0303 Sur Les Chapeaux De Roues.
Dimanche 6 janvier 2002, au soir.
Oui, quitter Jérém après ces jours magiques à Campan est un véritable déchirement. Les derniers instants avant de sortir de sa voiture, garée non loin de la maison de mes parents, sont les plus difficiles, les plus tristes. Les mots nous font défaut. Mais pas les regards, et lémotion quils savent véhiculer, pas le contact fébrile de nos mains, pas le bisou furtif que nous nous échangeons avant de nous quitter.
« Fais attention sur la route ! Appelle-moi quand tu arrives à Paris.
Toi aussi fais attention ! Appelle-moi quand tu es à Bordeaux.
Tu vas me manquer !
Toi aussi, Ourson ! »
Nos derniers mots sont des mots simples, les mots de ceux qui saiment.
A la maison, laccueil de Maman est tout aussi chaleureux que celui de Papa est glacial. Le repas de midi ne séternise pas. Mon père demeure silencieux et ne lève pas les yeux de son immanquable « Dépêche », le bouclier derrière lequel il essaie de cacher son mépris. Comme dhabitude, il cherche à fuir la conversation à table, tout en guettant les détails des exploits de son club de cur, le Stade Français. Maintenant que jy pense, cette préférence sportive est plutôt originale de la part dun Toulousain pure souche. Et pourtant, aussi loin que je men souvienne, je lai toujours entendu parler de ce club « fabuleux » quil allait voir jouer à chaque fois quil passait par Toulouse. Il my avait même amené une ou deux fois dans mon adolescence. Mais vu le désintérêt que je témoignais au rugby, il navait pas réitéré lexpérience. Bientôt le match Stade Toulousain vs Stade Français va avoir lieu. Et ce nest pas maintenant quil sait que je mintéresse aux rugbymen quil va me proposer de laccompagner.
Oui, Papa est un grand supporter de léquipe désormais dirigée par un personnage haut en couleurs, léquipe à lorigine dun calendrier plutôt sympathique, léquipe qui quelques années plus tard choquera le monde du rugby en exhibant fièrement des maillots roses.
Maman se charge de dissiper la mauvaise ambiance en me questionnant sur mon séjour à la montagne, en se limitant exclusivement à des sujets « politiquement corrects », comme le ski, mes révisions pour les exams, la neige, les amis du cheval.
Mais dès la fin du repas, dès que papa monte faire la sieste, elle veut tout savoir sur comment se sont passées ces retrouvailles avec le gars que jaime. Je lui raconte mon bonheur retrouvé, et mes espoirs en lavenir.
« Je suis heureuse de savoir que tout sarrange pour toi. Je naimais vraiment pas te voir abattu comme avant Noël. Javais peur que tu sois malade. Mais je suis contente de savoir que ce nétait que la maladie damour !
Tu penses que papa va arrêter un jour de me faire la tête ? » je change vite de sujet.
Je ne dirai rien à maman au sujet de cette autre chose qui me préoccupe, de cette autre maladie potentielle suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de moi, je ne peux pas.
« Laisse-lui le temps, il finira par se fatiguer dattendre que tu sois autre chose que celui que tu es. »
Il est 15 heures lorsque mon portable se met à sonner.
« Cest lui
Vas-y, réponds ! »
« Ourson !
Hey
ça fait plaisir de tentendre ! Tu es où ?
Je viens de passer Brives
Je me suis arrêté pour prendre un sandwich. Javais envie dentendre ta voix. Tu me manques !
Toi aussi !
Jaimerais tellement que tu sois avec moi !
Moi aussi, si tu savais !
Tu fais quoi ?
Je discute avec Maman.
Ne lui raconte pas tout ! il se marre.
Tinquiète
Allez, je vais continuer.
Tu mappelles quand tu arrives, ok ?
A tout, Ourson !
A tout, bisous ! »
« Cest beau dêtre amoureux, nest-ce pas, mon Lapin ? »
De Ourson à Lapin, jai limpression dêtre un drôle danimal.
« Oui, cest génial !
On nest jamais aussi heureux que quand on aime et quon se sent aimé en retour.
Cest tellement vrai.
Alors, profitez bien de ce bonheur. Cest dommage que ton père ne soit pas un peu plus ouvert desprit, ton copain aurait pu rester déjeuner.
Cest gentil, Maman.
Ça viendra un jour, je suis persuadée que ça viendra. »
Je profite de cet après- midi sur Toulouse pour rendre visite à ma cousine Elodie et à mon pote Julien. Mais au lieu de sauter dans un bus tout de suite, je prends le temps de marcher, de retrouver ma ville toujours défigurée par lexplosion dAZF. Bientôt cinq mois que la catastrophe sest produite. Toulouse, toujours Rose mais en vrac, se relève peu à peu et soigne ses blessures les unes après les autres. Il faudra du temps pour que ses cicatrices matérielles disparaissent, beaucoup de temps. Quant à celles humaines, de nombreux Toulousains les porteront dans leur chair et dans leur tête toute leur vie.
« Maintenant, quand je mets un casque, je suis obligée de régler la balance droite et gauche pour avoir un son à peu près équilibré ! » plaisante Elodie.
Elle a retrouvé une partie de son audition à loreille touchée par londe de choc de lexplosion, mais les médecins sont formels, elle ne récupèrera jamais totalement. Mais elle na pas perdu son humour et sa joie de vivre. Sa capacité à affronter les aléas de la vie et de dédramatiser me bluffe toujours.
« Alors, on a beaucoup de choses à se raconter, elle enchaîne. Depuis que tu es à Bordeaux, cest plus compliqué
Depuis que tu es une femme mariée, aussi ! je la taquine.
Pas encore, pas encore, mais bientôt ! Cest vrai que nos vies changent. Mais une chose ne changera jamais. Cest lamour que ta cousine te porte. Même si on se voit moins, rien ne change pour moi, je te retrouverai toujours comme si on sétait quittés la veille. Je peux tout entendre et je sais que je peux tout te raconter.
Si seulement cétait vrai, si seulement. Il y a des choses que je voudrais lui raconter mais que je garde pour moi de peur de la faire souffrir.
« Alors ces retrouvailles à la montagne ? » elle questionne.
« Vous avez dû niquer comme des hamsters ! » me taquine Julien, que je retrouve en fin daprès-midi dans un bar du centre-ville.
A lun et à lautre, je raconte les jours que je viens de vivre avec Jérém, son « je taime » juste avant larrivée de la nouvelle année.
ELODIE. Je suis tellement heureuse pour toi, mon cousin ?
JULIEN. Cest quil devient sentimental le rugbyman !
Et je leur raconte aussi les derniers mois avant Noël, les difficultés de notre relation à distance, notre couple « ouvert » pour mieux nous retrouver quand nous le pouvons.
ELODIE. Un couple libre ? Pas facile à gérer, ça, quand on aime
MOI. Je ne te le fais pas dire
JULIEN. Un couple libre ? Il est malin ton Jérémie. Il pourrait vendre du sable aux Touaregs et de la glace aux Esquimaux ! Avoir un PQR et des extras, cest le rêve de tout mec normalement conformé ! Moi je dis que quand un mec arrive à faire gober à sa copine ou à son copain que cest dans lintérêt du couple quil aille voir ailleurs, il mérite mon respect !
