Mister Hyde - 15 Et 16
15-
Frédéric avait raté de peu le train de treize heures trente et avait poireauté presque deux heures à Saint Lazare. Tout ça à cause de cette connasse de responsable informatique. Cela faisait deux jours quil ne décolérait pas. En arrivant au siège, le jeudi matin, tout le système était bloqué et il perdit deux heures à découvrir la panne tandis que ses collègues joignaient une à une les huit succursales pour leur faire couper le réseau. Naturellement, il commença son test par les entités les plus importantes : Lyon, Marseille, Montpellier, Lille et Strasbourg, tout fonctionnait au poil. Les trois dernières, dont celle où travaillait Frédérique, il en avait supervisé lui-même la mise en place. Bourges et Niort étant indemne de tout défaut, le site fautif ne faisait plus mystère. Il grimpa à la direction et expliqua le problème en précisant quil exigeait le licenciement de limbécile. Naturellement, il se heurta à une fin de non-recevoir de la part de sa patronne, trop contente de de pouvoir démontrer son autorité. Il nen eu cure. Le véritable problème, cétait les conséquences du virus. Lattaque avait induit un changement de logiciel et la décision sétait prise en son absence, il avait donc passé sa journée du mardi à étudier le software et à programmer un paramétrage plus performant et surtout plus sécure. Lerreur de manipulation et dinstallation commise par la responsable informatique du dernier site mettait en péril toute la sécurité des transactions et des communications de la boîte. Le problème devait être réglé durgence et la première mesure à prendre était un black-out total sur les communications numériques, lextinction des serveurs et, pour faire bonne mesure, le débranchement de tous les câbles de connexion internet. Cétait radical mais cela éviterait que les hackers, sils étaient encore à laffût, ne puissent à nouveau pirater lun des sites. Pour conclure son exposé, il proposa daller lui-même réinstaller le nouveau logiciel et ses paramètres modifiés dans la succursale problématique dans la nuit du dimanche afin dêtre opérationnels dès le lundi matin.
Les pirates auxquels nous avons eu affaire sont des gens pressés, ils ont agi le vendredi juste quelques minutes après la fermeture officielle des bureaux. Si Karim navait pas fait du zèle en voulant terminer un rapport, leur plan aurait fonctionné mais le résultat aurait été le même sils avaient lancé leur attaque quelques heures plus tard. Le truc, cest quils nous prennent pour des fonctionnaires, très à cheval sur les horaires, surprenons-les. Sils nous surveillent encore, ils ne sattendront pas à ce que nous agissions pendant le week-end et encore moins de nuit. Choisir la nuit de dimanche à lundi, cest limiter au maximum leur temps de réaction et, avec un peu de veine, nous aurons même démarré le système avant quils en prennent conscience. La seule chose que je vous demande, cest dêtre accompagné dun observateur neutre pour le cas où mon plan foirerait. Je ne tiens pas à être viré pour une faute qui ne mest pas imputable.
Suite à ce discours, les discussions allèrent bon train et il fut décidé que la responsable informatique du site lassisterait. Cela nenchanta guère Frédéric mais il neut pas le choix. Il fut également chargé dinformer la dame de ces dispositions. Le coup de fil quil lui passa, le vendredi, le mit en retard. Il avait eu le tort découter un peu trop longtemps les jérémiades de celle que désormais il nommait : « la connasse ».
***
Frédérique relisait pour la énième fois le court texto de son Maître : « Jarrive ce soir. », quand Julie, la responsable informatique, déboula furieuse dans son bureau.
Ton mec est vraiment un connard, il débarque ce week-end pour superviser la réinstallation du logiciel
Depuis quand on bosse le week-end dans cette boîte ?
Frédérique leva les yeux. Elles avaient sensiblement le même âge toutes les deux mais elles étaient foncièrement différentes et pas seulement par leurs physiques.
Un, ce nest pas mon mec, deux, il est le chef du service informatique, donc, ton patron et pas le mien. Trois, je le connais suffisamment pour savoir quil est loin dêtre con et quatre, sil bosse le week-end, cest que ça doit vraiment être important. Petit additif, il aime son boulot et il aime la boîte. Si jétais à ta place, je prendrais comme une chance le fait de le côtoyer même si ça demande des sacrifices. Cest vraiment un type bien.
Elle était convaincue et elle fut convaincante, Julie repartie un peu plus calme quelle nétait venue. Frédérique la regarda partir et relu le texto. Une vague de désir lenvahit.
***
Lucile avait attendu la dernière seconde pour monter dans le train, déçu de labsence de Frédéric. Mais elle avait plein de choses à faire avant la soirée danniversaire de mariage de ses parents, il nétait pas question darriver trop tard.
Pour tromper son ennui, elle se replongea dans ses notes sur les recluses, ces femmes qui se faisaient emmurées vivantes dans de minuscules cachots attenants aux murs déglises ou de cimetières. Elle se demanda comment elle pourrait intégrer à son mémoire ces déviantes de la claustration. Ne pas trouver de solution lagaça, elle ferma les yeux : les fruits de son imagination seraient sans doute plus amusants, plus excitants ; dautant que dans son rêve éveillé, Frédéric lui souriait.
