Le Castor 2.

LE CASTOR 2

- Ce n’est pas un beau début ça ? Si elle divorce, ils vendront la villa : ça vaudra le coup de partager sa part. Et pour se venger de l’ennui de son mariage, elle a décidé de vider le compte en banque, les carnets ou livrets d’épargne de son mari. Le seul ennui, c’est qu’elle ne peut pas liquider les actions et obligations. Ça ne fait rien, un appartement, du fric à volonté, ça vaut bien quelques efforts. Un coup de bite par ci, un coup de queue par là et j’entendrai tomber la « money ».

- Oh ! Le veinard. S’il te faut des vacances nous te remplacerons dans les bras de ta vieille.

- Quelques rides, mais ma chérie, Colette, a encore de beaux restes. Après tout, quarante ans c’est encore jeune. Il suffit de la voir baiser pour s’en convaincre. Enfin, elle a commencé ses valises pour le déménagement, c'est du costaud hein. Elle me les a montrées dans une chambre où le cocu ne met jamais les pieds.

J’ai écouté, je n’en reviens pas. Mon portrait n’est pas flatteur. Je n’aurais jamais cru possible cette trahison de ma Colette. J’ai passé dix-huit ans à vouloir la rendre heureuse, à lui offrir le confort et le luxe, et en réalité je ne suis pas aussi nul au lit que le jeune amant le raconte. Colette a exagéré mes faiblesses sexuelles pour attendrir le matou. Ni rapide comme un lapin, ni mou comme un chewing-gum. Elle a voulu se faire plaindre ou le type derrière moi brode pour se faire valoiraux yeux des copains.

En quelque sorte Emile est le bon samaritain de l'amour. Pour l'instant il se dévoue, paie de sa personne, il baise héroïquement une quadragénaire pas trop mal conservée mais friquée, dans l'attente d'un retour sur invrstissement en espèces sonnantes et trébuchantes. Colette n’a pas su trouver mieux que de m’abaisser aux yeux de son amantcanaille. Avec ce bavard indiscret, je ne vais pas tarder à être la risée de la ville , tant il est précis dans le détail: prénom de la vieille, âge , adresse.



- Tenez, je vais l’appeler. Attendez, il faut faire le 06 25 77 41… Vous allez l’entendre.

Plus de doute, c’est le numéro du mobile de Colette. Est-ce possible ? Je tombe de haut et ça fait mal. Je bous intérieurement, j’essaie de me rassurer, mais ce récit est convaincant. La description de la maison, les détails anatomiques, la forme des nymphes de ma femme, sa façon de faire l’amour avec passion et jusqu’à son besoin d’être fortement défoncée sont trop près de la réalité, ce gars a vu la nature de mon épouse, il a couché avec elle, à n’en pas douter. Comment Colette a-t-elle pu ? Et cette histoire d’appartement, il doit lui faire de l’effet : acheter au nom du garçon. Est-elle devenue stupide ? Il téléphone :

- Allo, ma Colette chérie, c’est Émile. Bisous, bisous, bisous… Tu vas bien mon amour ? Tu récupères, tu as été merveilleuse ce matin. Ha ! Tu as les reins en compote ?… Oh ! Tu me flattes. Oui, je sais, formidable… Oui, je t’adore, tu me rends fou… Moi aussi. Je recommencerais volontiers ce soir… Tu es sûre ?… Pas possible, mais demain ? Ah ! Bonne nouvelle, ton mari part en voyage pour quarante-huit heures… bien évidemment… oui… oui. Le propriétaire t’a donné les clés… quoi, répète, ce n’est pas vrai ! Chouette alors. On déménage pendant l’absence de ton vilain… Tu es sûre, demain ou après-demain au plus tard… Parfait mon cœur… C’est ça, on rattra le temps perdu. Mais oui, je t’aime. Tu as rendez-vous dans huit jours chez le notaire… l’appartement ?… à mon nom… ça me gêne un peu,… tu ne devrais pas. Tu prends des risques… parce que tu m’aimes ! Ah ! Bon, si cela te fait plaisir. Oh ! Merci amore mio ! Je t’aime comme un fou. Te quiéro, ti amo, ich liebe dich, I love you… Enfin si tu penses que c’est mieux ainsi, je viendrai signer…

Les trois auditeurs applaudissent. L'amoureux doit mentir:à une table voisine on fête un anniversaire. Il reprend