MOI. Les choses ne se posent pas vraiment dans ces termes
il couche avec des nanas pour faire comme ses potes et pour quils lui foutent la paix
ELODIE. Et toi, tu es censé faire quoi ?
JULIEN. Et toi tu attends sagement quil revienne au bercail ?
MOI. Il ne minterdit pas de voir dautres gars, mais je sais que ça le fait chier
tout comme ça me fait chier de le savoir avec une nana, ou avec un autre mec
ELODIE. Ah, parce quen plus
JULIEN.
il se tape des mecs, aussi ? Vraiment, le gars est mon héros !
MOI. On sest promis de navoir que des aventures, de nous protéger et dêtre toujours spécial lun pour lautre quand nous nous retrouvons.
ELODIE. Jimagine quen étant gay et joueur pro il doit avoir une pression de dingue.
JULIEN. Blagues à part, une relation à distance cest compliqué, il faut agrémenter ça avec un peu de fun. Être joueur pro cest prise de tête, et le sexe est une façon dévacuer le stress. Il vaut mieux quil tire son coup de temps en temps plutôt quil se mette minable avec lalcool ou la drogue, non ?
MOI. Cest clair.
ELODIE. Les mecs te font davantage peur que les nanas ?
MOI. Oui, je crois que oui. Jérém na jamais eu de sentiments pour une nana. Mais il en a pour moi. Alors, je me dis quil pourrait en avoir un jour pour un autre gars.
Ce qui me rassure cest le fait que nous nous sommes promis de nous voir plus régulièrement, à mi-chemin entre Paris et Bordeaux. De toute façon, jai décidé darrêter de me prendre la tête, et de lui lâcher les baskets.
ELODIE. Tu as raison de lui lâcher les baskets. Lâche-lui du leste, il reviendra vers toi tout seul.
JULIEN. Tu as raison de lui lâcher les baskets. Mais dis-moi, le petit veinard, tas niqué avec dautres gars depuis que tu es à Bordeaux ?
Oui
Le petit coquin ! Tu mas rien dit la dernière fois !
Je nen suis pas fier, tu sais ! »
Et là, soudain, jai envie de parler à Julien de ce qui me préoccupe.
« Il faut que je te dise un truc, Julien.
Quoi donc ?
Jai eu un souci
Quel souci ?
Jai baisé avec un gars et
la capote a cassé
Ah
ça mest déjà arrivé
Et comment ça sest passé, après ?
On a fait le test direct, et on a été vite rassurés.
Toi tes un bon gars, Julien
mais le type na pas voulu faire le test
Et pourquoi ?
Des raisons fumeuses
il est prof et il avait peur que des parents de ses élèves le reconnaissent à lhôpital
Nimporte quoi !
Oui, cest nimporte quoi. Mais en attendant, je ne sais pas à quoi men tenir. Et dans le doute, je prends des médocs pendant un mois.
Ah, le fameux traitement
Eh oui
Et tu vas devoir attendre de faire le test à 3 mois pour en avoir le cur net
Cest ça.
Ça sest passé quand ?
Il y a trois semaines
Ah, tu as encore un bon moment à attendre !
Ouais
Et tu lui as dit à ton rugbyman ?
Bien sûr ! On sest protégés à chaque fois quon a fait lamour.
Vous aviez un bon stock de capotes, alors !
Cest pas faux
Ça na pas dû être simple de le lui dire.
Non, mais il la bien pris. Il a même culpabilisé
Ce sont les risques du " métier "
Je sais, mais quand jy pense, je flippe.
Ça va aller, Nico, je suis sûr que ça va bien se passer ! »
Je suis soulagé davoir parlé à Julien. Ça ma fait du bien de me confier. Je ne sais pas pourquoi Julien plutôt quElodie, mais cest avec lui que je me suis senti à laise pour le faire.
Si je nai pas le cur à raconter cela à Elodie, cest parce que je ne veux pas linquiéter, alors quelle est toute projetée dans la préparation de son mariage.
« La date est fixée, cest le samedi 20 avril à la mairie de Blagnac. Tu noublies pas mon cousin !
Je ne pourrais jamais oublier !
De toute façon je vais tenvoyer un faire- part de mariage. Je suis tellement heureuse que tu sois mon témoin !
Moi aussi je suis content que tu maies demandé dêtre ton témoin.
Jai toujours su que ce serait toi !
Je taime ma cousine.
Je sais. Moi aussi je taime. Alors, tu viens avec ton chéri ?
Ça me paraît compliqué. Jérém sassume maintenant, mais je pense quil nen est pas encore là
Mais je ne te parle pas de venir en tant que couple, ou de le présenter comme ton petit copain. Je linvite en tant que pote
Cest super gentil de ta part. Mais ça me paraît impossible. Surtout après ce que je lui ai raconté de la réaction de Papa quand je lui ai parlé de nous
Quoi ? Jai raté un épisode de Nico & Jérém ? Tu as fait ton coming out paternel ?
Oui, jai fait ça le week-end où je suis venu à Toulouse après AZF
Jérém est venu à Toulouse pour voir son frère qui avait été blessé lui aussi. Je lui ai proposé de dormir à la maison. Il a vachement sympathisé avec Papa, surtout à cause du rugby
quand Jérém est reparti, jai eu envie de lui dire que ce nétait pas quun pote
Et ça sest mal passé
Oui, il ma mis plus bas que terre, il ma dit de me faire soigner. Je lai envoyé chier. Depuis, il ne me parle plus, il me regarde de travers.
Mais quel idiot, Tonton !
Mais je men fiche. Je ne le vois presque pas. Heureusement, Maman me soutient
Tata est géniale !
Bref, je préfère éloigner le risque de clash à ton mariage !
Ah, non, pas ça, vous vous débrouillez comme vous voulez, mais vous nallez pas me voler la vedette de cette journée avec un psychodrame familial ! elle plaisante.
Je préfère éviter
Et Jérém aussi, jen suis sûr. En plus je ne sais pas si les mariages cest vraiment son truc.
Oui, oui, je comprends tout ça, bien évidemment. Mais même sil ne vient pas, parle-lui quand même de mon invitation, ça lui montrera que tu as envie de lui faire partager ta vie, et aussi que tout le monde nest pas borné dans ta famille. »
Il est environ 20h30 lorsque mon téléphone retentit. Manque de bol, je suis encore à table. Mon père sursaute au déclenchement intempestif de la sonnerie.
« Mets ça en sourdine ! » il me lance sèchement.
Je ne prends même pas la peine de lui répondre. Après un échange de regards avec Maman, je pars répondre dans ma chambre.
« Ourson !
Tu es arrivé, Ptit loup ?
A linstant
Tu as fait bonne route ?
Oui, mais je suis naze.
Tu vas pouvoir te reposer
Oh, oui, demain jai une journée chargée !
Tu me manques Ptit loup !
