Mister Hyde - 14
14-
- Coucou vous.
Frédéric leva les yeux du journal quil ne lisait pas pour découvrir Lucile, la jeune étudiante rencontrée à laller. Elle était vraiment très mignonne dans sa robe de jean et le sourire quelle arborait ne gâtait rien. Il apprécia en connaisseur. Il se leva pour laider à monter son sac dans le porte bagages et, dun geste de la main lui offrit le siège en face de lui. Elle sinstalla et commença à bavarder.
Cest étonnant comme les jeunes filles ont toujours quelque chose à dire, elles sont intarissables
Et il sattacha à suivre le monologue de sa vis-à-vis.
En fait, cette rencontre tombait à pic. Frédéric était préoccupé et le charmant babillage de Lucile allait le distraire pendant les trois heures du voyage. Il fit la connaissance, narrative, de ses parents : Marguerite et Henri ; de ses amis : Cassiopée et Gauvain ainsi que de leurs parents : Maude et Merlin. Elle lui raconta son week-end par le menu exception faite des détails scabreux de sa nuit dans les bras de Gauvain puis lui exposa ses projets de la semaine. Etudiante en Histoire, elle préparait un mémoire sur les déviances du catholicisme entre le XVème et le XVIIIème siècles et fréquentait assidument la bibliothèque Sainte-Geneviève et celle de la Sorbonne nouvelle, porte de Clignancourt. Il glissa sans doute pour dire quelque chose quil travaillait non loin et elle sauta sur loccasion pour proposer un déjeuner le mercredi suivant. Ceci fait, elle sorti de sa poche un petit carré de papier sur lequel était griffonné son prénom suivit dun numéro de téléphone. Il le mit dans son portefeuille pour en oublier lexistence la seconde suivante.
A Saint-Lazare, il proposa à Lucile de partager son taxi. Elle ne céda que face à son insistance. Elle habitait en proche banlieue, à Courbevoie, à deux pas du pont de Levallois.
- Arrêtez-moi au coin du pont dit-elle au chauffeur, vous pourrez repartir plus facilement sur Paris en prenant le rond-point.
Puis elle se tourna vers Frédéric et lui fit un bisou sonore et appuyé sur la joue, presquau coin des lèvres. Frédéric sursauta. Il était plongé dans ses souvenirs. Cela faisait combien de temps
? Un peu moins de dix ans quil navait pas remis les pieds dans le quartier
Le lycée quil avait fréquenté se trouvait un peu à droite de leur position, le café où il avait embrassé son premier amour se trouvait juste en face
Il salua Lucile, la regarda séloigner un instant et secoua vigoureusement la tête pour chasser les fantômes du passé.
- En route pour la rue Molière lança-t-il au chauffeur.
***
Frédéric éteignit ses PC. Il avait le front soucieux, le comportement de Frédérique lintriguait. Il avait décelé dans sa manière dêtre et dans sa façon de lui répondre une forme de dévotion qui lui laissait en bouche un arrière-goût malsain. Frédérique perdait la boule, elle semblait prendre chaque mot quil prononçait pour parole dévangile, cela le mettait mal à laise. Le lendemain, il lenverrait tchatter et tenterait de transformer son profil secret en confident pour sa soumise et connaître ainsi ses pensées.
Le lendemain, pas dinternet : des travaux dans la rue avait endommagé un câble qui ne serait réparé que dans la journée du jeudi. Il envoya un texto à Frédérique pour linformer de ce désagrément et du silence entre eux instauré jusque-là. Il navait aucune intention de lui téléphoner ou, pire encore, de la diriger par texto. Il se contenta de lui interdire laccès à internet.
***
La journée était chaude, Frédéric profita de sa pause déjeuner pour se poser, comme un chat, sur un banc ensoleillé. Il avait découvert la veille au soir, chez un bouquiniste des quais, un ouvrage de psycho traitant des dérives que pouvaient provoquer certains comportements. Il lavait acheté, espérant découvrir des éclaircissements sur le nouveau visage de Frédérique. Malheureusement, il ne comprenait goutte à tout ce charabia psy mais sentêtait quand même à en percer les secrets.
