Le Castor 5.
Javais entendu le long monologue dÉmile au restaurant. Javais immédiatement rencontré mon banquier pour prendre les mesures propres à protéger mes avoirs. Puis javais averti mon notaire pour lui signaler que Colette ne pourrait plus compter sur moi pour payer lachat de lappartement en faveur de son amant. La mécanique de ma contre offensive est lancée. Il me reste à rencontrer un avocat pour garantir ma paix future. Mon but est clair: Colette ne doit plus revenir sinstaller dans ma maison, une séparation doit précéder le divorce.
Lavocat se présente dès ce premier soir. Je précise mes intentions et je reprends lhistoire à ses débuts.
- Ma femme a quitté la maison, vendredi, elle sest enfuie avec son gigolo. Non, je ne plaisante pas
- Avez-vous un témoin ? Quelquun a assisté à son départ?
- Ma gouvernante et il y a ce que jai moi-même vu et entendu.
Yvonne apporte son témoignage sur les visites de lamant reçu longuement dans la chambre conjugale et sur les bruits non équivoques de ces rencontres, depuis environ trois mois. Elle rapporte aussi son licenciement, dont elle a été avertie oralement au moment du départ de sa patronne . Elle indique que la maîtresse de maison a clairement annoncé son intention de ne plus revenir et raconte le départ joyeux des deux amants avec les bagages. Enfin elle fait constater que madame a emporté sa garde robe.
A mon tour je confirme que ma femme nest pas partie en croisière, ni chez sa mère
- Oui, elle me quitte définitivement. Elle avait emballé ses affaires et avait caché les valises et la malle dans une chambre : je les ai vus. Pendant mon séjour parisien, elle a embarqué tout ce quelle possédait et elle a disparu en même temps. Mais elle va déchanter, car je connaissais son plan pour avoir entendu son amant expliquer à sa tablée, au restaurant, comment il la dépouillerait de son argent. Je le cite :
- Une fois que tu lui as pris sa culotte, elle ne voit pas partir son fric.
- Elle est victime dun gigolo ? Elle pourrait se repentir
- Comme vous dites, cest un gigolo de la pire espèce. Me pardonnera-t-elle de lui avoir indirectement infligé la révélation de son erreur de jugement ? Pourra-t-elle admettre davoir choisi le mauvais cheval, après la démonstration cruelle provoquée par le blocage des fonds ?
Elle maccusera : « Si tu navais pas été aussi pingre, Émile aurait continué à maimer »
Elle nosera peut-être pas le dire, ce serait gonflé. Mais le penser ? Le ciel vous entende, puisse-t-elle voir son Émile tel quil est réellement, au lieu dattacher de limportance à ses prouesses sexuelles uniquement. Assurément il la rejettera.
- Si vous avez coupé les vivres, cest probable. Et laccueillerez-vous ?
- Non, si vous me donnez le moyen légal de la mettre à la porte. Elle pratiquait le sport en chambre avec son godelureau, ce nétait pas suffisant pour garder la ligne. Jai vu leurs ébats dans mon lit, avant de partir : un crève-cur
- Pourquoi avez-vous toléré ces excès. Le flagrant délit aurait justifier une expulsion
- Intervenir ? Ça laurait braquée davantage contre moi
La foutre à la porte ? Vous en avez de bonnes, elle se serait plainte de maltraitance. Ces images de luvre de chair dans mon lit, du mélange furieux des corps unis, en transes, mont poursuivi pendant quatre jours. Comment effacer de ma mémoire ses soupirs, ses halètements, les plaintes heureuses de ses orgasmes et ses mots damour pour lautre ?
- Aviez-vous encore des rapports sexuels ?
- Nous ne faisions pratiquement plus lamour.
- Avez-vous une maîtresse ?
- Rien pour linstant, la plaie est trop fraîche. Après le divorce je verrai.
- Vous êtes donc résolu à divorcer. Vous ne laimez plus?