Toi aussi, putain, toi aussi ! »
Ce soir-là, dans mon lit, Jérém me manque terriblement. Malgré nos promesses, je ne sais pas quand je vais le revoir. La double distance, géographique et temporelle, mangoisse. Je tourne et retourne dans mon lit. Jécoute de la musique, je lis un livre, je me branle. Le sommeil ne vient pas.
Je repense aux mots de Charlène, à la difficulté rencontrée par Jérém à Paris pour trouver sa place. A la solitude qui a été la sienne pendant les premiers mois, au choc quil a encaissé en passant du jour au lendemain du statut de joueurs admiré et populaire de Toulouse à celui du dernier arrivé qui a tout à prouver. Je narrive même pas à imaginer leffort et à lénergie qua dû lui demander le fait de tout recommencer à zéro.
Charlène a raison, Jérém est quelquun qui aime briller, être remarqué, admiré. Et ça a dû sacrement lui manquer à Paris. Je suis triste de ne savoir que maintenant quil a failli tout quitter à cause de la pression. Pour les études, je savais, mais le rugby, carrément
Jaurais voulu savoir ce qui se passait dans sa tête, jaurais voulu laider. Mais est-ce que jaurais su le faire ? Est-ce quil aurait voulu de mon aide ?
Je ne métais pas douté non plus que mon premier voyage à Paris lavait mis mal à laise vis-à-vis de ses potes. Et je comprends quen étant déjà bien sous pression, il ne voulait pas en ajouter en prenant le risque quils se doutent pour nous.
Ça me fait mal quil ne se sente toujours pas assez à laise avec moi pour me parler quand ça ne va pas. Je lui ai dit, nous en avons parlé. Mais comme le dit Charlène, Jérém ne changera pas du jour au lendemain. Jérém cest Jérém, et il a sa façon dappréhender les choses. Lui mettre la pression pour que cela change, ça ne servirait à rien. Jen ai fait lexpérience. Jérém a besoin de se sentir aimé, pas jugé. Le stress, il la chaque jour autour de lui, il remplit sa vie. Je veux lui apporter le calme dont il a besoin. Je ne veux pas lui prendre de lénergie, mais lui en donner, avec mon soutien.
On ne peut pas aider lautre jusque parce quon aime. Mais on peut écouter, et montrer quon est là.
Je dois me montrer fort. Je ne veux plus que Jérém se sente en dessous de mes attentes, je ne veux plus quil pense quil me déçoit. Je ne veux plus lui demander davantage que ce quil peut me donner, parce que je sais désormais quil me donne tout ce quil peut me donner.
Là aussi, Charlène a raison : quand on aime, on nessaie pas de changer lautre. Essayer de changer celui quon aime, cest ne pas laimer tel quil est. Cest une contradiction.
Jérém et moi nous sommes dit lessentiel, à savoir quOurson et Ptit Loup font bande à part. Alors, tout le reste, tous les autres, ça na pas vraiment dimportance. Tant quun autre Campan est à lhorizon.
« Jérém est heureux quand il est avec toi. Je pense quil se sent plus fort quand vous êtes ensemble. Grâce à toi, il sait désormais qui il est et il la accepté. Mais il nest pas habitué à se sentir aimé et ça lui fait toujours peur . »
Ces mots de Charlène tournent en boucle dans ma tête. Je laime tellement, ce petit gars !
Lundi 7 janvier 2002.
« Ah toi, ça a lair daller mieux. Moi je pense que tu as retrouvé ton Jérémie pendant les vacances ! me lance Albert, en me voyant débarquer dans la cour au sol rouge en fin de matinée tout en fredonnant lair de " Memory ".
Tu connais les classiques
» me taquine Denis.
Ça me fait plaisir de retrouver mes sympathiques propriétaires, voisins et amis. Définitivement, je ne peux rien leur cacher.
Mes examens démarrent dans deux jours et jen profite pour faire un dernier tour de révisions. Je suis rassuré de voir que je nai pas de grosses lacunes. Pendant les jours à Campan, jai bien révisé et jai limpression que jai rattrapé le retard accumulé pendant les dernières semaines avant Noël.
Il faut dire que la méthode de révision « Jérém&Nico », lassociation des connaissances au plaisir physique et sensuel, a déjà fait ses preuves pendant la préparation du bac. Mais cette première recette a été considérablement enrichie avec lajout de nouveaux ingrédients tels que les câlins, la complicité et la tendresse. Il en résulte une méthode dapprentissage à lefficacité redoutable.
En reparcourant ces notes que jai bûchées pour la première fois en faisant lamour et les câlins avec Jérém, jai à nouveau envie de faire lamour avec lui, et très envie de câlins. Je révise, je me branle, je révise, je me branle, je révise, encore et encore.
Chaque soir mon téléphone sonne et lorsque je décroche, lorsque je mentends mappeler « Ourson », cest comme une caresse à mon esprit. Chaque soir nous parlons de nos révisions et de nos exams et nous nous encourageons lun lautre. De centaines de bornes nous séparent et pourtant je ressens toujours la vibration de notre complicité, lécho du bonheur de Campan. Je suis heureux. La distance me rend toujours triste, me fait toujours peur. Mais jai envie dy croire.
Mercredi 9 janvier 2002
Cest à partir de cette date que Jérém et moi passons nos examens. Chaque soir nous faisons un point, nous nous encourageons, nous nous félicitons, nous sommes là lun pour lautre. Les miens se passent plutôt bien. Pour Jérém, cest un peu plus en dent de scie, mais ça reste satisfaisant. Il y a un loupé, mais il mexplique que ce nest pas grave, car pour les sportif aux cursus aménagés il y a toujours un rattrapage possible.
« Je voudrais avoir une tête comme la tienne.
Ne dis pas de bêtises, ta tête est très bien.
Dehors, oui
mais dedans, moins
Tu dis nimporte quoi, espèce de petit con ! » je réagis à sa réplique à la fois culottée et touchante. Une réplique de petit con, mais de petit con adorable.
« Je te voyais en cours, au lycée, tu captais au vol et moi javais du mal, ça me demandait beaucoup plus deffort que toi.
Tu es un gars intelligent. Et puis cest un exploit de mener à la fois une carrière de sportif pro et un cursus détudiant. »
Mon dernier examen a lieu le vendredi, et je ne suis pas mécontent de cette session. Le soir, au téléphone, Jérém me félicite. Il me manque tellement !
Le week-end sans lui est long, très long, chaque jour sans le voir me pèse.
Je retourne en cours dès le lundi suivant, et le rythme retrouvé de la vie universitaire maide à penser à autre chose. Le mardi, Jérém passe son dernier exam. Le beau brun mappelle entre midi et deux pour mannoncer que ça sest plutôt bien passé. Je suis content pour lui.
Le mercredi, après notre dernier cours, et alors que les filles sempressent de rentrer chez elles, Raph minvite prendre un verre. Une fois installés à une table dun bar près de la fac, il mentraîne dans une drôle de discussion.
« Jai repensé à ton speech de lautre jour
Lequel ?
