Laure Et Aurelie 8
Trois semaines plus tard je retrouve une occasion de retourner en permission. Laure menvoie des lettres passionnées. Jai reçu trois gentilles lettres dAurélie, je me suis appliqué à répondre avec la même gentillesse à ma future jeune belle-soeur. Je viens de recevoir la neuvième lette de Laure. Toutes sont chargée de ferventes déclaration damour. Je lui manque. Elle souhaite me revoir au plus vite. Grâce à un arrangement de dernière minute avec Gérard, je pourrai la serrer dans mes bras dès aujourdhui
Tout baigne. Je sonne. La jeune sur, Aurélie, ouvre la porte. Elle est seule à la maison, ses parents tiennent la boucherie. Je nai pas de chance, Laure est partie il y a moins de cinq minutes avec son amie Émilie. Elles voulaient fêter notre rencontre, parce que Laure a claironné par monts et par vaux quelle venait de trouver lhomme de sa vie. Elle a emporté son maillot de bain mais doit passer au casino avant daller à la piscine.
- Si tu veux je vais taccompagner, ça me sortira. Dis, tu veux bien, futur beau-frère ? Pourquoi ne portes-tu pas luniforme et le képi aujourdhui ? Attends un peu, je me prépare et je te guide.
Elle virevolte, questionne et nattend pas les réponses, disparaît. Jai abandonné luniforme, pour savoir si je suis aussi aimable en tenue civile. Je veux être aimé pour moi. . Laure est sortie avec des amis, cest conforme à mes souhaits du samedi soir précédent. Elle va me tendre les bras, me sauter au cou devant tout le monde. Si nous réussissons à nous isoler, peut-être, ses règles passées, peut-être
nous aimerons nous dans de meilleures conditions que sous la tente.
Allo, on y va ?
Un pinson de compagnie piaille devant moi : elle est mignonne cette Aurélie, future petite belle-sur et autant men faire une alliée. Jaurai lair moins perdu en si belle compagnie et Laure se réjouira de me savoir avec sa sur et confidente. Un coup de peigne, un peu de fard, une robe à la taille marquée, une touche de je ne sais quoi, un coup de baguette magique : Aurélie est transformée, resplendissante.
Un trou dans la chaussée, la porte de la boîte à gants saute.
- Cest quoi cette petite boîte à ruban ? Un cadeau pour Laure ? Oh ! Une bague de fiançailles ? Dis, cest sérieux, tu es amoureux de ma sur ? Quelle chance elle a ! Elle était tellement impatiente de savoir. Dis, cest ça, une bague ? Je sais quelle attend ta réponse. Elle va être contente !
Je nai pas eu la possibilité de répondre. Enfin je réussis à déclarer :
- Cest un bijou de famille, ma mère le tient de sa mère qui le tenait de sa propre mère. Cest une alliance toute simple, elle a surtout une valeur sentimentale. Si Laure na pas changé davis, elle
la recevra à son tour.
- Que cest chouette dentrer ainsi dans ta famille. Pose-toi sur ce parking. Dis, tu veux bien que je te donne le bras ? Si mes copines me voient avec un aussi beau garçon, elles vont criser de jalousie . Juste pour du beurre, tu comprends.
À vingt mètres devant, un couple sort de larrière dune voiture en stationnement. Ils se rejoignent sur le bord de la route et sembrassent avec fièvre. Aurélie descend de voiture, les regarde, fait :
- Oh ! Ah ! Non !
Elle tend lindex vers les deux amoureux, porte une main à la bouche et se tourne vers moi. Je regarde, nen crois pas mes yeux : devant moi, à quelques pas, la fille plongée dans un baiser profond, cest Laure. Aurélie accourt vers moi, je reste planté à hauteur de ma portière.
- Excuse-moi. Cest Émilie qui est venue la chercher, elles devaient faire une sortie entre filles du même âge ! Cétait juste pour méliminer. Que fait-elle avec ce Raymond ? Elle mavait juré que cétait fini entre eux. Toute la semaine elle a répété Adrien ceci, Adrien cela, je laime, je suis folle de lui, Adrien, Adrien. Veux-tu que jaille les séparer. Oh ! Lidiote.
- Pourquoi idiote ? Elle sest ravisée et na pas eu le temps de men avertir.
Sans parler, nous nous sommes tout dit. Je lavais avertie. Si je la trouvais en compagnie de Raymond, je serais délié de mon serment. Inutile de faire un long discours, je garderai lalliance.Pas besoin de circonlocutions pour décrire la situation. Si javais quelque chose à lui reprocher, ce serait davoir joué à lincendiaire sans avoir prévu lintervention des pompiers. Elle ma allumé, je brûle et elle va éteindre lincendie chez ce Raymond ! Bof ! En me donnant un peu de mal, je trouverai une solution. Je devrais la remercier davoir mis le problème en évidence. Aurélie est plus désolée que moi. Je la retiens, joffre mon bras comme promis pour épater ses copines.
