La Fille Qui Voulait Voir La Mer.
Chapitre 1 - Une mauvaise passe.
Il existe une loi des séries. En lespace dune semaine, jai appris que mon petit ami me trompait, que les parents de ma meilleure amie déménageaient à Aix-en-Provence, où elle allait poursuivre ses études et enfin, que javais raté ma première année à luniversité.
Un petit ami, ça se trouve, une meilleure amie, cest plus difficile. Mais le pire, cest la poursuite de mes études. Il fallait absolument que je réussisse cette année. Je sais que ça me vaudrait des problèmes avec ma mère et surtout avec mon beau-père.
Jignore ce que je ferai de ce récit, rien sans doute, mais il faut quand même que je commence par parler de moi. Physiquement, cest plutôt agréable à faire. Jai 19 ans, je mesure 1 m 70 et je suis jolie. Mes cheveux sont très foncés et jai de grands yeux noirs, comme ma grand-mère espagnole. Je suis mince, tout en ayant 90 B de tour de poitrine et des fesses. Enfin, je veux dire que mes fesses sont bombées. Jai un physique de starlette, donc il nest pas rare que les hommes me sifflent dans la rue. Passons à un aspect beaucoup moins glamour de ma personnalité : je suis angoissée, bordélique, jai peur dun tas de choses et jai très peu confiance en moi. Ah, oui et, comme mon beau-père et ma mère me le répètent tous les jours, je suis une grosse paresseuse
Après avoir appris que javais raté mon année, je suis rentrée chez moi comme un écolier qui a des parents sévères et qui rapporte un mauvais bulletin. Les deux sont vrais : jai des parents sévères et mon bulletin est mauvais.
Ma mère est dure avec elle-même et encore plus avec les autres. Après le départ de mon père, elle a épousé un homme qui lui ressemble : maniaque, autoritaire et radin. La totale, quoi.
Nosant pas rentrer tout de suite, je traîne ma détresse et ma trouille jusquau musée dOrsay
Ou plus exactement, je vais à lOrangeraie voir les Nymphéas de Monet.
Je rentre à la maison avec les yeux et le nez rouges.
Jannonce tout de suite la mauvaise nouvelle : je dois recommencer cette première année. Jaimerais dire que ma mère me prend dans ses bras et me console. Hélas?! non, mon beau-père et elle mengueulent copieusement. Ils me traitent de paresseuse, didiote et de parasite. Pour terminer, mon beau père mannonce :
Tu ne crois quand même pas quon va continuer à tentretenir?! Tu as huit jours pour trouver du travail. Tu ne continueras pas à vivre à nos crochets. Si tu veux rester ici, tu devras participer aux frais.
Je regarde ma mère. Étant bien sûr daccord, elle me dit :
Tu étais prévenue, Mona. Si tu avais travaillé au lieu daller voir des expositions de peinture et de sortir, tu aurais peut-être réussi. Ton beau père est généreux de te donner huit jours pour trouver du travail, tu peux le remercier.
Ça, jamais?!
Tu as entendu??
Les larmes aux yeux, je lui dis :
Merci beau-papa.
Je ne veux pas de conflit avec lui. Il me fait peur. Je veux dire physiquement.
Je ne mattendais dailleurs pas à autre chose
Je souhaite ne plus jamais les voir. Mon beau père est dans son rôle, je ne suis pas la belle fille quil souhaite, mais ma mère, franchement
quelle sale garce.
Il faut que je trouve du travail et surtout que je ne dépende plus de ces
gens. Je remplis deux sacs avec mes affaires et, vers 21 h, tandis quils regardent la télé, je quitte la maison. Je pense à une vieille chanson des Beatles : «?Shes leaving home.?» Sauf queux, ils seront ravis que je ne sois plus là?!
Je prends le métro avec mes deux sacs et je vais chez une amie que jai prévenue un peu plus tôt.
Elle me console, on mange de la glace, on fume un joint. Je dors dans son lit avec elle en lui tenant la main.
*
Le jour suivant, je vais sur le Net pour chercher du boulot. Hélas, en cette année 2020, le chômage est
florissant. Pour nimporte quel boulot, on demande des diplômes et moi, je nai que le bac. Et encore, je lai réussi de justesse.