Quand tu mas dit que tu étais gay
Je pense que jai été un peu vif, cétait une mauvaise période, jétais sur les nerfs. Désolé que ce soit tombé sur toi. Tu es un bon gars et je te considère comme un pote.
Tu as eu raison de me recadrer, le respect de lautre passe avant tout par le langage. On ne peut pas utiliser les mots à tort et à travers. Chaque mot a son importance et son sens.
Je pense que tu as compris désormais, je plaisante.
Ouais ! Je te remercie de mavoir fait réaliser à quel point le langage peut être homophobe sans même quon sen rende compte.
Je navais aucun doute sur le fait que tu es un garçon intelligent. Hétéro, mais intelligent, je plaisante.
Je suis un mec de gauche, alors je me dois de défendre toutes les minorités et toutes les différences. Mais je veux juste savoir un truc, ok ? il enchaîne après une petite hésitation.
Quel truc ?
Je voudrais savoir si
tu
Quoi donc ?
Est-ce que tu es attiré par moi ? » il accouche enfin.
Me voilà pris au dépourvu. Je ne mattendais pas à une question aussi directe. Je ne sais pas vraiment quoi lui répondre et à quoi il sattend comme réponse.
Comment lui expliquer que je le trouve très séduisant mais que je ne lui sauterai jamais dessus ? Car le « risque » de ce genre dexplication est double. Quil prenne mal le fait que je le trouve séduisant, ou quil prenne mal le fait que je le trouve séduisant
mais pas assez pour lui sauter dessus !
« Raph, tu es un gars très charmant, mais je te considère comme un pote, je finis par jongler.
Tant mieux, parce que je suis 100% hétéro !
Ça, javais cru comprendre, oui ! je le taquine.
Cest juste pour que les choses soient claires, je ne veux pas quil y ait dambiguïté et des non-dits entre nous.
Tinquiète, il ny en a pas. De toute façon, je ne suis pas célibataire.
Tas un mec ? il semble sétonner.
Oui !
Ici à Bordeaux ?
Non, il est à Paris.
Cest cool
enfin, cest cool que tu aies un mec, mais pas cool quil soit aussi loin
Cest vrai, la distance complique les choses. Mais nous avons passé toutes les vacances de fin dannée ensemble dans les Pyrénées.
Il sappelle comment ?
Jérémie.
Et il fait quoi dans la vie ?
Il est rugbyman pro dans un club à Paris.
Le Stade ?
Non, son petit frère, le Racing. Il débute.
Cest déjà pas mal pour débuter. Mais dis-moi, tu nas jamais essayé avec une nana ? il enchaîne sans transition.
Non, jamais.
Et ça ne ta jamais chatouillé lesprit ?
Non, parce quaussi loin que je me souvienne, jai été attiré par les mecs. Coucher avec une nana, ça ne ma jamais rien dit.
Comme moi de coucher avec un mec
Chacun ses préférences. On ne choisit pas ses goûts
Ceci étant dit, je ne sais vraiment pas ce que vous pouvez vous trouver entre mecs
un mec na pas de seins, de jolies fesses, de jolies jambes, de chatte
Je ne sais pas ce que vous trouvez aux nanas, vous les hétéros, je le prends à contrepied, une nana ça na pas de pecs, pas dabdos, pas de poils, pas de bi
Ça va, ça va, jai compris ! »
Son malaise vis-à-vis de mes mots aussi explicites que les siens me fait sourire.
Je lui raconte rapidement ma rencontre avec Jérém le premier jour du lycée, mes années passées à le désirer sans pouvoir lapprocher, les révisions pour le bac, les hauts et les bas de notre relation, les difficultés de sa nouvelle vie à Paris.
« Je préfère être hétéro, cest moins compliqué pour baiser ! » il conclut, pragmatique.
Dans le bus qui me ramène dans mon quartier, je repense à cette conversation avec Raph. Je me demande pourquoi il a eu besoin de cette mise au point. Est-ce quil a eu besoin de savoir si Monica ou Cécile étaient attirées par lui pour que leur amitié se fonde sur des bonnes bases ? Non, je ne crois pas. La tolérance ressemble trop souvent à un effort de lesprit, au mieux à une posture de « grand seigneur ». Alors quelle devrait être un réflexe inconscient, comme le fait de respirer.
En arrivant chez moi, je nai quune envie, celle de mallonger sur mon clic clac et de me taper une bonne branlette en pensant à lamour avec Jérém. Mais dès linstant où je passe le lourd portail en bois, je sais que mes plans vont être « contrariés ». Car, dans la petite cour, Denis et Albert sont en train de discuter avec
Jérém !
Ah putain, si je métais attendu à ça ! Blouson en cuir, pull à capuche, simplement mec, le bobrun est là !
« Ah, beh, le voilà ! sexclame laîné de mes propriétaires en me voyant débarquer.
Salut ! me lance le jeune rugbyman, avec son plus beau sourire.
Tu fais quoi là ? je ne trouve pas mieux à dire pour exprimer ma joie mêlée dincrédulité.
Je crois quil est venu pour moi, plaisante Albert. A croire que je peux encore faire de leffet à 80 ans ! »
Jérém se marre et il est tellement beau ! Son geste de venir me voir une nouvelle fois par surprise me touche beaucoup. Je mapproche de lui, je le prends dans mes bras. Le contact avec son corps me fait beaucoup de bien, ses bras qui menserrent me font du bien, le double contact de nos mains qui se glissent dans les cheveux de lautre mémeut. Je plonge mon visage dans le creux de son épaule et son parfum menivre. Je ne peux mempêcher de poser quelques bisous fébriles dans son cou.
« Ah, quest-ce quils sont beaux ! sexclame Albert.
Nous aussi nous avons été beaux
fait Denis.
Je me demande ce que ça fait que dêtre aussi jeune
je crois que jai oublié ce quon ressent quand on a vingt ans », fait Albert, rêveur et nostalgique.
Je relève mon cou, je prends son visage entre mes deux mains, je le regarde, fou de lui. Jai besoin de le regarder droit dans les yeux pour réaliser pleinement quil est bien là. Jai tellement envie de lembrasser, il a tellement envie de membrasser. Si nos lèvres se retiennent de se jeter les unes sur les autres, cest par pudeur. Et pourtant, lenvie dunir nos lèvres nous consume, nos regards brûlent dimpatience.
« Et maintenant, le marié peut embrasser le marié ! » se marre Albert.
Et là, dissipées par lhumour du vieil homme, nos dernières réticences sévaporent dun coup. Nous nous embrassons à pleine bouche, et ça me donne mille frissons, ça me fait un bien fou.
« Eh ben, voilà ! fait Denis, cétait pas si compliqué ! Les jeunes sont si pudiques de nos jours !
Tu es là jusquà quand ? je questionne le beau brun.
Je dois repartir demain matin, de bonne heure.
Je suis tellement content que tu sois là !
Moi aussi !