- Adrien, ça ira ? On avance ou on retourne à la maison ?
Je ne sais pas. Je veux cacher ma déception. Je biaise pour gagner du temps afin de me ressaisir. Je pose une question dont je connais la réponse.
- Quel âge as-tu ? Dix-huit ans ?
- Oui, la semaine prochaine. Jai deux ans et onze mois de moins que ma sur. Et toi, je le sais tu as vingt-et-un ans comme elle. Ça ne fait pas une grande différence entre toi et moi. Allons-nous amuser. Je suis triste pour toi, mais cest mieux ainsi ; Laure est trop instable pour toi.
- Ah ! Tu crois ? Voilà un précieux renseignement. Il arrive un peu tard, mais en ta compagnie je vais profiter de ma permission. Tu veux tamuser ? Amusons-nous.
- Cest vrai, tu ne men veux pas ? Mon père a cinq ans de plus que ma mère et ils saiment toujours.
Où veut-elle en venir ?
Nous avançons, à lavant le couple se désunit, Raymond conduit Laure, ils avancent, main dans la main. Chaque petit bisou les retarde, nous serons bientôt à leur hauteur. Jai limpression de revivre mon week-end passé, la distribution de petits bisous par ci, par là. Chaque bisou demande un arrêt, un demi-tour sur place. À aucun moment Laure, occupée à « bisouter », ne nous remarque : nous ne sommes que deux ombres vagues dans son champ de vision. Aurélie marrête. Elle est restée muette une minute, mobserve, esquisse un sourire gentil teinté dun zeste de désolation.
- Laissons-les prendre de lavance. Ne sois pas triste, une de perdue, dix de trouvées. Tu sais, je connais des filles bien, de mon âge. Elles donneraient une fortune pour trouver un gentil mari comme toi. Et celles-là, elles ne feraient pas comme Laure. Ça te fait sourire. Mais cest vrai ! Tu veux un exemple ? Regarde-moi : je pourrais te plaire ? Je ne suis pas trop moche ?
- Pas trop, en effet.
Je suis taquin de naissance. Ça ne me réussit pas toujours. À bien la regarder, Aurélie est une superbe plante avec un cur compatissant. Si je devais désormais choisir entre elle et son aînée, je nhésiterais pas. Elle a raison, la différence dâge ne poserait pas de problème.
- Ah ! Bon. Donc il faut que je trouve mieux que moi. Plus grande ? Plus mince ? Plus belle ? Mieux sapée ? Avec des yeux bleus, bruns, verts ? Allez, parle.
Je suis tout à mon chagrin, je ne pense pas à dénicher une remplaçante.
- Tu sais, cest mon affaire, jai encore des études à terminer. Merci de vouloir maider. Ne te crois pas obligée de réparer les dégâts. Ta sur mavait abordé, jai eu le tort de membraser trop vite. Ta sur moublie, cest la vie.
Ma voix se casse.
- Oui, mais, si par hasard, de façon tout à fait impossible, si je te disais, ce nest quune supposition, bien entendu.
Ses yeux se font pressants, elle attend, je le crains, une réaction de vengeance qui me jetterait dans ses bras. Naïve , elle na pas encore connu lépreuve, la déception, la trahison, la grande désillusion, la débâcle.
- Tu as déjà été amoureuse ? As-tu déjà déclaré ton amour à un garçon ? Tu as certainement un petit ami ?
- Non ! Une fois, il y a deux ans, jai dit à un garçon que je laimais. Il a ri et la raconté à tous ses copains. Ils mont chahutée. Depuis, certains mont fait la cour. Mais je ne veux pas des aventures, je veux lamour, avec un grand A.
- Cest bien. Tu le trouveras certainement, je te le souhaite de tout cur.
- Merci, mais tu nas pas répondu à ma question. Alors ?
- Je te demanderais dattendre, de bien réfléchir, de tarmer de patience, de voir si un autre ne te conviendrait pas mieux. Jai dit la même chose à ta sur et tu vois cela lui a réussi.
- Je ne crois pas. Pas avec ce Raymond. Moi, je ne suis pas ma sur. Et jai souhaité que Laure te laisse tomber. Pour la première fois elle paraissait pourtant mordue sérieusement. Mais chaque fois, elle finit par se lasser. De tous ses copains tu es le premier dont je sois tombée amoureuse au premier coup dil. Moi, je serai fidèle ; je suis vierge, tu sais
Que dit-on en pareilles circonstances ? Je me contente de la regarder. Elle est si fière de son affirmation.