Je ne souhaite quune chose, trouver un boulot loin, genre élever des kangourous ou des koalas en Australie.
Je trouve un site qui propose différents emplois sur des yachts de luxe et des bateaux de croisières. Jadore la mer, même si je ne connais que celle du Nord et la Manche. Il y a de très beaux endroits dans le Nord, mais je voudrais voir une mer plus
exotique. Voilà ce quil me faut : partir en mer, très loin et au soleil. Après tout, je parle espagnol et anglais. Disons plutôt que je me débrouille.
Le lendemain matin, mon amie me dit :
Arrête de pleurnicher, agis. Va à cette agence.
Oui, je vais faire ça?! À moi les croisières au bout du monde, même si je dois travailler.
Arrivée à lagence qui a mis lannonce, je dis à lemployé :
Je voudrais des renseignements au sujet du travail sur des bateaux et des yachts.
Certainement, vous avez un CV, des références??
Non, mais
je parle espagnol et anglais
et
jai le bac.
Cest tout??
Je suis motivée.
La fille sourit en me répondant :
Alors je ne peux vous proposer quun travail de service et de nettoyage
Elle est folle?! Je lui dis :
Donc simplement bonne??
Disons plutôt femme de chambre. Que voulez-vous faire dautre sans qualification et sans diplômes, ma petite demoiselle?? Cependant, vous êtes jolie. Vous pourriez convenir à des gens qui veulent du personnel ayant un physique avenant.
Merci, mais je ne suis pas une bonne.
Comme vous voulez. Je vous signale quand même que cest payé 3.
Par mois??
Bien sûr. Mais le directeur peut vous lexpliquer mieux que moi.
Elle prend son téléphone et annonce :
Monsieur le Directeur, il y a une jeune fille très jolie qui pourrait convenir à Monsieur Falken.
Oui, Monsieur le Directeur.
Elle ouvre une porte qui se trouve derrière son bureau, avant de me dire :
Cest la troisième porte à droite.
Je frappe, jattends une réponse et jentre.
Oh?! Ce bureau est immense. Il y a des reproductions de bateaux anciens sur des étagères, des aquariums avec des poissons multicolores et un gros Monsieur dune cinquantaine dannées assis derrière un très grand bureau.
Je lui dis :
Bonjour Monsieur, voilà
Il me coupe :
Oui, je sais. Enlevez votre manteau et faites quelques pas.
Derrière lui, il y a une reproduction de La Grande Vague dHokusai. Jadore cette gravure, ces pêcheurs qui
Vous avez entendu, Mademoiselle??
Oui, pardon, Monsieur, je regardais la gravure et
Il répète :
Enlevez votre manteau et faites quelques pas.
Je fais ce quil dit.
Remontez votre pull et tournez-vous, Mademoiselle.
Oh?! Il veut voir mes fesses ou quoi??
Je fais à nouveau ce quil demande et je marche devant lui.
Je ne me sens pas à laise du tout, cest peut-être un pervers qui va me sauter dessus
Il me dit :
Bien. Physiquement, vous convenez tout à fait. Il sagit dun travail de femme de chambre sur un yacht de grand luxe. Il y a une petite dizaine de personnes à bord.
Je me suis rapprochée de son bureau et je massieds sur une des chaises.
Il me dit :
Restez debout, Mademoiselle.
Oh?! Cest choquant?! Je vais
lécouter dabord et puis je men vais.
Il a lair dapprécier le fait que je ne me rebiffe pas. Il explique :
Vous serez deux femmes de chambre.
Cest vrai. Je lui demande :
Donc cest payé 3?000 euros par mois??
Oui, 3?000 euros nets. Largent sera versé mensuellement sur votre compte en banque.
Je nen ai pas encore, mais ça devrait sarranger facilement.
Je lui demande encore :
Il sagit donc de servir à table et
Il me coupe :
Vous devrez servir à table et faire tout ce que vos patrons vous diront.
Le mot patron mécorche un peu les oreilles, mais dun autre côté, à la maison, ma mère et mon beau-père me traitent également comme une bonne. Ça ne changera pas beaucoup, sauf que je gagnerai plein dargent, je verrai la mer, des pays exotiques, des dauphins, des
Le directeur interrompt mes pensées en disant :
Cependant
Aïe?!
ils veulent un service impeccable, à lancienne : uniforme, révérence, politesse, discipline.