Allez, vous navez pas beaucoup de temps, les gars. Nous allons vous laisser. Profitez bien lun de lautre tant que vous êtes jeunes ! »
Une poignée de secondes plus tard, nous sommes dans mon petit studio. Son blouson en cuir a volé, son pull à capuche aussi, son t-shirt pareil. Nos torses nus saimantent, nos bras sont avides denlacer, de serrer, nos mains insatiables de chercher lautre, nos baisers intarissables. Jai terriblement envie de lui, et lui de moi, mais le besoin de nous câliner est plus fort encore que le désir sexuel. Je bande comme un âne, jai envie de le pomper à en crever, mais je narrive pas à me résoudre à casser le flux ininterrompu de nos baisers et de nos caresses.
A genoux devant lui, je le pompe avec entrain. Jai envie de lui faire plaisir, de le rendre dingue. Le beau brun est très excité. Nous oublions la capote. Comme la dernière fois. Jempoigne ses fesses, je les malaxe vigoureusement. Un mec qui rabat sa tête vers larrière, qui dirige le visage vers le ciel, qui bombe ses pecs, qui prend une profonde inspiration et qui avance son bassin, est un mec qui prend sacrement son pied. Je kiffe comme un fou et je me donne corps et âme pour me surpasser. Ses mains prennent appui sur mes épaules, les serrent fermement, son bassin envoie de bons petits coups de reins.
Son orgasme arrive au grand galop. Je sens le beau brun frissonner et pousser un long souffle de plaisir. Ses mains se crispent sur mes épaules. Des bonnes giclées lourdes et chaudes percutent mon palais et sétalent sur ma langue, son goût de jeune mâle se répand dans ma bouche.
Sans attendre, il retire sa queue dentre mes lèvres, il glisse ses mains sous mes aisselles, il me fait me relever. Il se met à genoux devant moi, défait ma braguette, descend mon jeans et mon boxer à mi-cuisse. Sa main saisit ma queue, la branle. Quelques instants plus tard, je jouis comme un fou sur son torse musclé et poilu.
Jérém sallonge sur le lit, sans même passer par la case cigarette. Je mallonge près de lui, je le prends dans mes bras, je le serre très fort contre moi.
« Quest-ce que je suis content que tu sois venu !
Dès que jai su que javais un moment de libre, jai foncé.
Quest-ce que je taime, Mr Tommasi ! »
Pour toute réponse, le beau brun se blottit un peu plus dans mes bras. Il saisit ma main, la porte à hauteur de sa bouche et pose un chapelet de bisous doux sur le revers, puis remonte le long de mon avant-bras.
Nous nous assoupissons amoureux et heureux.
Cest la nouvelle érection de mon beau brun qui vient me tirer du sommeil. Je sens son gland frotter dans ma raie, lentement, langoureusement, et ça mexcite à mort. Je bande quasi instantanément. Jai envie de lui à en crever. Jai envie de lavoir en moi, de le sentir coulisser en moi. Jai envie de me faire prendre et défoncer par mon beau Jérém. Son gland sattarde sur ma rondelle, de façon de plus en plus insistante. Je nai quune envie, celle de le laisser faire, de sentir mes chairs céder à lassaut de sa virilité, de le laisser me défoncer, de le laisser gicler au plus profond de moi. Mais je ne peux pas. Toujours pas. Cest dur de ne pas pouvoir faire lamour comme on le voudrait, mais je ne peux baisser la garde.
Le beau brun me fait pivoter sur le flanc et je me retrouve sur le ventre, sa queue bien calée entre mes fesses, son gland mettant dangereusement en joue ma rondelle. Ses mains empoignent fermement mes fesses, autrefois le signal de limminence de sa venue en moi. Jai tellement envie de lui que lidée folle dignorer le risque me traverse lesprit pendant une fraction de seconde. Mais je me ravise aussitôt, pris de panique :
« Attend, Jérém, mets une capote, sil te plaît !
Shuuuut ! Tinquiète, fais-moi confiance ! »
Et là, je sens ses mains empoigner mes fesses et les rapprocher lune de lautre, les resserrer autour de sa queue bien chaude. Ses va-et-vient commencent, et je suis fou dexcitation.
Je sais désormais quil na pas lintention de prendre le risque de venir en moi sans capote, et je réalise avec bonheur quil trouve quand même le moyen de me faire lamour. Le sentir coulisser entre mes fesses, sentir son gland frotter sur mon trou, le sentir prendre son pied de mec, tout en réalisant quil ne viendra pas en moi, voilà qui est à la fois terriblement excitant et horriblement frustrant. Je réalise que la frustration ajoute de lexcitation et de linventivité.
« Ah putain, cest bon ! je lentends ahaner, ivre de plaisir.
Oh que oui, cest bon ! »
Puis, le beau mâle brun sarrête net, ma rondelle délicieusement harcelée par sa queue dure comme lacier.
« Tas envie que je téclate le cul, hein ?
Putain quest-ce que jen ai envie ! »
Rien que le fait de lentendre énoncer cette promesse de bonheur me rend dingue. Pendant une fraction de seconde, je me dis que finalement, pour une fois on pourrait
Mais non, non, non. Ma raison reprend le dessus sur ma libido et la peur et la précaution recouvrent le contrôle de mes actes.
« Jen ai trop envie, mais
Tais-toi ! Montre-moi comment tu as envie de ma queue ! »
Je mexécute, fou de plaisir. Je serre bien mes fesses, je fais coulisser ma raie le long de sa bite.
Je le sens frissonner.
« Tu as envie que je te gicle dans ton beau petit cul
»
Je comprends que tout cela nest quun jeu, un jeu bien excitant auquel se prête Jérém, qui exorcise notre frustration et nous offre des frissons sexuels inédits. Je décide de me donner à fond dans ce jeu.
« Jai trop envie que tu me remplisses !
Vas-y, redis-moi de quoi tu as envie !
Prends-moi, défonce-moi, gicle bien au fond de mon cul ! Montre-moi qui est le mec dans ce pieu ! »
Et là, il sallonge sur moi, la queue bien calée dans ma raie. Je sens le poids de son corps, la chaleur de sa peau, je me sens dominé par sa présence virile.
« Pourquoi, tu ne sais pas qui est le mec dans ce pieu ? il me glisse si près de mon oreille que ses lèvres, sa barbe et son souffle frôlent ma peau et provoquent en moi des frissons géants.
Cest toi le mec, putain, cest toi ! je lui balance, fou de lui.
Tu veux me vider les couilles, hein ? »
Ah putain, si en plus il me prend par les « sentiments » !
« Oh que oui, je ne demande que ça, beau mec ! »
Et là, je sens le beau brun se relever. Une grosse goutte de salive tombe dans ma raie. Je sens ses mains resserrer un peu plus mes fesses autour de sa queue. Ses va-et-vient sont lents mais implacables. Tout ce que jaime. Il ne faut pas vraiment longtemps pour entendre mon Jérém pousser un grand soupir de bonheur, pour sentir ses jets chauds taper sur ma rondelle, glisser dans ma raie, voler sur mes reins. Un instant plus tard, ses doigts sinsinuent dans mon trou et poussent son jus en moi.
