53.7 Mourad
La nuit est tiède et la rue déserte. J'aime ce calme qui s'empare des rues des villes après une certaine heure de la nuit et avant une certaine autre heure du petit matin ; c'est un moment qui n'est jamais trop long, une heure ou deux, quand tout le monde semble couché et personne ne semble encore levé ; on a l'impression que la ville toute entière est en train de dormir, et que la Terre sest arrêtée de tourner.
Le bruit de quelques voitures solitaires au loin semble mettre encore davantage laccent sur ce silence presque parfait.
Le temps semble comme suspendu, assis sur les toits de la ville, en train de profiter lui aussi de la fraîcheur de la nuit.
Ce silence me fait du bien, mapaise. Jai un bon bout à marcher avant de retrouver mon lit. Je suis sonné, jai comme limpression de planer, limpression que je ne réalise pas complètement ce qui vient de se passer. Je nai pas vraiment envie de retrouver mon lit, je ne veux pas dormir ; je ne veux pas laisser filer cette nuit, pour ne pas devoir me réveiller demain, car je sais que je me réveillerai avec le cur meurtri. Jai envie de faire durer cette nuit le plus longtemps possible.
Voilà pourquoi, jimagine, lorsque jarrive au canal, une force inattendue mempêche de tourner à gauche, en direction de mon lit, pour me pousser avec insistance dans la direction opposée.
Une force amorcée par le passage dune petite bande de mecs dont les échanges me laissent entendre quils sont du bon côté de la Force et qui se dirigent vers le On Off.
Je leur emboîte le pas. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, cest horriblement tard, je suis mort de fatigue, mes parents vont encore sinquiéter, je vais encore devoir donner un million dexplication bidons ; et, surtout, je suis presque certain que je noserai franchir la porte tout seul ; de toute façon, en short, ils ne me laisseraient jamais rentrer.
Pourtant, je le fais. Jessuie mes larmes, je traverse la route, je marche côté canal, lair de rien.
Je la fixe, comme en hypnose, je ralentis le pas ; lorsque mon regard se détourne enfin, je capte le regard dun mec qui est en train de fumer juste en dessous de lenseigne lumineuse ON OFF, comme mon bobrun lavait fait la fois où il mavait entraîné dans cette boîte.
Le mec me regarde de façon insistante ; je le regarde, cherchant à comprendre si vraiment il sintéresse à moi. Nos regards ne se quittent pas. Je ressens une sensation grisante à lidée de plaire à ce garçon. Je le détaille : 1 mètre 70, physique pas vraiment baraqué, néanmoins très bien proportionné, genre petit rebeu ; habillé simplement, simplement sexy : t-shirt bleu cintré col en V, jeans clair, baskets blanches.
Devant ce beau garçon, mon corps me rappelle son envie de sexe, cette envie qui lavait ravagée comme un incendie une demi-heure plus tôt au pied dun escalier.
Une envie qui devient désir brulant lorsque ce bel inconnu semble esquisser un petit sourire, accompagné par un petit signe de la tête minvitant clairement à traverser la route et à le rejoindre.
Et moi, devinez quoi ? Je trouve le moyen dhésiter.
Heureusement, le mec est du genre déterminé.
« Viens... » je lentends me balancer cette fois à mi-voix, mais sur un ton bien ferme, tout en réitérant ce petit geste de la tête. J'aime les mecs qui ont les idées claires.
Je ne sais pas trop de quoi jai envie. Une partie de moi a envie de tracer la route et daller me blottir dans mon lit. Alors quune autre partie a envie de se laisser aller à linconnu que représente ce beau garçon.
Cest en mappuyant sur la fausse excuse de lavoir désormais trop cherché pour pouvoir me dérober, que je me décide enfin à aller le rejoindre.
La véritable raison étant que ce petit reubeu mintrigue bien.
« Tu en veux une ? » il me demande, dès que je mets le pied sur le trottoir, tout en me tendant son paquet de clopes.
Vu de près, il est encore plus sexy que je lavais pressenti.
Très typé, très masculin, la peau bien basanée, des yeux très foncées, vifs, pétillants, perçants. Son regard dégage quelque chose dun peu brutal, que son sourire coquin se charge dadoucir.
« Non, merci, je ne fume pas
».
