Erotisme Et Poésie (8) : «Le Doigt Dans Le Vagin » De Pierre Louÿs

J’ai choisi de parler de Pierre Louÿs, mais à partir d’un poème plus cru (on dirait aujourd’hui plus « hard ») que ceux sélectionnés dans l’Anthologie de Pierre Perret, qui est mon fil conducteur dans cette rubrique.

Pierre Perret ne le cache pas : Pierre Louÿs est « trivial, grossier, libidineux dans ses poèmes à l’image des chansons de corps de garde ». Il est l’écrivain du désir et de la transgression, le poète du frisson esthétique. "Teintées d'un érotisme délicat, les œuvres de Pierre Louÿs traduisent avant tout le goût de cet esthète pour la beauté et l’amour."

J'apprécie tout particulièrement la pratique que décrit le poème de Pierre Louÿs, à savoir que le ou les doigts de mon amant ou mon amante fouillent mon intimité. Le choix de ce poème ne surprendra donc pas et je vous invite à le découvrir.

PIERRE LOUYS, LE POETE DES CHANTS DE BILITIS

Pierre Félix Louis, dit Pierre Louÿs (1870-1921), est un poète et romancier français. Il est également connu sous les noms de plume Chrysis, Peter Lewys et Pibrac.

Pierre Louÿs est le fils de Pierre Philippe Louis (1812-1889) et de sa deuxième épouse, Claire Céline Maldan (1832-1879), petite-fille de Louise Junot, sœur du duc d'Abrantès, et du docteur Sabatier, médecin de Napoléon. Il est peut-être en réalité le fils de Georges Louis (1847-1917), son demi-frère, diplomate en Égypte en qualité de délégué de la France à la Commission de la dette égyptienne), puis ambassadeur de France en Russie (1909-1913), fils né d'une première union de leur père.

Louÿs fait ses études à l'École alsacienne de Paris, où il se lie d'amitié avec son condisciple André Gide. Il rédige ses premiers textes durant son adolescence et tient un journal. Dès l'âge de 18 ans,Pierre Louýs commence à rédiger des textes érotiques. Encore jeune homme, il commence à s'intéresser au mouvement littéraire du Parnasse, fréquentant les poètes emblématiques, Leconte de Lisle, José-Maria de Heredia (dont il épousera en 1899 la plus jeune fille, Louise).

Il évolue aussi dans le réseau symboliste.

Pierre Louÿs fonde en 1891 la revue littéraire « La Conque », où sont publiées les œuvres d'auteurs parnassiens et symbolistes. Son premier recueil de poésies, « Astarté », paraît en 1891. En 1894, il publie « Les Chansons de Bilitis » qui reste son œuvre la plus connue. Ce recueil de courts poèmes en prose est marqué par les influences du Parnasse hellénisant et du symbolisme avec un profond goût de la sensualité, du bucolique et de l'érotisme élégant. Les évocations naturelles et précieuses y côtoient des scènes érotiques,

Cette œuvre est un exemple de mystification littéraire. En effet, Louÿs a fait passer ces poèmes pour une traduction d'une poétesse grecque contemporaine de Sappho.Il présente Bilitis comme une jeune grecque du VIe siècle av. J.-C. originaire de Pamphylie, qui aurait vécu sur l'île de Lesbos où elle aurait été rivale de Sappho, puis à Chypre.

En fait, Bilitis est un personnage fictif dont Pierre Louÿs est l'auteur : recueil de poèmes en prose, il y déploie toute son érudition et sa connaissance des textes poétiques grecs. C'est l’amour pour la langue, un style simple et le plus juste possible, qui permet de dégager une grande force au service de la sensualité et de l’amour saphique. Comme pour la plupart de ses œuvres, Pierre Louÿs double les Chansons de Bilitis de poèmes en prose de la même eau mais accentuant l'aspect érotique. Ces « Chansons secrètes de Bilitis » n'ont été publiées qu'après sa mort.