Faire lamour avec le gars que jaime est un bonheur inouï. Mais il y a des choses que jaime tout autant partager avec lui. Des choses simples, comme un repas au restaurant, ce que nous faisons ce soir-là, ou une nuit dans ses bras, ce que nous faisons cette nuit-là. Ou le café du matin, ce que nous faisons avant de nous quitter alors que le jour nest pas encore levé.
Les semaines suivant la venue de Jérém à Bordeaux, sont le récit dun bonheur ininterrompu. Je suis comme sur un petit nuage. Mes journées sont ponctuées par les cours, par les discussions avec mes camarades, par les dîners partagés avec mes proprios, et par les coups de fil de Jérém. Je sens quil est heureux de me retrouver chaque soir dailleurs cest lui désormais qui mappelle le plus souvent quil a envie de me raconter ses journées, mais aussi de savoir ce que je fais des miennes. Je le trouve détendu, bien dans ses baskets. Et ça me fait un plaisir fou dentendre que ses progrès sportifs sont appréciés, quil est de mieux en mieux intégré dans léquipe. Ses efforts paient, et son amitié avec Ulysse aussi.
Je suis porté par le sentiment que ma relation avec le beau brun est définitivement en bonne voie, par la sensation que plus rien ne pourra nous séparer. Je suis heureux.
20 janvier 2002
Jai terminé mon traitement trois jours plus tôt et je me suis empressé de refaire le test. Aujourdhui, je viens chercher les résultats au centre de dépistage. Jai le cur qui tape de plus en plus fort au fur et à mesure que je mapproche du guichet. Lattente est assommante. Lorsque je tiens lenveloppe dans ma main, je nose pas louvrir pendant de longs instants. Et si ? Quest-ce que je vais faire
si ?
Contrairement à ce qui se passe dans presque tous les autres domaines, un résultat négatif pour un dépistage est en général une bonne nouvelle. Et je suis négatif partout, le HIV et toutes les MST possibles et imaginables. Cest une petite victoire qui me permet de reprendre mon souffle. Du moins une partie. Car ce nest quune petite bataille que je viens de gagner, et il reste encore à gagner la guerre. Et ça ne se jouera que dans deux mois.
Jai hâte de revoir Jérém, hâte de le serrer contre moi. Les jours saccumulent, les semaines aussi. Il me manque de plus en plus, jai envie de monter à Paris. Mais il na jamais envisagé cette possibilité. Jattends quil me dise quand il est disponible pour nous voir quelque part entre Paris et Bordeaux. Il me tarde ! Mais je dois être patient et confiant, je dois rester positif.
La première fois où Jérém ma proposé de le rejoindre pour passer la nuit ensemble dans un hôtel à mi-chemin entre Paris et Bordeaux, ça ma rendu heureux comme un gosse à Noël. Son coup de fil est tombé le dimanche soir, à 22 heures.
Le bobrun mannonce quil pourra se libérer assez tôt le mardi après-midi, et que le mercredi ses entraînements ne commenceront quen milieu de matinée. Cest loccasion rêvée.
En raccrochant, je réalise que la Saint-Valentin approche et que nous allons la rater de très peu. Mon côté romantique dit : quel dommage ! Mon manque dassurance dit : est-ce que je devrais marquer le coup ? Mon côté réaliste semble trancher : ça ferait peut- être trop pour Jérém, il nest pas du genre à donner une quelconque importance à ce genre de truc. Je finis par me dire que nous navons pas besoin de ça pour nous montrer notre amour.
En attendant, le lundi après mes cours je ne peux mempêcher dacheter un petit cadeau pour marquer le coup. Je passe ma soirée à le « personnaliser ». Je ne sais pas si je vais oser le lui donner, mais lorsque je le glisse dans mon sac de voyage, je suis heureux.
Mardi 12 février 2002.
Ces retrouvailles tombent en plein milieu de la semaine. Evidemment, je sèche mes cours de laprès-midi pour aller le rejoindre. Ce nest pas sérieux, mais cest inévitable. La route qui mamène vers le garçon que jaime me paraît être un escalier vers le Paradis.
Jérém a réservé un hôtel à Poitiers, à proximité du Futuroscope. Lorsque je rentre dans le parking de létablissement, le beau brun est là, lépaule nonchalamment appuyée au mur à côté de lentrée, une main dans la poche du pantalon, l'autre tenant sa cigarette, le blouson de cuir ouvert, une belle chemise bleue entrouverte sur un t-shirt blanc sexy à mort. Et par-dessus le coton immaculé, sa chaînette de mec négligemment posée.
Lorsquil me voit, un grand sourire ravageur illumine instantanément son visage. Quest-ce que je suis content de le retrouver, putain ! Et quest-ce que cest beau de ressentir cette impression, ou plutôt une certitude, quil est tout aussi heureux de me voir ! Là encore, je suis sur un nuage. Le retrouver dans ce nouveau décor me réjouit. Car cest une nouvelle terre vierge, un territoire hors de tout, comme Campan, un endroit où nous ne connaissons personne et où nous pouvons vivre discrètement et un peu plus librement notre amour.
Je lui souris à mon tour, et je mempresse de le rejoindre.
« Salut mec ! il me lance sur un ton enjoué.
Salut ptit Loup ! Tu as fait bon voyage ?
Pas mal, pas mal
je te raconterai ça
»
Je pressens au ton de sa voix, à son regard, à son attitude que ce nest pas de bavarder dont il a envie là, tout de suite. Je sais quil a envie de moi. Et moi jai envie de lui. Lattente a assez duré.
Nous traversons le parking et la traînée de parfum de bogoss que Jérém laisse derrière lui massomme. Nous franchissons la porte de lhôtel et nous nous dirigeons vers la réception. La première chose qui capte mon attention est le regard du réceptionniste. Un regard qui se révèle à chaque pas davantage pétillant, pénétrant, charmeur, sexy.
Le mec, dans les 25 ans je dirais, arbore de beaux cheveux bruns sculptés dans un bon brushing de bogoss, ainsi quune barbe de quelques jours, bien taillée, aux bords bien nets. Ses yeux, qui de loin mavaient semblé plutôt sombres, sont en réalité dun beau gris éclatant, mais entourés de cils bruns, ce qui donne une profondeur et un charme terribles à son regard.
Jonas, comme lindique le badge collé à sa chemise blanche quil porte avec un style certain, nous salue de façon sonore et accueillante.
« Bonsoir, Messieurs !
Jai réservé une chambre au nom de Tommasi », lance Jérém.
Le gars consulte son registre, puis il regarde Jérém droit dans les yeux et lui balance :
« Je crois quil y a un problème
Je ne trouve pas votre réservation
Mais jai réservé !
Je ne trouve pas de chambre à votre nom
il persiste.
Vous navez quà nous en donner une autre !
Le fait est que nous sommes complets ce soir
Quoi ? fait Jérém, regardez mieux !
Je ne fais que ça, regarder, mais je ne vois pas de Mr Tommasi
Cest vrai, ça ? commence à chauffer le beau brun.
Non, en vrai, je vous fais marcher, fait Jonas en lâchant un sourire fripon.
Je préfère, fait Jérém en se décrispant.
Ça, ça marche à tous les coups ! » se moque le réceptionniste .
