Blanche (4)
Il y a sa mère. Installée dans le grand salon.
Mais tu es en pleine forme, dis-moi ! Tout épanouie. Tout en beauté. Tu ne trouves pas, Charles ?
Son père trouve, lui aussi, oui.
Fais-toi voir !
Elle lui prend la main, la contemple longuement, sattarde sur le ventre.
Est-ce que, par hasard, tu ne serais pas ?
Enceinte ? Elle espère bien que non. Il ne manquerait plus que ça.
Cest ce qui pourrait tarriver de mieux. Depuis le temps.
Elle leur échappe.
Excusez-moi ! Quelques ordres à donner pour le repas.
Qui se prolonge interminablement.
Pierre pense que si le Titanic avait été construit par des ouvriers français jamais il naurait coulé.
Les Anglais ne nous arrivent pas à la cheville. Dans quelque domaine que ce soit.
Et son père quil y aura la guerre.
Cest inéluctable. Guillaume II la veut.
Elle frissonne. La guerre. Gontran. Qui a dû lattendre. Que Sylvain a très certainement prévenu du moins lespère-t-elle de larrivée intempestive de ses parents. La guerre ! Gontran ! Et si
Ny pas penser. Surtout ny pas penser. Gontran ! Son Gontran !
Son père et son mari vantent à qui mieux mieux les qualités professionnelles de maître Baldourin.
Un notaire hors pair.
À qui on peut confier ses affaires les yeux fermés.
Sa mère fait la moue, plisse le front.
Il nempêche que sa femme
Ils opinent du chef, font chorus.
Se comporte dune façon parfaitement indigne, je vous laccorde
Une femme de son âge. De son rang. Aller se compromettre avec un gamin !
Pour lequel elle a déjà dépensé, paraît-il, des cents et des mille.
Au su et au vu de tout le monde.
On se demande ce que ce pauvre Baldourin attend pour y mettre bon ordre.
Il laime, que voulez-vous ! Il laime !
Ce qui ne saurait tout justifier.
Il y a effectivement des comportements qui ne sauraient être tolérés.
Les yeux de sa mère lancent des éclairs.
Ce quelle mériterait une femme comme elle
Ce quelle mériterait, cest dêtre fouettée dimportance en place publique. Voilà, ce quelle mériterait !
Elle se réveille en nage, haletante, le cur battant.
Elle a rêvé. Un épouvantable cauchemar. Sa mère hurlait
Toi aussi ! Toi aussi ! Tu nes quune catin !
Son visage était distordu par la haine.
Le fouet, ma fille ! Le fouet ! Toute nue ! En place publique !
Gontran surgissait alors de nulle part, en uniforme de soldat.
Je pars ! Cest la guerre
Elle saccrochait à lui.
Je ne veux pas ! Je ne veux pas !
Sa mère lui tapait sur les doigts, la contraignait à le lâcher. À le laisser partir. Elle riait.
Tu ne le reverras pas ! Tu ne le reverras jamais ! Il va mourir
Mais il y avait Sylvain. Qui prenait sa défense. Qui la réconfortait. Qui la rassurait.
Non, il ne mourra pas, non ! À une condition
Il brandissait la cravache.
Elle sagenouillait. Elle se dénudait les fesses. Elle les lui offrait.
Sauve-le, Sylvain, sauve-le !
* * *
Elle chevauche, comme une automate, un Flamboyant extrêmement nerveux.
Calme, Flambo, calme !
Elle est encore dans son rêve. Dont elle ne parvient pas à sextirper. Dont les images lobsèdent. Tout en paraissait si réel.
Sylvain toussote.
Ce jeune homme est venu. Je lui ai dit que vous aviez un empêchement. Et de quelle nature il était.
Merci, Sylvain.
Il paraissait déçu.
Un coup de fusil résonne dans les lointains. Elle sursaute. Un autre.
Vous croyez quil y aura la guerre ?
Jen ai bien peur, Mademoiselle
Elle frissonne.
Vous êtes sûr ?
Il hausse les épaules.
Sûr, on ne peut pas. Mais cest, malheureusement, on ne peut plus vraisemblable.
Son cur saffole dans sa poitrine.
Encore des coups de fusil. En rafale, cette fois.
Oui, il faut. Sil lui arrivait quelque chose, par sa faute, elle ne se le pardonnerait pas.
Sylvain ?
Oui, Mademoiselle Blanche
Que pensez-vous de mon comportement ?
Votre comportement ?
Avec Gontran.
Je nai pas à juger les faits et gestes de Madame.
Elle descend de cheval.
Répondez-moi ! Franchement. Je vous en prie instamment.
Lui tend les rênes.
Jai déjà donné mon opinion à Mademoiselle. Toute faute mérite châtiment.
Elle respire un grand coup. Et elle se lance.
Je dois convenir que vous avez raison. Entièrement raison.
Elle séloigne, se retourne.
Il ny a que vous qui soyez au courant. Il ny a que vous à qui je puis adresser cette requête. Vous me châtierez, Sylvain !
Comme Mademoiselle voudra
Elle senfuit.
Gontran se montre ardent. Beaucoup plus encore que dhabitude.
Tu me fais mourir
Du moment que cest de plaisir
Et il repart à lassaut. Trois fois. Quatre fois. Elle sendort contre lui, épuisée, dans lodeur entêtante du foin.
Quand elle se réveille, il nest plus là. Mais il y a Sylvain. Près delle. Au-dessus delle. Une cravache à la main.
Si Madame veut bien se retourner
Elle obéit.
Et relever sa robe.
Elle lui présente sa croupe dénudée. La cravache sy abat avec force.
Elle gémit.
Dautres coups. Une dizaine. Réguliers. Espacés. Elle crie. Elle se contorsionne. Elle hurle.
Encore deux. Encore trois. Il sarrête.
Merci, Sylvain, merci.
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