Effrayant Derrière, Suite

Effrayant derrière, suite
Dialogues Interdits, ou les conversations subversives et légères de deux personnages abordant tous les sujets sexuels, même les plus tabous. Une série d’histoires complètes, dont les épisodes peuvent se lire dans n’importe quel ordre.
Un nouvel épisode chaque samedi matin à 9 H et chaque mercredi soir à 20 H.

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Résumé : deux copines parlent de cul au sens premier du terme. L’une d’elle se souvient que plus jeune, son père lui achetait toujours de larges vêtements pour cacher son « effrayant derrière », afin que sa fille n’attire pas trop de regards.

— Ton père a continué à vouloir te protéger pendant longtemps ?
— Ce terme de « cul effrayant » est devenu un running gag entre lui et moi. Maman n’aimait pas ! Ce n’était que de l’humour, malgré tout je le sentais inquiet. Quelques mois plus tard, j’ai compris que ce qu’il m’avait dit ce jour-là au magasin était sincère. J’ai aussi compris pourquoi il m’achetait toujours des fringues aussi larges. C’était pas à cause du courant américain hip-hop.
— Et tu acceptais facilement ?
— J’avais conscience de mes formes sans avoir conscience de l’attrait qu’elles pourraient avoir. Et consciente ou non, je me suis longtemps foutue d’attirer ou pas.
— Ça a bien changé.
— Heu, je suis devenue grande ! Le contraire aurait été étonnant.
— Quand tu as commencé à grandir, tu ne voyais pas du tout qu’on te matait ?
— Je m’en suis aperçue peu à peu, et pendant longtemps ça m’a fait marrer. Je n’ai commencé à trouver ça excitant que bien plus tard. Tu vois : pas si coquine que ça la guêpe.
— Tes parents sont pas si terribles.
— Surtout, je ne veux pas que papa me vanne une millième fois sur mon « effrayant derrière ». Alors je préfère ne pas m’habiller trop moulant quand je vais les voir.
— Est-ce que ton père a eu tort de s’en faire ?
— Sur le coup, on en veut toujours à ses vieux.

Après coup on pardonne et on les comprend. Jusqu’à mon adolescence, j’étais en baggy, T-shirt XL et casquette. Pourtant, Dieu sait si papa détestait le rap ! L’air de rien il m’a influencé.
— Il t’a fait adopter ce look par amour pour toi. Comme c’est chou…
— J’ai pas été dupe éternellement. À partir d’un certain âge, tu penses bien, je me suis mise à sortir avec du bien plus sexe.
— Il te donnait le droit d’en acheter ?
— Au début, j’ai carrément appris la couture pour faire des retouches sur certains futals. Puis j’avais aussi mes petites techniques. Remonter le pantalon le plus haut possible, serrer le nœud à fond. Tout ce que je pouvais pour que la forme se dessine au moins un tout petit peu.
— Les parents devraient comprendre que plus ils en font plus on fait l’inverse. Par esprit d’opposition.
— Je me suis aussi mise à mieux considérer mon cul. À l’aimer… j’en ai été la première fan ! Puis, voir toutes ces œillades, finalement c’était drôlement chouette.
— Il avait peur que ça te rende superficielle. Les filles qui attirent trop de mecs et trop tôt ont tendance à le devenir.
— Vu que je ne pouvais pas toujours sortir avec du moulant, je suis arrivée à passer le cap. J’admets que c’était très net : les jours de moulant, c’était pour sortir avec un garçon. Les jours de baggy, j’allais bûcher à la bibliothèque ou me faire une expo.
— Donc, ton père a bien fait. Ça t’a permis de faire bosser ton corps autant que ta tête. Et sortir sexy sans aucun boyfriend, juste pour le plaisir d’être vue ?
— Oui, bien sûr ! Et justement, c’est ce qui me faisait finir avec un garçon, la plupart des jours.
— Tu aimes la drague de rue ?
— Il suffit d’éconduire quelques dizaines de lourdauds. Le jeu en vaut la chandelle, il y a presque toujours un charmant beau jeune homme qui vient ensuite. J’ai découvert ça dès que j’ai pu enfiler des robes.
— Donc tu as quand même pu t’acheter ce que tu voulais ?
— L’ouverture est venue de l’autre bord : maman.
Je ne m’y attendais pas ! Elle a accepté de m’acheter robes et jupes. Pas du sexy, peu importe : n’importe quelle robe, n’importe quelle jupe est sexy sur un beau corps.
— Instinct maternel, non ? Ou instinct féminin. Elle sait que tu devras assurer la descendance, et qu’il te faut donc présenter des arguments aux candidats.
— Puis surtout elle en avait marre de l’extra large. Voir sa propre fille aussi peu féminine ça la torturait trop. Par la suite, des candidats il y en a eu un paquet, sans que j’aie à assurer ma descendance pour autant.
— Ton papa a dû se faire pas mal de souci pendant ton adolescente.
— Oui, il se doutait de tout ça. Je le soupçonne d’avoir lui-même été dragueur de rue et d’avoir palpé pas mal de culs, et pas seulement avant qu’il rencontre maman. Un vrai pro, à mon avis ! En ce sens, son inquiétude était presque une sorte de déformation professionnelle. Un peu comme les producteurs de pornos terrorisés à l’idée que leur progéniture se lance un jour dans le porno. En plus à la maison, il voyait bien que mon corps changeait et devenait de plus en plus attirant. Les rideaux, il ne les fermait pas que dans les cabines d’essayage, il fermait aussi tout le temps ceux du salon et de ma chambre.
— C’était exagéré.
— Pas tellement ! Quand je sortais de la salle de bain, ou même parfois quand il faisait très chaud… je ne portais pas toujours de vêtements. Pourtant je t’assure, sans aucune arrière pensée.
— Est-ce qu’il a fini par abandonner la partie ?
— Disons que c’est devenu moins tendu. Des touches d’humour quasi nostalgiques. « Tu pourrais sortir sans ton cul ? Je serais rassuré ». Des idioties comme ça. Ça m’a toujours fait beaucoup rire. À dix ans, l’âge où on rigole dès qu’on entend le mot « cul » c’était normal. Aujourd’hui, à plus du double, les piques de papa me gênent un peu plus.
— Il est rassuré aujourd’hui ?
— Quelque part il a toujours la trouille que je tourne mal, que je fasse n’importe quoi de mon corps.
Il y a deux semaines j’étais chez eux pour le week-end et je suis rentrée toute courbaturée de l’équitation. J’avais testé le double galop et le saut pour la première fois. Je suis allée m’affaler dans mon lit en boitant, en m’allongeant sur le ventre, sans pouvoir m’asseoir. Tu aurais vu ses yeux catastrophés !
— Tu as chassé ses craintes, j’espère.
— Je lui ai juste dit ce que j’avais fait au cheval aujourd’hui. Des fois, j’aimerais bien lui répondre plus franchement. J’aurais adoré lui dire « Mais non papa ! Je ne viens pas de me faire sodomiser par trois types d’affilée. Je l’ai déjà fait l’année dernière quand je vivais encore chez vous. J’y suis allée tout en douceur, ce soir-là tu n’as rien remarqué et as accepté sans broncher que je sois allée réviser mes partiels à onze heures du soir. »

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