54.1 Le Boblond Vs Le Bobrun. Veni Vidi
Le lundi après ce double fiasco avec Jérém et Mourad, je suis toujours à la ramasse ; je suis tellement pas bien que, malgré le soleil, je passe mon temps enfermé dans ma chambre ; je nai pas envie daller courir sur le canal. Je nai pas envie découter de la musique ; même Madonna ne semble pas à même de me réconforter ; dautant plus que les deux derniers albums, « Ray of light » et « Music », constituent désormais la bande son de mon amour pour Jérém, chaque chanson étant liée à un souvenir, désormais douloureux des trois années de lycée. Ce con de Jérém va finir par méloigner de ma « copine » de toujours
je le déteste !
Journée de merde, que rien ne semble pouvoir sauver du naufrage. Mais heureusement
Oui, heureusement, en fin de matinée, jai cours de conduite avec le sexy Julien.
Petite chemisette claire bien cintrée, deux boutons ouverts, chaînette qui dépasse, et son sourire ravageur aux lèvres, ce sourire qui ferait presque de lombre au soleil lui-même, un sourire quil partage avec Sandrine ; elle est en train de rigoler avec lui, lair plus amusée et complice que jamais : qui sait ce que le bogoss a encore sorti comme connerie pour tenter de faire fondre la reine des glaces.
Je reçois sa puissante poignée de main de mec, je claque la bise à ma camarade.
Sandrine sinstalle au poste de conduite, Julien côté passager, et moi derrière, la place du mateur de bogoss. Je me dis quaprès mêtre fait gauler la dernière fois, lorsque son regard a pénétré le mien par rétroviseur interposé avec petit clin dil à la clef, je vais essayer de ne pas trop le chercher.
La voiture démarre, et le sexy Julien démarre aussitôt son numéro de charmeur invétéré.
Certes, le mec a lair de sintéresser à toutes les filles, pour peu quelles soient potables ; pourtant, jai limpression quil sapplique tout particulièrement avec cette Sandrine ; jai limpression que son caractère, son répondant lintriguent ; plus elle lenvoie sur les roses, plus le bogoss semble redoubler defforts ; comme si le fait de charmer cette fille représentait une espèce de défi, un challenge pour ce bogoss tombeur.
« Vas-y, applique-toi, et fais-le avec un peu plus dentrain et de sourire
» lance le sexy moniteur, alors que Sandrine vient de se tromper de vitesse en redémarrant à un feu passé au vert.
« Je souris si jen ai envie
» fait elle, plutôt sèchement.
Mais le sourire amusé et coquin que le bogoss affiche en guise de riposte est si contagieux quelle finit par éclater de rire.
Jai de plus en plus limpression que même si Sandrine continue de se la jouer « forteresse imprenable », elle dérive petit à petit dans le jeu de séduction du beau moniteur. En est-elle consciente ou bien est-elle en train de se faire avoir par ce beau parleur ?
« Je trouve que tu conduis comme une princesse
» enchaîne le bogoss, alors que Sandrine vient doublier le mettre le cligno en tournant à gauche.
Je ne peux résister, mon regard finit par plonger dans le rétroviseur ; et tant pis sil va comprendre que je le mate
putain, quest-ce quil est beau !
Très vite, le piège se referme sur moi, mon regard rencontre le sien
jai même limpression que ça lamuse, quil me balance un petit sourire, assorti dune sorte de moue qui signifierait, mes semble-t-il « enfin te voilà, je croyais que tu faisais la tête »
je craque
putain de petit allumeur
« Je ne sais pas ce que cest que de conduire comme une princesse
» relance Sandrine, vexée.
« Ça veut dire que, plus quun permis, il te faudrait un chauffeur
».
« Tu veux dire par là que je conduis comme un pied ? Mais quel goujat
».
Et là, cest beau à en pleurer
le bogoss ouvre les bras, le cou senfonce entre les épaules, la bouche souvre, les yeux se ferment, un grand sourire à la fois lumineux, coupable et canaille illumine son visage jusquaux oreilles.
Et lorsque ses yeux se rouvrent, mon regard toujours aimanté par le rétroviseur capte un clin dil, rapide comme léclair, mais capable de me retourner de fond en comble.