Je le trouve sympa. Jonas a un visage très expressif, avec une mimique très variée, ponctuée de petits sourires, de plissement des yeux, de regards franchement charmeurs. Il dégage une bonne humeur solaire et communicative. Son sourire léger, sa voix sonore, son aisance sont pleins de charme.
Pendant quil remplit les papiers de séjour, jai limpression quil mate mon Jérém du coin de lil. Et je suis presque certain quil me mate moi aussi. Ce qui provoque un moi un certain malaise.
« Blagues à part, je crois quil y a une erreur, il ajoute tout en nous rendant les pièces didentité.
Quoi encore ? Une autre bêtise ?
Non, ça cest vrai, pour le coup. On vous a attribué un grand lit à la place de deux lits individuels
On sen bat les
on sen fout de ça, fait Jérém.
Alors au temps pour moi, fait Jonas en plissant les yeux dune façon très malicieuse, je vous souhaite un agréable séjour Messieurs.
Merci ! fait Jérém machinalement.
Vous prendrez le dîner dans notre restaurant ou bien vous allez sortir ?
Je ne sais pas, on verra.
Daccord. A plus tard peut-être
» fait le beau réceptionniste en nous tendant les clés et les pièces didentité.
Une minute plus tard, nous sommes dans notre chambre au premier étage. Le beau brun me colle contre le mur, membrasse fougueusement. Puis il att mon visage, il me fixe à quelques centimètres à peine de mon visage. Et dans son regard je retrouve une étincelle sensuelle, coquine, mélangée à une tendresse infinie. La fougue et la douceur. Voilà une alchimie virile qui me fait fondre.
Je soutiens son regard pendant un court instant, un instant chargé d'un érotisme et dune sensualité insoutenables. Car son regard brun me déshabille et me caresse, tout à la fois. Sa façon de passer le bout de sa langue entre les dents, cest sexy à crever. Happé par ses yeux qui brillent, qui brûlent de désir, jai comme l'impression, excitante et grisante, de l'avoir déjà dans la bouche. Putain de mec !
Son blouson vole, sa chemise tombe. Seule reste devant mes yeux la beauté simple et étourdissante de ce t-shirt blanc tendu sur sa plastique, épousant ses pecs, redessinant le V de son torse, moulant ses biceps, offrant un délicieux contraste avec la couleur mate de sa peau, avec ses tatouages, le brassard juste en dessous de la manchette, et celui qui part du biceps, glisse sur son épaule, disparaît sous le coton blanc, réapparaît à la base de son cou, remonte jusquà son oreille.
Je m'approche de lui, je le serre contre moi, je lembrasse, je passe et repasse fébrilement mes doigts dans ses cheveux courts, je mattarde à caresser cette petite zone très érogène entre le haut de son cou et la base de sa nuque.
Je recouvre son cou, et notamment la petite région autour de son grain de beauté, de bisous tendres et sensuels, tout en inspirant avidement l'odeur de sa peau, en enivrant mes mains du contact avec son visage et sa barbe de trois jours.
Par-dessus le tissu fin et doux, je tâte ses biceps, je caresse ses pecs qui semblent se bomber au fil des entraînements, jagace ses tétons qui pointent délicieusement, je les mordille. Je sens sa respiration saccélérer.
Je glisse mes mains sous le t-shirt, je lis les lignes de ses abdos, je le sens frissonner à chaque caresse. Mes doigts fébriles sattaquent à sa ceinture, la dégrafent, puis à sa braguette, la défont bouton par bouton, lentement, le dos de mes doigts effleurant le coton doux et chaud de son boxer, détectant au passage la puissance de son érection.
Jérém att mon pull, puis mon t-shirt, moblige à les quitter. Ses lèvres et sa langue avides sattaquent à mes tétons. Ses doigts défont ma braguette à leur tour. Sa main se glisse dans mon boxer, att ma queue, me branle. Cest indiciblement bon.
Une minute plus tard, je suis à genoux, en train de le pomper. Et le beau brun surexcité finit par remplir ma bouche de bonnes giclées chaudes, denses, et de ce goût délicieux de jeune mâle que je connais si bien.
Jérém me fait mallonger sur le lit, puis se glisse contre moi. Et là, tout en bouffant à pleine bouche mon téton le plus à sa portée, il me branle. Mon orgasme ne tarde pas à venir, et il sexprime avec de longues traînées atterrissant sur mon torse.
Et là, à ma grande surprise, le beau brun vient se glisser sur moi.
« Fais gaffe ! Tu vas en avoir partout !
Men branle
»
Jérém est fatigué de ses entraînements du matin. Ainsi, nous descendons dîner au resto de lhôtel. Pour rejoindre la salle, nous sommes obligés de repasser devant la réception.
« Bon appétit Messieurs ! » nous lance promptement le charmant Jonas. Je me tourne vers lui pour le remercier et je capte son regard, un regard discret mais presque caressant.
Il en est de même lorsque nous faisons le parcours inverse, de la salle de resto à la chambre. Nouveau passage devant la réception, devant Jonas, et devant son regard souriant, charmeur, pénétrant.
« Bonne soirée Messieurs ! il nous lance sur un ton cordial et pourtant presque taquin.
Jai limpression quil nous drague. Et, pour étonnant que cela puisse me paraître, jai surtout limpression quil me drague. Je ne peux pas ne pas me sentir flatté par le fait dattirer lattention dun si beau garçon. Affirmer le contraire, ce serait mentir. Mais en même temps, je suis gêné que cela se produise là et maintenant, alors que je suis si heureux avec Jérém. En mon for intérieur, depuis le « je taime » de Jérém, je suis le garçon le plus comblé qui soit. Je nai aucune envie daller voir ailleurs. Certes, je sais que nous nous sommes promis la fidélité des curs, mais pas celle des corps. Et pourtant je sais que lun comme lautre préférons « ne pas savoir » ce qui se passe « à côté » quand nous sommes loin.
Mais là, cest différent. Ça ma toujours fait chier que Jérém se fasse mater sous mes yeux. Ça ma excité, certes, mais ça ma bien fait chier. Et ça na pas changé, ça me ferait toujours autant chier. Et je sais quil en est de même pour lui. Je connais bien sa jalousie. Je le regarde tracer vers lescalier et je suis étonné par son calme. Na-t-il donc rien capté ?
La réponse à ma question ne tarde pas à venir. Je viens tout juste de fermer la porte de la chambre derrière nous, lorsque le bobrun se lâche :
« Il est rélou ce type !
Quoi ? je tente de temporiser pour chercher comment le rassurer.
Le type à la réception
il narrête pas de mater !
Tu es bogoss
Mais cest toi quil mate !
Je crois quil nous mate tous les deux
Non, cest toi quil mate, je te dis ! »
Visiblement Jérém est jaloux. Mais de quoi est-il jaloux ? Du fait que je me fasse mater, ou du fait que jaie une touche
à sa place ?
« Mais il peut mater autant quil veut, tu es beaucoup plus beau que lui. Et puis, tu es mon Jérém à moi. Et ça, cest unique ! » je tente de le rassurer sur tous les tableaux.
