Un Cocu Heureux 10
Un cocu heureux 10
Avant le retour de nos conjoints, Léa et moi, en voiture avons pris la route de Collioure. Un petit restaurant non loin de la plage nous semble sympathique. La serveuse nous salue comme un couple marié. Nous sourions et trouvons inutile de rectifier. Léa pour moi un regard complice, je crois quil ne lui déplairait pas dêtre ma femme. Comme deux amis nous évoquons notre passé et occultons nos années de mariage. La trahison est trop fraîche ou trop douloureuse pour elle et pour moi.
Que valent des époux auxquels des conjoints accordent la liberté de flirter ou de se distraire sans eux et qui se précipitent sur des partenaires différents des leurs et se donnent sans retenue, même au prétexte que cest pour le plaisir de laimé ? Mylène ne peut pas croire que cest pour mon bonheur quelle veut sunir à Léo, alors quelle reconnaît attendre depuis longtemps que Léo fasse preuve daudace pour se laisser prendre. Léo se fiche de savoir si sa femme rêve de le voir prendre Mylène, il ne pense quà son désir.
Mieux vaut les oublier quand le soleil brille, que la chère est bonne et le vin du pays bien frais. Léa et moi nous essayons à cet oubli. A quoi bon ressasser la prompte liaison de Mylène avec Gérard : je te vois, tu me plais, on baise en cachette ! Sur le champ jai trouvé mon compte au spectacle de leur rapport sexuel si rapidement engagé. Au fil des heures, à la lumière des aveux suivants des deux collègues, mon opinion vire, le voyeur curieux et comblé se transforme en mari déçu puis furieux. Ah! La salope! Comme elle cachait bien ses sentiments réels. Comme elle saute au paf du premier mâle attirant.
En amis Léa et moi préférons parler de nos meilleurs souvenirs denfance. Par pudeur nous évitons de parler de nos sentiments réciproques, nous nous contentons de la douceur du moment présent. Après lagitation du soir précédent nous savourons la paix sereine du paysage marin.
- Si nous allions nous rafraîchir à la piscine.
Le maillot deux pièces de Léa lui sied à merveille. Plus je la vois plus je lui trouve de la classe. Physiquement elle vaut largement ma femme. Si elle veut me conquérir, je noffrirai pas beaucoup de résistance. Elle a pris ma main, le geste menchante et tant pis pour qui y verra à redire. Je suis en train de vivre une mutation morale profonde. Suis-je devenu infidèle ou ma fidélité trahie a-t-elle besoin daller à une autre ?
A une extrémité du bassin dans son mini maillot de bain Mylène parle avec Léo. La discussion est longue puis devient vive. Du doigt Mylène enjoint à son amant de sasseoir sur le rebord. Il fait une moue désenchantée et la regarde séloigner. Rageur il frappe la surface de leau de ses talons. Mylène nage vers le plongeoir, saccroche à une barre et discute avec
mais oui, avec Gérard. Il est bien revenu celui-là. Il nest pas fâché dêtre le centre dintérêt des conversations. Mais il ne cache pas sa joie de retrouver à ses pieds la belle quil a fait jouir.
Il se penche pour bien lentendre. Cest la tentation en chair. Elle se dandine dans leau, fait la planche, se tient à la barre mais bat des pieds, rajuste son haut, tire sur le bas de sorte que le dessin de son sexe est marqué dans le tissu. Si lautre soir il na pas tout vu de son corps, elle lui donne une occasion de faire du rattrapage grâce à ses contorsions. Le bavardage dure. Que complote ma femme en ce moment ? Les deux amants se fixent-ils de nouveaux rendez-vous et est-ce la raison de la mise à lécart de Léo. Mylène voulait parler librement !
Gérard doit connaître la grande liberté sexuelle accordée par le mari cocu et, à le voir se tordre de rire, il doit se féliciter davoir débauché une gaillarde disposée à mettre à profit sans modération sa liberté enfin reconquise après des années de mariage et daliénation.
