Lulu 1
LULU 1
Je mappelle Paul, jai27 ans, je suis lheureux époux de Lulu ma superbe compagne de 25 ans. Lulu est tellement belle physiquement que mon frère aîné, Claude, ma mis en garde lorsque je la lui ai présentée.
- Elle est trop belle pour toi ou pour les hommes de notre rang. Un mariage avec elle ne tiendra pas. Méfie-toi, ne fonce pas trop vite ou gare à la déception. Un jour où lautre tu auras du mal à passer sous les portes.
Claude et moi nous entendons fort bien, mais je lui en ai voulu à cause de cette déclaration. Il est trop protecteur. Le mariage a eu lieu, nonobstant les avertissements fraternels. Lulu a été dépitée que Claude mette en doute la force de son amour pour moi :
- Pourquoi une coiffeuse, même très jolie, ne supporterait-elle pas de vivre avec un simple ouvrier ? Pourquoi un ouvrier et une jeune coiffeuse, que Claude trouve si belle, ne pourraient-ils pas saimer et vivre ensemble et former un couple heureux et durable ?Ton frère tenvie. Manque de bol pour lui, jaime Paul mais pas Claude.
Ma chérie en avait gros sur le cur et lexprimait encore:
- Où est-il écrit que la beauté est un obstacle à un mariage solide entre gens qui saiment, quelle que soit leur condition ? Si je suis belle, comme il le dit et comme tu le répètes si souvent, suis-je condamnée à ne pas être une épouse fidèle ? Suis-je condamnée à ne pas avoir le droit de taimer et de te rendre heureux. Si javais à choisir entre beauté et amour de toi, cest lamour que je choisirais.
- Merci. La beauté tu la possèdes et personne ne te la ravira. Ton amour me comble de bonheur, puisse-t-il maccompagner ma vie durant.
- De plus, souviens-toi, cest moi qui suis tombée amoureuse de toi et qui tai séduit ! Je ne suis pas victime dune cour assidue qui maurait la main et soumise à toi. Au contraire je me suis donné du mal pour te conquérir.
Or nous sommes heureux en ménage. Je travaille comme pontier, en trois huit, sur le port céréalier, en principe du mardi au samedi, parfois du lundi au samedi, compte tenu des nécessités du service, et avec des repos ou rtt pour compenser les heures supplémentaires. Ces rtt se prennent de préférence pendant les périodes daccalmie. De son côté, ma chérie travaille en qualité de coiffeuse dans le salon de madame Simone. Ses horaires sont ceux du salon, parfois elle effectue des heures déquivalence quand les clientes ne se répartissent pas de façon synchronisée et harmonieuse; mais elle espère sinstaller à son compte pour faire valoir son brevet professionnel. Jaime la savoir ambitieuse.
Elle se prépare sérieusement à son rôle de patronne. Il est réjouissant de voir comme elle sappuie sur sa beauté naturelle pour soigner son apparence et saffirmer. Belle et de plus en plus soignée, elle devient toujours plus désirable, Lulu maime et moffre des petits cadeaux :
- Mon amour que penses-tu ( selon les jours)de cette robe,ou de cette jupe, ou de ces escarpins
etc.
? Au salon de coiffure, nous avons des opportunités pour acheter des tenues à des prix très bas. Il serait dommage de ne pas améliorer ma présentation à des tarifs pareils. Ne crains rien pour notre budget, cet achat ne le grèvera pas.
Une autre fois elle me demande de fermer les yeux, membrasse, me met un coffret en main et déclare folle de joie:
- Cette montre est pour toi. La semaine prochaine tu recevras un pantalon
ou:une chemise
achetés pour trois fois rien
Ne me regarde pas comme ça, cela me fait tellement plaisir de te gâter pour te prouver mon amour.
Effectivement ces dépenses naffectent quasiment pas sa feuille de paie. Aurait-elle coiffé le père Noël venu au salon avec sa hotte ? Mais pourquoi vouloir prouver son amour si évident par ailleurs.