- Avançons, ils sont entrés au casino. Tu as déjà joué aux machines à sous ? Non ? Je nen ai pas le droit à cause de mon âge. Tu veux essayer, je suis sûre de te porter bonheur.
Me porter bonheur aujourdhui. La pauvre. Enfin elle nest pour rien dans ce qui marrive. Elle achète pour moi un minimum de jetons. Elle voit une place qui se libère, se précipite et me fait signe de venir. La machine voisine, à gauche, occupée par Laure, captive le regard de cette ex éphémère. Son accompagnateur est collé à son dos, il cherche la bonne position dans le sillon fessier, remonte ses mains jusque sous les bras de Laure. Elle se laisse couver.
Elle est tellement prise par son jeu quelle ne me regardera pas, elle ne sent pas mon regard fixé sur elle et sur les deux mains qui viennent empaumer ses deux seins. Elle a juste un léger mouvement de croupe pour mieux accueillir la barre en bas de son dos. Le type se penche et dépose un baiser suceur sur sa nuque. Deux gaillards sont postés derrière lui. Je les reconnais, ce sont les deux bodybuilders vus à la piscine la première fois. Ils forment une espèce de paravent qui isole les amoureux. Que font-ils là ? Attendent-ils leur tour, prendront-ils la place de Raymond ?
- Allez, Raymond, ne sois pas impatient. Je nen ai pas pour longtemps.
Laure relève la tête, la tourne reçoit un petit bisou et retourne aux commandes. Elle ne ma ni vu ni reconnu, là, à environ un mètre.
" Tu me manques déjà, je ne pense quà toi, reviens vite, je tattends !" ma-t-elle écrit.
Aurélie tire sur ma manche.
- Cest dégoûtant ! Joue, tu ne peux pas rester devant une machine sans jouer.
Laure na pas reconnu la voix de sa sur. Dans son dos monte la petite bête qui monte, qui monte et la machine vorace avale ses jetons comme pour la livrer plus vite à ses prochaines activités. Le fameux Raymond ma vu les observer. Il me fait un clin dil, et par défi ou pour montrer son talent de tombeur, le regard tourné vers moi, il lâche le sein emprisonné, laisse descendre sa main, palpe le ventre, descend encore. Il a lair de me dire :
- Tu vois comme il faut faire. Prends une leçon.
Il enveloppe entièrement le corps de cette fille qui peste parce que la machine épuise sa réserve de pièces. Les doigts ont atteint le bas de la jupe. Je suis ébahi, elle laisse faire sans protester et même dun mouvement instinctif, elle déplace son pied droit qui vient heurter mon pied gauche Sans détourner les yeux de son appareil, elle grogne un « pardon ». Elle lui a ouvert la voie, la main plonge. Raymond me regarde tout sourire et je devine que ses doigts ont atteint leur but. Il secoue la tête, saccorde un satisfecit. Il ferme les yeux pour régler lagitation de ses doigts sur la vulve.
Les effets sont immédiats. Laure se met à trembler, son clitoris frotté avec vivacité lui transmet des ondes irrésistibles. Ses yeux se ferment, recueillis sur les sensations déchirantes, sa bouche souvre sur un souffle court, sa main droite perd la pièce quelle voulait introduire dans le bandit manchot. Raymond sort sa main, suce son majeur avec des airs de gourmet et repart sous la jupe en riant. Derrière lui, un gaillard demande sil aura bientôt fini. Le type, cynique, souffle à loreille de Laure, assez fort pour que je lentende :
- Tas oublié ta petite culotte dans lauto. Tu aimes mon doigt ?
Elle gémit une sorte de oui. Aurélie nest pas sourde, elle tire sur ma manche, furieuse, secoue mon bras, pose ma main sur le bras unique de la machine.
- Il faut jouer ou céder la place.
Elle appuie sur mon bras. Les rouleaux tournent. Il faut attendre. Les yeux de Laure me fixent, vides, presque révulsés, en pleine pâmoison, elle me voit mais ne me reconnaît pas. Son visage rouge, la sueur sur le front trahissent lexcès de plaisir qui la dévaste. Là, à côté de moi, elle jouit sur les doigts de Raymond.
Tout à coup ma machine vibre, lance des éclairs de lumières multicolores, sonne lalerte et jentends avec stupéfaction un bruit davalanche. Le bourdonnement de la salle sarrête. Au silence succèdent des applaudissements, un attroupement se forme, je me demande ce qui se passe. Aurélie est pendue à mon cou et crie :
- Tu as gagné. Le jackpot, du premier coup. Tu as gagné. Je tai porté bonheur.
Aurélie membrasse sur les joues, lève les bras, trépigne sur place, jette ses bras autour de mon cou. Dans mon dos, jentends une voix dhomme :
- Une veine de cocu !