« Quest-ce que tu cherches par ici ? » il me demande, après avoir expiré un bon nuage de fumée.
« Je sais pas trop
».
« Tu cherches un plan ? » il va droit au but.
« Je sais pas, jen ai jamais fait, ça dépend
».
« Ça dépend de quoi ? ».
« Du mec, du feeling
».
« Je te plais ? ».
« Tes très sexy
».
« Toi non plus tes pas mal
».
« Merci
».
« Alors, tu trouves quil y a assez de feeling ? ».
« Tu es du genre speedé
» je rigole.
« Je vais pas te faire la cour, surtout à quatre heures du mat
».
« Cest sûr
» jacquiesce bêtement.
« On fait un tour ? » il relance sans transition.
« Ou ça ? » fais-je, impardonnablement naïf.
« Bah, je pensais chez moi
jhabite pas très loin, si ça te dit » fait-il, tout en menvoyant un clin d'il charmant.
« Oui, ça me dit bien
».
« Jhabite Port Saint Sauveur » il précise.
Nous marchons côté à coté dans la fraicheur de la nuit. La situation, inédite pour moi, a un je-ne-sais-quoi de terriblement excitant. Jamais je nai été abordé par un mec de cette façon : devant une boîte gay à 4 heures du mat, me proposant de le suivre chez lui, pour un plan ; et, ce, au bout de tout juste dix phrases. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je ne sais pas trop comment me comporter ni sur linstant, ni lorsque nous serons dans son appart.
Je repense à Stéphane, qui mavait invité lui aussi dans son appart. Mais cétait pour prendre un verre, et la première fois il ne sétait rien passé. Il avait su me mettre à laise, il avait été adorable. Que devient-il dailleurs ce très charmant garçon dans cette lointaine Suisse ?
Avec ce mec, je sens que les choses ne vont pas du tout se passer de la même façon.
De quoi va-t-il avoir envie au pieu ? Jusquoù jai envie daller pour oublier ma tristesse et ma solitude ?
« Moi c'est Nicolas » je finis par lui lancer, la seule chose que jaie trouvée pour briser ce silence gênant.
« Moi c'est Mourad... ».
Joli prénom qui sonne pour mes oreilles comme la promesse dune belle rencontre sensuelle.
Nous traversons le canal et nous arrivons devant un grand immeuble. Il tape le digicode et nous voilà dans un grand hall dentrée. Nous le traversons et nous rentrons dans lascenseur.
Dans le petit espace, je me sens de plus en plus mal à laise. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je devrais lui dire des mots pour le chauffer, ou alors lembrasser ? Pourquoi ne prend-il pas linitiative ? En fin de compte, de nous deux, cest lui le mec expérimenté
ça ne doit pas être la première fois quil ramène un mec chez lui pour un plan.
Les quelques secondes que dure lascension me paraissent interminables. Je le regarde du coin de lil : il est vraiment sexy. Ce qui ne mempêche pas dêtre de plus en plus mal à laise
jai limpression que je perds tous mes moyens, que je ne vais pas être à la hauteur.
Je le suis dans le couloir et nous arrivons enfin devant la porte de son appart.
Le mec me plaît, mais pas la situation, pas du tout. Je me surprends à me demander ce que je fais là. Je suis à deux doigts de faire demi-tour. Jai mal en repensant à mon Jérém, mais cest de lui que jai envie
et jai mal en pensant à mon lit, ces draps dans lesquels je naurais quune envie, celle de pleurer.
La porte renfermée derrière nous, Mourad me plaque contre la cloison, ses lèvres donnent lassaut aux miennes, sa langue senfonce dans ma bouche.
Ah, putain
si seulement mon Jérém avait pu faire ça cette nuit
Mais son élan est aussi enflammé que bref. Quelques instants plus tard, il att le bas de mon t-shirt et il le remonte le long de mon torse.
Il commence à me bouffer les tétons, provoquant chez moi une érection immédiate. Il me lèche fougueusement, sa langue court partout, curieuse, humide, avisée ; elle descend le long de mon torse jusqu'à mon nombril, provoquant des bons frissons sur son passage.