Dun bras Mylène désigne Léo, le cocu en second. Gérard lui adresse un signe amical. Il nest pas rancunier : elle vient de déclarer à son maître nageur chéri quil est son vrai seul amour, que Léo vient après lui dans son cur, tient un rôle secondaire et sert uniquement à divertir le cocu en chef, moi. Cest ce que jimagine. Léo est une sorte de paratonnerre. Elle décrit un cercle dans leau et maperçoit. Elle lève la main, mappelle. Jignore ses gestes, je ne veux pas entendre mon prénom sorti de sa bouche hypocrite. Elle dit encore quelques mots à Gérard, me désigne de lindex, attend une réponse et entreprend de traverser la piscine dans notre direction. Je méloigne avec Léa vers le bar.
- Jean, attends-moi, Jean !
- Ah ! Mylène, nous vous cherchions. Tu nes pas avec Léo ? Déjà en bisbille?
- Mais si, regarde, il arrive. Mais vous, où étiez-vous passés ? Nous vous avons cherchés partout. Avez-vous mangé ? Veux -tu que je te réchauffe un plat?
Loccasion est bonne de lui montrer que je peux vivre sans elle.
- Après notre petit déjeuner ici, nous ne vous avons pas trouvés, les réfrigérateurs étaient vides. Nous sommes allés manger à Collioure. Dommage davoir profité sans vous dun cadre splendide et dune cuisine locale très fine.
Léa est contente de leur faire les dents longues. Mylène encaisse mieux que Léo.
- Ah, le culot ! Nous avons fait les courses, rempli les frigos, nous avons préparé le repas et finalement, las de vous attendre nous avons mangé. Et à vous la belle vie insouciante. Et nous nageons ensemble. Que dites-vous du beau couple que nous formons ?
Elle rate son but, elle voulait créer de la jalousie.
-
- Vous ne nagiez pas ensemble. Jai vu Léo assis tout seul. Tu nageais ou tu draguais le miraculé ? Mon pauvre Léo, tu nauras pas besoin de moi pour te faire des cornes
- Oh! Tu nas pas le droit, Léa, cest vilain. Je disais quelques mots à Gérard, je prenais des nouvelles de sa santé.
- Jai vu. Il doit être très malade sil lui a fallu si longtemps pour te rassurer.
- Je lui ai montré Léo : ce nest pas son agresseur. Quand jai désigné « mon mari » il ma assuré ne jamais lavoir vu. Donc, Jean, tu ne las pas frappé, jen suis heureuse, mon amour.
- Si jétais lauteur des coups il ne te dévorerait pas des yeux aujourdhui. Parce que tu me prenais pour un menteur ? Par jalousie jaurais assommé ton amant ? Et après, soulagé, je taurais conseillé de toffrir à qui voudrait bien se donner la peine de tenfiler pour camoufler ma rage de cocu? Cela te semble logique et conforme à mon caractère ? Non, ce nest pas cohérent. Tu as bien mauvaise opinion de moi, ma femme.
- Mais non, ne sois pas soupe au lait. A propos, Gérard aimerait faire ta connaissance, cest aimable, hein ?
- Il ne faut pas exagérer ! Après lépouse il veut senvoyer le mari : Est-il à voile et à vapeur? Non, il aimerait me dire quelle merveilleuse baiseuse tu es ! Jimagine son discours moqueur:
« Savez-vous cher monsieur, je me suis envoyé votre épouse. Ah! Quelle amante formidable, disponible, ardente. Mes félicitations. Si vous lexigez je vous remercierai en recommençant aussi souvent quil vous plaira »
Tous les amants se conduisent aimablement avec les maris cocus ! Vous voulez vous payer la tête du cocu ? Toi aussi je tentends me présenter :
« Cher Gérard, voici lhomme qui vous doit ses cornes. »
- Chéri, je croyais que cela tavait plu de nous mater !
- Et tu es allée vanter ma complaisance près de ton amant.