Je me tourne, cest le type de Laure. Elle me voit, sort de ses brumes, me reconnaît, change de couleur, les seins toujours prisonniers des deux mains remontées sur sa blouse.
- Oui, cest bien ça, une veine de cocu, dis-je en direction de Raymond.
- A- dri-en, cest toi , toi?
Je suis sans parole. Je nai rien à lui dire. Je nai pas de colère. Nous avions convenu de réfléchir et de nous prononcer plus tard. Elle réalise vite et trouve plus décent de se taire, reste figée. Un bodybuilder lui tend des pièces, elle fait non de la tête. Raymond tente de lembrasser, elle le repousse comme indignée par son audace.
La suite cest du délire. On me félicite, je suis reçu sur un podium, exhibé, preuve vivante de la possibilité de gagner une grosse somme. À côté de moi, Aurélie jubile. Photos, interviews, remise solennelle du chèque et champagne. Je suis le mouton à cinq pattes du jour. On veut me voir, on touche mes vêtements parce que je dois porter chance. Je pleure, ment des larmes de joie après un gain pareil ? Je nai pas droit au chagrin !
Un type se présente avec un micro, me bombarde de questions. Il faut faire mousser lévénement, pousser les mordus à la dépense.
- Oui, je sais ce que je vais faire de cette somme.
Mais je garde les détails pour moi. Rembourser mes dettes : je pense à Gérard et à mes parents. Payer mon inscription annuelle à lécole supérieure de commerce, mes loyers, mes frais de bouche et de scolarité.
- Êtes-vous fier de battre le record de gain du casino ?
Je dis oui, mais il ny a pas de raison dêtre fier.
Le speaker ne me lâche pas :
Êtes-vous célibataire ? Avez-vous une fiancée, une petite amie. Attention on dit "Heureux au jeu, malheureux en amour." Quen pensez-vous ?
- Cocu, crie un gars plein desprit dà propos. Ça fait rire.
- Non, je ne suis plus fiancé, ma fiancée ma quitté aujourdhui même. Oui, une chance de cocu si vous voulez, lancé-je à ladresse du plaisantin.
Laure quitte la salle, de la porte elle a un regard vers le podium et sen va, seule.
- Mesdemoiselles, y a-t-il des prétendantes pour consoler notre gagnant ? Levez la main.
Cest effrayant, des mains se lèvent. Cest du grand nimporte quoi .Va-t-il me mettre aux enchères ? Je salue, quelles se débrouillent. De toute façon, accrochée à ma manche, Aurélie a pris les devants. Elle nest pas disposée à se laisser doubler. Nous réussissons à fuir la foule excitée, les machines sont toutes occupées et des files dattente se constituent derrière les joueurs. Cest jour de chance proclame le speaker.
À lair, je me tourne vers Aurélie. Elle pleure, à chaudes larmes.
- Ne tinquiète pas. Tu as joué pour moi. Tu auras une récompense. Je nai pas voulu lannoncer en public, ça ne regarde que nous. Ne pleure plus. Allons, calme-toi. Cest lémotion ? Quas-tu enfin ? Aurélie, souris-moi !
- Il est trop tard. Maintenant tu as gagné et jai tout perdu. Si maintenant je te dis que je taime, tu croiras que jen veux à ton argent !
Cest dit entre deux sanglots. Elle est si belle, même lorsquelle pleure. Jen suis tout attendri.
- Aurélie, tu me las dit avant, je crois : "si par hasard, de façon impossible, cest une supposition, si je te disais que je suis amoureuse de toi
" Cétait avant dentrer au casino. Je ne te soupçonne pas de cupidité.
- Tu faisais semblant de ne pas comprendre ! Mais alors je peux te le dire : Je taime ! Je taime !
- Tu connais ma réponse, souviens-toi.
- Tu ne me repousses pas ? Tu veux bien que je tattende ? Je tadore. Dis, je peux tembrasser ?
Je lui tends la joue.
- Non, pas comme ça. Comme ça aussi, tiens. Mais aussi comme une vraie femme.
Je plaisante :
- Tu veux me faire poursuivre pour détournement de mineure ?
Jaurai dix-huit ans la semaine prochaine et tu ne seras pas là pour mon anniversaire, fais-moi une petite avance !
Elle ferme les yeux, offre sa bouche tendue en cul de poule. Cest émouvant et drôle. Je pose mes lèvres sur les siennes, je compte jusquà cinq et je me retire. Elle est radieuse.
Elle me conduit à la boucherie, arrête ses parents en plein travail, me présente, réclame comme unique cadeau danniversaire lautorisation de sortir avec moi ce soir et demain matin, promet dêtre sage.
- Et ta sur ? dit la maman.
- Elle texpliquera ou nous en parlerons plus tard.
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