***
Frédérique arriva chez elle vers vingt heures, un peu honteuse de son égoïsme. Plus tôt dans la journée, elle avait appelé sa mère et convenu dun rendez-vous à mi-distance de leurs deux domiciles et lui avait confié Franck jusquau samedi soir.
Elle gara la voiture et pâlit en ouvrant la porte. Pas de tour de clé, Frédéric était déjà là
***
Frédéric dormait, effondré dans le rocking-chair, un verre de whisky à ses pieds, un cigare pendant au bout de ses doigts. Cela faisait une éternité quelle lavait vu boire et fumer en sa présence ou dans les lieux quelle fréquentait. Farouche abstinente de ces deux vices, elle nappréciait pas quon agît ainsi sous son toit. Quel que soit ce qui avait poussé Frédéric à se comporter de la sorte, ce ne pouvait être que grave. Elle prit son mal en patience en attendant quil se réveille, fermement décidé à linterroger sur ce point.
***
Elle sendormit avant quil se réveille et dailleurs, il rêvait encore quand elle ouvrit les yeux. Elle se leva péniblement, courbatue davoir passé la nuit à même le sol, et se dirigea vers la cuisine.
« Une nuit de perdue » pensa-t-elle en faisant couler leau dans la bouilloire. « Fait chier ! »
Elle était de méchante humeur et enragée de jalousie. Le temps filait à une vitesse vertigineuse et chaque minute écoulée rapprochait Frédéric de sa rencontre avec lautre pétasse. Elle éprouvait une folle envie de mordre ou à défaut, de balayer la table dun geste et de tout foutre en lair. Une claque sur les fesses la calma.
Tu aurais dû me réveiller.
Je nai pas osé.
Elle sétait retournée. La fatigue marquait encore les traits de son amant, elle fut prise dun élan de tendresse et se lova dans ses bras.
Il laccueillit et la serra fort. Il picora son visage et son cou de délicieux petits bisous. Il avait envie de lui faire lamour.
Tu mas manqué, dit-il.
Elle aurait voulu lui dire « toi aussi » mais ce contenta dun « idem » qui lui évitait de commettre une erreur.
Tu as dormi toute habillée, viens, allons nous laver.
Il lentraîna dans la salle de bain où il la déshabilla avec mille précautions et des myriades de baisers. Il avait envie delle mais pas comme dhabitude, il voulait retrouver la femme dissimulée sous la femelle.
De sa bouche, il alluma chaque parcelle de son corps comme on allume les lampes dune pièce : à tâtons, dabord puis de façon à laisser quelques zones dombre. Du bout des lèvres, il caressa ses épaules, ses bras, ses hanches, son ventre et son dos mais laissa de côtés ses seins ses cuisses et son sexe. Elle soupira de plaisir. De la pointe de sa langue, il chatouilla les lobes de ses oreilles, lextrémité de ses lèvres tandis que ses mains parcouraient son ventre et son dos. Elle gémit, bien quil négligeât ses principales zones érogènes. Elle sentait darder, au gré de ses déplacements, le phallus gonflé de son Maître : tantôt il senfonçait dans le doux coussin dune fesse, tantôt il glissait langoureusement le long sa cuisse, parfois il collait contre son nombril
il y avait de quoi devenir folle, la était délicieuse.
Lentement, il la dirigea vers la baignoire. Elle sallongea dans la vasque vide pendant quarmé dun gant et de savon liquide, il enduisait sa peau. Le tissu était rêche et agaçait sa chair faisant saillir des centaines de petits bulbes à la naissance du duvet. Ses seins se dressèrent à ce contact, ils devinrent durs et leurs pointes érigées appelaient à des caresses plus suaves. Imperturbable, Frédéric poursuivit son office donnant au gant un mouvement circulaire tissant et sappesantissant à chaque passage. Il était devenu râpeux et, sans ladjonction du savon, aurait laissé une marque rose sur la peau. Incrédule, Frédérique cria de bonheur lorsquil atteignît le mamelon. Leurs regards se croisèrent, il nen avait pas fini avec elle. Bientôt, se serait au tour de son clitoris, de ses fesses, de son anus et de son sexe et, chaque fois, il lui offrirait une jouissance nouvelle.
***
Elle était épuisée et elle mourait de faim. Elle avait succombé à tant dorgasme quelle en avait perdu le compte ; jamais baignade navait été si agréable. Elle laissa aller son visage contre le bras de son amant. Celui-ci ne la repoussa pas. Étonnée par tant de douceur, elle sinterrogea à haute voix :
Dr Jec serait-il de retour
Il nest jamais parti répondit Frédéric, la faisant sursauter.
Oh
Je ne me suis pas rendu compte
Pardon !
Lhomme la regarda en souriant.