- Elle est partie, elle a quitté le domicile conjugal. Elle a droit à des retombées. Il serait temps pour elle de sinterroger pour savoir si ses soupirants sintéressent à son physique, à sa belle âme ou à son fric. Je noublie pas quelle est partie sans espoir de retour avec le truand, mais elle ne comptait plus se montrer. De plus elle me trompait à domicile et Yvonne la confirmé.
- Vous ne souhaitez pas son retour.
- Si elle revient, ce sera remplie de rancur, contrainte et e à la suite du refus dÉmile de la prendre économiquement en charge. Pendant environ trois mois elle a vécu dans la perspective dun amour neuf et dun avenir loin de moi. Pendant ces mois elle sest envoyée en lair en cachette environ une ou deux fois par jour, ici ou ailleurs. Pendant ces mois elle a rêvé de liberté, elle sest efe de paraître jeune et désirable pour son baiseur plein de la fougue de la jeunesse.
- Je comprends votre déception et votre colère. Mais souvent le temps soigne les plaies et la personne trompée renonce au divorce. Votre femme a encore des sentiments pour vous?
- Son Émile incarnait le plaisir flatteur dêtre désirée encore et le bonheur de jouissances renouvelées à un rythme fou. Il était le feu de paille de quelques jours. Jétais la braise sous la cendre, le banal, le quotidien, la vieille habitude usée au fil des années, le mari aux surprises moins fréquentes. Le gigolo soufflait sur la braise et déclenchait des flambées étourdissantes. Jétais un fardeau depuis des années peut-être. Jai été dans son esprit le gêneur, lobstacle à vaincre, le mari à quitter. On ne nourrit pas de tels projets le cur rempli de bienveillance
La conclusion simpose: elle ne maimait plus.
Vous semblez désespéré. Vous a-t-elle reproché des insuffisances sexuelles quelle pourrait invoquer devant le juge ?
- Non, elle a agi sans avertissement. Je sais, je ne suis pas la ruine quelle a pu imaginer. Jai encore de beaux restes. Cela ne la pas retenue pourtant. Supportera-t-elle demain de devoir retomber dans sa vie antérieure ? Mon contact physique retrouvera-t-il grâce après les délices de ladultère ? Supportera-t-elle un retour à une vie de couple normale avec moi ? Ne suis-je pas devenu, par comparaison avec le sémillant Émile si serviable, si enjoué, si désintéressé en apparence, à lopposé, un vieux barbon quadragénaire, trop pris par son travail et trop soucieux dassurer ses lendemains
.Toutes ces questions permettent de douter de la sincérité dun éventuel retour.
- Si elle revenait poussée par des difficultés financières, elle pourrait avoir compris son erreur et retrouver pour vous affection et reconnaissance. Des couples se reforment solidement sur de telles bases. Nexagérez-vous pas votre ressentiment?
- Non, je nexagère pas. Le fait même davoir mis mes avoirs à labri des calculs de ce gars prêt à senrichir en me volant momentanément ma femme et en la « plumant » définitivement, selon ses déclarations que j'avais entendues à la Cloche, va jouer chez elle, contre moi, le mari comptable ment avare. Car je lai mise en position très désagréable de découvrir la vraie nature de lamour du profiteur économiquement frustré depuis, dépité certainement et soudain beaucoup moins amoureux. En effet la conversation édifiante à lautre table au restaurant ma révélé un personnage. Cet Émile est coutumier du fait. Il séduit une femme fortunée, pas trop moche, dans le doute à lapproche de la ménopause, moins sûre de ses charmes. Cette fois, pour mon malheur, il a eu la chance den dénicher une plutôt belle.
- Vous avez encore delle une image attendrie.
- Certes, mais cest lui quelle a suivi.
- Etes-vous triste davoir été « largué »?
Si je suis triste ? Oui et non, elle ne maimait plus, elle a choisi de me quitter. Je nai pas voulu la retenir de force, pourquoi rester ensemble quand lamour a foutu le camp
quand un autre la foutait. Je suis malheureux mais soulagé aussi de ne plus avoir à surprendre ses galipettes de salope infidèle.