Il relisait, pour la quinzième fois au moins, le même paragraphe quand une voix douce mais sèche vint le distraire.
- Vous ne mavez pas appelée
Lucile se tenait devant lui, souriante.
- Bonjour.
Il bafouilla une réponse en rangeant prestement son livre. Elle était vraiment très jolie dans sa robe dété avec ses livres et cahiers bloqués entre sa poitrine et ses bras croisés.
- Nous devions déjeuner
Mais jattends encore votre coup de fil
Il les avait totalement oubliés, elle et le déjeuner. Il sen excusa en prétextant une excuse bidon dont elle ne fut pas dupe et il linvita à sasseoir.
- Allons plutôt prendre un pot, face à face, cest plus facile pour parler.
Il la suivit.
Elle prit une bière et un sandwich, lui un café. Elle tripotait nerveusement son bouquin posé à lenvers sur la table, le feuilletant du pouce, comme un jeu de carte, pour en faire claquer les pages. Puis elle sarrêta.
- Pourquoi ne mavez-vous pas appelée ?
- Je vous lai dit répondit-il.
Mais elle linterrompit.
- Cest une bonne excuse mais ce nest quune excuse et pas la vérité
Il acquiesça.
- Je vous ai oubliée. Une de mes amies minquiète et
- Amie ou
Amante ?
Il hésita.
- Cest compliqué.
- Cest toujours compliqué quand on ignore ce quon est vraiment pour lautre
- Je sais ce que je suis pour elle !
Il y eut dans son ton une teinte dagressivité que Lucile saisit parfaitement. Avec un mouvement de recul, elle sexcusa.
- Je naurais pas dû, cétait indiscret de ma part
- Non, cest moi qui
Il avança la main vers elle.
Au-delà du langage parlé, il y avait celui de leurs corps, qui était bien plus explicite et celui de leurs esprits qui insufflait le chaos dans ce mélange. Enfin, surtout son esprit à lui, qui jetait le voile de loubli sur la jeune fille dès quelle était hors de vue mais ne pouvait sempêcher de la trouver jolie, drôle, intelligente, surprenante, charmante, attirante
dès quils étaient en présence lun de lautre.
Ce fut lui qui mit fin à la rencontre en arguant des horaires de boulot. Ce fut elle qui le prolongea en lui proposant de laccompagner. Elle lui prit la main.
***
Internet était de retour et il était en pleine conversation avec « Soumti82 » quand son téléphone sonna. Le numéro qui safficha lui était inconnu, il laissa sonner et reprit son dialogue.
Il avait dû faire le pour que son contact daigne lui répondre. Elle avait fini par le faire au bout du quinzième ou seizième message et ne se montrait pas du tout enthousiaste et très peu loquace. Il avait beau lui demander dexpliquer son mutisme, elle se retranchait derrière son « Amour » pour son « Maître » avec des majuscules agrandies et en caractères gras. Bien quelle lui parlât de lui, cela le mît en colère. Il linsultât, la traitant de salope de pute et dallumeuse. Sur son second écran, un message apparut : « Il minsulte. ». La question fusa, immédiate : « Ça te fait mouiller ? ». La réponse mit du temps à lui arriver : « Oui ! Jai joui. »
Une lueur despoir éclaira lil de Frédéric. Si elle était encore capable de jouir des paroles dun autre cest que sa dévotion pouvait se craqueler même si le message suivant suggérait le contraire : « Je mérite une punition !!! »
« Dis-lui quil ta fait jouir. » fut lordre que Frédéric donna. Instinctivement, Frédérique sut que la punition commençait, elle blêmit, certaine que ça nallait pas sarrêter là.
Elle envoya à « Faustus 91 » un message ainsi libellé : « Pardon pour cette attente mais vous mavez fait jouir. » pour toute réponse, elle reçut une adresse skype.
Elle envoya à Frédéric un véritable S.O.S.
« Demande lui dix minutes, mets ta plus jolie robe et tes plus beaux dessous et connecte-toi ! ». Cétait une trahison, son Maître la jetait dans les bras dun autre
Faustus ne lui accorda que cinq minutes et cest un écran noir qui laccueillit.
- Tu es en retard dit-il dune voix étouffée.