Aucune importance, aujourdhui, pas de règle. Je ne suis pas assez en forme pour avoir envie de te punir. Aujourdhui, laissons la femelle de côté, je crois que la femme a des choses à me dire, en toute liberté.
La main de Frédérique descendit vers le bas ventre de son amant. Il la stoppa sans brusquerie.
Ne tinquiète pas, tu vas très vite redevenir ma chienne. Pour linstant, profite de ta liberté.
***
Julie habitait une maison de famille à trois cents mètres de la plage, quelle avait hérité de sa mère. Une maison bien trop vaste pour elle seule mais où elle avait choisi de sy installer à la fin de ses études, dautant que celle-ci correspondit avec son divorce. Elle sétait mariée à dix-neuf ans avec un de ses profs de lycée qui sempressa de la tromper dès quelle atteignit les vingt-deux. Elle avait ensuite demandé à son père de lui trouver un boulot pas trop fatiguant et bien payé, ce quil fit dans les deux jours. Ses loisirs, elle les occupait essentiellement en draguant ou en visitant les clubs libertins de la région. Elle les fréquentait même assidument le week-end. Pour cette fois cétait à leau. Elle se retrouvait seule, sans même un plan B. Dire que cela la contrariait tenait de leuphémisme.
***
Trente ans de mariage, trente-deux ans dAmour dont la majuscule nétait pas galvaudée. Lucile adorait ses parents, elle adorait aussi leur histoire. Ils sétaient connus au lycée, celui-là même ou Frédéric et elle avait fait leurs études. Ils sétaient mariés juste avant leur entrée en fac de Médecine. Lui avait poursuivi, elle avait opté pour Pharmacie. Lucile avait été accouchée par son père dans la chambre où elle élisait domicile chaque week-end. Puis, quand elle eut son bac en poche, ils quittèrent Courbevoie pour sinstaller au calme, dans un coin qui manquait cruellement de médecin. Ainsi, Henri pouvait enfin profiter de ses fins de semaine nétant plus dérangé par des patients laissés à labandon.
La jeune fille était heureuse, elle sautillait entre Cassiopée et Gauvain qui la harcelait de question sur cet amoureux dont elle refusait de parler.
Vous comprendrez quand vous le verrez était la seule réponse quelle leur faisait.
Mais elle était bien incapable de leur en faire une autre puisque cétait elle qui ne pouvait plus coucher avec Gauvain sans avoir limpression de trahir, cétait elle qui était amoureuse. Et encore, elle ne savait pas vraiment de quel Frédéric elle sétait entichée. Était-ce de lauditeur patient ou du tigre aux griffes rentrées
?
***
Frédérique avait parlé, parlé, jusque tard dans la nuit. Frédéric avait écouté, avec la même patience silencieuse quil avait montré pour Lucile. Cela lui permit de comprendre ce qui avait changé dans lesprit de sa belle soumise. Le fait dêtre confrontée à dautres dominateurs et surtout, dêtre excitée par eux, lavait déstabilisée. Elle avait découvert de façon tangible que sa soumission était lexpression de ses désirs profonds et pas ceux de son maître quelle aurait faits siens par on ne sait quelle magie. Elle avait découvert que plusieurs maîtres pouvaient répondre à ses attentes, cela lavait terrorisée.
Frédéric termina son verre, jeta la fin de son cigare et rentra. Il dormit dans la chambre de Franck.
***
Il était assis sur un des sièges de la table de conférence. Ses paupières baissaient le rideau, sa tête, peu à peu, sinclinait. Sa nuit avait été inexistante.
Il avait remis le système en route depuis la succursale à huit heures zéro une, une minute après que le réseau central du siège ait été relancé par Karim. À huit heures quinze il montait dans la voiture de Julie qui le déposait à la gare douze minutes plus tard. À neuf heures, le train sébranlait. Il eut la surprise dy découvrir Lucile. Seule Frédérique manquait à lappel, cétait pourtant la seule quil eût aimé croiser.
Lucile se montra agressive, de toute évidence, elle avait vu Julie. La confirmation ne tarda pas.
Si cest ça une soumise, je suis contente de pas lêtre. Elle avait lair dune pute
Cen est une ! Cest aussi une de mes subordonnées et la nièce ou la cousine dun des membres du conseil dadministration de ma boîte. En revanche, ce nest pas ma soumise
Cela cloua le bec à Lucile pour quelques minutes, juste le temps pour Frédéric de se remémorer sa nuit. Julie était arrivée en retard et avait minaudé dès la première seconde. Cela narrangea pas lhumeur de Frédéric. Une fois entrés, la fille lui indiqua le chemin des serveur en jouant dun croupion certes avenant mais hors de propos. Il se mit au travail rapidement et put enfin, entre deux interventions intempestives, lancer le logiciel. Il se concentra sur le moniteur tandis que la voix haut perchée de la femme servait de bruit de fond. Bien évidemment, il ne le supporta pas.
