L'Amour Dans Les Fourrés 6

Anne me reçoit, curieuse d'apprendre ce qui s'est passé durant la randonnée:

- Alors, mon amour tu ne t’es pas trop ennuyé, tu as été sage ?

- Je peux te retourner la question.

- Deux visiteurs ont demandé après toi. C’est curieux, le maire et l’adjoint savaient certainement que tu marchais, entouré de douces colombes. Ils ne peuvent pas ignorer que leurs légitimes font partie de la randonnée. L’un est arrivé à onze heures trente, à l’heure de l’apéritif, tout sourire, la bouche en cœur. Il attend ta réponse à "la question que tu sais". Nous avons trinqué, il a voulu voir ma cheville et n’aurait pas dit non si j’avais voulu lui montrer un peu plus de ma jambe. Voulait-il savoir « de visu » si je portais une culotte?

Il m’a couverte de compliments, à me faire rougir jusqu’à la racine des cheveux : Si tu ne le savais pas, tu es l’heureux époux de la plus appétissante électrice de la commune, m’a-t-il susurré en sirotant son pastis, l’œil de velours, en attente d’une invitation à être plus entreprenant. Il aurait joué au gros méchant loup dévorant avec appétit le petit chaperon rouge. Il aimerait me laisser en souvenir de notre amitié citoyenne une photo de moi à côté de lui, décoré de son écharpe. Je suis invitée à passer en mairie le 15 du mois à 18 heures.

- Ce serait un grand honneur. Pendant que je cours les sentiers, madame reçoit monsieur le maire et prend un rendez-vous avec lui. Sylvain ne t’a pas suffi ? Veux-tu faire de moi un serial er ? Devrai-je faire chuter le maire dans l’escalier ? Combien d’autres devrai-je expulser manu militari pour correspondre à mon image ?

- Chéri, pourquoi revenir sur cette lamentable aventure ? Quand on tient un chien en laisse, on regarde où l’on met les pieds.

- Mais oui. Et l’autre visiteur?

- À l’heure du café, vers 14 heures, je reconnais, dans le judas, la moustache en guidon de vélo du mari de cette Geneviève.

Tout aussi mystérieux, il veut connaître ta réponse. Il t’aurait proposé une place d’adjoint. Je serais dans son équipe, en qualité d’épouse, un rayon de soleil. Mais si tu hésites trop, il pense me proposer ta place au sein de sa liste. Il saura, à raison de réunions régulières, dans le calme de son bureau à la mairie, m’inculquer les notions de base de la conduite d’une commune. Une femme aussi belle, c’est lui qui le dit, doit nécessairement savoir rendre d’éminents services à son maire.

- Eh bien, voilà de bonnes nouvelles ! Tu es l’étoile montante, l’égérie du futur maire, quel qu’il soit. Je n’ai aucune ambition dans ce domaine. Mon travail et ma chérie me suffisent et je tiens à garder un peu de liberté pour mes loisirs. Certains adorent diriger une commune, passer leur vie en réunions. Pourquoi irais-je leur disputer la place, je me sens plus fait pour l‘amour. Mais je serais fier d’être l’époux d’une conseillère élue, surtout si elle partage les responsabilités d’adjointe. J’apprécierai moins de te savoir désignée comme la maîtresse en titre du premier magistrat avant même de lui avoir rendu les éminents services attendus d’une aussi jolie créature. Quel camp vas-tu choisir ?

- Je te vois venir. Moi au travail, en réunions, toi en train de faire l’amour avec des péronnelles.

- Ignores-tu vraiment le goût des hommes puissants pour les jolies femmes ? La passion du pouvoir décuple l’appétit sexuel. Toutes les réunions en mairie ne sont pas des réunions de travail. Les deux premiers magistrats de la commune ont une solide réputation d’amants de qualité. Avant de choisir ou l’un ou l’autre, teste-les au lit. Et suis le plus puissant. À son ardeur en amour, tu mesureras ses chances de gagner les élections. Ça vaut la SOFRES. Par hasard, aurais-tu un rendez-vous avec Joël le 14 à 18 heures ?

- Mais comment l’as-tu deviné ? Tu ne m’as pas laissé le temps d’en parler.

- As-tu l’intention de te présenter chez l’un ou chez l’autre ? D’ailleurs tu pourrais rencontrer les deux.
Je viens de te conseiller de les tester. Compare, compare l’art de t’aborder, compare les outils, compare la façon de s’en servir. Lequel est le mieux armé, le mieux monté, le plus aguerri, le plus vigoureux, le plus endurant, lequel te transporte le mieux au septième ciel et t’y fait planer le plus longtemps, lequel, dans l’intimité de son bureau, sera en mesure de te servir le plus longtemps. Avec le temps et l’expérience tu deviendras maire et tu choisiras tes amants.