- Je sais Monsieur, cinq minutes cétait trop court, je ne pouvais quêtre en retard
Peu importait quelle ne vît pas son interlocuteur, elle lentendait et cétait bien suffisant pour quelle soit sous le charme.
- Pourquoi as-tu accepté ce soir
?
- Il ma dit que je le devais.
- Cest donc à lui que tu obéis en me parlant
- Oui Monsieur. Je ne peux obéir quà Lui, Il est mon Maître
- OK. Quels ordres as-tu reçu me concernant ?
- Je nen ai pas et il ne répond plus à mes messages.
- Je vais devoir le contacter, tu comprends ça ?
- Bien sûr Monsieur mais je ne sais pas si je peux
- Donne-moi son pseudo, je me charge du reste.
La voix de lhomme était chaude, excitante et, bien quelle sût quil la transformait, elle ne put résister et donna le pseudo de Frédéric sur le tchat.
Pourvu quil soit encore connecté pensa-t-elle durant tout le temps que dura léchange entre les deux hommes. Elle patienta puis, enfin, arriva un ordre de son Maître : « Tu es à lui jusquà une heure du matin. Passée cette heure, tu iras te coucher. Fais de beaux rêves. »
Trois heures ! Frédéric lavait prêtée pour trois heures (un peu plus en réalité) à un inconnu. Frédérique blêmit à la lecture de la missive. Elle se doutait bien quil lui accorderait un peu de temps mais pas trois heures ! Une durée pareille, cétait laissé le champ libre à cet homme et jouer avec le feu. Elle navait pas caché à son maître linclination quelle éprouvait pour ce « Faustus », ni même les plaisirs et la jouissance quil lui avait procurés. Pourquoi fait-il cela sinterrogeait-elle sans trouver de réponse satisfaisante. Peut-être est-ce un test, peut-être sont-ils de connivence
Elle narrivait pas à le croire, quils se connaissent était impossible
Pas une seconde elle ne se douta quelle était en contact avec Frédéric lui-même.
***
La robe que portait Frédérique était loin dêtre la plus belle de sa garde-robe, cétait une robe de plage difforme aux couleurs passées qui masquait sa physionomie et renforçais la blancheur de sa peau. « Faustus » exprima son désagrément.
- Cest quoi ce sac que tu portes ?
Décontenancée, Frédérique regarda sa tenue et répondit en rosissant :
- Cest une robe de plage
- Je croyais que tu étais nue lorsque tu parlais à ton maître
enchaîna-t-il du tac au tac.
- Euh
Oui. Mais il ma dit de me couvrir.
- Et tu as choisi cette horreur
Pourquoi ?
- Euh
Cest la première que jai trouvée
Même pour le plus benêt des imbéciles, il était évident quelle mentait. La robe était toute chiffonnée et semblait sortir dun carton doù elle ne devait plus jamais émerger.
- Pourquoi mens-tu ?
Le ton de linconnu était si calme, si plein dassurance malgré la transformation quil imposait à sa voix quune larme perla sur la joue de Frédérique.
- Je voulais que vous me trouviez laide.
Un grand éclat de rire lui parvint en écho.
- Impossible ! Mets-toi à poil !
Cétait parti ! Frédérique retira sa robe.
***
« Jarrive ce soir. »
Texto lapidaire. Les premières nouvelles de Frédéric depuis huit jours. Il navait même pas daigné linformer quil ne viendrait pas le week-end précédent. En fait, il était bien en route quand lappel dun collègue lavait contraint de rebrousser chemin. Il avait passé le week-end à tenter de sauver les données de sa boîte, menacées par un virus informatique. Sil sen était bien sorti, il était épuisé quand il rentra chez lui le lundi matin.
Ce matin-là, son téléphone sonna vers dix heures. Il commença par se maudire de ne lavoir pas éteint puis regarda le numéro qui sétait affiché. Depuis le jeudi soir, cétait le troisième appel de cet inconnu. De guerre lasse, il rappela.
Une voix fraîche et sautillante lui répondit, cétait Lucile. Il se demanda comment elle avait eu son numéro puis se souvint vaguement le lui avoir donné.