Vous pouvez la fermer ? Jai besoin de me concentrer.
Insolent, goujat, mufle, tout y passa. Il se retourna de nouveau et pointa son doigt vers un coin de la salle.
Vite ! Au coin, À genoux et les mains sur la tête. Quand on se comporte comme une fillette insupportable, on est traité comme telle.
Julie, en dehors du fait quêtre dominée ne lui déplaisait pas, fut tellement surprise quelle obéit.
Voilà, parfait. Ne bougez plus ou je vous fesse.
À six heures, tout était prêt, il ny avait plus quà rebrancher les câbles de liaison et lancer le réseau pour que tout revienne à la normale. Il ordonna à sa subordonnée de procéder aux branchements.
Mais
il va falloir que je me mette à quatre pattes
Pour mon plus grand plaisir.
Il accompagna sa réponse dun sourire éclatant et dun frottement de mains. Elle comprit le message : le bonhomme était suffisamment en colère pour quil puisse lui interdire la position assise pendant une bonne semaine. Elle neut pas envie de tenter lexpérience.
Elle commença par le bureau du boss. Ce nétait pas la première fois quelle se glissait dessous et leau lui monta à la bouche. Sil lavait exigée, Frédéric aurait eu droit à une pipe. Jusquà la dernière minute, elle ne désespéra pas de lui en donner lenvie.
Un jour, jaurai ce mec se dit-elle en quittant la gare.
***
La réunion sétait éternisée. Il nétait pourtant pas compliqué de comprendre ce quil attendait : chacun dentre eux devait créer un pare-feu original le plus éloigné possible des standards existants. Cela fait, ils se retrouveraient à nouveau pour mettre en commun leurs créations et fermer ainsi la porte à toute possibilité de piratage. Tous étant ingénieurs-programmeurs, la tâche était loin dêtre insurmontable. Il leur donna un mois, conscient que cette flemmarde de Julie allait trainer des pieds. En attendant, il serait bon que tous les sites soient sous alerte en cas de piratage.
Sur les huit, trois passaient la nuit à Paris. Julie, bien entendue était du lot (elle avait rendez-vous avec son oncle le lendemain). Frédéric les invita à dîner et bien que les deux types lui parussent intéressants et sympathiques, cest la jeune femme qui accapara lattention toute la soirée. Il les abandonna à lentrée de leur hôtel, certain que leur nuit allait être courte.
***
- Je suis une salope écrivit Frédérique pour la troisième fois.
Un texto lui était arrivé en début de soirée lautorisant à aller sur le tchat (et uniquement sur le tchat). Elle considéra cet invite comme un ordre et, depuis bientôt deux heures, elle résistait aux exigences de « Fezeur Delum ». Il voulait à tout prix quelle change le « une » en « votre », son instinct tout autant que sa loyauté envers Frédéric lincitaient à refuser.
***
Lucile avait hésité toute la journée à envoyer un texto dexcuses à Frédéric. Elle avait boudé durant la quasi-totalité du trajet et elle sen voulait. Encore une fois, son doigt effleura lécran mais elle en rabattit la protection sans envoyer le message.
Elle se coucha sans espoir de sommeil. Frédéric, lui, dormait depuis longtemps.
16-
Cest Frédérique qui reprit contact avec Lucile. Il avait profité du calme qui régnait au boulot pour aller faire un tour sur internet afin de se documenter un peu sur le sujet de thèse de la jeune fille. Et il avait trouvé un livre
Pas nimporte quel livre, un ouvrage manuscrit et enluminé de Denis du Moulin, évêque de Paris rédigé en 1445. Sans doute luvre dun copiste, lui avait dit le libraire situé rue de lOdéon et dans un état remarquable de conservation. Frédéric décida sur le champ de lacquérir. Ainsi, il pourrait offrir à lucile une sorte de calumet de la paix.
Il linvita à déjeuner le lendemain et passa prendre possession de louvrage le soir même. Le libraire laurait bien conservé quelques jours de plus dans sa vitrine mais Frédéric était pressé et, par-dessus tout, il voulait éviter que la jeune fille, qui voguait souvent à Saint-Germain des Prés, ne tombât dessus par hasard.
Il rentra rue Molière à pieds malgré la persistante menace de la pluie. Le ciel était dun gris foncé, le genre de gris qui vide les rues de leurs passants pour laisser le champ libre aux amoureux des villes. Il baguenauda une bonne heure, heureux du poids de sa sacoche. Il sifflotait tout en marchant, la tête pleine du sourire de Lucile quand elle découvrirait le livre.
***
Le déjeuner ne se déroula pas tout à fait comme il lavait prévu. À la vue de louvrage, Lucile avait pâli et lavait refusé.
Cest trop beau. Je ne peux pas accepter avait-elle dit.
