Elle Était Si Jolie...
Deux ans 5 mois et 23 jours, je compte les jours. Il faudrait que jarrête, je me fais du mal pour rien, cest destructeur je le sais, on me la dit cent fois, mais je ne peux pas men empêcher.
Ce soir, jarrête
Non, pour faire un compte rond, dans une semaine. Samedi prochain
cest ça. Juré, samedi prochain jarrête de compter les jours
peut-être.
Il y a 2 ans 5 mois et 23 jours, le ciel mest tombé sur la tête. Ma famille, mes amis ont bien essayé de me remonter le moral, rien ny a fait. Leur parole sonnait faux « oublie », « tu es encore jeune, tu nas pas 40 ans »
Ils ne comprenaient rien, maintenant je ne veux plus les voir. Je ne veux plus voir personne. Je suis seul.
Mon toubib a essayé de mexpliquer que la déprime est une véritable maladie, que je devais me soigner. Foutaise ! Pour moi cétait le vide, labsence, parfois la colère, la haine
je nétais pas malade.
Je ne suis toujours pas malade, mais je me traîne à longueur de journée, le goût pour rien, lenvie de rien
Ma vie na plus aucun sens.
Jai perdu mon boulot. Mon patron compréhensif ma dit « tu nes plus en état de travailler, reposes toi. Reviens quand tu veux ». Je ny suis jamais retourné, sauf deux fois pour le dépanner, un ouvrier cuisiniste ça ne se trouve pas du jour au lendemain, surtout un bon. Et moi je suis, enfin jétais un bon ouvrier, jaimais mon métier
le travail bien fait
Une belle cuisine cest tout un art, il ny en a pas deux pareille. Il faut choisir les éléments, les couleurs, occuper lespace en imaginant la cuisinière allant du plan de travail au four, au frigo
ça na lair de rien, le moindre détail est important
Maintenant, à quoi bon ! Je me contente le plus souvent de sandwichs.
Jai aussi vendu la maison, notre maison, la maison du bonheur. Nous lavions choisie ensemble, décorée ensemble. Chaque pièce était un souvenir, je la voyais partout. Insupportable. Jai loué un deux-pièces en ville, et gardé mon petit pécule pour vivre, sans rien faire, entre deux petits boulots
Si on appelle ça vivre.
Cela fait 2 ans 5 mois et 23 jours quelle est partie... Il faut que jarrête de compter.
« Secoue-toi Simon, réagis ». Jaurais pu écouter mes amis, refaire ma vie. Je nai jamais voulu, je nai jamais pu. Avec qui ? Une autre ? Aucune ne pourra jamais la remplacer.
Certains soirs jerre dans les rues de Paris, sans but. Inévitablement mes pas me conduisent au Quartier. Pas à Pigalle, ni rue Saint-Denis, un quartier anodin, sans touriste dans la journée, il sanime à la tombée de la nuit. Des bars louches, des ombres, des filles qui attendent le client. Amours tarifées, amours éphémères
frustrant. Cest tout ce quil me reste, tout ce que je recherche. Perdre la tête lespace dun instant, pour ne pas devenir fou.
Et le retour avec ce goût amer, limpression de lavoir trompée.
---oOo---
23 jours, 24 jours,
ne plus compter. Réagit Simon, pour elle. Elle te regarde, elle ne voudrait pas te voir comme ça.
Réagir ? comment ? Pour faire quoi ? Demain
Secoue toi. Relève la tête.
Demain
Ce soir, les mains dans les poches, je marche dans la rue après avoir bu un demi dans ce bar qui nouvre que le soi, dans ce Quartier où chaque porte abrite une dame prête à distribuer un peu de joie aux âmes esseulées.
Ma tête est vide, indifférent au monde qui mentoure. Je ne lai pas entendu venir, elle sest approchée de moi par-derrière « Alors mon joli, on se promène ? », avec cette gouaille parisienne quelle doit réserver aux provinciaux en goguette.
Je continue ma route, elle me prend par le bras :
- Viens avec moi mon joli. Cindy te donnera le bonheur que tu cherches.
« Mon joli ? », lexpression mamuse, je tourne la tête, elle est jeune, un beau sourire. Elle a lair heureuse, comment peut-elle être heureuse en faisant un métier pareil ? Le sourire aussi est à vendre.