- Oui, je ferai comme tu voudras… Ah ! Tu as pris rendez-vous à la banque ?… dans quatre jours seulement.
Ils sont débordés ?… Tu peux te présenter sans rendez-vous peut-être. Oui, je t’aime. C’est bien. Tu penseras aussi à ouvrir un compte dans un autre établissement, à ton nom, si… Quand tu auras rassemblé tous les avoirs, tu sais les livrets ou comptes à terme, etc. tu feras un chèque ou deux en direction de ton nouveau compte. Mais oui, plus tard… si tu l’exiges nous ouvrirons un compte joint… Non, je ferai comme tu voudras. Eh oui, moi aussi… une petite souris pour voir la tête de ton cocu quand il découvrira son compte à zéro… Oui, je t’embrasse, mon tendre amour, sur la bouche, sur les tétons, sur ton délicieux berlingot… Ah, ma queue te manque déjà ? Mais oui, elle t’appartient…. Tu essaieras, après quatorze heures aujourd’hui….. Merci, y a pas de quoi… je suis là pour te conseiller, c’est bien normal. Bisous ma chérie adorée…

Il a raccroché, toute la table applaudit la prestation.

- Alors, vous avez compris. La vieille me bouffe dans la main, à coups de queue je vais la faire grimper sur un nuage et ensuite, à moi le magot. C’est pas beau ça ? Le mari voyage et je déménage, youpi !

À ma place j’enrage. Le serveur s’inquiète de mon manque d’appétit. J’accuse des aigreurs d’estomac et ce n‘est pas une invention. Le hasard m’a servi une soupe infecte. Ma femme aurait séduit un gigolo ou un gigolo aurait séduit ma femme. Ce point n’est pas clair : la poule a fait l’œuf ou l’œuf a fait la poule…. Ma femme serait sur le point de me quitter, de vider mes comptes, de partir vivre avec le jeunot, dans un appartement qu’elle lui paierait pour échapper à mes poursuites et finalement divorcerait pour obtenir sa part sur notre maison.

Et le gigolo la saute avant de la plumer. Il plumera la poule aux œufs d’or et s‘en ira avec les œufs… Colette a donc une cervelle de poule pour son conseiller et amant. La fameuse réunion de ce matin m’a expédié au restaurant et m’a fort heureusement permis de tout apprendre. C’était un rendez-vous amoureux entre ma femme et ce morveux.
La lingerie ? Elle s’est fait déshabiller ! Et moi je serai le pigeon.

Il se vante :

- J’en viens. Je l’ai mise sur les genoux, me susurre-t-elle au téléphone, je l’ai crevée de plaisir, réduite en chienne en chaleur. Je la tiens par le sexe, elle est insatiable. Plus je la bourre, plus elle exige. Un jour, avant de disparaître je vous l’offrirai. Je lui banderai les yeux, pour jouer. Elle me prendra pour un dieu, si nous la baisons tous les quatre en silence. Ce sera le feu d’artifice d’adieu.

Ils pourront découvrir les flammes qui incendient un ventre de quarante ans. Pendant qu’il continue à épater la galerie avec le récit de ses galipettes dans mon lit ou dans des chambres d’hôtel, je me lève, ajuste mes vêtements, je dévisage le vantard, je saurai le reconnaître. À ma demande, le patron les prendra en photo, une photo d’un groupe joyeux qui a mis de l’ambiance pendant le repas.

Pour moi le directeur de la banque a accepté immédiatement de trouver un trou dans son emploi du temps de l’après-midi. Je lui ai mis le marché en main, il a étouffé quelques « hésitations » ou scrupules pour ne pas perdre ma clientèle. J’ai fait état de difficultés ou de divergences dans mon couple, de projets dispendieux de Colette et de la nécessité de protéger nos biens. Notre compte joint a été fermé, j’ai signé pour Colette, comme souvent. Elle me fait confiance pour les affaires et pour la tenue de nos comptes. Elle dispose du nécessaire, ou plutôt elle a disposé du nécessaire jusqu’à aujourd’hui. Mais les plans de son coquin m’obligent à prendre des précautions : il a trop parlé, moi je ne me laisserai pas plumer. Cocu à l’évidence, je ne serai pas le dindon de la farce.