Il eut beau insister, rien ny fit. Cest que Lucile avait de ce cadeau, trop beau, trop cher, trop merveilleux, une conscience différente de la sienne. Elle ne le voyait pas, comme un gage de paix et de réconciliation mais comme un présent destiné à la rendre redevable, une sorte de pré-achat pour obtenir delle ce quil voulait. Si elle devait un jour souscrire aux désirs de Frédéric, elle le ferait librement, pas comme une pute quil aurait payée.
Frédéric ne compris pas la réaction de la jeune fille. Normal, il était à cent lieues de penser comme elle. Pour lui, cétait le cadeau dun ami à une amie. Ce don était un don et rien de plus, aucune arrière-pensée ne lavait motivée. Si Lucile avait eu la franchise dexposer les raisons de son refus, sans doute eut-il pu la convaincre quelle faisait fausse route. Ce ne fût pas le cas et ils se séparèrent sur ce malentendu. Le lourd volume resta sur la table. Longuement, Lucile hésita. Elle partit
puis revint.
***
Les jours passèrent. Ils en ont la sale habitude. Et Frédéric était maussade. Dans son coin, Lucile létait aussi. Que dire alors de Frédérique
Chaque soir, elle attendait des nouvelles et, chaque soir, elle était déçue. Lorsque Frédéric linforma quil ne viendrait pas ce week-end, ni sans doute le suivant, elle désespéra. Elle commença par se rendre responsable de la situation : elle avait commis une erreur, une faute qui la rendait indigne de sa venue. Mais elle eut beau chercher, retourner se mémoire pour en extraire le moindre souvenir, elle ne trouva rien. Elle pensa à une autre femme mais non
ce nétait pas possible
Encore que
Julie venait de surgir. Certes, il en avait dit pis que pendre mais justement ! Elle, il la traitait bien de « salope » et de « chienne » tout en assurant quil laimait. Pourquoi serait-ce différent avec Julie quil disait considérer comme une « conne » et une « pétasse ». Peut-être avait-il envie delle, peut-être fantasmait-il sur ses gros nichons et son petit cul de salope. Frédérique décida de mener son enquête. Pour cela, elle allait se rapprocher delle.
***
Lucile attendit jusquà la dernière minute, le train de vingt et une heures allait partir, elle sauta dedans. Frédéric ne viendrait plus. Elle appela son père, à lheure à laquelle elle arriverait, le dernier car serait parti depuis longtemps
Elle avait dans sa poche une lettre qui lui était destiné mais quelle navait pu envoyer faute dune adresse à écrire sur lenveloppe. Elle était triste, depuis ce fameux déjeuner, il navait pas fait signe et elle en était responsable.
***
« Ce nest pas mon mec ! » avait affirmé Frédérique. Ce nest pas son mec, mais cest le père de son
et je suis prête à parier quil vient le voir tous les week-ends. Julie attendit à la gare jusquà larrivée du dernier train. Elle fut déçue, la seule passagère était une gamine attendue par son père.
***
Lundi, huit heures cinquante-cinq, texto de Lucile : « Je peux vous appeler ? »
Réponse : « Jignorais vous lavoir interdit. »
Réponse : « Ahah ! Très drôle ! Je vous appelle vers midi. Bisous »
***
Lundi, neuf heures quatre, mail de Julie (écrit la veille de son mail personnel) :
« Cher Frédéric,
Jai beaucoup apprécié notre collaboration de dimanche passé et jespère quil nous arrivera de lapprofondir. Je tenais à vous remercier également pour le dîner au soir de la réunion, cétait très sympa. Donc, merci.
Mais si je vous écris aujourdhui, cest que jai un souci avec une ligne de code qui bloque la suite de mon programme. (Suit la ligne de code composée de hiéroglyphes abscons). Auriez-vous la gentillesse de létudier et de me dire quelle erreur jai bien pu commettre.
Davance merci et à bientôt.
Julie »
Réponse :
« Julie,
Vous me voyez ravi que notre collaboration vous ait à ce point agréée jespère néanmoins que les conditions qui lont permise ne se réuniront pas de sitôt. Quant au dîner, je suis enchanté quil vous ait plu et je ne vous cache pas ma volonté de réitérer lexpérience avec léquipe au grand complet.
Votre ligne de code est mal formulée puisque vous exiger lexistence dune condition pour ouvrir un accès qui se doit dêtre toujours libre. Il ne sagit à priori que dune erreur de touche, comme si vous aviez tapé un « G » au lieu dun « H ». Voici la ligne corrigée : (Suit la ligne de code composée du même genre de caractères)
Excellente journée. »
***
Lundi, dix-heures quarante-trois, message laissé sur le répondeur de Frédérique : « Cest moi. Je voulais juste des nouvelles de toi et de Franck. Appelle-moi. Je vous embrasse. »
Pas de réponse.
***
Lundi, douze heures une, appel de Lucile :
Bonjour, cest Lucile.
Je sais, votre nom saffiche.
Vous allez bien ?
Oui, merci. Et vous ?
Je
Je me sens très bête.
Ah ?
Pourquoi vous avez pas appelé
Sans doute parce que je navais rien dintéressant à raconter.