Un uniforme
Je mimagine en soubrette de luxe, ça mirait sans doute bien. Et puis, ici, il fait froid et triste et je nai que des problèmes.
Je lui dis :
Daccord?!
Bien. Donnez-moi votre carte didentité, je moccupe de votre passeport. Vous devrez être à Palerme le 3 juillet. Tous les frais sont à notre charge, bien sûr.
Je fouille dans mon sac et lui tends ma carte didentité.
Il la prend en disant :
Merci. Vous pouvez vous asseoir maintenant.
Merci, Monsieur.
Il appelle une secrétaire et lui donne ma carte didentité en disant :
Cest pour faire le contrat de Monsieur Falken. Cette jeune fille convient parfaitement, ma petite Évelyne.
Merci, Monsieur le Directeur.
Elle revient rapidement avec des papiers. Je vérifie que cest bien 3?000 euros par mois. Le reste, je ne le lis pas. Je devrais évidemment être plus prudente, mais il y a trop à lire.
Le directeur ajoute :
On va faire quelques photos pour votre passeport. Il sera chez Monsieur Falken quand vous arriverez. Vous partez dans trois jours. Dici là, ouvrez un compte en banque si nous nen avez pas et ensuite, communiquez le numéro à notre employée. Cest nous qui ferons les versements, tous les mois.
Il ne bouge pas de son fauteuil, mais me dit :
Bon voyage, vous serez une très jolie petite bonne.
Je rougis un peu en répondant :
Merci, Monsieur.
Lemployée fait quelques photos de moi, de visage et en pied. Ensuite la secrétaire vient me donner une enveloppe avec différents documents, billet davion, réservation à lhôtel
Mon passeport mattendra sur le bateau.
Je rentre chez mon amie pour partir le surlendemain. Ma mère a dû se rendre compte que je nétais plus là. Elle doit être ravie dêtre débarrassée de moi.
Le vendredi, jembrasse ma copine et je prends à un taxi. Bientôt, jaurai les moyens, donc je peux me le permettre. Mais cest un peu une folie, parce que je nai pratiquement plus dargent. Bah?! on verra bien. Le taxi me dépose à laéroport où je prends lavion pour Palerme.
Jarrive le soir et je dors dans un petit hôtel que lagence a retenu.
Chapitre 2 - Mers du Sud, me voici.
Le lendemain, je suis devant le port de Palerme avec un plan pour trouver lemplacement du bateau. Venant de Vénus, je suis quasiment incapable de lire un plan.
Je le montre à un vieux type, genre loup de mer. Cest compliqué, il va me conduire au bateau. Litalien et lespagnol étant des langues très proches, on arrive à se comprendre.
On parle en marchant, il me demande :
Tu pars en croisière??
Oui, jai été engagée comme femme de chambre
Un bon boulot
Ce nest que provisoire. Je suis bien payé, mais il faut porter un uniforme.
Il rit, puis dit :
Tu seras mignonne en uniforme.
Après avoir marché un bon moment, on arrive devant un très grand bateau, très moderne. Il y a même des étages
Mon loup de mer me dit :
Cest un très bon bateau, tu seras bien, là.
Jespère.
On sembrasse, il me dit bon voyage et je monte sur la passerelle. Aussitôt un homme arrive à ma rencontre en disant :
Tu es Mona, cest ça??
Oui, Monsieur.
On tattend pour partir. Viens, je vais te présenter à Madame.
Là, je sens mon ventre qui se serre et plus bas aussi. Je sais ce que cest : la trouille. Quest-ce que je fais, là?? Je vais me retrouver sur un bateau avec des inconnus, peut-être des psychopathes
Oui, je suis terriblement douée pour me faire peur.
Lhomme me conduit vers larrière du bateau. Il y a une petite piscine et autour, des banquettes, une table et des chaises. Deux hommes sont assis, ils consultent des papiers, tandis que deux femmes sont allongées sur des chaises longues et prennent le soleil, les seins nus. Cest assez surprenant. Il y a une femme denviron 38 ans, un peu forte, et une jolie fille de mon âge qui a une longue chevelure noire. Je leur dis :
Bonjour
Cest la femme qui me répond :
Bonjour, vous êtes Mona, cest ça??