- Bon, tu as fini de te moquer, de me traiter comme une dinde à farcir. Avant de connaître ma décision, tu crèves déjà de jalousie, tu ironises. Tu me dis d’y aller pour le plaisir d’être le malheureux mari trompé. Eh oui, Joël m’attend le 14 à 18 heures. Monsieur sait tout, j’aimerais savoir qui te l’a dit.

- C’est mon petit doigt.

- Si tu continues, je vais me fâcher et pour me venger j’appliquerai tes bons conseils le 14 avec l’adjoint et le 15 avec le maire. Tu auras droit à un rapport à mon retour, si tu ne t’es pas endormi en m’attendant.

- C’est parfait. Mais j’aurai peut-être une autre bonne raison de m’endormir.

- À savoir ? Tu t’es promené avec ta basse-cour et tu es tout excité. Allez, allez, raconte, tu brûles de l’envie de m’éblouir en racontant tes prouesses. Tu as ment marqué des points, tu as fait mieux que moi, macho.

Jamais je n’avais entendu ce terme dans sa bouche. Macho ! La visite des illustres personnages l’a transformée.

- Si nous nous calmions. Oublions de nous chamailler. J’ai l’impression que nous frôlons une catastrophe. Pour moi cette catastrophe, c’est un éclatement de notre couple.

- Je l’ai dit. Tu es jaloux et tu prends un ton solennel. Tous les moyens sont bons pour me dissuader d’entrer dans la vie publique. Trouve autre chose de plus convaincant. Pourquoi notre couple éclaterait-il ? Le maire est marié, l’adjoint aussi. Il n’y a que deux célibataires au conseil municipal.


- Si tu l’entends ainsi, je n’ai plus rien à dire. Ceux-là mariés, ce n’est pas assez pour les détourner de toi. Sylvain était-il célibataire? Non et pourtant…il ne se gênait guère pour te peloter

- Allez, dis-le. Tu es fait pour l’amour et tu as rencontré l’amour au bord du chemin… Dis, parle, vide ton sac. Il fallait bien que ça arrive un jour. Tu vas partir avec une autre ? Et tu cherches à prouver que je veux te tromper, que c’est moi l’infidèle. C’est ça ? Ne sois pas lâche.

- Vraiment tu ne me simplifies pas les choses.

- C’est de ma faute, c’est ça ?

Elle pleure. Suis-je idiot de tourner autour du pot.

- Bon. Tu te souviens de la petite culotte que tu avais dérobée à Sylvain ?

- Eh ! Oui. Celle de Geneviève.

- Tu l’avais en main, mais tu ne l’avais pas enlevée à Geneviève ?

- Où veux-tu en venir ? Ce que tu peux être compliqué.

- Voilà, reconnais-tu ceci ?

- Je l’avais jetée à la poubelle, tu l’as reprise dans mon dos ? Oh ! Tu as fait l’amour à cette cochonne et tu viens demander pardon ? Explique-toi.

- Ne m’interromps pas constamment. Si tu m’aimes, n’imagine pas le pire. Il y a une action concertée pour nous détruire. Geneviève sous prétexte de me délivrer un message a voulu nous isoler sur un banc. Elle a attendu que nous soyons seuls, s’est jetée à mon cou, m’a embrassé par surprise. Je ne l’ai pas repoussée. Elle s’est servie. Puis elle m’a spontanément mis cette culotte en main, avec ce carton, un rendez-vous le 14 à 18 heures, dans un hôtel, loin d’ici. Le même jour à la même heure tu répondras à ton invitation…

- Et moi, je dois gober ton histoire !

- Éloignés par deux rendez-vous, nous serons deux proies faciles. L’adjoint craint de dévaler les escaliers de la mairie un peu trop vite, si je suis à proximité. Sa femme n’a pas digéré de devoir nous présenter des excuses.

- Dans ce cas, oublions-les.
Je t’aime, je veux croire qu’elle t’a surpris. Tu réciteras deux pater et deux ave. N’en parlons plus et choisissons d’en rire. Mais qui d’elle ou de moi embrasse le mieux ?

- Si c’était tout ! Voici autre chose, j’ai trouvé cette autre culotte au fond d’une poche de mon sac à dos.