- « Mari vicieux souhaite vous regarder en train de faire lamour à sa merveilleuse conjointe. Récompense assurée. En cas de pléthore de candidatures, la belle procédera à un tirage au sort pour établir un ordre de passage sur et dans son corps. Jamais plus de trois ou quatre amants à la fois ! Le mari veillera personnellement et de près au bon déroulement des accouplements. »
Léo quitte la table et va saccouder au bar. Il est mal à laise. Léa rit sous cape. Mylène saisit enfin mon mécontentement :
- Oh! Je regrette. Tu changes davis sans me prévenir. Veux-tu que jarrête de voir Gérard, ses amis ou même Léo ? Pourquoi ne las-tu pas dit tout de suite ?
- Parce que tu es une femme majeure, libre et responsable. Tu dois être capable de savoir si tes actes sont en conformité avec ton idéal de vie. Tout ton cirque me déplaît, mais cest toi qui décides, tu agis en adulte éclairée, tu disposes librement de ton corps. Fais ce qui te plaît. Tu ne tes pas souciée de moi et de mon avis lautre soir avec Gérard. Je ne tavais pas donné carte blanche avant ladultère. Il ny a aucune raison de ten préoccuper davantage. Laisse parler ton cur et ton sexe. Ne me demande pas dapplaudir.
- Tu es dur avec moi, mon amour. Si javais su. Pour ce soir les invitations sont lancées, il est trop tard pour faire marche arrière. Tu comprends, je ne peux pas les décevoir. Il y aura Gérard, Bruno, Serge, Ludo et peut-être une fille. Il va falloir préparer la salle.
Léa propose :
- Faites votre réunion chez nous. Tout est prêt comme hier soir.
- Merci Léa, tu es une chouette amie. Grâce à toi, jaurai tout mon temps pour une douche et pour mhabiller. Dis, mon Jean, ce sera la dernière fois. Je le jure. Après plus rien.
- Au contraire, jai donné ma parole, je la tiendrai, tu es libre. Tu as pris des engagements, ils sont tout récents et tu peux leur accorder la priorité sur tes serments antérieurs. Tu fais et feras lamour avec ceux ou celui que tu aimes. Je vais même plus loin. Tu ne seras plus obligée de me montrer ce que tu fais, je supprime cette condition. Je ne tobligerai plus à minfliger le spectacle de tes relations charnelles débridées.
- Que je suis désolée ! Trop tard encore pour aujourdhui, nous nous réunissons au mobil-home à vingt-et-une heures. Les garçons ont engagé des dépenses, amènent les boissons, . La tenue de rigueur sera le maillot de bain. Mais tu viens de répéter que je suistotalement libre, oui ? Cela signifie bien que peux mamuser comme une folle ? Quel mari formidable tu es.
Assurément elle ne veut entendre que ce qui lui convient. Léa pouffe de rire et sen va, car Léa saisit les nuances et sent poindre la colère. Mylène veut savoir :
- Quest-ce quelle a ? Jai dit une bêtise ? Tu seras là ce soir ? Je compte sur toi.
- Bof, je ne sais pas, peut-être, peut-être pas. La première fois la curiosité lemporte. Après on revoit toujours les mêmes choses : deux sexes se rencontrent, lun entre dans lautre, on prend des positions variées mais ça se termine invariablement par un orgasme et une éjaculation. Quand on est acteur avec la femme aimée, cest toujours formidable. Quand on est « voyeur » on shabitue vite, on se dit :
- Je sais faire. Quest-ce quelle lui trouve de mieux à ce baiseur là. La nouveauté, le changement? Et puis on se lasse de léternel recommencement et de nêtre pour rien dans le plaisir de sa femme. Je lai dit, tu peux tenvoyer en lair comme avec Gérard le premier soir ou avec Léo le lendemain. Le spectacle ne mattire plus, je renonce à y assister.
-Tu en as marre, aussi vite: tu plaisantes, jespère.
- En deux séances, (la première fois tu te croyais seule avec ton type, tu trichais, tu me trompais en cachette, la deuxième fois il y avait deux témoins), donc en deux séances jai fait le tour de la question, jai compris que tu aimes les sauvages, les violents, les brutes, les gars qui te secouent, qui te tordent, qui te tournent et te retournent, qui te tassent, qui técrasent, qui te défoncent, qui te nt avec leurs doigts, qui te font jouir à en gueuler. Tu es belle quand tu jouis, mais
surtout quand cest avec moi. Que voir de plus ? Je nai plus de fantasme, je ne veux plus voir ce quils te font, je ne veux plus tentendre geindre sous les autres, je ne veux plus tentendre les supplier de tenvoyer au septième ciel ou hurler « baise-moi plus fort ». Ce soir jirai me promener ou au cinéma.