Oui, Madame.
Étant encore dans mes vêtements de Paris, je me mets à transpirer, debout en plein soleil.
John va vous montrer votre cabine pour que vous puissiez mettre votre uniforme, mais la première chose à faire quand vous entrez ou vous sortez dune pièce où il a quelquun, cest de faire une révérence. Allez-y.
Jai cherché sur le Net pour voir comment cest, la révérence. Je croise mes jambes, mes mains relevant mon jean, tête inclinée.
Elle dit :
Ce sera mieux avec une jupe. Bon, John, montrez-lui sa cabine.
Oui, Madame.
Je me retourne, mais il me murmure :
Révérence.
Oh, cest vrai ! Je dis :
Pardon Madame, je nai pas encore lhabitude.
Je fais la deuxième révérence de ma vie. Ce ne sera sûrement pas la dernière.
On prend des escaliers pour monter vers les ponts supérieurs. Il ouvre une porte et on entre dans une petite cabine. Il y a heureusement un hublot, sinon, bonjour la claustrophobie. Il mannonce :
Tu partageras la cabine avec Lucia, lautre bonne.
Mais, cest un lit dune personne
Il hausse mes épaules en disant :
Vous nêtes grosses ni lune ni lautre.
Dites, elle na pas lair facile, Madame.
Fais ce quelle te dit et ça ira.
Cest mère et fille??
Oui. Fais attention à la fille, cest elle qui va soccuper de toi et cest pas une commode.
Charmant. Je veux rentrer chez moi?! Non, je nai plus de chez-moi.
Il ajoute :
Change-toi, puis va chez Madame. Et noublie pas la révérence.
Oui, Monsieur.
Mon uniforme est sur le lit. Je me déshabille pour lenfiler. Je fais un bond dun siècle dans le temps je passe de 2020 à 1920
Il se compose dune robe noire avec des manches courtes, lencolure est arrondie et les manches sont garnies dun bord blanc. Il y a un tablier tout aussi blanc qui se noue derrière le cou et autour de la taille. Et pour finir, une petite coiffe en dentelle à fixer dans les cheveux avec des épingles.
Les chaussures sont noires et plates.
Je sens que le bateau bouge, cest moi quon attendait pour appareiller.
Après mêtre apprêtée, je refais tout le chemin en sens inverse. Ce bateau est immense. Arrivée à larrière, je fais une révérence avant de dire :
Voilà, je me suis changée, Madame.
Cest bien, ma fille. Allez à la cuisine pour vous présenter à la cuisinière.
Sa propre fille, qui est toujours à côté delle, lui dit :
Je la prendrais bien pour me laver
Cest une excellente idée, Carole, tu sens la transpiration. Tu devrais mettre du déodorant et te laver tous les jours.
Cest les vacances, mman
Elle me regarde, pas gênée du tout des réflexions de sa mère. Elle me dit :
Viens avec moi, petite.
Cest surprenant, se faire appeler petite par une fille de mon âge et moins grande que moi. Et puis, elle nest pas capable de faire sa toilette toute seule??
Sa mère lui dit :
Ne sois pas trop familière avec les domestiques, Carole.
Mais non, Mman.
On va dans sa cabine, cest cinq fois plus grand que celle que je dois partager avec lautre femme de chambre. Elle a même une salle de bains avec douche. Elle enlève sa culotte de maillot. Je trouve ça gênant.
Ouvre les robinets de douche. Tiède.
Quand leau coule, elle met sa main sous le jet et me dit :
Tiède?! Ça, cest froid.
Jaugmente le chaud, ça lui convient.
Prends un gant de toilette, du savon et lave-moi.
Elle est complètement nue devant moi. Et nue, cest bien le mot qui convient, parce quelle est épilée. Elle na vraiment aucune pudeur. Je reste dabord décontenancée. Elle me dit sèchement :
Tu attends le dégel??
Euh
je suis un peu surprise, parce que
Elle me coupe en articulant bien, comme si jétais débile, pour redire :
Tu prends le gant de toilette, tu mets du savon et tu me laves.
Oui, Mademoiselle.
Je la savonne entièrement
Moi, je ne voudrais jamais quon me fasse ça. Jouvre la douche pour la rincer, ensuite je dois la sécher, la coiffer, et enfin chercher un maillot dans le tiroir quelle me désigne.