- Ah ! La collection compte deux pièces. Seras-tu encore capable de me faire l’amour ce soir ? Tu t’es dépensé sans compter pour cueillir au cul de ces dames ces preuves de ton pouvoir de séduction. Qui est l’heureuse élue ? Ce truc est tombé du ciel et sur mon front tu lis "conne" ou "cocue" ?

- Tombée du ciel ? Je ne sais. Je ne connais pas la donatrice anonyme. Ces bonnes femmes deviennent hystériques. Ce soir en me quittant, Geneviève m’a remis cette enveloppe. Je ne sais pas ce qu’elle contient, mais j’ai peur de deviner. C’est un moyen de pression probablement.

- Donne. Bien sûr. Dis, tu embrasses bien. Moi j’aurai un portait du maire. Toi tu as déjà posé et qui tenait le polaroïd ? Tu as raison, ça pue le piège. Puisque tu m’as tout dit, que Joël aille se faire voir. Je choisis le maire !

- Hé, pas si vite…C’est que…

- Quoi encore, ne me dis pas qu’il y a autre chose.

- Si, justement. Tiens, regarde cette enveloppe et cette feuille.

- Ben dis donc, tu ne t’es pas ennuyé aujourd’hui.

Anne examine le contenu de la deuxième enveloppe et déclare :



Que faisais-tu dans les broussailles avec la grande blonde? Ça a l’air de te plaire. C’était un concours organisé et sponsorisé par quelle marque de dentifrice ? Pour le coup, toi tu as comparé. Tu peux juger sur pièces. Avec ça, un rencard pour un cours de perfectionnement, le 15 à 18 heures, à l’hôtel, pendant que je serai occupée avec le maire. Et encore une photo au polaroïd… Ce n’est plus un appareil très courant. Le même photographe t’a surpris pour le compte des deux camps. Sabine doit avoir la même raison que Geneviève de te démolir depuis votre AG. Gros benêt tu t’es fait avoir. J’ai une bonne raison de te faire confiance : tu ne m’as pas caché la petite culotte que j’avais glissée dans ton sac, pour m’amuser.

- Tu ? Qui de nous deux est le plus jaloux ?

- Ne t’inquiète pas. Je suis de ton avis. Des gens veulent se venger. Nous avons dérangé leurs habitudes, ils veulent nous le faire payer, en nous séparant. Ils vont être déçus. Nous avons parlé, nous nous faisons confiance, c’est notre force. Leur chantage est un pétard mouillé. Comment répliquer ? Qui peut posséder un polaroïd ? Un collectionneur d’appareils photos. Charles, le fameux journaliste photographe chargé un temps des photos officielles, recalé par votre fronde des amateurs, s’est-il inscrit au club ?

- Je ne l’ai pas vu. Il s’est contenté de photographier l’arrivée en fin d’après-midi.

- Il doit aussi ruminer une vengeance et être prêt à obéir à ces dames. Il s’est posté à des emplacements prévus, il a pris ses photos, pour les remettre sous enveloppe à Sabine et Geneviève, sur la place. Il va recommencer le 14 et le 15. Mais où ? Contre moi à la mairie ou contre toi à l‘hôtel? La solution est simple. Ces photos sont désormais plus compromettantes pour ces femmes que pour toi. Si je te fais confiance, elles ne peuvent pas te faire chanter. Tu les scannes pour garder l’original et tu me remets une copie de chaque. Elles vont apprendre de quel bois je me chauffe.

Forte de la cour des deux visiteurs, elle va leur faire savoir qu’elle tient à leur communiquer une réponse dès le lendemain. Elle attendra l’un à 17 heures et l’autre vers 18 heures. Elle aimerait les recevoir à domicile, pour des raisons de santé, le plus discrètement possible, en l’absence de son mari. Après quelques précisions, elle leur communiquera nos positions.

Monsieur le maire est présent devant la porte à 16 heures 55. Persuadé d’avoir impressionné Anne, il est jovial, remercie de la rapidité de la réponse. Il louche hardiment sur les seins involontairement exposés, croit-il, par un décolleté profond. Anne croise les genoux, il s’étouffe en découvrant l’arrondi du genou et le galbe des cuisses. Il accepte avec plaisir l’apéritif servi et oublie le but de sa visite en reluquant le balancement de la croupe de cette petite. Il reprend les compliments de la veille, se dit si heureux d’être reçu par une aussi charmante jeune femme, multiplie les platitudes.