Dhabitude, je ne les regarde même pas, je les suis, je tire mon coup et je rentre me coucher pas très fier de moi.
Aujourdhui, sa jeunesse mémeut, son sourire est charmant, ses yeux verts étincellent, ses cheveux blonds vénitiens accrochent la lumière des réverbères. Je mattarde à la détailler. Une lueur apparaît dans ses yeux :
- Mais je te connais toi.
Devant mon regard intrigué, elle précise :
- Tu ne serais pas venu me voir il y a une ou deux semaines. Je suis très physionomiste, et ta tête je ne lai pas oubliée. Tu avais lair si triste, comme maintenant.
Possible, je ne me souviens plus. Je ne saurais le dire, je suis venu si souvent. Et cest à peine si sur le lit je regarde leurs seins et leurs fesses, alors leur visage.
Jai beau la dévisager, aucun souvenir. Pourtant elle est jolie. Un petit modèle comme je les aime, avec des taches de rousseur, des cheveux roux bouclés. Pour ne pas la vexer, je lui souris à mon tour, comme si je lavais reconnue. Je cherche un mot pour la décrire
« pétillante », cest ça elle est pétillante.
Elle na pas besoin den dire plus. Je la suis.
- Enlève ton pantalon et viens là que je fasse ta petite toilette.
- Je mapproche du lavabo dans un coin de cette chambre un peu sordide.
- Ne soit pas timide, ne garde pas ton slip, je ne vais pas te manger. Quoique, dit-elle avec sa gouaille parisienne.
Je me mets nu machinalement, mettant mes attributs à sa disposition. Je ne bande pas, pas encore.
Ses mains sont douces. Elle a enlevé sa robe, une jolie guêpière met en valeur ses petits seins eux aussi parsemées de taches de rousseur. Son sourire ne la quitte pas. Elle doit le servir à tous les clients, mais ce soir, cest pour moi, je suis sous le charme.
Je la regarde faire, le savon dune main, ma queue dans lautre. La mousse recouvre le gland quelle a décalotté, elle sapplique, elle passe ses mains sous mes couilles, elles sont douces. Des frissons me parcourent, ma queue se redresse. Ça a lair de lamuser, son rire sonore résonne dans mes oreilles.
Leau coule, je suis vite propre. En me séchant avec une petite serviette, elle me branle lentement. La serviette est inutile, méthodiquement ses mains parcourent ma queue de bas en haut, ses doigts frôlent mes bourses, jusquà ce que la forme lui convienne :
- Noublie pas mon petit cadeau mon joli, me dit-elle en tendant la main.
Mes billets préparés à lavance disparaissent comme par enchantement dans une petite pochette prévue à cet effet.
Enlevant son frêle vêtement, elle sallonge, me laisse admirer ses formes. Jai lair dun con, debout à côté du lit, la bite raide, devant cette femme inconnue que je vais baiser.
Je ne me presse pas, tout au plaisir du spectacle de ce corps dun blanc laiteux, tacheté, la peau semble si fine, si fragile. On distingue nettement les veines bleues de sa poitrine. Sa toison rousse légèrement bouclée, bien taillée, laisse entrevoir ses fines lèvres, encadrées de ses cuisses dont la peau semble aussi fine que celle de ses seins. Une idée saugrenue me passe par la tête « je risque de labîmer, ce serait dommage ».
Elle me secoue, me tirant de ma rêverie :
- Allez vient. Tes pas venu juste pour regarder.
A peine étendu à ses côtés, elle me prend dans ses bras, une main emprisonnant ma queue pour lui redonner la vigueur souhaitée. Sa bouche parcourt mon corps, je ferme les yeux, sa langue joue avec mon gland, elle na pas lair de vouloir me prendre dans sa bouche. Je ne lui demande rien, cest elle lexperte. Elle doit avoir hâte den finir pour passer au client suivant. Sans faire durer les préliminaires, elle tend la main sur la petite table, se saisie dun préservatif pour méquiper. Quelle dextérité ! Jaurais mis une heure pour arriver au bon résultat.
Elle me guide en elle, je la pénètre en lui caressant les seins du bout des doigts, pour te pas la blesser. Je suis au paradis. Rapidement je jouis en elle, sans me soucier de ce quelle ressent.