- Quelle charmante surprise dit-il, comment allez-vous ?
Un court silence linforma quil venait de vexer son interlocutrice. De fait, il navait pas intégré la jeune fille dans ses contacts et ce manque dintérêt la blessait.
- Très bien, merci, répondit-elle tout de même. Mais je mattendais à vous voir dans le train
- Un souci au boulot dit-il en évacuant la question dun geste de la main. Êtes-vous libre ce soir ? Nous pourrions dîner
La question prit Lucile au dépourvu mais son cur fit un bond. Elle acquiesça en bafouillant.
- OK ! Je passe vous prendre. On dit, dix-neuf heures devant « Monta » ?
- « Monta » ? Vous appelez le lycée « Monta »
?
- Bah oui ! Tous les élèves lappellent comme ça
Non ?
- Si mais
- Si ça se trouve, nous avons eu les mêmes profs. On en reparlera ce soir.
A ce soir
Et il raccrocha. A lautre bout des ondes, la jeune fille était sidérée. Le coup de fil ne sétait absolument pas passé comme elle lavait prévu. Dès la première minute, elle sétait sentie attirée par cet homme. Il y avait autour de lui une aura de douceur matinée de violence féline qui éveillait sa curiosité et ses sens. Quand elle pensait à lui ce qui arrivait de plus en plus fréquemment elle limaginait comme un tigre, silencieux, à laffût dune proie quil nattaquait jamais que les griffes rentrées. Or, il venait de passer à lattaque et elle sentait la vigueur de ses pattes sur son cur et, dans son ventre. La journée allait être longue.
Celle de Frédéric en revanche, fut courte. Il se réveilla vers seize heures, prit une douche et shabilla. Il étudia ensuite son temps de trajet tout en avalant un café. Il décida de partir vers dix-sept heures trente : un peu de marche à pieds de la rue Molière à lopéra, bus 52 jusquau pont de Levallois terminal de la ligne puis, rebelotte, un peu de marche pour traverser le pont et atteindre sa destination. En chemin, il commanda une voiture pour dix-neuf heures à la station de la place Mermoz et, serein, il sinstalla dans le bus et ouvrit son bouquin.
***
Dix-huit heures trente
Le temps passait décidément avec une lenteur descargot. Lucile était à bout de patience. Elle était rentrée chez elle vers quinze heures après une séance shopping. Pour loccasion, elle sétait offert un ensemble de dessous et des bas auto-fixant, une nouvelle jupe pas trop courte mais un peu quand même, et un chemisier au décolleté plongeant. Elle avait lavé les dessous à la main avant de les sécher au sèche-cheveux, repassé jupe et chemisier et avait revêtu le tout. Limage que lui renvoya sa psyché ne la satisfit pas le moins du monde : elle avait lair dune godiche déguisée. Elle passa le reste de laprès-midi en essayages mais aucune tenue ne lui plut. Désespérée, elle saffubla dune robe en jean noir sous laquelle elle nenfila que ses bas. Ce nest pas joli mais au moins, je suis moi décida-t-elle et elle regarda son téléphone pour la millième fois en priant quil nait pas annulé.
***
Ils se retrouvèrent à lheure dite au lieu dit. Aucun des deux nétait en avance, aucun des deux en retard. Elle, avait traversé la rue à dix-huit heures cinquante-neuf tandis quil semblait arriver du pont. Ils se firent signe. Il lui tendit la main, elle lembrassa sur les deux joues. Il portait un parfum boisé qui confirmait limage du tigre.
***
Tandis quinquiétude et tristesse montaient dans lesprit de Frédérique, son maître et Lucile se souriaient. La jeune fille avait insisté pour quils aillent dans un restaurant sans grand intérêt culinaire, à proximité de chez elle. Frédéric avait donc décommandé le taxi en dédommageant largement le chauffeur puis, bras dessus bras dessous, ils avaient gagné la gare de Bécon.
