Un Cycliste 4

Grâce à sa détestable amie, Charlene, je sais Liliane en vacances à La Rochelle. Je me déplace en ville, soulagé de ne pas risquer de la rencontrer. Une main se pose sur mon bras, je m’arrête, me tourne vers cette main amie : je n’ai pas compté sur le téléphone ! Charlene bien sûr a vendu la mèche! Devant moi se dresse Liliane, belle, fardée, coiffée mais avec des yeux cernés. Fatiguée par le voyage ? C’est probable. Épuisée par les exploits sexuels d’un jeune coquin insatiable rencontré dans le train ? Ce n’est plus impossible.

- Bonjour, lâcheur ! Tu es surpris de me voir. Peux-tu m’accorder quelques minutes ? Une bise ?

Ah! Lili, toi ici je te croyais partie tapiner à La Rochelle.

Le sourire disparaît, des larmes embuent ses yeux. Oui, je suis surpris, non, je n’ai envie ni d’un bisou ni de passer quelques minutes avec elle. Mais elle s’approche, pose ses deux mains sur mon bras, me tient. Je suis trop bon, elle le sait depuis le temps que nous avons partagé la même table et le même lit.

- Quelques minutes, oui, pas plus. J’ai un rendez-vous important, dis vite ce que tu as à me dire.

- Je te suis depuis un quart d’heure. Tu ne semblais pas pressé d’aller à ton rendez-vous. Allons, sois honnête, aie le courage de m’adresser des reproches. Je les mérite, tu me les dois. Oh ! Oui j’ai trouvé des objets compromettants et ton message. J’ai compris leur signification. Je reconnais que j’ai commis une énorme bêtise, je la regrette de tout mon cœur. Mais ce n’est pas juste, tu es parti sur un malentendu. De grâce accorde-moi une chance de me défendre. Il y a ce que tu as vu et ce que ton imagination a créé.

- Quel nouveau mensonge veux-tu me vendre aujourd’hui ? Les photos n’ont pas été claires ? Je parle de celles du parc. Ah ! La belle réunion entre filles ! Tu t’es bien ri de moi. Pas une fois, deux fois ! La deuxième a été fatale. Il te faut de la queue, adresse-toi à ta conseillère.

Charlene te fournira de quoi régaler ta chatte. C’est mon imagination qui fabrique des billets de cent euros ? Tu as changé de métier, tu vends tes charmes dans des sous-vêtements excitants. Voilà la raison de ce changement vestimentaire.Je ne suis pas acheteur. Laisse-moi.

- D’accord pour les photos, j’ai eu tort. Je me repens, ne sois pas injuste ni trop dur. Écoute moi, sil te plaît.

- Comment nier hein ? Tu oses me regarder dans les yeux ? Souviens-toi. Tu es couchée sur le gamin adossé au chêne, ventre à ventre, bras serrés autour de son cou, bouches en ventouses. Ou bien, sur une autre, tu lui bouffes la queue, il n’en reste pas un centimètre hors de tes lèvres, tu t’étouffes dessus mais tu ne lâches pas le morceau. Quelle gourmande, quel appétit ! Ou bien , il t’enfile par derrière et tu t’accroches à son bras et tu remontes ton buste nu et ta tête pour un baiser pendant qu’il se vide en toi. Sur ta figure je ne voyais alors aucun signe de repentir, tu transpirais, tu geignais et tu jouissais ! Je n’ai rien oublié. Ce film-là tourne dans ma tête, en boucle. Oui, en boucle. Et ce n’est pas le pire !

- Ah ! Bien, je croyais que tu m’avais quittée à cause de cette faute. Le pire c’est autre chose, c’est quoi ?

- Tu ne manques pas d’air. Un soir tu vas gentiment te faire sauter par un loupiot encore pas sevré pour cent euros. A moi, tu racontes une histoire à dormir debout, de séance de cinéma avec des copines. Tu oublies au passage que tu n’aimes pas les salles obscures, que depuis des années tu ne veux plus m’y accompagner à cause d’une allergie qui te fait dormir et ronfler pendant la projection. Charlene débarque, ton allergie disparaît et je devrais remercier le ciel pour ce miracle ?