Pourtant je suis toujours ailleurs
je nai de cesse que de penser à Jérém, à son corps, à nos corps à corps
Mourad défait ma ceinture, ouvre mon short, descend mon boxer et il prend direct ma queue dans sa bouche. Il entreprend de me sucer, expérience quasi-inédite pour moi, seul Stéphane mavait offert ça jusque-là ; expérience qui se révèle dailleurs très agréable... oui, définitivement, jaime bien me faire sucer
cest presque aussi bon que de sucer
surtout sucer mon connard de bobrun
Là aussi, sa fougue se révèle aussi intense quéphémère.
Très vite, le jeune reubeu se relève, se débarrasse de son t-shirt bleu, dévoilant ainsi un joli torse naturellement imberbe, une plastique tonique, sans être vraiment musclée ; à lévidence, le mec nest pas un adepte de salle de sport ou de terrain de jeu ; pourtant, son torse et son cou élancés constituent une brûlante invitation au plaisir. Sa peau basanée, douce et soyeuse, est aussi appétissante quun croissant de boulangerie encore tiède ; et ses deux beaux tétons bien bruns, bien sombres, donnent franchement envie de croquer dedans.
Et lorsquil descend son jeans et son boxer, cest une belle queue tendue qui apparaît devant mes yeux. Là aussi, cest très sombre ; de par une pilosité assez importante, mais aussi et surtout de par la couleur bistre de son service trois pièces, couleur assortie à celle de ses tétons. Un charmant code couleur semblant tracer la géographie des zones érogènes de ce beau petit mâle.
Mourad est à poil, la main sur sa queue, cette queue que, comme dhabitude, je ne peux mempêcher de comparer à celle qui me rend dingue, celle de mon bobrun
mais au fond, les centimètres ont une importance relative, lorsque le plaisir quon recherche est celui doffrir du plaisir à un beau garçon.
« Allez, viens me sucer
» me balance le sexy Mourad sur un ton dimpatience.
Si en plus il me parle comme Jérém, comment me concentrer sur linstant présent
Pendant que je me mets à genoux, je me revois me mettre à genoux devant mon Jérém une heure plus tôt dans lentrée de son immeuble
quand je pense quon a failli se faire gauler. Je regarde cette jolie queue bistre tendue devant mon nez, mais cest de la queue de mon Jérém dont jai envie
« Allez, suce
on va pas y passer la nuit ! » simpatiente le mec.
Sa peau dégage une odeur fraîche et fruitée, jadore ce genre le gel douche. Une petite odeur tiède de transpiration sy mélange, ce qui nest pas fait pour me déplaire.
Jentreprends alors de le sucer, bien déterminé à mappliquer pour lui faire plaisir. Je porte les doigts à ses tétons pour le titiller, mais très vite ses mains interviennent pour dégager les miennes.
« Jaime pas ça
» je lentends me lancer. Comme quoi, les codes couleur peuvent parfois être trompeur.
Je continue de le sucer, du mieux que je peux. Pourtant, jai vite limpression que je narrive pas à lui faire plaisir. Jai du mal à trouver les bons boutons, les cordes sensibles. Avec Jérém, je sais exactement où toucher, caresser, lécher, pour le faire monter au rideau. Avec Mourad, ce nest pas du tout le cas : oui, cest vrai, je ne connais pas son corps ; mais, surtout, le cur ny est pas.
De plus, Mourad nest vraiment pas du genre très expressif ; ça fait déjà un petit moment que je le suce, jai essayé à peu près tous les trucs qui peuvent faire délirer un mec
pourtant, pas un gémissement, pas un mot, sa respiration ne semble même pas saffoler.
Je finis par me dire que je suis vraiment mauvais. Une sensation qui semble se confirmer lorsque le mec prend la situation en main, au sens propre comme au sens figuré, en me tenant la tête avec ses deux mains, tout en envoyant des coups de reins puissants, destinées à envoyer sa queue de plus en plus loin dans ma bouche.
Si en plus, il sy prend comme Jérém, comment me concentrer sur linstant présent
Dans la théorie, jadore ce quil est en train de me faire
dans la pratique, je crois que mon excitation est en train de retomber
et surtout, il y a des choses que jai envie avec mon Jérém, et quavec mon Jérém
Je suis également inquiet (ce qui me rend crispé, la crispation étant le « tue lamour » par excellence), au sujet des intentions de ce mec
jignore sil est près de jouir, et jignore sil est du genre clean ou du genre qui sen tape
alors, je prends quand même le temps de me dégager et de lui dire que je ne veux pas qu'il jouisse dans ma bouche.