Le dîner avait été sans surprise mais joyeux, ils sétaient découverts des souvenirs communs sous la forme de professeurs dont ils avaient partagé les enseignements. Ils rirent beaucoup au rappel des tics de certains dentre eux puis la conversation avait dévié. Un souvenir en appelant un autre, Lucile avait évoqué sa vie passée. Elle lui raconta son premier amour et le suivant. Elle se sentait étrangement libre face à cet homme qui lécoutait silencieusement et lui révéla avec beaucoup de simplicité les insuffisances de sa vie sexuelle. Avec tout autre que lui, elle aurait été morte de honte de faire de tels aveux. Lui, les accueillait avec une bienveillance qui la rassurait et un sourire serein qui la poussait à en confesser toujours plus. Il ne posait pas de question, laissant à la jeune fille le soin de dérouler ses pensées. Il savait quau bout du chemin elle reconnaitrait son désir. Elle, poursuivait sa narration. Elle avait écarté les cuisses pour accueillir un léger courant dair qui sinsinuait sous sa robe et caressait son sexe nu avec la douceur dune plume. Elle le lui dit et fit le récit de son premier émoi : la bouche de son petit copain pressée contre sa chatte. Elle ressentait, grâce à ce vent subtil, un peu la même sensation ce soir.
Bien quapparemment impassible, Frédéric était au supplice. Il bandait un peu plus à chaque nouvelle révélation et la savoir nue sous sa robe narrangeait rien. Il se demanda comment il allait pouvoir se lever sans divulguer au regard de la demoiselle, la bosse qui tendait le tissu de son pantalon. Cette inquiétante pensée le calma quelque peu, de sorte que son sexe put prendre de lui-même une position à la fois plus confortable et plus discrète. Mais il avait raté le début dune nouvelle histoire.
- Allons ailleurs ! dit-il.
Il avait maitrisé sa voix pour masquer lurgence de sa demande mais le geste quil fit au serveur révéla son impatience. Lucile se leva sans un mot et se dirigea vers les toilettes tandis quil réglait laddition. Quand elle revint, il était prêt, harnaché dans limperméable dont il avait eu la présence desprit de se munir.
- Brrr ! Vous ressemblez à un flic des années cinquante, il ne manque plus que le chapeau
Elle souriait, heureuse de son trait dhumour. Elle lui tendit le bras
***
Trois pas, peut-être quatre, en dehors du restaurant et elle laissa glisser sa joue contre son bras quelle serra un peu plus fort. Elle avait envie quil lembrasse
- Je vais vous raccompagner
- Naaan !!!
Elle avait crié son refus dans la rue silencieuse et, lâchant son bras, se planta devant lui.
Il ne lui laissa pas le temps de parler.
- Vous êtes une jeune fille sage Lucile, or la sagesse nest pas pour moi. Oh, bien sûr nous nous désirons. Mais nos désirs sont si éloignés lun de lautre quils sont inconciliables. De vous, durant ce dîner, je nai eu que deux visions : agenouillée face à moi en train de me sucer et allongée sur mes cuisses pendant que je vous fessais. Est-ce cela que vous attendez ? Est-ce cela que vous désirez ? Jen doute.
Elle avait reculé et elle ne bougeait plus. Elle le regardait, le scrutait, lauscultait et faisait sans doute de même de ses propres pensées.
« Un tigre, silencieux, à laffût dune proie quil nattaquait jamais que les griffes rentrées »
Elle était sa proie et il venait de poser sa patte sur son cur, sur son sexe. Elle avança, reprit son bras. « Oui ! » souffla-t-elle.
***
Cétait lheure du premier métro et quelques passants se pressaient déjà vers la bouche anthropophage du moyen de transports. Il venait de laisser Lucile devant chez elle après une nuit de discussion dans un bar de la porte Champerret. Elle lavait harcelé de questions auxquelles il avait répondu le plus honnêtement possible.
- Donc, si jétais votre soumise, dit-elle à un moment, je naurais pas le droit dexprimer mes désirs ni dexprimer mes sentiments
cest bien ça.
Il hocha la tête en guise de réponse.
- Beurk ! là, maintenant, je mouille tellement que jai limpression davoir le cul dans une piscine. Jai envie que vous me baisiez et de vous sucer pour que vous jouissiez dans ma bouche
Si jétais votre soumise, vous me puniriez, cest bien ça ?
De nouveau, il opina.