Je ne sais pas quoi lire dans ce nouveau clin dil : un geste « complice » pour me signaler quil sait ce quil fait avec Sandrine, quil va lavoir malgré les apparences ; ou bien une sorte de notification du fait quil a à nouveau capté mes regards et quil a bien compris mon manège ?
Quoi quil en soit, son numéro avec Sandrine est loin dêtre terminé.
Bouleversant jeu de séduction qui consiste à jouer tour à tour au mec sûr de lui, ou bien, au mec naïf, un peu « benêt », avec des airs de gamin parfois dépassé par la situation.
Alors quen fait, je pense quil contrôle tout, quil maîtrise son petit jeu de A à Z. Et le contraste entre les deux tableaux le rend véritablement craquant.
« Ça me fait pas rire ton histoire de princesse
» fait Sandrine sur un ton (faussement ?) énervé.
« Pourtant, jai juste dit que tu es une princesse
taime pas lintention ? ».
« Ouais
».
« Cest mignon, non ? ».
On sarrête à un feu rouge, elle le regarde fixement sans répondre, lair entre vexé et amusé.
Le bogoss enchaîne, inépuisable :
« Tas pas le droit de me regarder comme ça
».
« Comme ça, comment ? » sétonne Sandrine.
« Avec ces yeux charmeurs
je ne suis quun homme
je suis faible
tu es à deux doigts de me séduire
».
Décidemment, ce mec est à lui tout seul l« Encyclopédie du petit con » en 15 volumes
« Ah, ça cest la meilleure
je croyais que cétait toi qui essayais de me draguer
».
« Je ne suis quun jouet entre tes mains
».
« Si tu le dis
bon
le cours est presque fini
on peut revenir vers chez moi ? ».
« Ce sera sans problème Sandrine
» fait il sur un ton complaisant et moqueur à la fois « vas-y, tourne à droite
».
Nous voilà à nouveau arrêtés à un feu rouge.
Le moteur tourne, personne ne parle.
« Tu sais
tu me troubles
en général je suis à laise avec les filles, mais toi, tu me fais perdre tous mes moyens
».
Ce qui me fait hurler cest que ma présence ne le gêne en rien, il fait comme si je nétais pas là.
A moins que ce ne soit exactement linverse, c'est-à-dire que le bogoss en rajoute encore plus justement parce quil a un spectateur.
Au début, jai été un peu gêné de voir le sexy moniteur dans cette attitude peu déontologique de dragueur impénitent
mais je trouve cela plutôt amusant au final ; surtout que Sandrine nest pas une gamine, elle a du répondant, et en plus son jeu est assez difficile à cerner ; elle aussi elle souffle le chaud et le froid, elle joue les filles difficiles, les forteresses imprenables, mais je crois bien quelle est définitivement en train de tomber sous le charme ; il faut dire que si elle ne lest pas, cest quelle nest pas humaine. Même moi je le suis, sans que sa drague me soit destinée.
Le bogoss vient de lâcher sa nouvelle boutade et elle le regarde fixement, comme si elle essayait de le déstabiliser.
« Tu me fais penser à la chanson Paroles paroles
mais tu ne dois pas connaître
» elle finit par lâcher.
« Tu es comme le vent qui fait chanter les violons/et emporte au loin le parfum des roses
» recite le bogoss sans la moindre faute, le tout sublimé par son accent chantant.
« Ok, là tu marques un petit point
» fait Sandrine, visiblement surprise.
« Je ne sais plus comment te dire
» continue le sexy moniteur, à laise, accompagnant ses mots avec un sourire amusé et charmeur à faire fondre un bloc de granit « mais tu es cette belle histoire d'amour que je ne cesserai jamais de lire
».
Sandrine rigole comme une malade
« Je ne sais pas où est ce que tu as vu lhistoire damour, mon coco
».
« Qui sait, elle va sécrire demain, peut-être
».
« Paroles et paroles et paroles
» balance Sandrine.
« Écoute-moi
» enchaîne le bogoss.
« Paroles et paroles et paroles
».
« Je t'en prie
».
« Paroles et paroles et paroles
».
« Je te jure
».
« Paroles et paroles et paroles
».
« Que tu es belle ! ».
« Que tu es belle ! ».
« Que tu es belle ! ».
« Cest bon, jai compris, lâche-moi ! » rigole Sandrine.
« Ça tétonne que je connaisse, hein ? ».
« Là, cest clair
».