- Avec Léa ?
- Tiens, bonne idée, avec Léa, pourquoi pas ?
Jarrête tout !
Pas Léa!
Tu rigoles, tu veux me rendre jalouse.? Ce nest pas juste, jarrête tout. Quand ils se pointeront je les renverrai. Tes content comme ça ?
- Sérieusement ? Définitivement ?
Lespoir renaît, elle renonce par amour de moi. Hélas cest une fausse alerte. Mylène tourne comme une girouette, plus vite même. Elle se livre à une estimation rapide, subit un vent subit :
- Mais ils vont se venger, raconter à tout le camping que je suis une allumeuse, une femme sans parole, une dégonflée. Ils vont salir ma réputation. Tu te rends compte. Je ne supporterai pas dêtre montrée du doigt.
- Évidemment sil sagit de ta réputation, ça change tout.
- Oh ! Merci de me comprendre. Tu es merveilleux.
Lironie de ma réflexion lui échappe, lenvie de lorgie lemporte. Je peux ironiser encore sans la faire fléchir :
- Nexagère pas. Je ne suis quun homme, incapable de te refaire une bonne réputation.
- Mais si, mais si, tu es unique ! Mais, dis-moi, il y a quelque chose entre toi et Léa ? Tu las sautée ? Léo est furieux. Vous êtes allés à lhôtel à Collioure ?
Voilà la question qui la taraude. Elle est libre, mais ne conçoit pas que je le devienne. Derrière le Léo furieux, il y a une anxiété naissante chez lépouse libre.
- Nous avons mangé au restaurant, pas à lhôtel. Le jour où je te tromperai pour la deuxième fois, tu seras peut-être invitée à côté du lit damour. Regarde les photos sur mon téléphone.
- Ah ! Cest beau. Tu nas pas pris Léa. Pardon, je veux dire : Tu ne las pas photographiée ? Je nai pas besoin dêtre jalouse alors ?
- La jalousie nest pas un besoin, elle ne sachète pas, ne se fabrique pas sur commande : on la sent, elle fait souffrir.
- Tu ne las pas
euh
comment dire ? Ni photographiée ? Cest bien. Qui souffre de jalousie
- Pourquoi ? Il fallait la photographier ? Elle, je peux la voir tous les jours. Jai vu Collioure, jai pris ces photos, demain jirai ailleurs : il reste tant à visiter. Je me fais des souvenirs.
- Tu my emmèneras, dis, en amoureux. A Collioure et ailleurs ?
- Peut-être. On verra ! Si ta réputation le permet.
- Tu men veux, je le sens. Que la vie est difficile. Bon, je dois aller tout préparer. Léa viendra ? Peut-être ? Tu ne sais pas. Moi je sais : Léo la forcera à rester, il nest pas comme toi. Cest un jaloux. Regarde-le faire la gueule parce que je te parle. Il voulait mempêcher de rencontrer Gérard, cest fou. Il ma fait une scène épouvantable. Pauvre Gérard, je minquiétais pour lui. Cest naturel, nous nous connaissons, je ne peux pas être la seule à ne pas lui souhaiter une bonne santé.
- Ah! Cest naturel ? Tu lui devais une visite : un premier amant ça se bichonne. Tu nes pas une ingrate. Bah ! Il a lair en forme. Amuse-toi bien avec lui.
-Je savais bien que tu étais jaloux. Arrête de bouder; viens. Encore ce soir et après je serai uniquement à toi, je le jure. Fais un effort. Il ne fallait pas me donner carte blanche, maintenant je suis obligée de finir ce que jai mis en route. Je naime que toi, je le jure.
- Va et cesse de jurer. Tu as juré la même chose il y a sept ans, à notre mariage. Tu perds la mémoire ?
- Oui, je ne loublie pas, je taime, je naime que toi. Excuse-moi, jy vais.
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