Allez, Mona, tu serais dans un bureau avec un chef de service chiant, ce serait bien pire. Ici, tu as lavé une fille, ce nest pas un boulot tellement dérangeant. Un peu humiliant, peut-être.
Ce qui est surprenant, cest la désinvolture de cette fille. Tout à coup, elle sassied sur la toilette et fais pipi.
Là, je deviens toute rouge. Pense aux 3.000 euros par moi, Mona.
Jessaie de comprendre la mentalité des patrons. Sil faut se cacher de sa femme de chambre, ça devient compliqué. Oui, mais de là à pisser devant elle
Je suis quand même soulagée quand Carole met sa culotte toute seule. Bravo.
Elle me lance :
Range la salle de bains et la chambre. Quand ce sera fait, va à la cuisine, on te donnera des ordres.
On avait dit femme de chambre, pas bonne à tout faire. Je le pense, je ne le dis pas. Bah?! ce nest que ranger.
Elle nest pas soigneuse, il y a des vêtements sales par terre, des bouteilles vides et même une assiette avec un reste de nourriture. Je viendrai chercher ça plus tard, avec un plateau. Je retourne dans la salle à manger. Il y a un couple dune cinquantaine dannées, assis dans des fauteuils. Ils discutent. Je fais maladroitement une révérence en disant :
Bonjour Monsieur, bonjour Madame.
La femme est une grosse blonde décolorée avec beaucoup de bijoux. Lhomme, un grand maigre avec une barbe noire. Elle me demande :
Vous êtes la nouvelle bonne??
Oui, Madame.
Vous vous appelez comment??
Mona, Madame.
Alors je vais vous donner une leçon de savoir-vivre, Mona. Dabord, vous deviez attendre quon ait fini de parler avant de nous adresser la parole. Lorsquun de nous vous regarde, vous devez faire une révérence et dire Bonjour Monsieur, bonjour Madame, je suis Mona, la nouvelle bonne à votre service.
Oui, Madame.
Eh bien allez-y ma fille, faites-le?!
Je fais une révérence et répète ce quelle a dit.
Retenez la leçon.
Oui, Madame. Mais si on ma dit daller vite chercher quelque chose, je ne peux pas rester à attendre que vous me regardiez et
Elle me coupe (ce nest pas poli) :
Dans ce cas, vous faites une révérence et vous continuez votre chemin sans nous parler. Mais ce que vous venez de faire, cest répondre, une chose que les domestiques ne peuvent faire en aucuns cas. Compris??
Oui, Madame.
Cest bien, ma fille, vous pouvez disposer.
MERDE?! Tombe à la mer, salope?! Jai les joues rouges de honte et les larmes aux yeux. Cest de la folie?! Que suis-je venue faire dans cette galère?? Et galère, cest le mot qui convient?!
Bon
je respire calmement. Je cherche un peu et puis je trouve la cuisine. Assises autour dune table, il y a une femme dune trentaine dannées, assez jolie et bien en chair, qui lit un magazine. En face delle, il y a une jolie métisse occupée à éplucher des légumes. Elle a un uniforme semblable au mien. Quand je dis jolie, je suis loin de la vérité : elle est ravissante. Elle a des grands yeux, un petit nez, une bouche trop belle
Je fais une révérence et je dis :
Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, je suis Mona, la nouvelle bonne à votre service.
La métisse éclate de rire, tandis que la femme brune lui dit :
Enfin une bonne stylée, cest pas comme toi, Lucia.
La métisse répond :
Mais je vous fais aussi la révérence, Madame.
Pas aussi bien quelle.
La métisse se lève et vient membrasser. Ouf?! Pour elle, jexiste en tant que personne.
Je lui explique pourquoi jai les larmes aux yeux :
Je nai pas lhabitude et il y a des gens dans la salle à manger qui mont engueulée
Tu es tombée sur Madame Gomez, cest une emmerdeuse.
Ça ne plaît pas à Madame Simone, qui lui dit :
Ce nest pas tes affaires Lucia. Tu as envie de nettoyer les ponts à la place des matelots??