« Je ne suis pas complètement abruti, tu sais
».
« Je croyais quil ny avait que les meufs qui tintéressaient
»
« Tu te trompes
».
« Mais tes un mec, et un coureur qui plus est
».
« Tu as une si mauvaise opinion de moi, ça me désole
».
«
et jai lu quelque part que vous les mecs, vous pensez au sexe tous les 7 secondes
».
« Ça cest une idée reçue
» fait le bogoss avec un sourire moqueur à tomber.
« Moi je suis sûre que vous les mecs ne pensez quà ça
nest-ce pas Nico, que cest vrai
vous passez toute la journée à penser à votre bite
toute la journée avec « la bite dans la tête », si je peux dire
».
Jai envie de lui dire que oui, bien sûr, elle a raison
toute la journée « avec la bite dans la tête »
je me retiens de justesse dajouter que lavantage, en étant homo, cest qu'en plus, parfois, jai la chance de lavoir ailleurs aussi.
Nous nous arrêtons au dernier feu rouge avant son immeuble.
« Alors, taime bien les cours de conduite ? ».
« Ouais, ça va
».
« Mais tu aimes bien parce que cest moi qui te fais cours ou ce serait pareil avec nimporte qui ? ».
« Je ne sais pas
» fait elle en rigolant.
« C'est très dur de draguer une fille comme toi
».
« Ah, parce que tu me dragues ? ».
« Ça ne se voit pas ? » fait-il avec son sourire ravageur au coin des lèvres.
« Ah, bah, si cest le cas, cest pas une réussite
».
« Et que je rame, que je rame, que je rame
».
« Bah, rame alors, si ça te fait plaisir
»
« Tu me troubles quand même pas mal
».
« Cest ça, un coureur comme toi
».
« Dans la vie de tous les jours, aucune fille me déstabilise
vraiment
mais toi, toi tu fais partie dune catégorie de fille à part
celle qui me fait perdre tous mes moyens
».
« Tu lâches jamais le morceau
».
« Sinon, tu remercieras ta maman de ma part
» fait-il sans transition.
« Pourquoi ça ? » fait Sandrine, étonnée.
« Ne vois pas le mal partout
jai juste envie de la remercier de tavoir mise au monde
nan, parce que sans elle, je naurais jamais pu te rencontrer
».
« Elle va être ravie
» fait elle en essayant de retenir un fou rire devant le culot du bogoss.
« Dis-lui de me garder une assiette à Noel
».
Sandrine rigole désormais à gorge déployée
non, elle hurle carrément de rire. Oui, Sandrine est bel et bien en train de baisser la garde.
Le feu tarde à passer au vert, le bogoss enchaîne, sur un ton plus sérieux, avec des nuances de victimisme aussi appuyées que peu crédibles :
« Jamais de la vie je ne cours autant derrière une fille
et là jai quoi en retour ? Je me dis que je vais arrêter peut-être
peut-être que je te dérange
je ne sais même pas ce que tu penses, je ne veux pas être relou
»
« Je taime bien
» finit par admettre Sandrine, sur un ton neutre, voire froid, pendant quelle se gare pas loin de son immeuble.
« Cest tout ce que jaurai aujourdhui comme compliment ? ».
Elle sesclaffe à nouveau dans une franche rigolade.
« Bye
» elle coupe court en défaisant sa ceinture et en claquant la bise au bogoss.
« Cest la loose à Toulouse
» je lentends commenter.
Sandrine quitte la voiture en rigolant, je lui claque la bise à mon tour avant de prendre sa place.
Je minstalle à côté de Julien, je boucle la ceinture, je cale mon regard sur le regard du bogoss en train de suivre Sandrine dans la rue. Puis, à un moment, il se retourne brusquement vers moi, me regarde fixement dans les yeux et il me balance :
« Cette fille, cest un sacré morceau
elle nest vraiment pas facile à draguer
mais dans une semaine, tu vas voir, elle va me manger dans la main
».
Je commence à conduire, direction Rangueil.
« Ça va pas fort, toi, aujourdhui
» il me balance, de but en blanc.
« Si, pourquoi ? » je tente de mentir.
« On dirait que tu reviens dun enterrement
».
« Je suis juste fatigué » je tente de désamorcer.
« Week-end difficile ? ».
« Cest ça
».