La tension passée, je me blottis contre son épaule, elle me serre un instant contre elle. Lémotion, les souvenirs
comme toujours, les souvenirs. Pour ne pas montrer mon trouble, je me lève et me rhabille rapidement.
Elle doit avoir lhabitude, une fois leur petite affaire faite, les clients ne sattardent jamais. Elle reste étendue, sans bouger. Je lui jette un dernier regard en refermant la porte.
Son visage reste gravé dans ma mémoire. Elle est bien gentille celle-là, mais quelle tristesse !
---oOo---
Samedi, le compte est terminé. Jai juré.
Hier jai appelé mon ancien patron, il mannonce quil va fermer son entreprise. Heureux de mes nouvelles dispositions, il me propose de reprendre laffaire à mon compte, il pourra maider au début. Cest lui qui ma tout appris, javais 17 ans quand jai arrêté mes études, lécole ce nétait pas pour moi. Je voulais apprendre à travailler de mes mains, un vrai travail.
Sa proposition me plaît, mais tout seul je ny arriverais jamais. Il me faut réfléchir.
Je suis tout rouillé, je dois bouger pour remettre mes idées en place. Jenfile un jogging, et pars courir le long des quais, il est temps que je me secoue un peu. Je crache mes poumons, ce nest pas encore la pleine forme. Il faudra recommencer demain, recommencer tous les jours, comme avant.
Midi, je descends au restaurant juste en bas de chez moi, encore une habitude, pourquoi aller plus loin. En prenant mon café offert par le patron, nous discutons quelques minutes. Je lui parle de ce projet encore bien vague dans mon esprit. Il mencourage « Fonce, tu y arriveras. Et quest-ce que tu risques ». Devant mon hésitation, il insiste « Tu ne vas pas rester là ne rien faire toute ta vie. Ce nest pas comme ça que tu séduiras une femme ».
Je ne laurais jamais cru il y a seulement quelques jours, mais je pense à lavenir, à mon avenir. En me levant je suis de bonne humeur, comme ça pour rien, il y a tellement longtemps que je navais pas ressenti autant de bien-être.
Le travail ne me fait pas peur, cest lenvie qui me manquait. Si mon patron maide un peu, je my remettrai facilement. Il a précisé quil me laissait Michèle, sa secrétaire, qui vient deux jours par semaine soccuper de la paperasse, devis, factures. Moi je ny connais rien. Je me suis toujours bien entendu avec elle. Je lui ai aussi promis de garder son apprenti, ça me rappellera ma jeunesse.
Ma décision est prise. Je suis certain quelle approuverait mon choix, elle serait fière de moi. Cest sa bonne étoile qui me guide, qui me conseille.
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Une décision en entraîne une autre. On nest pas samedi, mais en route pour Paris, une de ces dames pourra me redonner le tonus qui me manque encore.
Jarpente la rue, ma rue, jen connais tous les recoins. Sans men rendre compte, je dévisage chaque femme que je croise, sans vraiment la voir. La petite rousse pétillante nest pas là ce soir ? Comment sappelle-t-elle déjà ? Cindy, cest mignon. Jaimerais bien revoir ses petits seins blancs veinés de bleus et sa toison rousse.
Je tourne dix fois dans le Quartier, insensible à lappel des sirènes qui espèrent aussi un client. Elle nest pas là, dommage, je reviendrais un autre jour.
Enfin la chance me sourit. Cest elle sur le trottoir den face, elle devait être occupée. Je traverse, elle vient vers moi avenante, comme elle le ferait à nimporte quel client potentiel. Elle qui est physionomiste, elle aurait pourtant dû me reconnaître. Son sourire sélargit, elle mapostrophe de sa gouaille habituelle :
- Ah ! Cest toi. Dis donc mon joli, tu laimes bien Cindy. Tu viens avec moi ?
Après les rituels, toilette, petit cadeau, je mabandonne dans ses bras.
Lhabitude est vite prise. Régulièrement, enfin tous les samedis, je vais chercher un peu de bonheur auprès de Cindy. Jai même limpression quelle mattend. Si elle nest pas là, je rentre chez moi, et je mendors en pensant à ses boucles rousses.