*
* *
Claude a profité de cet après-midi pour venir discuter. En dehors de son travail; il dispose librement de son temps, car il est célibataire par choix et il samuse à plaisanter:
-Jaime trop les femmes pour me limiter à une. Jadore collectionner, comparer, passer dune jeune à une plus âgée, dune vierge à une femme mariée qui sennuie, dune passionnée collante à une libertine, comme moi soucieuse de multiplier les rencontres et les plaisirs, dune belle à une moche . Les moches sont plus ardentes que les belles par besoin doublier et de faire oublier leur apparence. Pour être aimées elles sont plus chaudes que celles quon aime tout naturellement. Aller dune prude à une salope, dun cul béni à une pute, voilà ce qui met du piment dans les relations. Un jour, tu chanteras: « Ah! Si jétais resté célibataire »
Il est assez direct dhabitude et après ces considérations il attaque de face aujourdhui :
- Dis-moi, frérot, auriez-vous des problèmes dargent ?
- Quelle drôle de question ! Non, nous nous en tirons assez bien avec nos deux salaires. Regarde, nous venons dacheter un salon en cuir, encore une bonne affaire de Lulu. Elle fait des miracles et je souhaite ne pas être poursuivi pour recel dobjets tombés du camion. Surtout ne tinquiète pas, pécuniairement ça roule. Pourquoi cette question ?
- Par prudence tu devrais te pencher sur les factures. Cest délicat à dire, mais apparemment ta femme fait des heures supplémentaires, alors jai cru que vous aviez peut-être des dettes. Si ça va, tant mieux, je nai rien dit, ny pense plus.
- Entendu et merci pour ta sollicitude. Quant aux heures supplémentaires quelle effectue ce sont des heures déquivalence.
- Je connais ça. Mais je voulais te parler dheures accomplies en dehors du salon.
- Que vas-tu imaginer ? Travailler hors du salon nest pas extraordinaire. Certaines personnes âgées ne se déplacent plus, restent coquettes et se font peigner à domicile. Ajoute les personnes handicapées dans la même catégorie. Dautres femmes trouvent chic de faire venir à domicile « la capillicultrice » (le mot les enivre) , à leur heure, puisquelles peuvent se payer ce luxe. Cest important pour conserver la clientèle. Quand cela se produit, Lulu mavertit dun probable retard afin que je ne minquiète pas. Es-tu satisfait de cette réponse?
- Cest parfait, tu as réponse à tout. Et
- Oh ! Stop ! Je te vois venir avec tes gros sabots. Comme dhabitude tu veux me renouveler tes avertissements sur la vigilance nécessaire de la part dun mari qui a une trop belle femme. Si belle, il est vrai, et même toujours plus belle, ne ten déplaise. Cest ma perle, celle qui me suffit, à laquelle jai juré fidélité et qui maime. Tu es indécrottable, mon cher Claude ! Cesse de te fatiguer, ça devient rengaine.
- Évidemment si tu le prends comme ça, je nai plus quà me taire. Après tout Lulu va peut-être peigner des clientes insomniaques de vingt-deux heures à trois, quatre ou cinq heures du matin, des clientes fantaisistes qui ont envie de payer des heures de nuit à leur capillicultrice. Ce mot est presque un titre de noblesse, je le replacerai.
- Mais à cette heure là, Lulu est couchée à côté de moi, dans notre lit. Si elle découchait, je serais le premier averti. Je dors bien mais ne suis ni sourd, ni aveugle ni insensible aux mouvements de notre matelas.
- Comme tu laimes et comme tu veux la défendre, je tadmire ! Pourtant nes-tu jamais de tournée de nuit ? Aurais-tu changé demploi sans me le dire ?
- Tu veux dire que lorsque je suis de tournée de nuit, Lulu découche ? Non, mais tu sais ce que tu sous-entends ? Autrement dit, tu passes ta vie à la surveiller, même de nuit ? Quai-je besoin dêtre vigilant, mon grand frère lest pour moi ! Allez, puisque tu es si bien renseigné, dis-moi où elle se rend, chez qui elle va dormir.
- Nuance, jai dit travailler, pas dormir. Elle travaille pour de largent, je suppose. Voilà pourquoi jai cru à des difficultés financières.