« Alors, tu las revu ton pote qui te fait la gueule ? » fait-il sans prêter attention à mes mots.
Je nai pas envie de répondre. Mais je sens son regard perçant sur moi, je sais quil ne va pas lâcher le morceau.
« Tu las revu, alors ? » fait il en posant une main sur mon épaule et en me secouant légèrement pour attirer mon attention.
« Oui
» je finis par lui balancer, agacé.
« Cest un petit oui, ça
».
« Jai pas envie den parler ».
« Laisse-moi deviner
toi tas envie de coucher avec lui, mais lui il ne veut pas
».
« Pffff, laisse tomber, je te dis
».
« Ou alors
il ne veut plus
».
« Cest ça, maintenant cest bon, Julien
».
« Mais tu le kiffes à mort
» il enchaîne pourtant.
« Oui, mais on va arrêter den parler, ok ? Sinon je vais encore faire plein de conneries avec la voiture ! ».
« Ok, ok
».
Le cours continue dans un silence interrompu uniquement par ses instructions.
Du moins jusquà ce que je sois obligé de marrêter à un feu rouge. Cest là que le bogoss revient à la charge :
« Ça doit pas être facile dêtre pd
enfin, gay, je veux dire
» je lentends balancer sur un ton posé, affable.
« Je te confirme ».
« Tomber amoureux dun mec qui aime les filles
parce que cest ça, nest-ce pas ? Ton brun sest amusé avec toi, mais au fond il aime les filles, je me trompe
pas ? ».
Je ne sais pas, mais jai comme limpression que cette réflexion sent étrangement le vécu. Soudainement je repense à Martin, et je me demande si
mais mon imagination est certainement trop débordante
ou pas
« Ça doit être ça
pourtant, il fait son jaloux sil me voit avec un autre gars
tiens, comme la fois quil ma vu avec Martin
» je décide de le tester à mon tour.
« Tas baisé avec Martin ? » il réagit du tac-au-tac, comme interloqué.
« Non, et toi ? » jai envie de lui demander.
Au lieu de quoi, je me contente de :
« Non, pourquoi ? ».
« Pour rien, tinquiète
» il coupe court, avant de continuer « vraiment tu dois le kiffer ce mec pour te mettre dans cet état
».
« Oui, je le kiffe grave » je finis par admettre.
Et là, sans transition, je lentends me balancer :
« Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
Dabord, je crois avoir mal entendu. Instinctivement, je me tourne vers lui. Il me balance le même regard quil sert aux filles, un regard charmeur, provocateur, indéchiffrable, les sourcils en chapeau, sexy à mort, un regard illuminé dun petit un sourire sournois, coquin, une attitude en équilibre sur un fil invisible, entre charme et moquerie, entre sérieux et facétieux, entre premier et deuxième degré ; je sens que le bogoss est prêt à se laisser choir du côté du charme ou de la bêtise suivant la réaction à sa boutade ; son regard est « tout » et son contraire à la fois, je me demande comment il arrive à faire ça ; mais cette attitude de Julien est du grand art, car elle permet au beau gosse de toujours retomber sur ses pattes.
Ah putain
je ne my attendais pas à celle-là
jamais je mattendais à quelque chose de si direct
jaurais dû mieux surveiller mes regards.
Je suis tellement secoué par ses mots que je faillis emboutir une voiture arrêtée à un STOP.
« Ok ok, jarrête mes bêtises
vas-y, mets le cligno à gauche
».
Ainsi cétait juste de la bêtise
ça avait pourtant lair si réelle sa question.
Nous arrivons à proximité de lautoécole et le bogoss me demande de garer la voiture sur une des places réservées sur le petit parking un peu plus loin.
Je viens déteindre le moteur et de mettre le frein à main ; et là, je lentends me glisser, la voix caressante, charmante, les yeux pétillants, un petit sourire coquin aux lèvres :
« Je sais que tu me kiffes
tarrête pas de me mater depuis le premier cours
assume
».
Je le regarde sans arriver à trouver quoi répondre.
« Tu me trouves pas beau ? » il finit par me balancer avec un naturel déconcertant, avec une petite moue de déception et avec des yeux suppliants, comme si on avait porté un affront fatal à son ego.
Mais il cherche quoi ? Il se fiche de moi ? Et si
il me cherchait vraiment
« Si, tes un bomec
» je finis par lâcher.