Vendredi, je vous ai attendu.
Désolé, jaurai peut-être dû vous prévenir.
On déjeune, mercredi ?
Dînons ce soir, même resto, dix-neuf trente. OK ? Jai limpression quil y a un abcès à crever, autant sen occuper tout de suite. À ce soir
?
Oui
à ce soir, merci. Je
vous embrasse.
***
Lundi, Quatorze heures treize, courriel de Julie :
« Merci Frédéric,
Comment vous remercier
Jespère pouvoir le faire avec le même zèle que dimanche
Bon après-midi
Julie »
Réponse :
« De rien »
***
Lundi, dix-sept heures cinquante-neuf, aucune nouvelle de Frédérique.
***
Frédéric se pressa, il avait un rendez-vous et tenait à faire honneur à sa réputation de ponctualité.
***
Le temps de passer rue Molière, de prendre une douche et de se changer, quarante minutes. Il lui en restait cinquante pour être à lheure. Le métro simposait, il fila vers 4 septembre.
Pont de Levallois, la Seine, la place Mermoz, le boulevard Clémenceau, le resto, il était juste à lheure, sans avoir eu besoin de courir. Elle, était en retard.
Elle arriva quinze minutes plus tard, resplendissante comme savent lêtre les filles quand elles veulent vraiment impressionner. Elle portait une robe vert deau qui rappelait la couleur de ses yeux et accentuait les reflets roux de ses cheveux remontés à la diable mais ne pâlissait pas sa peau. Un rien de maquillage soulignait son regard et ses pommettes ines. Frédéric eut limpression de la voir pour la première fois.
Ne me regardez pas comme ça, cest gênant dit-elle en posant un baiser à la commissure de ses lèvres. Vous donnez limpression que cest moi le plat principal
Il linvita à sasseoir, sans un mot.
Désolée, je suis en retard. Jespère que vous nallez pas me punir
Vous êtes venue uniquement pour vous moquer de moi ou allez-vous cesser ces illages et retrouver votre sérieux ? Je vous rappelle que, dune certaine manière, cest vous qui êtes à linitiative de ce dîner et quil est temps dévacuer ce qui vous préoccupe.
Son ton était calme et sérieux mais démenti par la lueur malicieuse de son regard. Or, elle ne le quittait pas des yeux.
Vous êtes une fripouille ! Mais javoue que jaurais pu me laisser avoir si vos yeux navaient pas souri.
Nous sommes deux fripouilles
Commandons nous parlerons ensuite.
Ils commandèrent, sans avoir recours au menu, exactement les mêmes plats que deux semaines auparavant. Preuve que le souvenir de cette première soirée était vivace dans leurs esprits. Cela donna à Lucile lassurance qui lui manquait. Elle se lança dès que le serveur se fut éloigné.
Il est pas impossible que je sois amoureuse de vous
Chuut ! ajouta-t-elle en lui faisant signe de se taire. Cest ce que disent mes amis et je les croie. Ça veut pas dire que je vais tomber toute cuite dans vos bras et que je vais me plier à vos désirs. Ça veut dire que jai des sentiments et des désirs, pour vous.
Voilà, ça cest fait. Maintenant, jaimerais quon parle du livre. Pourquoi vous vouliez me loffrir ?
La question ne prit pas Frédéric au dépourvu, il sy attendait tellement que sa réplique fusa :
Pour que nous enterrions la hache de guerre. Notre dernière rencontre avait été un peu
tendue. Pour vous faire plaisir aussi, jai cru comprendre que vous aimez les beaux ouvrages. Pour des raisons pratiques, enfin. Ce manuscrit est une mine de renseignements pour votre thèse et je doute fort quil soit consultable en bibliothèque. Lacheter était la meilleure solution pour que vous puissiez y accéder.
Vous auriez pu me le prêter, ça aurait été suffisant.
Peut-être bien. Mais quen aurais-je fait ? Personnellement, je nai aucune attirance pour ce genre de livre. Au mieux, jen aurais fait don à un musée et il aurait fini aux oubliettes. Non, croyez-moi, vous loffrir était la meilleure solution pour quil continue à vivre
Elle le regarda dun air méfiant.
Aucune arrière-pensée ?
De quel genre ?
Elle dû prendre son courage à deux mains pour le dire. Parler de cul en rigolant comme elle lavait fait quinze jours plus tôt, était une chose. En parler avec sérieux et avouer ses propres pensées en était une autre, bien plus difficile et compliquée.
Vous auriez pu le faire pour que je me sente redevable et que jaccepte
De devenir ma soumise ? linterrompit-il.
Euh
Oui, cest lidée.
Il éclata dun rire qui sonnait faux. En réalité, il fut blessé. Bien plus quil naurait pu le croire.
Alors, vous avez eu raison de refuser. Mais je vous assure que tel nétait pas mon dessein.
Peut-être. Mais vous lavez quand même laissé sur la table pour me forcer à laccepter.