- Les périodes dincompréhension sont parfois suivies déclats de colère mal dominée. Avez-vous passé ce cap? Je ne peux plaider que si vous êtes sûr de vous.
- Elle a commis limpardonnable. Rendez-vous compte : Elle a osé, dans notre lit
Jaurais aimé plus de franchise. Après autant d années de vie commune, un adieu et une larme sur les bons moments vécus à deux auraient été bienvenus. Elle aurait pu y mettre les formes. Elle a tout oublié, elle a voulu mignorer, je me sens lamentable, humilié
. Oui, jai souffert et je ne veux plus souffrir cela. Je ne risquerai plus cette douleur avec Colette.
- Connaissez-vous son adresse actuelle? Si je pouvais avoir des preuves de son déménagement et de sa cohabitation avec un amant, votre dossier serait plus facile à plaider.
- Mon banquier aura noté sa nouvelle adresse. Il était averti par moi. Colette voulait acheter un appartement au cur de la ville, pour couler le parfait amour avec cette petite frappe. Mon banquier ma ensuite appelé à Paris pour mannoncer quelle tentait de prélever une grosse somme sur notre compte. Elle voulait dabord liquider toutes nos économies, vider les comptes. Puis elle a baissé ses prétentions. Alors quand il lui a annoncé la clôture récente du compte joint, elle sest trouvée mal. Revenue à elle, elle a vu,comme je lavais ordonné, mille euros seulement pour finir son mois: elle aura fourni une adresse. Sur son compte jai laissé mille euros, cest tout .
- Cest parfait. Je prendrai rapidement contact ave votre banquier et votre notaire. Que comptez-vous faire avant le jugement de divorce ? Si lamant lorgnait sur vos biens, sil est déçu de navoir rien , il va vous la renvoyer vite fait.
- Cest aussi mon avis. Autant de coups de verge, autant de coups de reins, autant de sueur pour mille euros au maximum. Je ris lorsque jimagine la déconvenue et la violence de la réaction du loubard. Ma pauvre Colette na certainement pas échappé au rappel de son âge et de ses défauts révélés par sa maigre fortune. Les reflets de l'or rendaient momentanément acceptables les pattes d'oie naissantes, l'aspect moins ragoûtant de la vulve ou l'apparition de quelques racines grises dans la chevelure. Elle examinera son bijou pour savoir sil est vraiment aussi répugnant quÉmile le lui dit, comme il lavait raconté à ses copains à table.
-Vous avez entendu ces railleries? Lanimal doit être furieux!
Riait-il encore, comme au restaurant, en parlant des escalopes pendantes de la vulve de Colette ? Le sagouin aurait-il eu pitié de sa victime désargentée ? Il est permis den douter. ILne poursuit quun but : senrichir aux dépens des vieilles quil gruge. Jaurais cru ma femme plus prévoyante, plus avisée. Mais lamour
Heureusement, jai pris des précautions. Avec quoi va-t-elle payer le notaire ? Et le zozo na pas dû être content à lénoncé de sa fortune : mille euros ! Si elle espérait obtenir une part sur la vente de la maison, en cas de divorce, si elle croyait attacher son amant avec des billets de banque, elle va tomber des nues quand mon notaire lui lira et expliquera le contenu de notre contrat de mariage, puisque chacun reprendra les biens apportés lors du mariage. Jai hérité de la villa de mes parents, elle aura nada, si je la vends un jour.
Colette devrait comprendre pourquoi je lavais financièrement bridée. Cétait dans son propre intérêt. Mais, lamour rend aveugle. Je ne suis pas sûr du résultat. Nous navons plus rien en commun. Jespère pour elle quelle jurera quon ne ly reprendra plus.
Pour terminer lentretien jexpose mon plan. Il lapprouve. à suivre
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