« Tu vois, cest pas si difficile
» fait-il en recouvrant soudainement son beau sourire charmeur, accompagné dune petite étincelle de fierté dans le regard.
Et il continue :
« Mais moi je ne suis pas Martin, moi je ne baise que les nanas
on se revoit en fin de semaine, bye ».
Laprès-midi, je me sens encore un peu plus sens dessus dessous que le matin et que la veille. Déjà que je me prends la tête pour tout un tas dautres choses, il fallait que Julien en rajoute du sien.
Mais à quoi il joue ce petit con ? Pourquoi me poser cette question ? Si je le kiffe ? Ça lui intéresse vraiment de savoir ? A quoi bon ? Surtout pour me balancer après quil « ne baise que les nanas »
en fait, il veut juste se moquer, se payer ma tête.
Maman est partie au travail et je menferme dans ma chambre. Je nai toujours pas envie daller courir sur le canal. Je sens un grand vide en moi, et ce, malgré les mille pensées qui sagitent dans ma tête. Je repense à Mourad, à ce plan désastreux ; je repense à Thibault, à sa gentillesse ; je repense à Julien, à sa question à brûle pourpoint : « Et moi, tu me kiffes aussi ? ».
Et je repense à Jérém. Sans cesse. Je sais que la seule personne qui pourrait me faire du bien, apaiser mes angoisses, cest lui. Car il en est à lorigine.
Ainsi, les deux derniers couplets de la chanson « Erotica » résonnent dans ma tête.
Only the one that hurts you can make you feel better/Seul celui qui te blesse peut te faire te sentir mieux
Only the one that inflicts pain can take it away/Seul celui qui inflige la peine peut l'ôter
Jai besoin de le retrouver, besoin de retrouver son odeur, la chaleur de son corps, ses gestes de mec pendant quil se dessape, pendant lamour, pendant quil se rhabille, quil fume sa cigarette ; besoin de retrouver les lignes de la plastique, de son visage, besoin dentendre sa voix, besoin de retrouver les sensations au contact de ce corps, de ce sexe familier, un contact rassurant, dune certaine façon.
Ce mec est ma drogue et je me sens en manque ; et le manque est si fort que je me sens prêt à tout pour une nouvelle « dose » de mon Jérém. Prêt à tout faire, à tout accepter, à tout renoncer.
Jen arrive même à me dire que si « La plus grande chose que vous apprendrez jamais/Est juste d'aimer et d'être aimé en retour
», je pourrais peut-être envisager de laimer même si je ne le suis pas en retour.
Jai envie de pleurer, de crier, de tout casser ; je me sens comme un animal en cage à qui on a arraché son plus grand bonheur ; je me sens abandonné, rejeté, méprisé.
Je ne peux pas me résigner à ce que ça se termine de cette façon avec Jérém, sur cet échec, sur un « dégage ! ». Si ça doit se terminer, ça doit être sur un feu dartifice grandiose.
Je voudrais le voir une dernière fois avant quil ne quitte définitivement son appart ; mais on est déjà le 30, et sil doit quitter les lieux à la fin du mois, le déménagement cest pour aujourdhui ou demain. La fin du déménagement, car samedi dernier lappart était déjà à moitié vide.
Autant me mettre le cur en paix ; il ny aura plus dendroit pour se voir, alors pourquoi espérer ? Espérer quoi, dailleurs ?
De toute façon, après son « dégage », je noserai même pas aller le voir à la brasserie, le seul endroit où je suis sûr de le trouver ; aller le voir pour quoi faire, à la fin ?
Cest dur, mais je dois tenir bon, jusquà ce que ça passe. Il me manque horriblement. Mais je ne dois plus le voir. Je ne veux plus le voir.
Mais en attendant, je déambule dans la maison vide, sans savoir quoi faire de mon après-midi trop long.
Il est 15 heures, lorsque ça sonne à la porte. Je me rends dans lentrée, jouvre la porte.
Et là, PAF !
Je tire le battant et cest comme si je recevais un poing en pleine figure.
Pendant un instant, une fraction infinitésimale de nanoseconde qui me paraît une éternité, mon sang arrête de circuler, mes poumons de respirer, mon cur a des ratés, la boule et les papillons au ventre et le nud dans la gorge sont là, mes entrailles se vrillent ; je me liquéfie ; dans ma tête, cest le black-out.