- C’est Charlene qui m’a soufflé cette excuse. J’ai… Tu as raison, ce n’était pas plausible. Évidemment, toi tu n’as pas mordu à l’hameçon. Mais c’était sans malice. Au départ Charlene disait vouloir se promener, faire du lèche-vitrines, aller boire un verre, discuter.
Rien de grave ou de répréhensible. De toute façon je me reconnais fautive. Et puis ce qui s’est passé au parc aurait pu se produire au cinéma. Je ne cherchais pas l’aventure. Elle m’est tombée dessus, à l’improviste. Je plaide coupable.

- Sauf que vous débarquez du taxi en bonne compagnie déjà.. Non quatre filles comme le voulait la logique, mais deux femmes mûres et deux hommes plus jeunes, J’ai observé le quatuor : formé par hasard, diras-tu ? Tu as dû observer dès le début que c’était des hommes, tu a su aussitôt que ton amie te roulais, ne me dis pas que ça te fâchait. Tu continues à te payer ma tête. Si on arrêtait là ? Ta mauvaise foi est évidente. Tu as fini de me raconter des sornettes. Va.

- Laisse-moi le temps de parler. Les deux garçons étaient dans le taxi lorsque j’y suis montée. C’était un véhicule à sept places. Charlene m’a indiqué que, plus il y avait de passagers, moins le transport coûtait.

- Es-tu fauchée au point de devoir partager le taxi ? Au restaurant, plus il y avait de membres à table, moins c’était cher, me diras-tu aussi ? Pourquoi vous êtes-vous assis à la même table tous les quatre? C’était normal , c‘était moins cher ? Pas prévu, fruit du plus complet hasard ? Deux types dans un taxi vous font du gringue et hop on se lie, on se prépare à table, l’un paie les quatre repas généreusement, ça n’étonne personne. En retour, on tirera un coup : c’est courant, habituel, tout le monde fait ça, pourquoi pas Liliane ? Tu me prends pour un con ?

- Non, mais nous venions de faire connaissance, ils étaient joyeux, racontaient des blagues, nous faisaient rire. Quand ils nous ont invitées pour le repas, Charlene a accepté et j’ai dû suivre le mouvement.

- Es-tu un mouton, as-tu entendu parler de Panurge ?Bien sûr je connais comme toi l’adage dont tu as été la victime exemplaire: « Femme qui rit est à moitié dans ton lit » Puisque ces deux individus vous faisaient rire, vous étiez condamnées à coucher avec eux.
Il n’y avait pas de lit, mais quand il faut baiser, on trouve une solution comme des bosquets dans un parc public. Ta défense lamentable m’ennuie.

- Moi je ne savais pas.

- Je ne te crois pas. Dis « je ne voulais pas savoir », ce sera plus juste. Tu as agi comme une gourde ? Charlene commande et tu suis. Elle se jette par la fenêtre, tu la suis et tu enjambes la même fenêtre; elle vend son cul à un inconnu, tu vends le tien à un inconnu! Continue sans moi. Les inconnus ne manquent pas.

- J’allais de surprise en surprise, je ne savais pas que Charlene avait combiné ce coup. Et le champagne m’a rendue gaie.

Pauvre victime innocente qui va boire à en perdre le sens des convenances, abandonner sa main sous celle d’un jeune homme de quinze ans plus jeune que toi ! Il te plaisait, reconnais-le. Il te le fallait.

- Il était d’une timidité attendrissante. Je l’ai jugé inoffensif. Sa petite familiarité ne méritait pas une réprimande.

- Et lorsque le malheureux a égaré sa main droite sur ton genou puis grimpé le long de ta cuisse, tu as cru qu’il voulait innocemment se réchauffer les doigts ? Le feu au cul, ça peut servir à ça ! Surtout en juillet

- Il n’est pas arrivé bien loin. Tu as vu que j’ai bloqué la progression de ses doigts.

