frédéric, pendant ce temps, se mirent à glisser le long de sa cuisse. De haut en bas, toujours. Visiblement, le masseur tenait à éviter tout flirt avec son sexe et avec le petit repli quil appelait les « ailes de colombe » à cause de la douceur et de la tendreté de la chair à cet endroit. Les émois quil provoquait en picorant la peau du bout des lèvres ou en lagaçant de lextrémité de ses doigts ou de ses ongles, offraient à la jeune femme des orgasmes éclatants. Elle éprouva de cette désertion, une frustration supplémentaire qui la fit hoqueter de dépit.
Bienheureux hoquet qui intervint à la seconde précise où Frédéric repositionnait sa main pour une énième glissade. Il mit en contact le pouce et léminence thénar (le renflement intérieur de la main situé sous le pouce) de Frédéric et les lèvres humides du sexe de la demoiselle. Lhomme retira sa main comme sil sétait brûlé et administra à la belle une seconde claque, plus forte, sur la fesse droite cette fois et revint aussitôt à son ouvrage.
Frédérique nen pouvait plus et le soupir quelle lâcha se mua en gémissement. Frédéric reprit sa tâche comme si de rien nétait.
Il en était sûr désormais, elle cherchait bel et bien à lallumer. Il se piqua au jeu, et décida de lui rendre la monnaie de sa pièce. Déjà, il lui avait claqué les fesses par deux fois sans quelle sen offusque maintenant, il allait lexciter jusquà la frange de lorgasme. Ensuite
Il aviserait. Mais un plan machiavélique sébauchait déjà dans son esprit.
Il recommença à masser la chair tendre des cuisses de la jeune femme mais cette fois, sans prendre soin de ne pas frôler ou toucher les parties sensibles. Bien au contraire, il les effleurait à chaque passage faisant frémir la belle un peu plus chaque fois. Il fut tenté de ponc les frissons dune tape mais se retint. Certes, il la fesserait dabondance mais plus tard, quand elle serait si chaude quelle naurait dautre choix que den subir lhumiliation. Désormais, il laissait parfois son index séchapper vers le sexe parfaitement lubrifié de Frédérique. Il ne le laissait pas longtemps, juste le temps quelle prenne conscience de sa présence et donne des signes dempathie. Un mouvement du bassin, un déplacement de la jambe
il le retirait aussitôt. Elle devait bouillir de rage à cause de ces interruptions répétées. Cela le fit sourire.
Il modifia un peu sa façon de faire en sattaquant à la seconde cuisse. Sa main gauche étant moins agile que la droite, il inversa sa position et joua de lauriculaire. Ses assauts en furent plus discrets mais cette option avait un avantage insoupçonné, celui de sentir, le long de sa cuisse, le moindre frémissement du corps de Frédérique.
***
« Il me tue » se dit Frédérique qui ne boudait pas son plaisir. Jamais, jusquà présent, il navait réussi à tendre son corps comme il le faisait à cet instant. Cela la rendait folle de penser quils venaient de gâcher deux ans avec des jeux ds quand ils étaient, lun comme lautre, capables de ces jeux dadultes. Elle gémissait, hoquetait, sursautait de plaisir à chaque fois quil poussait un peu plus ses caresses. Elle était au bord de lorgasme, elle le sentait là, dans son ventre, prêt à bondir et à tout engloutir. Mais Frédéric lui refusait ce saut dans linconnu, interrompant ses manuvres à chaque fois. Pourtant, elle devait jouir, il le fallait absolument sinon elle deviendrait folle. Elle le savait, cétait écrit.
Quand il se retourna, elle sut quil lui interdirait de se laisser aller alors, lasse de tenter toujours de voler son orgasme, elle capitula.
- Tout ce que tu voudras, lâcha-t-elle dans un râle.
Il se leva et elle sentit son corps sappesantir sur elle. Il la couvrait de la façon la plus possessive qui soit, bloquant ses jambes de ses jambes, bloquant son dos avec son torse, bloquant ses bras avec ses mains. Elle se sentit possédée bien plus que sil lavait prise.
- Tout ce que je voudrai
Tu ignores à quoi tu texposes
Redis-le !
Ce nétait quun murmure à son oreille mais elle comprit quelle venait de réveiller un Frédéric quelle ne connaissait pas bien quelle leu toujours cherché derrière son amant policé. Mais maintenant quil était là, elle avait peur. Elle nosait pas se répéter. Il insista.
- Redis-le !
Aucun son ne sortit de sa bouche pourtant entrouverte. Elle était figée par la crainte de linconnu. Il réitéra son exigence pour la troisième fois.
- Redis-le !