IL est là.
Dun coup, le temps sest ralenti. Jai limpression que le silence sest brutalement fait autour de moi pour que je me concentre sur le ptit Dieu qui est apparu, éblouissant, aveuglant, incandescent, radioactif.
Une petite gueule si sexy, si « mec », qui te donne envie de hurler à ten détruire les cordes vocales ; un regard brun qui semble comme contenir tout le monde qui lentoure et dans lequel jai juste envie de me perdre et de me noyer ; une jolie bouche sensuelle, et cette petite barbe de trois jours affirmant le côté viril.
Petit t-shirt rouge délavé, bien moulant, col en V avec trois petits boutons laissés ouverts sur la peau mate rasée de près, sur le grain de beauté dans le creux du cou, sur sa chaînette de mec ; t-shirt laissant peu à limagination en ce qui concerne les pecs très bien dessinés et les tétons qui pointent scandaleusement, le biceps qui semble vouloir défoncer la manchette au-dessus de son brassard tatoué bien mis en valeur ; t-shirt au travers duquel on devinerait presque la tablette de chocolat raccord avec le haut.
T-shirt qui est véritable supplice visuel, une pure provocation, une invitation, une injonction à larracher sur le champ ; dautant plus quil est accompagné dune casquette de la même couleur, portée à lenvers, ça va sans dire ; une touffe de cheveux bruns en bataille dépasse de louverture au-dessus de la bande de réglage, lui donnant un air un brin négligé et sexy à craquer.
Oui, Jérém est là, devant moi. Il se tient bien droit, les bras légèrement écartés le long du corps, ce qui a pour effet de bien mettre en avant le torse. Et de remonter ses épaules, de sorte que le deltoïde, ce muscle arrondi qui fait la jonction entre lépaule et le bras, si saillant lorsquil est travaillé par la musculation et sublimé par la jeunesse, apparaît dans toute sa puissance.
Tout est beau dans sa plastique de dingue ; mais moi ce qui me rend tout particulièrement dingue à ce moment, c'est le dessin de ses épaules, dessin qui ressort encore plus nettement lorsquil est en colère.
Je le revois, lautre soir, à poil, en train davancer vers moi, très énervé, menaçant, juste avant de me foutre à la porte ; sous le coup de lénervement, ses bras étaient remontés, ses épaules avec, ses biceps avaient doublé de volume : on aurait dit un véritable petit taureau sexy.
Je naime pas le voir en colère, mais il faut admettre quil est magnifique quand il lest.
Je suis aimanté par son regard, son t-shirt, sa casquette, par la couleur sa peau qui fonce à vue d'il au contact du soleil d'été. Mais il y a autre chose sur lui qui me rend carrément fou
cest
cest
cest
cest
un putain un nouveau tatouage !
Je suis comme aveuglé, tellement c'est sexy ; je crois que ce coup-ci je vais vraiment fondre sur place.
Jose tout juste regarder ce nouveau dessin qui parcourt sa peau.
Cest encore un motif tribal du même style que son brassard, composé des lignes sinueuses mélangées à des lignes droites ; un dessin très net, aux bords vifs, « tranchants » ; ça prend naissance derrière loreille droite et descend à la verticale le long de son cou pour disparaître, tronqué, sous le coton rouge de son t-shirt
pour réapparaitre, comme à limproviste, comme une scène tronquée en plein milieu, sous la forme dune pointe travaillée juste en dessus de la manchette droite.
Frustration insoutenable de ne pas pouvoir le voir en entier
de ne pas savoir jusquoù il court
en attendant, cest fin, bien dessiné, cest hyper hyper hyper sexy ; soudainement, son t-shirt de fou devient mon pire ennemi.
Cest un peu rouge tout autour du dessin, ça a lair tout frais. Il vient surement de se le faire faire, vu quil y a moins de 48 heures il ne lavait pas.
Envie de lui arracher le t-shirt sur le champ pour voir ce tatouage en entier. Jen ai le souffle coupé.
Jai rêvé de ce genre de tatouage sur mon Jérém en croisant un mec qui en avait un semblable pas plus tard que la semaine dernière lors de mon « Toulouse summer bogoss city tour » ; jen ai rêvé, et lui il la fait.