« Tinquiète, je sais me retenir... » fait-il tout en fourrant à nouveau sa queue entre mes lèvres et en reprenant ses coups de reins de plus belle.
Je suis un peu rassuré
mais jai envie du jus de mon Jérém
Je continue à endurer ses assauts ; puis, au bout dun moment, il retire sa queue de ma bouche, et il me demande :
« Tu te fais sodo ? ».
Je ne sais pas, je ne me suis franchement pas posé la question. Je nai pas de réponse.
Mourad est beau, sexy, le mec est à mes yeux une espèce de fantasme sur pattes.
Mais le cur ny est toujours pas. Cest certainement à cause du contexte, de cette façon de baiser, de juste baiser, de cet enchaînement dactes mécaniques où lon ne partage que des sensations tactiles de deux corps
il ny a aucune connexion entre Mourad et moi, à part nos envies. Et encore, la mienne, je la cherche.
Je voulais me sentir désiré, coucher avec un mec pour ne pas penser à mon Jérém ; pourtant, paradoxalement, en baisant avec Mourad, je narrête pas de penser à Jérém.
Jessaie de le chasser de mes pensées et de me concentrer sur mon amant basané. Je décide de mettre à profit loccasion et découvrir une nouvelle façon de faire l
la baise
« Oui, jai bien envie
» je finis par répondre à sa question.
Sans rien rajouter, il se penche pour rattr son jeans, il fait les poches une après lautre et il finir par sortir une capote.
« Viens
» il me lance en sengageant dans un petit couloir ; il ouvre une porte, allume la lumière ; cest sa chambre, un grand lit monopolise la presque totalité de lespace.
« Taimes en levrette ? ».
« Jaime les deux ».
« Moi je préfère la levrette ».
« Ok
».
« Allonge-toi
».
Je m'exécute, je mallonge à plat ventre sur le lit.
Je lentends déchirer l'emballage de la capote, la sortir et la glisser sur sa queue. Il applique du gel sur sa queue et entre mes fesses.
« Vas-y, cambre bien ton cul
».
Là aussi je mexécute sans broncher.
Un instant plus tard, son gland vise lentrée entre mes fesses. Son bassin applique une pression de plus en plus forte mais mes muscles ne semblent pas vouloir céder, comme sils nétaient pas prêts.
Ou bien cest le corps qui parle à la place de la tête qui ne veut pas dire non.
Il recule, il introduit un doigt pour préparer le passage. Rien que la présence de son doigt me fait déjà mal. Je pressens que ça ne va pas être génial.
Il revient à la charge en écartant mes fesses avec ses mains. Mais à nouveau mon ti trou refuse de céder ; le mec exerce une pression de plus en plus forte, tellement forte que jai peur que la capote casse. Ses mains écartent un peu plus mes fesses ; et son gland arrive enfin à se faufiler dans mon entrée toujours très serrée.
Tellement serrée que jai vite mal.
« Arrête, sil te plaît
».
« Quest-ce qui se passe ? ».
« Laisse-moi souffler une seconde
».
Le mec se retire, mais il me laisse vraiment juste une seconde de répit avant de revenir à la charge. Cette fois-ci, il finit par glisser en moi jusquaux couilles. Jai un peu mal mais je me dis que mes muscles vont se détendre, que ça va passer.
« Tas un bon cul ! » ce sera son seul commentaire.
Celle-là aussi, je lai déjà entendue.
Mourad commence à envoyer ses va-et-vient entre mes fesses : ses coups de reins sont puissants, ses couilles bien pendantes frappent lourdement mon entrejambe ; ses mains saisissent mes épaules pour donner à la fois appui à son corps et davantage délan à son bassin.
Je suis en train de me faire tringler par un petit reubeu bien charmant et bien chaud. La douleur finit par disparaître ; mais je ne ressens pas vraiment de plaisir pour autant.
Déjà, le mec ne soccupe que de prendre son pied ; bien sûr, cela ne ma jamais gêné avec Jérém. Mais avec Jérém, il y a plus que du désir, avec Jérém il y a cette étincelle que je nai pas avec Mourad, cette étincelle qui rend tout magique. Du moins, pour moi.