- Assez tard ! Et si longtemps ! Et tu n’as pas osé faire un scandale pour si peu, n’est-ce pas, question d’éducation ! Donc tu as maintenu sa mimine sur ta cuisse, un certain temps ? Dis plutôt qu’il t’a foutu des frissons et donné des envies de stupre. En public, un type te tâte la cuisse, tu ne le repousses pas, tu fixes sa main, et tu continues à boire et à manger de l’autre main. Est-ce dans tes habitudes ? M’aurais-tu permis ce genre de privauté au restaurant ?

- Tu as raison. J’ai manqué de fermeté avec ce jeune homme. C’était encore un gosse, alors…

- Ah ! Perverse ! Parle-moi de l’instinct maternel, du besoin de protéger la jeunesse, de la satisfaction de transmettre ton expérience sexuelle, d’initier et de former un innocent.
Parle-moi de son droit à connaître les plaisirs de l‘amour grâce à une femme d‘expérience. Comme je te comprends, toi qui n’as jamais voulu déformer ton corps par une grossesse, te voilà envahie du besoin d’initier un gosse par une sorte de report de l’instinct maternel. Et si c’était par besoin de savoir ce qu’un môme peut t’offrir par sa fraîcheur, par son innocence violée ?

- Ça, c’est bas. A trente-cinq ans je peux encore avoir des s. Mon corps fonctionne, tout est possible. Il suffit que je tombe le stérilet.

- Hé ! Oui ! Et maintenant tu as trouvé, grâce à Charlene, le procréateur qui te convient. Tu élèveras simultanément ton et son jeune père.

- Cesse donc tes moqueries faciles et grinçantes. Revenons aux faits. Tu as raison, j’ai été naïve et imprudente. De plus j’aurais dû surveiller mon verre. Il était toujours rempli, je buvais et je ne m’apercevais pas que quelqu’un faisait constamment remonter le niveau.

- On aurait donc abusé de toi ? As-tu porté plainte pour abus sexuel, le lendemain quand tu as été dessoûlée? Non, à l’évidence. Non ça ne se fait pas ! Mieux vaut s’envoyer en l’air que d’attenter à sa bonne réputation. De plus tu ne pouvais pas attaquer ton violeur, tu devais répondre sous huitaine à une deuxième convocation de Charlene en vue d’une importante reprise de votre « sortie entre filles » dont tu venais de découvrir tout l’intérêt. Dénoncer c’était perdre la chance de recommencer. Repas gratuit, baisers fous, baise contre un billet: que font d’autres les prostituées ?

- Pourquoi m’insultes-tu ? Je ne me prostitue pas.

Bien, Tu as trop bu, Est-ce une excuse valable ? En quittant la table tu titubais, il t’a fallu un bras secourable pour tenir debout. Nécessité oblige, Louis ne demandait pas mieux : il t’a serrée de près, tu t’es sentie si bien contre lui, sous son bras secourable plaqué sur tes épaules. Pour te dessoûler, une marche à l’air pur était le meilleur remède. Par discrétion mieux valait marcher en un lieu peu fréquenté, donc tu as encore suivi Charlene sans la moindre idée de ce qui t‘attendait.

- Charlene ne m’avait pas annoncé son plan. Elle voulait m’en mettre plein la vue

-Un nouvel ami t’entraîne dans un sous bois, à la remorque d’un couple douteux, tu suis, par habitude. Tu ne te poses aucune question. Tu croyais aller au cinéma, tu t’éloignes des salles, toujours pas de questions ? Le jeunot t’embrasse, tu imites ta copine, tu réponds au baiser. Et au lieu de t’en mettra plein la vue, tu en prends plein le cul ! Vivat.

- Mais comment sais-tu tout ça ? Et pourquoi refuses tu de croire que j’ai été prise dans un tourbillon, lent au début puis de plus en plus rapide.