Le ton était monté dun cran, il ne murmurait plus il parlait, dune voix posée et ferme, habituée à donner des ordres. Une voix quelle entendait pour la première fois.
Frédérique lui répondit par un silence prolongé. Il se le tint pour dit : il se leva.
Il se leva puis saccroupit face au visage de la femme. Il la regarda et lâcha :
- Trouillarde !
Et sans attendre la réponse, il séloigna.
Elle blêmit. Cétait tellement vrai.
Elle se souvint quun jour, alors quil discutait avec des amis à elle, il traita lun dentre eux de con. Bien sûr, celui-ci prit la mouche et Frédéric, avec tout le sérieux possible lacheva dune phrase : « Ce nest pas une insulte, juste une constatation ; vous avez la connerie comme dautres ont le cancer, vous ny pouvez rien ! il y a cependant une consolation que nauront jamais les cancéreux, nous avons tous nos cons et vous aurez les vôtres comme jai les miens. Je trouve cela plutôt réconfortant. »
Il ne lavait pas insultée, juste constaté : « trouillarde ! » Cest bien ce quelle était.
***
Frédérique séveilla après une nuit agitée durant laquelle tout lavait fui : le sommeil et le plaisir. « Trouillarde ! » Ce mot, cette voix qui le prononçait lavaient, en revanche accompagnée durant toute sa longue veillée et elle navait réussi ni à le faire taire ni à lapprivoiser. Pour le chasser, elle avait tenté de se caresser mais le souvenir des mains de Frédéric sur ses cuisses, celui de son doigt dans son sexe, avaient fait fuir le plaisir ; pas le désir, qui était toujours là, présent au creux de son ventre. Alors, elle sétait tournée dans son lit pour tenter de dormir, le désir et se mot len empêchèrent. A tel point quelle se demanda si ce mot, ou le ton sur lequel il avait été prononcé, ne sajoutait pas au désir initial quelle avait ressenti. Ce nétait pas très clair dans son esprit mais il y avait quelque chose comme ça qui lagaçait, au sens sexuel du terme. En tous cas, elle était toujours excitée et même plus encore que la veille. La journée allait être difficile.
***
Frédéric, apparemment serein, grimpa les quelques marches qui le séparait du loft. Il tenait un plateau dans les mains sur lequel reposait un bol de café au lait fumant et quelques croissants. Le petit-déjeuner préféré de Frédérique.
- Debout feignante, il est bientôt dix heures et on a du boulot.
Frédérique le regarda avec étonnement. Il agissait comme si rien ne sétait passé or, elle en avait bien le souvenir, il sétait passé quelque chose dont elle avait eu peur. Mister Hyde était apparu.
- Bonjour Dr Je, dit-elle en se croyant maligne. Que fais Mr Hyde ce matin ?
- Il attend que Beatrix lui répète avec autant de conviction, sa petite phrase dhier soir répondit-il du tac au tac.
Le rouge monta au visage de Frédérique en une fraction de seconde, la convainquant quelle aurait mieux fait de se taire. Heureusement pour elle, Frédéric éclata de rire et désamorça de ce fait une situation bien gênante pour elle. Du moins le crût-elle.
- Ne ten fait pas, ni lui ni moi niront raconter cette histoire. Ton secret sera bien gardé.
- Quel secret ? ne put-elle sempêcher de demander. Le fait que je sois une trouillarde ?
- Plutôt le fait que tu noses pas aller au bout de tes désirs et encore moins au bout de tes fantasmes
A moins que tu ne sois vraiment quune petite fille sage qui se donne des airs de canaille. Cest possible aussi. Quoique je nen sois pas certain.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis
- Alors, demande à ta croupe si elle a apprécié dêtre fessée ou
Prends ton petit déjeuner et oublie tout le reste.
Frédéric avait la sale habitude de clore les discussions en sen allant après une sortie péremptoire à laquelle il était toujours difficile de répondre du tac au tac. Ce ne fut pas le cas ce matin-là. Il resta près de la jeune femme, la regarda en souriant et se tut, tout simplement. Au passage, il lui chipa un croissant quil dévora à pleine dent.
Frédérique tenta, sans vraiment y parvenir, de rester impassible face à lattaque du jeune homme, en se concentrant elle aussi sur les croissants. Le rose de ses joues trahit cependant son émoi. Oui, elle avait aimé cette sensation de chaleur quand la main de Frédéric avait heurté sa chair
fusse à travers lépais tissu de son peignoir. Oui, elle était émoustillée par le fait quil en parle aussi facilement, aussi crûment. Elle goba une énorme bouchée de viennoiserie pour ne pas dire les mots quil attendait. Elle ne fit que retarder léchéance mais, elle en était pleinement consciente, à un moment ou à un autre, ils lui échapperaient.