Je ne détaillerai pas ici l’œuvre romanesque de Louÿs, signalant toutefois son premier roman, « Aphrodite (mœurs antiques) », publié en 1896 au Mercure de France, qui associe raffinement extrême, évocations sensuelles et décadentisme recherché.

Tout au long de sa vie, Louÿs a écrit un très grand nombre de « curiosa », doublant notamment ses œuvres publiées d'une version érotique. D'autres textes reprennent sous une forme coquine, voire pornographique, des œuvres sérieuses comme « les quatrains de Pybrac » ou « le Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation ».
Il a également raconté ses relations avec les trois filles Heredia et leur mère dans « Trois filles de leur mère », publié sous le manteau après sa mort.

Beaucoup moins connus que ses romans, ses poèmes érotiques n’ont été édités clandestinement qu’après sa mort et sont restés longtemps interdits de publication. Cet ouvrage rassemble trois recueils, introuvables aujourd’hui : La femme, Le Trophée des vulves légendaires et le célèbre Pybrac.

Son « Œuvre érotique », enrichie de nombreux poèmes inédits, a été rééditée en 2012 par Jean-Paul Goujon (collection Bouquins, éd. Robert Laffont). Le poème que j’ai choisi est issu de ce recueil.

Son œuvre entière est un autel dressé à la femme, à sa sensualité et à sa beauté, et nul doute que derrière l’image d’écrivain décadent, pornographe, se cache un écrivain sensible, esthète, à redécouvrir, immanquablement…

ODE AU VAGIN

Louÿs est littéralement l’homme qui semble connaître les pensées les plus intimes des femmes, les plus honteuses, les plus inavouables. Il sait ainsi, dans le roman d’apprentissage « Toinon », décrire les sensations qui s’emparent de deux jeunes pensionnaires accablées de désir (« Du bout de la langue je recueillis, sur la pulpe douce de ses seins, toute une rosée légère et délicieuse »), il sait évoquer « la fauve odeur » des femmes que renferment leurs « touffes secrètes ». Et c’est parce qu’il connaît si bien ce corps féminin que Louÿs n’est jamais vulgaire, mais toujours superbe.

Je ne résiste pas au plaisir de reproduire le texte suivant de Louÿs. Quel plus bel hommage au sexe de la femme, à ce que le peintre Gustave Courbet avait intitulé « l’origine du monde » :

« Sexe de la Femme, ô vulve éternellement adorable, muse aux grandes lèvres, aux cheveux en couronne, reste ouverte devant moi tant que j’écrirai ce livre. Pour parler d’amour, donne-moi des paroles douces comme le miel qui découle de toi, tendres comme la musique délicate de ta vulve.
Dis-moi tes chaleurs. Explique-moi ton rut. Enseigne-moi ta jouissance. Fais passer en moi, pauvre mâle, les frissons effrayants des femmes ; et qu’à songer à elles j’apprenne à la comprendre par ta grâce. »

LE POEME

« Le doigt dans le vagin »

« Ouvre ta chair ; je sais la mort de l’impuissance.
Au bout du bras coulé dans les aines, serpent,
Mon doigt peut t’enfiler tant que ma verge pend
Et soûler ton désir rageur de jouissance.

Le sens-tu, comme il entre avec une chaleur,
Et se promène et te caresse toute rouge
Tandis que ton grand corps se contracte, et que bouge
Le clitoris extasié par la douleur.

Il s’enfonce, mon doigt pénétrant, il te perce.
Ton vagin vorace et vallonné qui s’exerce,
Intarissablement liquide autour de lui,

Tête et gargouille, bouche encore puérile,
Et trompe avec mon doigt consolateur l’ennui
De la trêve imposée à la vigueur virile. »

« Œuvre érotique »

REFERENCES

Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je renvoie à l’article de Wikipédia sur Pierre Louÿs ainsi qu’au lien suivant :

• https://cabinetsdecuriosites.fr/au-fond-des-choses/culture-q/chroniques-litteraires/pierre-louys-lhomme-murmurait-loreille-femmes/

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