Il prit quelques secondes pour réfléchir. Il tenait à cette fille
dune façon différente. Et il ne voulait pas la perdre sur un malentendu.
Je suis désolé que vous ayez interprété mon geste de cette façon. Ce livre, lobjet en tant que tel, navait pour moi aucun intérêt hormis le plaisir de vous voir sourire. Il na pas atteint ce but, il ne me servait plus à rien. Je lai abandonné. Un point cest tout. Il na pas plus de valeur à mes yeux quun meuble laissé aux encombrants. Mon seul espoir, cest que celui qui la récupéré en fasse ses choux gras. Mais je vous lassure, je nai pas voulu vous forcer la main.
Mais il est dune valeur inestimable
Pour vous peut-être, pas pour moi. Pour moi, il a la valeur dune erreur, dun échec. Autant dire quil ne vaut pas tripette.
Lucile était abasourdie. Elle connaissait des historiens qui auraient donné leurs vies pour le tenir entre leurs mains et lui
Lui sen foutait. Raisonnablement, cétait incroyable, ne serait-ce que parce quil lavait acheté et payé une somme quelle pensait rondelette. Pourtant, elle le croyait.
Étonnamment, elle fut déçue. Parce que cela signifiait que ce cadeau ne cachait aucune perversité, cela signifiait quil navait pas envie delle.
Elle le lui dit.
Ma chère, ma très chère Lucile. Encore une fois, vous vous trompez sur moi. Je vous ai parlé de mes habitudes pour que vous sachiez qui je suis et, si possible, vous faire fuir. Mais vous êtes toujours là, plus belle et plus désirable que jamais. Est-ce que pour autant je pense que la soumission vous attire ? Pour être franc, je ne me pose pas la question. Est-ce que je vous désire ? Je peux dire que oui. Est-ce que je rêve de vous voir à genoux et ma queue dans la bouche ? Encore oui. Mais ces désirs et ce rêve, je les ai mis dans ma poche avec mon mouchoir par-dessus. Parce que vous méritez bien mieux que de devenir un plan cul.
Il nest pas impossible que vous soyez amoureuse de moi, avez-vous dit. Pour être tout à fait honnête, il nest pas impossible que je sois amoureux de vous. Cela signifie aussi
surtout ! que je ne vous baiserai pas.
Les points étaient sur les « I », les barres sur les « T » et Lucile resta sans voix. Elle navait eu que quatre amants dont certains naimèrent que son corps mais cétait la première fois quelle croisait un homme capable de la refuser pour ne pas la blesser. Cétait déroutant, improbable, à moins quil ne vînt dun autre siècle ou dune autre planète.
Doucement, il prit les mains de la jeune fille entre les siennes et il les porta à sa bouche pour y déposer un baiser.
Je ne comprends pas dit-elle.
On peut avoir avec la personne quon aime des rapports a-normaux, du style Dominant/dominé et ne pas laimer moins. Cette personne peut vous avoir accordé des droits exorbitants, comme celui de la tromper en toute impunité, sans en user pour autant, parce que vous avez pour elle, et pour ses sentiments, un respect mérité. Être un Maître noblige pas à être un salaud ou un dégueulasse. On peut être un affreux pervers, aimer fouetter les femmes, les humilier, les fesser, les attacher et leur faire subir toutes sortes dhorreurs tout en restant un type droit. Il suffit quelles aiment ça et quelles acceptent dêtre traitées ainsi, sans chantage ni contrainte. Dans le contrat que jai avec ma soumise, je ne lui dois aucune exclusivité pourtant, je ne la tromperai jamais parce que je sais quelle naimera pas ça. Même si elle en a accepté le principe. Contrairement à ce quon pourrait croire, un Maître est essentiellement là pour donner du plaisir, que ce soit à travers la douleur ou lhumiliation, mais pas de la tristesse et encore moins du désespoir. Certaines soumises apprécient que leurs maîtres soient également des don Juan
Ce nest pas le cas de la mienne.
Et si, pure hypothèse, elle en éprouvait du plaisir ou plus simplement du désir
Alors, les cartes seraient rebattues mais, dune certaine façon, jespère que, vous, ne laccepteriez pas.
Ce fut au tour de Lucile déclater dun rire sans joie.
Moi ? Mais moi jai envie de vous. Je voudrais vous couper les mains pour quelles caressent sans arrêt mes seins et mes fesses, ma chatte
Je voudrais garder votre queue dans un écrin pour pouvoir men servir à tout instant. Je
Je
Je
ne sais plus ce que je dis, bégaya-t-elle. Parce que jai envie de vous. Et quelle, ne compte pas.
Mais elle compte pour moi
Jen ai marre de ces grognasses qui vous mentent et que vous croyez
Mais quest-ce que tu racontes Lucile, cest nimporte quoi. Je crois quil vaut mieux que je te raccompagne. Pour un esclandre, la rue cest mieux quun restaurant.
Vous avez raison, partons.