Et, une fois de plus, nos corps ne se connaissent pas : engin différent, angle de pénétration différent, mouvements différents ; une première coucherie est souvent une répétition en vue de la grande première qui viendra plus tard. Mais lors dun plan, on na pas droit aux répétitions.
Bien sûr, avec Jérém, Stéphane et Thibault les trois garçons qui ont, chacun à leur façon et à leur degré, compté pour moi, lalchimie a été pleine et parfaite dès la première fois
avec Jérém, cétait comme si nos corps se connaissaient depuis toujours, cétait une évidence ; Stéphane, Thibault, dautres évidences, pour des raisons différentes : ces garçons ont su me mettre à laise, me faire sentir bien ; et dans ces conditions, le plaisir nous tend la main presque à coup sûr.
Avec Mourad, ni les corps ni les esprits ne semblent en phase. Déjà, il a voulu me prendre par derrière. Quand je couche avec mon Jérém, je préfère lautre position, celle qui me permet de le voir prendre son pied.
Bien sûr, le fait de ne pas le voir mévite de devoir soutenir des regards gênants ; mais déjà que je ne lentends pas, car il német aucun son traduisant son plaisir ; le fait de ne pas le voir, me prive dune bonne partie de mon excitation ; je suis comme un pilote sans radar, je ne sais pas ce qui se passe, je ne sais pas où je vais.
Je me fais la réflexion que le missionnaire semble une position conçue pour des gens qui ont des choses à échanger, alors que la levrette est faite pour des gens qui veulent juste conclure et éviter des regards gênants.
Je commence à fatiguer, à ressentir une douleur aux reins sur lesquels le mec sappuie de tout son poids ; je flippe à mort que la capote puisse casser ; non, je ne prends pas de plaisir, et je commence même à avoir mal.
Quest-ce que je donnerais pour que ce soit Jérém, mon beau Jérém, à la place de Mourad, pour que ce lit ce soit celui de lappart rue de la Colombette... je crève denvie de moffrir à lui, de le voir prendre son pied, en espérant quil me tringle le plus longtemps possible, tout en attendant avec impatience quil jouisse en moi, quil me remplisse de son jus brûlant.
Heureusement, Mourad jouit assez rapidement ; mais même en jouissant, il est aussi expressif quune souche de bois ; il émet juste une expiration légèrement plus intense et prolongée ; petit orage de plaisir ; si loin des rugissements de jouissance de mon petit con de Jérém.
Dès son affaire terminée, il sort de moi ; je me retourne et je le vois enlever la capote, lui faire un nud et la jeter négligemment dans un coin. Au moins je suis rassuré de ce côté-là. La capote a tenu bon.
Il att un t-shirt gris et un boxer noir dans le placard ouvert à côté du lit ; il les passe en silence, comme sil était seul dans la pièce.
Je suis un peu déçu quil shabille si vite, que le t-shirt et le boxer cachent sa nudité, comme un rideau qui se ferme sur une scène où il ny aura pas de rappel ; comme sil considérait que tout est fini avec sa jouissance, comme sil considérait quil na rien à faire, ni me branler, même pas me caresser, au moins pour la forme, pour que je puisse jouir à mon tour ; à lévidence, le mec considère que je nai pas besoin de jouir.
De toute façon, je nai pas envie de jouir ; jétais tellement stressé et ailleurs que jai même débandé.
Je suis toujours allongé sur le lit : je sais que je nai rien de plus à attendre de ce mec, ni un câlin, ni un baiser, ni un mot rassurant, ni un verre, ni quil me demande de rester dormir, et encore moins quil me file son portable ou quil me dise quil a envie de me revoir. Il voulait un plan, juste un plan, jai été son plan, comme tant dautres mecs auraient pu lêtre à ma place ; je lai bien voulu ; mais soudainement je me sens vraiment mal. Jai à a fois envie de partir très vite, mais je me sens comme incapable de bouger, vidé de mon énergie, tout accaparé par mon malaise.
« Je vais te demander de partir, je vais me coucher
» je lentends lâcher froidement alors quil porte une nouvelle cigarette aux lèvres.
Vraiment, il ne me fait cadeau de rien. Et je parle moins du fait quil est en train de me foutre carrément à la porte que de cette cigarette après le sexe qui me rappelle tant les habitudes dun autre garçon.