Ces consurs me connaissent bien maintenant, elles nessaient même plus de tenter leur chance. Je fais partie des habitués. Quand jarrive, elles se poussent du coude en riant. Entre elles, elles mappellent familièrement le soupirant. Pfft, si ça les amuse, jai des habitudes, voilà tout.
Braves filles, elles me désignent la porte cochère où sest réfugiée Cindy, ou elles vont la chercher si elle se repose dans le bar au pied de limmeuble dont la façade vieillissante abrite sa chambre.
Je remarque bien leurs regards amusés en voyant Cindy qui se presse en venant à ma rencontre.
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Reprendre une entreprise nest pas de tout repos, je ne ménage pas ma peine. Jai plus de travail que je ne peux en assurer. La reprise naura pas été aussi difficile que ce que jaurais cru. Heureusement que lapprenti est là, il me seconde bien. Sil continue comme ça, je lembauche à la fin de son contrat.
Parfois, fini le repos dominical, je ne vois pas passer le weekend. Un chantier commencé doit être terminé dans les temps.
Mais aujourdhui, cela va faire 3 ans, triste anniversaire, je me traîne chez moi en attendant le soir. Je ne dois plus y penser. Seule ma jolie rousse pourra mempêcher de sombrer dans une nouvelle déprime.
Dès mon arrivée, Cindy remarque que jai perdu mon sourire. Je lui donne son petit cadeau, et vais métendre sur le lit tout habillé :
- Quy a-t-il ? Tu ne veux pas de moi ?
- Pas ce soir. Viens tallonger près de moi.
Jai besoin de parler, de me confier. Cindy est la personne idéale, je me sens bien avec elle. Jouvre la boîte aux souvenirs. Elle mécoute sans minterrompre. Comment jai rencontré celle qui allait devenir ma femme, notre amour, notre passion, notre mariage, les années de bonheur, lavenir qui souvrait devant nous.
Elle sent les larmes qui me montent aux yeux :
- Ben alors, quest-ce quil tarrive mon joli. Tes marié et tu as honte de tromper ta femme avec Cindy ?
Je ne dis rien, le corps tout à coup secoué de sanglots.
- Viens dire à Cindy ce qui ne va pas.
Des images me passent par la tête, images déformées par le temps, souvenirs flous.
- Je ne peux men prendre quà moi-même, tout est de ma faute. Je naurais pas dû.
- De quoi tu parles ?
Je me parle à moi-même, à haute voix. Mentend-elle ? Mécoute-t-elle ?
- Je naurais jamais dû la laisser conduire dans son état à la tombée de la nuit
Elle na pas dû voir le camion, ou cest le camion qui ne la pas vue, peu importe
Le constat de police et le médecin appelé sur les lieux ont été clairs, morte sur le coup, elle na pas souffert. Cest ma faute, je naurais pas dû la laisser prendre la voiture, jaurais dû laccompagner.
-
- Je ne saurais jamais si cétait un garçon ou une fille, trop tôt, à 2 mois impossible de connaître le sexe de son .
Ai-je rêvé, les bras de Cindy me serrent un peu plus fort.
- En une fraction de seconde jai tout perdu, la femme de ma vie, mon
Cest ma faute.
Cindy a les larmes aux yeux, elle me caresse tendrement les cheveux, membrasse sur le front, sans oser prononcer la moindre parole. Cest la première fois que je parle à quelquun de ce que jai là au fond de moi.
Cindy me sourit, à moi Simon, pas à un client :
- Jai envie de te faire un cadeau, me dit-elle soudain sérieuse.
-
Elle se penche vers moi, et pose ses lèvres sur les miennes. Je suis surpris, une professionnelle nembrasse pas. Notre baiser séternise. Juste le temps de reprendre notre souffle :
- Tu sais, Cindy cest pour la rue. Pour toi, jaimerais redevenir Clara.
- Clara
Cest joli Clara.
- Ça fait du bien de mentendre appeler Clara. Il y a si longtemps.
Sans rien lui demander, cest elle qui parle. Sa vie na pas été rose. La fuite de son père quand sa mère trop jeune est tombée enceinte, la maladie qui la laisse orpheline à 7 ans, élevée par sa tante, le manque damour, les visites de son oncle dans sa chambre quand elle avait 10 ans, le dégoût, la fugue avec son copain à 15 ans, elle était amoureuse, mais elle a vite déchanté, un vrai salaud, il la prêtait à ses potes.