La voix de Lucile était blanche comme létait son visage. Elle sortit sans attendre, il paya et courut derrière elle.
Mais quest-ce qui tas pris nom de dlas ? Il ny a pas de quoi se mettre dans des états pareils.
Elle frissonna, il posa sa veste sur ses épaules, elle saisit sa main.
Venez chez moi, on y sera plus tranquilles pour parler. La maison est grande et jy vis seule, pas doreilles indiscrètes. Nos secrets y seront bien gardés.
Elle se tut, il se tut. Il était inquiet pour elle, elle était en colère pour lui.
***
Le pavillon était grand, très grand, trop grand pour elle toute seule si bien que les pièces étaient fermées et les meubles recouverts de draps. Le salon était immense mais faisait tout petit tant il était empli de canapés, de bergères, de sofas, de tables, de chaises, de coffres, de commodes, de vitrines
et les murs garnis de tableaux et de photographies. Frédéric se crut, un instant, dans la boutique dun antiquaire.
Lucile sinstalla dans un fauteuil crapaud, face à un canapé club dans lequel elle linvita à sasseoir.
Je nai pas été cent pour cent honnête avec vous. Lorsque nous nous sommes croisés dans le train, je vous ai reconnu, cest pour ça que je me suis assise en face de vous.
Devant son manque de réaction, elle poursuivit :
Vous vous souvenez de Nathalie ?
La seule Nathalie dans ma vie, cest mon première amour, si cest bien delle que tu parles, je te confirme quelle est inoubliable.
La première fois que je vous ai vu, vous lembrassiez. Vous mavez plu tout de suite.
Et alors
Le ton détaché quil employa heurta douloureusement le cur de la jeune fille.
Vous êtes mes premiers émois et sans doute mon premier amour. Vous saviez que cette salope vous trompait déjà quand vous étiez en terminale ? Il ne lui a pas fallu trois mois
Je nétais quune gamine à lépoque mais nous nous sommes fâchées et nous ne nous parlons toujours pas ; elle me méprise parce que jai sept ans de moins quelle, je la déteste parce que cest une garce. Quand nous nous sommes vus dans le train, jai découvert à quel point vous maviez manqué. Jai décidé de courir ma chance. On dirait bien, quencore une fois, jarrive trop tôt.
Être à lheure, cest tout un art ma
Lucile. Il y a plein de gens qui ny arrive pas et qui se bloquent sur un moment donné alors quil suffit parfois daller de lavant. Ne me dit pas que tu nes jamais tombée amoureuse, je ne te croirais pas. Laisse-toi porter par le courant et tu verras que ça tarrivera de nouveau.
Ça veut dire que notre histoire naura pas de fin
que je vais continuer à rêver de vous comme je le fais depuis dix ans.
Détrompe-toi, toutes les histoires ont une fin, cest juste quon naccepte pas celle qui est écrite. Quelle nous plaise ou non na aucune importance.
Cest dégueulasse.
La vie
Je ne parle pas de la vie, je parle de vous. Vous êtes là à bavasser que la fin ci, que la fin ça
Mais ma fin à moi, elle ne pourra arriver que quand jaurai lu tous les chapitres et vous, vous voulez que je passe du deuxième au dernier. Je ne tiens pas à prendre votre raccourci. Une vie, comme un livre, ça peut sécrire à deux ! Je me demande parfois si vous nêtes pas un lâche
« Un con, un salaud et un lâche
» quelquun le lui avait déjà dit.
Jai déjà une vie en cours, tu tiens vraiment à ce que jy rajoute ce nouveau chapitre ? Parce que, ne te fais aucune illusion, nous nécrirons pas un roman. Tout au plus, tu seras une digression dans le mien.
Même si jacceptais vos conditions
Mais je ne tai jamais posé de conditions. Je ne tai jamais rien proposé. Tu te fais un film ma petite.
Cest pourtant bien vous qui mavez parlé de
De domination et de soumission. Tout à fait. Mais je lai fait pour te faire fuir pas pour te mettre dans mon lit.
Et si je vous demandais de méduquer
Je te trouverais idiote.
Ce nest pas une réponse.
Je refuserais, je ne suis pas un dresseur.
OK. Je vois que vous êtes têtu alors je vous propose un deal : dans dix-huit mois, le jour de mes vingt-quatre ans, si je vous appelle, vous acceptez de me revoir. Si je ne vous appelle pas, cest que vous avez raison et que jaurais fini par accepter la fin.
Frédéric ne dit ni oui ni non. Pas besoin, il avait raison. Au matin, il quitta Lucile, persuadé de ne plus jamais la revoir.
***
Mardi, dix-heures quarante-trois, message sur le répondeur de Frédérique : « appelle-moi. »
***
Mardi, treize heures quinze, appel au bureau de Frédérique : sonnerie infinie.
***
Mardi, vingt-deux heures, tentative de connexion sur skype : correspondant absent.
***
Frédéric fit laller-retour dans la nuit, il ne trouva personne au loft.
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