Je suis désarçonné. Que dire, que penser ? Jamais Lulu ne ma parlé dune seconde activité, exercée de nuit qui plus est, ou quand je suis au travail si jen crois mon frère. A ce rythme la malheureuse va ruiner sa santé pour améliorer notre train de vie, cest admirable en un sens, mais inquiétant, comme si le confort passait avant sa bonne santé. Alors ces achats, ces cadeaux bon marché seraient payés par un surcroît de travail quelle me cacherait ? Suis-je naïf davoir cru à une filière de promotions hors du commun via le salon où elle travaille. Il me faut des précisions :
- Claude tu en as trop dit ou pas assez. Je veux savoir. Je connais ton côté bohême, noctambule. Tu vis beaucoup la nuit, tu dragues sans cesse, tu fais des rencontres de tout genre, tu cours jupes et robes, tu te lies parfois mais jamais pour longtemps. De là à suivre ma femme sur son deuxième lieu de travail, faut-il que tu la soupçonnes dêtre infidèle ou que tu tintéresses à ta belle-sur de façon exagérée, alarmante peut-être Ah ! Sa beauté ne taurait pas laissé indifférent, tu serais tombé amoureux de ma femme ? Non, pas toi mon frère, ce nest pas possible. Raconte.
- Allons de quelle vilenie me soupçonnes-tu ? Bien sûr que Lulu est belle, personne ne peut prétendre le contraire, bien sûr quelle fait bander des tas de mecs. Nen doute pas. Je ne suis pas insensible à son charme, je suis même fier de me promener à côté de vous deux, mais je noublie pas quelle est ma belle-sur. Venons en aux faits. Tout à fait par hasard, mardi, jai fait une curieuse découverte. Je me suis rendu dans la fameuse boîte de nuit « La lune bleue ». Tu dois la connaître, comme tout le monde dans la ville.
- Et tu y as rencontré Lulu ? Que faisait-elle dans cet endroit ? Seule ? Était-elle en joyeuse compagnie, samusait-elle avec un gaillard ou une bande de dragueurs ? Qui la sort de nuit pendant que je travaille ? Un nom, vite .
- Calme-toi, mon frère. Jai dit quelle travaille, pas quelle est en main, pas quelle drague ou quelle a un amant.
- Elle travaille ? Elle vend les billets dentrée ou marque la main des clients qui ont payé ? Plutôt, elle est garde vestiaire ? Non ? Elle est serveuse, fait le va et vient entre le comptoir et les tables, porte les chopes de bière ou sert les coupes de champagne ?
- Non, elle a un emploi mieux rémunéré que celui des employées que tu cites.
-Elle est au bouchon et trinque avec les hommes ? Ils lui passent la main sous la robe, lui touchent le popotin ou lui caressent les seins ?
- Mais non, tu la sous estimes.
Ne me dis pas quelle entraîne à létage ceux qui sont bourrés de fric, elle nest pas « entraîneuse » ? Claude tu me s.
- Non, tu as tout faux, ce nest pas une pute. Tout à coup tu imagines le pire après mavoir presque accusé de vilainement te mentir. Je vois que tu me crois maintenant. Ce soir-là, le maître des lieux annonce un renforcement de son effectif. Deux nouvelles « gogo girls » viennent grossir la troupe. Il est fier de son recrutement et espère que le public saura apprécier ses deux nouvelles recrues obtenues de haute lutte : elles clôtureront le spectacle. En dernier apparaîtra létoile montante des scènes parisiennes.
- Mais Lulu, dans tout ça, que fait-elle ? Je me fiche des états dâme du patron de la boîte et de son auto satisfaction
- Ne minterromps pas ou je perdrai le fil de mon histoire. Patience. Donc ce patron se réjouit et annonce fièrement quil a obtenu un contrat mirobolant et réussi un des résultats les plus brillants de sa carrière. Il fait sa publicité :
- Pour relancer les cabarets de province, une somptueuse créature a accepté de venir renouveler lart exquis de leffeuillage, une semaine par mois environ, loin de la capitale. La lune bleue, mieux que les concurrents, présentera un spectacle rare et exceptionnel grâce à ce recrutement de haut niveau. La star ne se produira que beaucoup plus tard dans les autres cabarets. La magnifique vedette enchantera les connaisseurs de la ville et de toute la région. Sa plastique incomparable alliée à une grâce innée ravira les amateurs les plus difficiles. La sublime effeuilleuse sera présente sur cette scène jusquà samedi, et montrera tout, pour le plus grand bonheur de ses admirateurs, quon se le dise.
- Cest bien, tu tes rincé lil, mais Lulu, tu oublies de me parler de ma femme. Que va-t-elle faire dans cette galère ?
Ton impatience me navre et finira par me faire rater la chute.
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