Le petit déjeuner sacheva sur ce non-dit. Un de plus pensa-t-elle. Cétait un peu le résumé de leur histoire, Frédéric ne sétant jamais montré très bavard sur son passé ou sur ce quil ressentait au jour le jour. Il se contentait dêtre gentil, prévenant et, malgré la certitude quelle avait quil pouvait être bien plus que cela, il ne sétait jamais vraiment « lâché », avec elle. La patience de Frédérique avait fini par sémousser puis disparaître : elle lavait quitté. Et voilà quaujourdhui, il révélait une facette de lui quelle soupçonnait sans lavoir jamais vue. Elle était curieuse den savoir plus mais linconnu, comme tout inconnu, lui faisait peur et lexcitait. Elle aurait aimé quil agisse, la veille au soir. Au lieu de ça, il avait exigé quelle répète les cinq petits mots quelle avait prononcé : « Tout ce que tu veux
! » et elle nen avait pas eu la force. Il lavait traité de trouillarde mais il lui avait foutu la trouille, parce quil lavait confronté à son désir et que, dans son cas, cela fait peur. « Demande à ta croupe si elle a apprécié ! » avait-il dit quelques minutes auparavant
Sa croupe
Il ne la traitait plus en femme. Elle dut se rendre à lévidence, elle aimait ça, elle en avait envie
Elle ouvrit la bouche pour parler mais la referma aussitôt. Cela néchappa pas à Frédéric qui se contenta de sourire, narquois. Il se leva, désigna un carton : « Où ? » dit-il.
***
Le carton contenait lattirail de peintre de Frédérique. Il ne lavait jamais vu sen servir et bien quil ait pu apprécier une de ses toiles religieusement exposée chez sa mère, celle-ci remontait à une dizaine dannées. Depuis, plus rien, linspiration avait quitté la jeune artiste. Il pensait que cétait dommage parce quil était sûr de son talent. Souvent, il lui avait conseillé de reprendre le pinceau mais rien ny faisait, les soies restaient muettes.
Comme elle aussi restait muette, il décida de ranger toutes ces affaires dans un petit meuble quil installa près de la fenêtre la mieux disposée. Il fit prendre le même chemin au chevalet quil disposa face à la fenêtre et posa dessus une toile blanche.
Frédérique le regarda faire en pinçant les lèvres, incapable de réagir à lhumiliation quil lui faisait subir (inconsciemment ?) en révélant son impuissance à peindre. Elle se détourna du spectacle, honteuse quil ait réussi, sans un mot, à la faire se sentir nulle à ce point. Honteuse aussi den être excitée. Il ne se conduisait plus en amoureux, il était devenu quelquun dautre quelle ne savait pas définir mais qui lui plaisait.
- Tout ce que tu veux
! dit-elle dans sa tête en remuant à peine les lèvres.
Elle le répéta pour elle-même, toujours aussi silencieusement. Une fois puis deux fois puis
Elle sentraînait avant de le dire à haute voix. Et cétait de plus en plus fort à chaque redite. Jusquà ce que les sons franchissent le pas de sa gorge.
- Tout ce que tu voudras !
Elle était passé du présent au futur sans en avoir conscience. Il avait libre cours. Elle venait de se donner.
***
- Répète !
Lordre fut sec et immédiat.
Frédéric se redressa pour la regarder. Elle se tenait assise sur le bord du canapé, elle regardait ses pieds en se tordant les mains.
- Tout ce que tu voudras ! répéta-t-elle dune petite voix timide, presquinaudible.
- Quest-ce que tu dis ? Je nentends pas
Il accompagna sa phrase du geste habituel, portant la main à son oreille. Elle répéta, plus fort, sans toutefois changer de ton ou dattitude. Il sapprocha delle et la fit tomber à genoux. Il saisit son menton, la forçant à le regarder dans les yeux.
- Répète !
Elle ânonna la phrase. Le visage de Frédéric était si dur, si fermé quelle prit peur. Mais elle était allée trop loin pour reculer. Dailleurs, elle se sentait piégée : avancer, reculer, les deux options leffrayaient à égalité. Elle sauta dans linconnu quand il exigea :
- Mieux que ça !
- Tout ce que vous voudrez ! répondit-elle.
***
Elle lavait vouvoyé sans intention. Mais cétait logique. Lhomme qui lui faisait face était un inconnu. Ce nétait pas le Frédéric quelle connaissait mais un homme puissant, impassible et dominateur ; tout le contraire de son ex.
Mister Hyde !
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