Et tout à coup le voici à genoux, déclamant à haute voix un amour ancien. Il se libère, implore l’indulgence, promet un avenir radieux à un amour passionné et éternel. Le vieux beau se croit irrésistible. Anne lui ordonne de se relever, lui tend une main pour l’aider. Il glisse, se ratt comme il peut, se retrouve dans les bras de ma femme. Surprise elle pousse un cri, le repousse, il atterrit décontenancé dans mon fauteuil.

- Monsieur le maire, je suis très émue de vos paroles. Je dois vous rappeler toutefois que je suis mariée. J’aime mon mari, mon mari m’aime. Vous m’avez dit hier que vous l’estimiez au point de souhaiter l’enrôler dans votre équipe. Je veux vous communiquer le fruit de notre réflexion. En raison du comportement anormal de certaines personnes, nous devons décliner votre offre.

- Ce n’est pas sérieux. Expliquez-vous. Nous allons lever cet obstacle. De quoi s’agit-il ? Pour vous je ferai n’importe quoi.

- Certaines personnes harcèlent sexuellement mon époux et lui rendent la vie difficile. J’en suis malheureuse. Il s’est confié à moi. Le rang de ces dames leur permet des excès honteux.

-L’heureux homme ! Et il s’en plaint ? Que souhaitez-vous ? De qui s’agit-il, avez-vous des preuves ?

- Une dame l’a attiré à l’écart hier, l’a embrassé en présence d’un photographe caché et prétend l’entraîner à l’hôtel. Elle lui a fixé un rendez-vous et menace de répandre des photos s’il ne s’y rend pas.

- Je ne vois pas le rapport avec sa présence sur ma liste.

- La photo en question pourrait faire scandale. Je ne sais pas si je peux vous la montrer.

- Mais, si. Mon petit, dans ma position on en entend et on en voit de toutes les couleurs. Je vais user de mon influence pour mettre le holà. Où est cette photo ? Osez, soyez sans crainte.

- Voyez !

- Oh ! Votre mari et ma femme. Il l’a séduite. Le saloupiot. Il serait temps de vous venger, et de la meilleure manière. Je suis là pour vous consoler et sans attendre.

Il avance sur Anne, elle se dérobe en tournant autour de la table basse. Je choisis cet instant pour rentrer chez moi en appelant :

- Mon amour. Coucou Anne chérie !… Ah, bonjour monsieur le maire. C’est un plaisir et un honneur de vous recevoir.

- Et ça, c’est aussi un plaisir de pervertir ma femme ? Aller raconter qu’elle vous harcèle, quel scandale. Jeee…

- Vous connaissez son écriture ? Examinez cette convocation de sa main. Accepteriez-vous de m’accompagner pour vérifier si j’invente ? Je vous prie de me croire et d’accepter d’éviter le scandale que provoquerait la publication de photos semblables. Je reconnais avoir été surpris par la fougue de madame, avoir eu un moment de faiblesse et même d’avoir pris un certain plaisir à embrasser assez longuement une femme aussi jolie, qui se jetait dans mes bras, me suppliait de l’aimer, de lui faire enfin connaître le véritable amour.

Là je ne mens pas, mais je prends plaisir à remuer le couteau dans la plaie, à broder, à maltraiter son amour-propre devant ma femme. Un cocu trouve rarement grâce aux yeux des femmes. Elles n’aiment pas les « restes » des autres.

- Aussi en raison de cette passion que je ne partage pas et par respect pour votre personne et pour votre œuvre, - basse flatterie - je me sens indigne de vous seconder. Par ailleurs, je ne vois pas de raison de céder au chantage exercé par votre épouse qui m’a remis cette photo, je ne me rendrai pas à ce 5 à 7 humiliant. Notez les coordonnées et faites ce qu’il vous plaira.

Anne l’achève :

- La suite des événements m’interdit, monsieur, de vous rencontrer en mairie, le même jour à la même heure. Vous aurez ainsi la possibilité de surveiller l’infidèle, si ça vous chante.

Au maire succède l’adjoint. Même scénario à une exception près. Plus leste, il prétend ne pas lâcher Anne. Mon arrivée en réponse à ses cris le calme. Il regarde vers la porte, craint une dégringolade douloureuse. Mais il accepte une explication entre hommes. Je n’ai pas à protéger sa femme. Le chantage me dégoûte. Alors il entend parler du pays. Ignore-t-il tout ou partie du contenu de mes révélations, en sait-il plus ou moins ? Il repart muni de la copie d’une photo et de l’invitation à l’hôtel. Nous resterons neutres dans les campagnes électorales si on daigne nous abandonner à notre bonheur. A suivre

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