Que faire ? Partir ? Pour où ? Impossible de retourner chez sa tante. Ramassée dans la rue pour racolage, elle a connu tous les commissariats de Paris. Prise en charge par un homme du Quartier qui faisait déjà travailler 4 filles, cest lui qui la baptisée Cindy. Au moins, elle mangeait à sa faim et savait où dormir. Et cette soirée, cette bagarre, un coup de couteau, elle est de nouveau seule, plus pour longtemps, les frères Graziani, Baptistu et Ange, lui ont vite mis le grappin dessus. De toute façon, eux ou un autre, quelle importance !
Maintenant, cest moi qui ai les larmes aux yeux. Que puis-je lui dire ? En partant, je pose mes lèvres sur les siennes, elle ne recule pas.
Dans mon lit trop grand pour moi, je repense à cet accident qui a détruit ma vie, je pense à Cindy qui na pas eu de vie
et je mendors une femme dans les bras.
---oOo---
La semaine suivante, je pars de chez moi joyeux à lidée de revoir Cindy, de revoir Clara. Elle aussi a lair heureuse, elle a retrouvé son sourire.
Après la toilette habituelle, elle repousse les billets que je lui tends :
- Non, aujourdhui cest cadeau, dit-elle un peu gênée.
- Mais
- Pour une fois, juste pour le plaisir.
Enlacés, nus sur son lit, elle accepte mes baisers, mieux cest elle qui membrasse. Nous faisons lamour avec tendresse, en prenant notre temps. Nous jouissons à lunisson, son orgasme me bouleverse.
Voyant lheure, elle se lève dun bond :
- Vite, il faut que tu partes. Ça fait trop longtemps.
-
- Ils me surveillent tu sais, ils nont rien dautre à faire.
-
- Pars vite.
Non ! Je ne bouge pas. Il y a longtemps que jy pense sans oser me lavouer. Dun coup, je prends conscience de ne pas vouloir perdre Clara, de la vouloir pour moi, chez moi. Elle a lair affolée. Je la tire par le bras la forçant à sasseoir au bord du lit :
- Viens. Viens vivre avec moi. Quitte cette chambre sordide.
- Quoi ? Tu es fou. Ne te moque pas de moi. Ne dis pas de bêtises.
- Ce ne sont pas des bêtises, je suis très sérieux. Viens avec moi.
- Mais
Je suis une fille de rien, juste une p.
Je lui ferme la bouche dun doigt :
- Ne dis pas ça, ne dis jamais ça. Tu es ma princesse.
Je serre ses mains entre les miennes. Jai envie de la protéger, de la sauver.
- Tu es gentil, mais cest impossible. Les frères Graziani ne voudront jamais me laisser partir.
- Pourquoi, tu es libre non ?
- Tu ne comprends pas, je leur appartiens.
- Je veux vivre avec toi.
- Réfléchis, tu ne vas pas tencombrer dune fille comme moi. Je baise tous les jours pour de largent.
- Tu nes pas la seule. Regarde toutes ces bourgeoises qui épousent un compte en banque dont les intérêts sont versés deux fois par semaine, en missionnaire,
Sa respiration saccélère, jai limpression que tout se bouscule dans sa tête. Elle bafouille :
- Cest, cest impossible
Sil te plaît, ne me donne pas de faux espoir.
- Tu ne veux pas de moi ?
- Tu es gentil, jaimerais tellement
mais, je ne peux pas.
Je vois passer dans ses yeux un éclair, témoin de la peur qui la gagne. Elle hoche la tête :
- Non, ce nest pas possible.
Il faut que je sois fort pour deux. Je reste ferme :
- Dis-leur
Je viendrais te chercher la semaine prochaine.
Quand je la quitte, elle tremble en posant ses lèvres sur les miennes. En une seconde, je me demande si je la reverrais. Dans quoi lai-je entraînée ?
---oOo---
Quelques jours plus tard, Cindy me téléphone, elle me demande de passer la voir. Elle a parlé aux frères Graziani qui, on sen doutait, ne veulent pas lui rendre sa liberté. Le ton de sa voix reflète son anxiété.
Quand jarrive dans sa chambre, elle est effondrée, un bleu sur la figure. Je nose lui poser la question qui me brûle les lèvres :
- Quest-il arrivé ?