J’ai rattaché tous les autres comptes à mon nouveau compte dans l’établissement. Mon interlocuteur a préféré cette solution ; un bon client qui aurait pu verser son argent dans une autre banque, la simple évocation de l’idée a suffi à trouver la solution la meilleure pour les deux parties.
J’ai téléphoné à ma secrétaire. Elle prépare mes dossiers pour mon voyage. Je suis rentré chez moi. Yvonne, la bonne, me regarde bizarrement, comme si elle avait une révélation à me faire. Je la croyais en congé.

Elle se contente de me signaler que madame est sortie. La pauvre se sent prise entre deux feux, ne sait pas qui l’emportera. Elle a certainement observé les visites fréquentes d’un jeune homme très familier avec madame. Que la bonne m’apprenne les infidélités de ma femme serait une humiliation supplémentaire. Son regard compatissant suffit à me rassurer sur ses préférences. Je ne l’interroge pas pour ne pas augmenter son embarras ou ses craintes de perdre son emploi. Que m’apprendrait-elle de plus ?

La chambre « où je ne mets jamais les pieds», je la trouve. De lourdes valises y sont alignées. Il y a même la précieuse ménagère reçue de mon parrain en cadeau de mariage ! Tout est prêt, Colette a bien l’intention de se volatiliser, en douce, sans me prévenir, en profitant de mon voyage.

Je relis mon contrat de mariage, enterré dans un classeur depuis dix-huit ans. Mon père m’avait dirigé fort heureusement vers une séparation de biens, alors que par amour j’aurais demandé la communauté universelle et le partage en parts égales en cas d’une séparation, inimaginable puisque j’étais amoureux. L‘amour m‘a rendu aveugle. Heureusement, ce midi au restaurant je n‘étais pas sourd. J’ai bien fait de suivre les conseils judicieux de mon père. L’improbable, l’inimaginable se produit. Colette, peu au fait et amoureuse de moi à cette époque se moquait de ces détails. Elle m’aimait, je l’adorais, nous serions unis pour toujours. Elle court au-devant d’une déception proportionnelle à la taille de son adultère et de ses plans machiavéliques.

Elle rentre, les cheveux défaits, le maquillage brouillé, avec un mal de tête dû à la cohue dans les rues et les grands magasins, dit-elle. La réunion du matin ? Elle s’était trompée de date, s’excuse de m’avoir envoyé au restaurant. Une fois n’est pas coutume et j’ai certainement fait un bon repas. Elle se sent horriblement fatiguée, je ne peux pas savoir à quel point ! Après une douche bienfaisante, elle ira coucher sans manger. Comme annoncé par le bavard au restaurant, ilsont dû se retrouver à quatorze heures quelque part dans une chambre d‘hôtel. Elle est fourbue et je devine pourquoi.

- Tu ne trouves pas que je prends de l’embonpoint, mon chéri ?

Le « chéri » peu disposé à flatter sa femme adultère, la déçoit :

- Oui, tu prends du ventre. À quarante-cinq ans, c’est un peu normal. Quel sport pratiques-tu en dehors de nos trop rares relations sexuelles ? Peut-être devraisje faire des efforts pour faire l'amour plus souvent. Le manque de sexe crée l'ennui et de l'ennui procède l(embonpoint

J’ai touché ! En plein dans le mille. Elle me fixe, embarrassée. Elle m’a beaucoup négligé depuis un mois. Pensait-elle que je ne m’en apercevrais pas ? Elle s’interroge certainement. D’où me vient l’idée de cette pique ? La bonne aurait parlé ? Un voisin, un ami qui l’aurait vue entrer dans un hôtel avec son amant ? Je marque un point, mais sa passion nouvelle la pousse à contre-attaquer.

- Rares, trop rares ? Il ne tient qu’à toi d’en augmenter la fréquence mon amour. Moi, je suis toujours disponible.

- Dans ce cas, avant de te délaisser pendant quarante-huit heures, je vais immédiatement me livrer avec toi à une séance de gymnastique sexuelle du meilleur effet sur tes formes en expansion. Faisons l’amour plus souvent et tu conserveras ta ligne si précieuse pour plaire aux hommes.

- Oh ! Toi. Que vas-tu imaginer ? Tu as l’esprit mal tourné. Je ne veux plaire qu’à toi. Amore mio, te quiero, i love you, ich liebe dich.
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