Pardon Madame, mais
Mais rien, tais-toi
Oh, que jen ai marre dêtre ici ! Elle se tourne vers moi pour me dire :
Je suis Madame Simone, la cuisinière, et cette petite malpolie (elle me désigne la métisse), cest lautre bonne.
Oui Madame, cest la première fois que je suis en service
On texpliquera ce que tu dois faire. Cest Mademoiselle Carole, la fille de Madame qui soccupe des domestiques. Tu vas aller servir lapéritif avec Lucia. Madame voudra sûrement te présenter aux autres.
Après sêtre levée, Lucia lui demande :
On y va, Madame Simone??
Cest ce que je viens de dire, non??
Oui, Madame Simone.
La métisse vient près de moi pour me pousser du coude. On fait une révérence avant de sortir.
Elle mexplique le ton de la cuisinière :
Fais pas attention, elle a ses règles et Carole lui a passé un savon. Dhabitude, elle me fout la paix.
Toujours au bord des larmes, je lui dis :
À part vous, tout le monde est très désagréable ici.
Dabord, tu peux me tutoyer. Ensuite, cest vrai que les riches se croient tout permis, mais on sen fout, ils paient en conséquence
Oui, mais
Elle me coupe :
On en parlera plus tard. Viens, il faut pas traîner.
On va à larrière du bateau. Il y a des gens assis, dautres qui arrivent.
Lucia me souffle :
Présente-toi.
Je fais une révérence et je répète ce que la grosse blonde ma dit de dire :
Bonjour, je mappelle Mona, je suis la nouvelle bonne à votre service.
Les gens me jettent un coup doeil indifférent. Madame me fait signe de venir près delle, puis elle me dit :
Regardez bien comment fait, Lucia.
Oui Madame.
Je vais près de Lucia qui demande aux gens ce quils veulent boire. Elle ne note rien. On retourne à la cuisine. Madame Simone cuisine sans faire attention à nous.
On prépare les boissons sur deux plateaux : coca, daiquiri, scotch, jus de pamplemousse, chips
Ensuite on va à larrière. Lucia sert tout le monde, je la suis avec un plateau. Comment on fait quand la mer est très agitée??
Quand tout le monde est servi, jentends Carole qui dit :
Lucia, mon petit singe préféré. Jai chaud, viens me faire de lair avec ton plateau.
Oooh?! Je suis vraiment scandalisée quelle lappelle « petit singe ».
Lucia sapproche delle en souriant et balance son plateau de bas en haut, tandis que Carole lève les bras pour saérer les aisselles.
Tout le monde a lair de trouver la plaisanterie amusante. La mère de Carole lui dit en souriant :
Tu exagères.
Ben quoi Mman, Lucia est ma petite esclave. Ce serait dailleurs bien quelle soit toute nue et quelle mévente avec une feuille de palmier. Tu aimerais faire ça, Lucia??
Oh, oui, Maitwesse?!
Cest bien, tu es une bonne petite négresse.
Lucia vient près de moi, me donne un coup de coude, on fait une révérence avant de retourner à la cuisine.
Je lui dis :
Quelle garce?!
Mais non, elle joue. Je men fous, de toute façon
Elle peut me traiter de négresse, desclave ou même de singe, quest-ce que jen ai à faire?? Dailleurs, quand jai eu besoin dun coup de main, jai pu compter sur elle. Les choses ne sont pas blanches ou noire, Mona.
Je réponds en imitant son accent : « Oui Maitwesse ».
Elle rit, moi aussi. Autant le prendre à la plaisanterie, comme elle?!
Madame Simone sort de la tête de la cuisine pour nous engueuler :
Vous nêtes pas là pour discuter. Tu as envie dêtre punie, Lucia??
Non, pardon Madame Simone, mais Mona est
Je men fous. Faites votre service en silence, dernier avertissement Lucia.
Oui, Madame Simone.
Comme je fais une drôle de tête, genre le menton qui tremble comme un bébé qui va pleurer, elle me dit tout bas :
Naie pas peur, je vais essayer de la calmer.
Ensuite elle va près de la cuisinière pour lui dire :
Excusez-nous Madame Simone, cest son premier jour
Ouais
On termine de servir lapéritif, puis il faut servir le repas
Ils mangent à larrière du bateau, sous une toile qui sest déroulée automatiquement. Lucia et moi, on court pour les servir
Ce nest pas à deux heures quon a quartier libre, mais seulement à trois heures. Madame Simone fait la sieste, tant mieux. On peut enfin manger et cest bon, puisquil sagit de la même chose queux
Lucia me dit :
Tu vois, on nest pas obligée de manger les restes.