- Ils nont pas été contents. Ils veulent 100.000 pour me rendre ma liberté. Je te lai dit, ce nest pas possible, je nai pas cet argent.
- Pourquoi ces bleus, lui dis-je en déposant mes lèvres sur ses blessures.
- Pour rien, ce sont des pervers, pour leur bon plaisir, pour samuser. Pour me faire comprendre que je leur appartiens.
-
- Simon jai peur. Peur pour toi
Pars, va-ten, oublie-moi.
- Fais-moi confiance Clara, je trouverais cette somme.
- Attends
jai quelques économies, je te les donne.
- Non, gardes-les. Ça pourra te servir un jour, cest à moi de payer.
En quittant sa chambre, je tombe nez à nez sur lun des frères Graziani, je reconnais Ange, le plus bête, une vraie brute. Il me regarde en ricanant, je devine que cest lui qui a passé Cindy à tabac :
- Tu as bien compris, me dit-il en se frottant les poings.
-
- Elle ta dit 100.000
dans une semaine.
- Vous navez pas le droit.
- Jai tous les droits, Cest une bonne gagneuse. On mérite bien un petit dédommagement.
Inutile de discuter. Enfonçant mes mains dans les poches, je lui tourne le dos, il me crie :
- Souviens-toi, 100.000 dans une semaine, pas un jour de plus. Et, en petites coupures.
Quoi faire dautre ? Je casse ma tirelire, toutes mes économies. Je vends ma vieille moto, souvenir de ma première paye. Il y a tellement longtemps que je ne men suis plus servi, nous la prenions parfois pour aller à la campagne avant notre mariage
Bah ! Ne laissons pas le passé nous envahir.
Le plus difficile a été de trouver des petites coupures sans éveiller la curiosité des banques.
En me voyant arriver, une sacoche sous le bras, les deux frères ont un sourire ironique. Cindy tremble dans son coin, sans oser me regarder.
Rapidement, Baptistu compte si je ne me suis pas moqué de lui. Il a lhabitude, ça se voit.
- Parfait
Ange emmène là.
Ange saisit vivement Cindy par le bras, et lentraîne dans le couloir. Surprise, elle crie :
- Simon
Jessaie de faire un geste pour minterposer, mais je reçois un coup de poing pour môter toute velléité :
- Tu avais promis, tu as ton argent. Tu nas donc pas de parole ?
- Ne minsulte pas en plus
Ça, cest pour le manque à gagner, mais je suis un grand sentimental, jy tiens moi à cette petite, elle va me manquer, me dit Baptistu avec un horrible rictus.
- Combien ?
- Oh, ce nest pas largent qui va remplacer la douceur de ses seins, de ses lèvres. Tu dois me comprendre.
- Que veux-tu ?
- Je la garde deux mois avec moi. Passé ce délai, si tu la veux encore, tu viendras la chercher avec
disons une petite enveloppe pour mes faux frais.
- Combien ?
- 100.000.
- Mais où veux-tu que jaille chercher une telle somme une seconde fois.
- Cest ton problème. Cest à prendre ou à laisser. Maintenant tires toi, tu vas finir par ménerver
Et noublie pas dans deux mois, si tu veux la revoir.
---oOo---
Je laisse passer quelques jours avant daller revoir Clara. Un soir, je retourne au Quartier en essayant de ne pas me faire remarquer. Je ne la trouve pas, Cindy a disparu, quest-elle devenue ? Jessaie dinterroger les autres filles. Pourtant elles me connaissent, mais quand japproche, elles se détournent, refusant de me parler. Enfin, une plus courageuse me confie que Cindy est enfermée par Baptistu dans un studio pas très loin dici. Ne voulant pas quon nous surprenne ensemble, elle se sauve rapidement.
Plusieurs jours de suite, je vais planquer attendant le bon moment. Aujourdhui, jai vu les deux frères au bar, mais ils peuvent avoir laissé un de leurs acolytes sur place.
Jobserve encore pendant une heure
Rien ne bouge
Je risque le tout pour le tout.
Quelques coups rapides sur la porte, aucun mouvement. Nouveaux coups un peu plus forts
Cindy ouvre timidement, sur ses gardes. La surprise est grande, elle se jette dans mes bras en retenant ses larmes.