Naaaaaaaaaaaaaaan, mais putaaaaaaaaaaaaaaaain, comment c'est possible ??? Comment c'est possible qu'un mec aussi sexy existe ???
Mais là, la véritable question, la plus importante, est : comment se fait qu'un ptit con sexy comme Jérém, dont on pense qu'il a déjà exprimé toute sa sexytude bouillante, étalé sa palette de ptit con Premium, comment se fait-il qu'il trouve encore et encore le moyen den mettre encore plein la vue, daveugler, de brûler les rétines avec un nouveau tatouage
cette petite gueule à hurler, ce regard de tueur sexy qui te terrasse en une seule seconde, ce torse de malade, et ce nouveau tatouage sexy à mourir, mais comment, comment est-ce possible ???
Oui, je sais, la réponse est évidente : Jérém appartient à la catégorie des ptits cons, et le petit con est source inépuisable démotion sensuelle. Je veux bien, je veux bien
mais là, il faut admettre quon atteint des sommets.
Jai envie de me jeter dessus, de le bouffer de la tête aux pieds, envie de lavoir en bouche, envie de ses coups de reins furieux et sauvages, envie de lui, graaaaaaaaaaaaaaaave envie de lui !!!!!!!!!!!!!
Je sais, jen fais beaucoup. Mais si vous laviez vu, comme moi je lai vu, ça vous aurait arraché les tripes à vous aussi.
« Salut ! » je lentends lancer sur un ton calme et assuré, mais distant.
« Salut
» je réponds, tout tremblant, les jambes en coton. Ce mec a un effet épouvantable sur moi. Ça me fait presque peur.
Une fois passé le premier choc, jen viens à me demander ce quil fait là. Ma réponse vient rapidement. Un instant plus tard, Jérém me tend la main et me balance :
« Tiens, je pense que ça cest à toi ».
Dans sa paume, mon portable.
Il mavait fallu jusquà dimanche soir pour me rendre compte que je lavais perdu. Jespérais que ce nétait pas chez lui. De toute façon je ne me voyais pas aller lui réclamer. Je métais dit que si par malchance je lavais perdu à lappart, puisquil ne voulait plus me voir, il me laurait fait passer par Thibault. En attendant, jai fait opposition ce matin. Putain de téléphone miniature qui semble fait pour être égaré, le seul argument marketing des constructeurs à cette époque étant le « toujours plus petit ».
Frisson inouï se diffusant sur toute ma peau, hérissant tous mes poils, décharge électrique puissante se propageant le long de ma colonne vertébrale, en effleurant simplement ses doigts pour le récupérer.
Je nai pas le temps de me remettre de cette émotion que déjà le bogoss me balance :
« Bye », toujours aussi distant et froid.
Et il entame le mouvement pour repartir.
Aaaaaaaahhhhh
non, pas si vite ! Certes, son « dégage ! » resonne toujours aussi douloureusement dans ma tête ; jai envie de le gifler, de le frapper, mais putain quest-ce quil est sexy, putain quest-ce que jai envie de lui
et puis, ce tatouage, je DOIS le voir en entier, jai BESOIN de le voir en entier !
Je cherche nimporte quoi pour le retenir
« Jérém
»
« Quoi ? » fait le petit con à casquette en arrêtant son mouvement.
et le seul truc qui me vient cest :
« Tu veux une bière ? ».
Je ne sais même pas sil y en a au frigo, mais je tente le tout pour le tout.
« Ça va aller, jai pas le temps
».
« Ou alors, tu veux autre chose
? » oui, je tente vraiment le tout pour le tout « sans prise de tête, je te promets
».
Jérém est en train de sourire, je crois même en train de se marrer.
Jai dû balancer ça sur un ton tellement pitoyable, jai dû me ridiculiser comme jamais.
Pourtant, ce sourire est tellement beau, tellement aveuglant, tellement Jérém, tellement comme je laime ; un sourire, un simple sourire, et je lui pardonne tout, tout, tout ; car cest un petit con, la quintessence même du petit con.
Puis, son sourire laisse la place à un regard qui est comme transperçant, avec un semblant de petit hochement de tête qui semble dire "t'as envie de moi, hein, t'as envie ?".
Il y a un truc tellement intense dans son regard, un truc perçant comme une flèche, quelque chose de sauvage et puissant comme ses coups de reins, comme sil pouvait te baiser de ce simple regard
putain de mec
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