Je me fais violence pour me lever du lit ; je regagne vite le séjour, et mes vêtements.
Jai envie de lui dire que cétait bien, même si je ne le pense pas. Cest con, même si je nai pas vraiment pris mon pied, je narrive pas à zapper un mec comme ça. A me dire quon a baisé une fois, quon va se dire au revoir, ou plutôt adieu, tchao et basta.
Je ne sais pas si jaurais envie de le revoir, mais le fait dêtre mis à la porte de façon si expéditive me touche, me déçoit, mapporte un sentiment de solitude et dhumiliation.
Bien sûr, je savais dans quoi je membarquais. Mais je suis quand même choqué par ce sentiment de mêtre fait baiser par un mec qui ne voulait vraiment que tirer un coup vite fait. Oui, je sais, je suis naïf à la limite de la bêtise.
« Salut
et à un de ces quatre
» je ne peux mempêcher de lui lancer pendant que je passe la porte, alors que déjà la fumée de la cigarette irrite mes narines.
« Ouais, salut
» voilà sa réponse laconique pendant quil referme le battant presque sur mon nez.
En marchant le long du canal, je me sens envahi par un sentiment de tristesse et de désolation ; jai limpression de navoir été quun jouet sexuel, rien de plus. Sil le faut, demain soir Mourad lèvera un autre mec et il oubliera tout aussi vite mon visage, mon prénom, mon si bon cul.
En marchant le long du canal, je réalise que les plans, les baises, cest rude pour le moral. Je suis trop sensible, trop naïf. Mais les plans, ce nest pas pour moi.
En marchant le long du canal, je ne peux mempêcher de ressentir un malaise à lidée davoir « trompé » Jérém... cest très con, je sais, pourtant, cette idée me dérange.
Même si, de toute façon, cette fois-ci cest vraiment fini. Cette nuit il ma balancé ce « dégage », clair et sans appel. Comme à un chien. Il ne veut plus me voir. Et je ne veux plus le voir.
Non, je nai pas trompé Jérém mais je me suis trompé sur Jérém ; finalement, je lui ai prêté une sensibilité quil na pas, finalement jai juste pris mes rêves pour des réalités ; jai tout accepté de lui, en me disant quen dehors de nos baises il avait un minimum de respect pour moi ; apparemment, ce nest pas le cas ; finalement, entre lattitude de Jérém et celle de Mourad, je ne vois pas où est la différence. Vraiment, je nai été que son vide couilles, rien de plus.
Je suis presque arrivé chez moi lorsque, dans un éclair, comme une évidence éclatante, je trouve enfin doù viennent ces putains de couplets qui me trottent dans la tête depuis que, plus tôt dans la soirée, avant daller à la rencontre de ce double fiasco avec Jérém et avec Mourad, jai été voir le film Moulin Rouge au cinéma.
Love lift us up where we belong/L'amour nous soulève jusque-là où nous sommes destinés
Where the eagles cry, on a mountain high/Là où les aigles pleurent, sur le haut d'une montagne
Ça fait quelques années déjà que jai vu le film dont cette chanson est issue, quelques années déjà que jai été sensible au charme ravageur dun jeune Richard Gere en uniforme blanc ; charme qui, faut bien lavouer, ma accompagné lors de quelques bonnes branlettes dadolescent.
Alors, dans ma tête, je remplace la voix sexy et jeune dEwan par la voix rocailleuse dun célèbre chanteur barbu.
En repensant à la scène de Moulin Rouge, je me dis que finalement ce nest pas Christian qui a raison, lorsquil clame ces couplets à Satine
mais bien cette dernière, lorsquelle lui rétorque, sur le même air :
Love makes us act like we are fools/L'amour nous fait agir comme si nous étions fous,
Throw lifes away, for one happy day !/Gâche nos vies, pour un jour de bonheur !
Oui, lamour peut nous amener très haut ; mais il peut tout aussi bien nous mettre plus bas que terre.
Je rentre chez moi en me disant que je ne lui ai toujours pas donné le t-shirt de Wilkinson que javais acheté à Londres. Je nai plus quà le jeter. Avec sa chemise, son t-shirt, son boxer.
Je rentre chez moi en repensant aux mots de la chanson de David Bowie
Oui, la plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour
Rien que ça, rien que ça
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