Sans lui laisser le temps de reprendre ses esprits, je dépose un baiser rapide sur ces lèvres. Je ne veux pas méterniser :
- Je viens te chercher. Prends tes affaires, on sen va.
- Maintenant ? Tu es fou, ils ne vont pas aimer.
- Viens, ils ne te laisseront jamais partir.
Cest certain, il ne va pas aimer, mais cest la seule solution. Comme un preux chevalier, jenlève ma belle princesse du donjon où elle est enfermée.
- Tu as bien tes papiers, ils ne te les ont pas confisqués ?
- Je les ai
mais
- Quy a-t-il ?
- Mon argent est là-bas, caché dans ma chambre. Je dois passer le chercher.
- Non, ce serait trop dangereux. Viens. Maintenant cest à moi de prendre soin de toi.
Réflexion un peu macho, je rajoute aussitôt :
- Si tu le veux.
Pour toute réponse, elle se blottit dans ses bras et moffre ses lèvres.
La voiture nous attend dans une rue adjacente. Rapide passage chez moi, pour charger mes affaires. Il faut nous éloigner rapidement.
Je téléphonerais demain à ma secrétaire pour lui dire que je ne travaillerais pas ces jours-ci, quelle fasse confiance à notre apprenti, il connaît les chantiers en cours.
Cindy me suivit sans poser de questions. La fatigue, le stress, ce saut dans linconnu, elle sest endormie. Jécoute Radio Nostalgie qui diffuse une ancienne chanson dAlain Barrière :
« Elle était si jolie
Que je n'osais l'aimer,
Elle était si joliiii e
».
Nous roulons à peine deux heures, jai réservé une chambre dhôtel comme un couple qui soffre un weekend à la campagne. Malgré lheure tardive, le patron nous accueille avec le sourire.
Cela nous fera quelques jours de vacances, pour mieux mieux nous connaître. Jai limpression que je vais devoir apprivoiser ma belle princesse, avant de pouvoir revenir chez moi, enfin chez nous maintenant.
Sur un coup de tête, ma vie vient de basculer, mais que dire de celle de Cindy. Enfin ce nest plus Cindy, cest la première chose que je lui dis en la réveillant par mes baisers :
- Cindy nexiste plus
Bonjour Clara, tu as bien dormi.
Elle me sourit, et se colle contre moi. Nous faisons lamour comme deux amants qui se retrouvent, avec tendresse. Repus, nous restons enlacés.
Le bruit de la douche me tire de ma torpeur, je métais assoupi. Je métire quelques secondes, et la rejoins dans la salle de bain. Je ne me lasse pas du spectacle de leau qui ruisselle sur son corps. La douche sarrête, elle sébroue comme un chat après sa toilette.
Je suis des yeux une dernière goutte qui tombe sur son épaule, glisse sur son sein, longe son ventre et va se perdre dans sa toison flamboyante.
Nos yeux se croisent., elle me sourit :
- Viens.
Je lembrasse sur lépaule, ma bouche glisse sur son sein, sattarde sur ses tétons que je sens durcir entre mes lèvres, je dépose un chapelet de baisers sur son ventre, avant de me perdre dans sa toison. Agrippé à ses cuisses, une main dans le creux des reins, je menivre de son odeur, ma langue caresse son petit bouton. Mes baisers sont de plus en plus profonds. Elle se crispe. Sa jouissance silencieuse me ravit. Je la regarde amoureusement, et pour la première fois cette phrase trop longtemps retenue tombe de ma bouche :
- Clara, je taime.
- Moi aussi je taime, me dit-elle timidement, comme prise en faute, comme si elle navait pas le droit de prononcer ces mots.
Quinze jours ont passé. Quelle a été la réaction des deux frères corses ? Certainement très en colère. Jattends encore une semaine, avant de retourner à Paris, laissant Clara aux bons soins de nos hôtes :
- Je ne serais pas long, juste laller-retour.
En arrivant chez moi, je me méfie, on ne sait jamais. Tout est calme. En me voyant la concierge mapostrophe :
- Eh bien, ils en ont fait du raffut vos amis. Vous étiez passés où ?