- Non, je ne te crois pas. Alors là, après l’alcool tu pourrais invoquer ta grande naïveté. Si tu étais une adolescente. je comprendrais que la première fois surprend et que la surprise excuse la défloration. Mais dois je te rappeler ton âge ? Tu as trente cinq ans. Tu as vu venir la suite. Un baiser sur la bouche, même quand on a bu, ça ne passe pas inaperçu. Ca soûle, ça fait tomber les défenses d’une femme, ça lui fait perdre la notion de bien ou celle de mal ?

- Tu m’accables. Les choses n’étaient pas aussi évidentes au début. Après il est facile de reconsti l’histoire, quand on connaît la fin.

-La conduite de ton amie, mariée, ne t’a pas étonnée ? Si ? Non ! Sa façon d’enlacer son compagnon de rencontre et de l’embrasser ne t’a pas scandalisée outre mesure et tu as fini par te sentir obligée de l’imiter pour récompenser ce brave et secourable Louis. Oui ? A partir de là, tu étais autorisée à oublier mon existence. Heureusement pour toi, le jeune innocent que tu croyais initier s’est montré à la hauteur de tes attentes cachées. Tu as pu te laisser faire, sans effort, sans responsabilité. Il a commencé, comment résister quand on est une faible femme de 35 piges embringuée dans une liaison avec un môme?

- Tu ne vas pas me détailler une nouvelle fois ce que nous avons fait dans ce parc. Cesse de tourner en boucle. Je te répète que j’ai honte de ma conduite de ce soir là. Je regrette, je te demande pardon. Veux-tu que je m’agenouille pour implorer ton pardon ?

- Facile à dire. A genoux, ici, dans la rue? Tu es folle si tu crois que je vais te présenter ma verge pour une fellation. Garde tes envies pour les ados. Ce n’était pas glorieux. Admettons que cela t’ait fait du bien. Tu as eu une aventure, tu as goûté une jouissance nouvelle avec un amant de passage imberbe. Bon, c’est arrivé, tu n’étais pas dans un état normal, tu t’es sentie piégée, obligée d‘accorder à ton amie la satisfaction de tromper ton conjoint comme elle trompe le sien. Vous faisiez jeu égal. C’est peut-être ça la solidarité féminine. De plus tu gagnais de quoi te payer un string peut-être! C’était irrésistible. Tu ne m’as pas informé bien entendu, ni ce soir où tu as couvé les merveilleux souvenirs d‘une aventure extraordinaire, ni dans la semaine suivante; je peux le comprendre aussi. Il n’est pas facile de dire à celui qu‘on appelle « l‘homme de ma vie » :

- Mon chéri, tu sais tu as la chance d’être cocu. Le hasard m’a mis en présence d’un gars sympathique qui m’a baisée comme un dieu.

- Arrête de m’enfoncer, je t’en supplie.

- Tu regrettes surtout d’avoir été prise sur le fait. Si je ne m’étais pas douté d’avoir à me méfier de ta marchande de lingerie, je n’aurais jamais rien su et tu ne serais pas en train de me supplier. On ne se vante pas auprès d’un mari de l’existence d’un amant ou de sa dernière partie de sexe avec un inconnu. Mieux vaut le laisser dans l’ignorance et continuer à le tromper.

- Je n’ai pas continué, tu te trompes. Entends moi.

Soit. Tu as eu une semaine complète pour dessoûler, pour retrouver ton bon sens, pour regretter et te promettre de ne plus recommencer. Pendant cinq jours, je me suis tu. Je t’ai cherché des « circonstances atténuantes » comme on dit. J’ai décidé d’essayer d’oublier ce faux pas, le premier à ma connaissance, bien que le naturel et la désinvolture affichés en la circonstance fassent penser à une habitude bien ancrée. Tu n’as pas remarqué que je ne te désirais plus.

- C’est le premier et seul faux pas, en réalité, depuis que nous nous sommes rencontrés, crois-moi. Laurent j’ai été fidèle, parce que je t’aime. Chasse tes doutes, bride ton imagination destructrice.

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