- Cest pas super folichon mais cest super excitant. Ça me déplairait pas de jouer de temps en temps. Mais pas tout le temps, ça, je pourrais pas.
- Cest aussi super addictif, il vaut mieux ne pas commencer
- Ce serait encore pire
Je passerais mes nuits à me caresser en pensant à vous tout en sachant que vous me baiserez jamais
Vous imaginez la
? Je suis pas maso à ce point.
Elle cligna des yeux.
- Bon, je crois quil faut aller dormir.
***
Mercredi matin : son téléphone était éteint. Depuis quand ? Peu importait. Il le mit en charge mais, force de lhabitude, à lheure de partir, il lempocha sans lavoir rallumé. Cette journée passa si rapidement quil ne disposa pas de temps pour le consulter aussi rentra-t-il rue Molière déconnecté du monde. Il était dhumeur maussade et repoussa au lendemain la prise de contact avec Frédéric. Il brancha sa chaîne HiFi, posa sur la platine une version quasiment inconnue du Requiem de Mozart, apparia ses écouteur Bluetooth et sinstalla dans son fauteuil. Il sendormit avant lentame du « Dies Irae ».
Frédérique, pendant ce temps, se morfondait. Comme elle travaillait dans la même entreprise que son amant mais dans une succursale provinciale, elle nétait pas inquiète pour sa santé. Cependant, il lui manquait et elle commençait à éprouver une réelle jalousie à lencontre de la responsable informatique de son site qui était en contact avec elle plusieurs fois par jour depuis la veille. Certes, elle avait compris que leurs rapports étaient exclusivement professionnels mais cette sainte-nitouche venait régulièrement lasticoter après chaque appel de Frédéric. « Il a une voix chaude, disait-elle. Sil est aussi mignon que sa voix, ce type doit être canon. Toi qui le connais, Frédérique, tu pourrais peut-être men dire plus
» Le mardi, Frédérique avait supporté avec courage et abnégation les assertions, parfois graveleuses, de la femme. Le lendemain soir, ny tenant plus, elle avait tendu une photo de Franck à la chipie qui lui demandait une description détaillée de Frédéric pour : « le reconnaître quand jirais à Paris la semaine prochaine ».
- Mais, cest votre fils ! avait dit la femme sur un ton pincé.
- Oui ! Il est tout le portrait de son père
Vous pourrez comparer lundi.
Elle avait répondu dun ton acerbe et sétait replongée dans son dossier. La femme avait quitté le bureau sur la pointe des pieds. Cette histoire allait faire des gorges chaudes.
***
A force de jeter son téléphone, Lucile se demanda si elle ne lavait pas endommagé. En deux jours, elle avait appelé Frédérique six ou sept fois et nétait entrée en communication quavec son répondeur. Avait-il fermé son mobile ou avait-il redirigé ses appels ? Lucile sinterrogeait. Quil ait négligé de la rappeler la veille nétait guère étonnant, après leur nuit blanche et une journée de travail, il devait être épuisé. Mais aujourdhui ? Il avait dormi... Elle lança à nouveau son téléphone sur son lit et le suivit pour y pleurer de rage en gigotant des jambes comme une fillette en colère.
***
Frédéric séveilla vers vingt-deux heures. Les craquements de fin du vinyle, qui lavait un temps bercé, avait fini par agacé son ouïe. Il mit quelques secondes à comprendre où il était et à recouvrer ses esprits. La seule évidence qui lhabitait était cet impérieux besoin de joindre Frédérique. En attrapant son téléphone, il se demanda sil navait pas rêvé delle et grimaça en découvrant lappareil éteint. Il lalluma et patienta quelques secondes, le temps de trouver un réseau. Les messages se carambolèrent. La plupart notifiait des appels sans suite ou le recours nécessaire au répondeur vocal, certains, de Marc, lui rappelaient la soirée de jeudi et lengueulaient pour son manque de réactivité, dautres lui signalaient à linfini que son compte avait été débité de telle ou telle somme mais rien de Frédérique une certaine déception se peint sur son visage et une petite question de Lucile : « Quarrive-t-il ? »
Comme de nombreux êtres humains, Frédéric négligea limportant pour se soucier de lévident. Il appela Lucile.
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