Daprès la description quelle men fait, cest Ange avec deux gros bras qui mont rendu visite. Ils me cherchent. Ils sont revenus trois fois. La porte a été défoncée, lappartement est sens dessus dessous, ils se sont défoulés. Ils connaissent mon adresse, je comprends que je ne peux plus habiter là, il me faut disparaître.
Je vais voir mon propriétaire. Je ne reviendrai plus, je lui laisse le mobilier en dédommagement, enfin ce quil en reste. Il accepte de garder mes affaires quelques jours, je passerais les prendre avant de repartir. Les locaux de mon entreprise me réservent la même surprise, la même visite dAnge. Je nai quune envie, fuir, fuir loin de ses brutes. Juste le temps de mettre un peu dordre et de laisser un mot à ma secrétaire.
Le soir, je vais traîner au Quartier. Apercevant les deux frères dans leur bar habituel, jessaie de ne pas me faire remarquer. Je cherche lamie de Cindy, peut-être sait-elle quelque chose ?
Je la vois sortir dune porte cochère suivie quelques secondes après dun client qui marche en regardant ses chaussures.
Pas très rassurée, elle me raconte la colère des deux frères au départ de Cindy :
- Ne traîne pas trop par ici, ils ne te portent pas dans leur cur.
- Je men doute.
- Si tu ne te montres pas, ils te laisseront tranquille. Protège bien Cindy, ils ne lui pardonneront jamais. Elle pourrait tomber dans la Seine, une nuit sans lune. La police sen fout, une pute de plus ou de moins, aucune enquête ne sera jamais faite.
- Merci.
- Elle en a de la Chance, donne-lui mon bonjour, me dit-elle émue
- Protège-toi bien, bonne chance.
Jen sais suffisamment. Ma décision est vite prise, je tourne la page définitivement
Ce que Simon ne saura jamais, cest que les deux frères sont des grandes gueules, mais ils ne font pas le poids face au kaïd du Quartier, un russe qui tient à sa tranquillité. Il ne veut surtout pas attirer lattention de la police sur ses petits trafics. Avare de mots, quand il a dit à Ange et à Baptistu « laissez tomber, elle a payé », ils ont compris quil ny avait pas à discuter. Le russe, il ne faut pas le contrarier.
Ange sétait bien amusé lors de ses visites au domicile de Simon, il y retournerait bien, mais on se lasse de tout. Philosophe, Baptistu a conclu avec sa nonchalance coutumière « Bah ! ça risquait dêtre fatiguant » avant de commander une autre bière.
Quon se rassure, ils nont pas tout perdu. Avec largent de Simon, ils ont pu faire venir deux filles de lEst qui ont remplacé avantageusement Cindy.
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Jai voulu mettre de la distance avec eux. Nous nous sommes installés à Gap dans les Alpes, un charmant village que je connais bien pour y avoir passé des vacances chez mes grands-parents, là où personne ne viendra nous chercher. De suite, la région a plu à Clara.
Quelques semaines après, un ancien collègue apprenant mon départ, ma proposé de racheter mon entreprise parisienne, en gardant le personnel. Cétait inespéré, laffaire a été conclue rapidement. Ce qui nous a permis dacquérir une belle maison dans la campagne environnante, et douvrir une petite boutique dans le centre-ville pour présenter nos produits et recevoir les clients. Avec le nombre de résidences secondaires, le travail ne manque pas. Le bouche-à-oreille a rapidement fonctionné, les contrats se sont enchaînés sans beaucoup de difficultés. Clara, toujours souriante, est devenue une secrétaire hors pair.
Ce soir, nous sommes confortablement affalés sur notre terrasse, dans les bras lun de lautre, profitant du soleil couchant. Je caresse machinalement les cheveux de Clara, aimant passer mes doigts dans ses boucles dor. En fermant les yeux, je nous imagine sur une plage paradisiaque à l'autre bout du monde.
Jai une pensée émue pour ma femme, ma bonne fée. Elle me protège. Me revient en mémoire cette chanson des Beatles quelle aimait fredonner « All you need is Love ». De là-haut, je suis certain quelle partage mon bonheur.
En pensant aux mois que nous venons de vivre, je serre Clara dans mes bras et lui murmure à loreille :
- Si nous faisions un beau bébé ?
Clara sarrête de respirer. La gorge serrée, elle ne peut prononcer le moindre mot. Un sourire illumine son visage, je vois deux larmes couler sur ses joues.
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