Elle rit en voyant ma tête. Manquerait plus quon doive manger leurs restes !
Enfin, on le fait quand même un peu, puisquon se partage une petite boîte de vrai caviar à peine entamée. Cest délicieux. Quand on a fini, elle me dit :
Viens, on va se balader.
Elle me dit sappeler en réalité Joséphine et venir de Santa Lucia, dans les Antilles. Comme Carole naimait pas Joséphine, elle la rebaptisée Lucia.
Lucia-Joséphine me parle des gens qui sont sur le bateau. Il y a Monsieur et Madame Gomez avec leurs s, un garçon et une fille qui ont environ mon âge, plus un autre couple dune cinquantaine dannées, Monsieur et Madame Jacquot. Ensuite le capitaine et son second, John, qui est le mari de Madame Simone. Enfin, deux matelots, Marc et Sylvain, et Franck, chargé de la sécurité.
Je lui demande :
Comme un mercenaire??
Oui, il est armé. On est très loin de la Somalie, mais il peut y avoir des pirates partout.
Charmant?!
En faisant le tour du bateau, arrivées près de lavant, jai pris sa main. Ça me rassure. Devant un escalier qui va vers les ponts supérieurs, elle me prévient :
Maintenant tu dois lâcher ma main, ma petite fille.
Pardon, je suis tellement stressée
Fais ce que te dit Carole, cest le plus important. Elle veut juste quon lui obéisse.
De toute façon, comme je nai plus le choix
Ils sont exigeants, mais on est bien payées. Surtout, ne discute jamais avec Carole. Même si tu as raison, tu texcuses le plus platement possible et ça passera.
On ne ma rien dit de ce que je devrai faire
Nous sommes à leur disposition 24 h sur 24. Enfin, ça, cest la théorie. Tu pourras dormir, sauf une ou deux fois par semaine, maximum, où ils te dérangeront la nuit. On est libres laprès-midi, de 2 à 4 h.
On a le droit de nager??
Ah non, pas de domestiques dans leur piscine. Tu penses, ils ne voudraient jamais dune bonne ou dune négresse dans leur eau tellement pure et comme je suis les deux
Elle rit en disant ça.
On monte jusquà une petite cabine où se trouve le Capitaine. Elle me présente. Il membrasse avant de me complimenter :
Madame sait choisir son personnel, tu es ravissante.
Merci, capitaine, vous êtes gentil, vous.
Tu sais, les riches
Oh, oui, je men suis rendu compte
à mes dépens.
La vue dans cette cabine est très belle. Un de mes plus grands désirs était de voir la mer, je suis servie.
En se baladant, Lucia mexplique ce quon devra faire le lendemain : servir le petit déjeuner, nettoyer les cabines, ranger, préparer le déjeuner, puis le servir après lapéritif. Deux heures de liberté, ensuite préparer le repas du soir et encore le servir
Cest presque de lesclavage?!
*
Ce soir, le repas sera servi à lintérieur, car le vent sest levé. Jimite tout ce que fait Lucia. À dix heures, on doit faire la vaisselle, car Madame naime pas que ça traîne. Heureusement quil y a un lave-vaisselle. Vers onze heures, on va se coucher. Il fait tellement chaud dans notre petite cabine que Lucia me prévient :
Tu sais, je dors à poils.
Euh
Oui.
Moi non, je garde ma culotte.
On se couche sur le côté, lune derrière lautre. Elle devant, moi derrière. Mes seins frôlent son dos, elle rit et me dit :
Tu me chatouilles, cest encore mieux que tu tappuies.
Je me laisse aller contre sa peau douce et moite. Je suis hétéro, mais, bon, cest émouvant
Vu notre degré de fatigue, on sendort rapidement.
Chapitre 3 - Au cachot.
Le livre est en vente en ebook et papier :
https://www.amazon.fr/fille-voulait-voir-Collection-Pleine-ebook/dp/B07343PHBX/ref=asap_bc?ie=UTF8
PS : "3 ans de pénitence" reviendra bientôt.
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