Ça semble marcher, car le beau brun me claque un long bisou en guise de réponse.
« Et puis, cest de toi dont jai envie. Tu peux pas savoir à quel point
Ah oui ??? il fait, le coquin.
Si tu savais
Je ne sais pas, il me cherche.
Tu veux que je te montre ?
Oui, ce serait bien dêtre plus clair à ce sujet
» il lâche, la voix basse, sensuelle, tout en commençant de déboutonner lentement les boutons de sa chemise.
Les deux pans de tissu bleu nuit se rouvrent peu à peu sur le paysage de coton immaculé. Il défait sa ceinture, sa braguette, dévoile un triangle de tissu du boxer, tendu par lérection. Je suis fou de lui.
Pendant que nos langues saffrontent dans un duel des plus excitants, je laisse ma main droite glisser vers son entrejambe. Son érection est puissante, conquérante.
Je soulève son t-shirt, jembrasse langoureusement ses abdos, je suis happé par le bouquet olfactif tiède, viril et délicieux qui se dégage de sa peau mate et doù jarrive à distinguer la fragrance de son gel douche, de son parfum. Mais aussi et surtout, les petites odeurs naturelles de sa peau.
Sa queue na pas encore été libérée de sa prison de coton, mais jai limpression de sentir lodeur de son érection séchapper de son boxer. J'adore l'odeur entêtante de sa queue en pleine érection. J'adore le goût quand je la pompe. Et ce qui me fait carrément chavirer, cest darriver parfois à lexciter au point de faire suinter ce petit jus de mâle qui accompagne son excitation violente et ravit mes papilles.
Et son souffle de pleine satisfaction à lexplosion de son orgasme, lorsque ses giclées puissantes et chaudes fusent dans ma bouche, ravit mon être tout entier. Quest-ce que jaime lui faire plaisir !
Nous allumons la télé, nous la regardons distraitement, en nous faisant des papouilles. Mon beau Jérém finit par tomber très vite dans les bras de Morphée. Jéteins la lumière et la télé, je me colle contre lui, et je massoupis aussi.
Je me réveille dans la nuit, seul dans le lit. Mais où est donc passé Jérém ? Je le retrouve aussitôt, dans la pénombre, à proximité de la fenêtre, en train de fumer. Le t-shirt blanc tendu sur son torse capte et renvoie la faible luminosité de la pièce venant de la fenêtre entrebâillée. Une odeur intense de tarpé envahit la pièce.
« Tu dors pas ? je le questionne
Javais envie de fumer. Je tai réveillé ?
Oui, mais cest pas grave.
Jai fait du bruit ?
Je crois que cest le fait de ne plus te sentir à côté de moi qui ma réveillé
je dors tellement bien quand je suis avec toi ! »
Le bobrun écrase son mégot, expire une dernière volute de fumée et referme la fenêtre. Puis, il ôte son t-shirt et vient me rejoindre au lit. Il se glisse sur moi, il membrasse sensuellement. Sa douceur me fait fondre. Le contact avec son corps me fait bander sur le champ. Jai à nouveau envie de lui et je sais quil a encore envie de moi. Je sens son érection contre la mienne. Lintense bouquet olfactif qui se dégage de sa peau mate fraîchement dénudée me rend dingue.
Ses doigts relèvent mon t-shirt, puis défont ma braguette, font glisser mon boxer le long de mes cuisses. Ses lèvres bouffent fébrilement mes tétons, puis descendent vers mon nombril, caressent mes boules, remontent le long de ma queue, et
lavalent. Ça se passe comme dans un éclair, mon excitation et ma surprise montent si vite que je nai pas la présence desprit de mopposer à sa fougue. Jérém entreprend de me pomper. Je bande à bloc, et cest terriblement bon. Mais je ne suis pas à laise, pas du tout.
« Jérém ! Jérém ! Jérém ! Passe une capote ! »
Mais le bobrun ignore mes sollicitations et continue de me pomper. Cest bon, terriblement bon, terriblement excitant, malgré linterdit, ou justement à cause de linterdit. Le plaisir vrille peu à peu ma volonté, létouffe jusquà la faire disparaître. Le plaisir prend très vite le contrôle de mon corps et de mon esprit. Plus il me pompe, plus jai envie de jouir dans sa bouche. Jérém y va avec une telle ardeur que je me sens très vite happé par le précipice de lorgasme.
Dans un dernier sursaut de volonté, je fais tout mon possible pour me retenir. Mais je sens que je ne vais pas pouvoir tenir longtemps.
« Jérém, arrête, sil te plaît arrête ! je le somme, la queue en feu, tout en posant mes mains sur ses épaules musclées et en essayant de léloigner de ma queue de toutes mes forces.
Ne fais pas ça, fais-moi lamour ! »
Et là, le bogoss se relève, il att une capote dans son sac de voyage. Je me relève aussi, je lui prends le petit emballage des mains, je le déchire, je pose le préservatif sur son gland et je le déroule lentement sur son manche bien raide. Je le branle un peu, je lexcite. Jérém membrasse.
Quelques instants plus tard, il vient en moi, lentement, sans me lâcher du regard, moffrant tout le bonheur dassister au spectacle magnifique de son désir pour moi. La pénombre qui enveloppe nos corps et nos gestes apporte quelque chose de magique à cet acte damour. La communion de nos esprits, la connexion de nos êtres est parfaite.
Les ondulations de son corps sont douces et sensuelles, ses va-et-vient lents et langoureux. Le bogoss sallonge sur moi, le visage enfoui dans le creux de mon épaule. Jécoute sa respiration, ses ahanements de bonheur, sa déglutition, les battements de son cur. Je menivre de lodeur douce et tiède de sa peau. Je vibre au rythme des frottements de nos corps excités à bloc, mais encore plus amoureux quexcités. Je dérive dans ce bonheur de la donation réciproque du plaisir qui est le pendant de lamour .
Jérém me fait lamour, en silence. Cette nuit il na pas besoin de savoir quel effet me fait sa queue, si je prends mon pied, si je jouis, si je kiffe ses assauts virils, si je sais qui est le mec dans ce lit. Cette nuit, notre complicité est plus forte et intense que tous les jeux de domination et soumission auxquels nous avons pu, et nous pouvons nous livrer à dautres moments.
Puis, soudain, je sens son corps se crisper, ses va-et-vient sespacer, se faire plus appuyés, ses lèvres se resserrer sur ma peau, sa bouche pousser un grand souffle de délivrance.
Le bonheur de sentir jouir le gars que jaime, combiné aux frottements de ses abdos sur mon gland me fait très vite perdre pied à mon tour.
Jérém sabandonne sur moi, assommé de plaisir. Nous échangeons quelques bisous et nous pivotons sur un flanc. Et nous rendormons dans les bras lun de lautre.
Le lendemain matin, une surprise de taille nous attend au réveil. Une épaisse couche neigeuse sest déposée dans la nuit, et ça continue de tomber dru.
« Putain ! Comment je vais faire ? jentends Jérém pester.
Tu vas pas prendre la route avec ce temps !
Mais jai promis au coach que je serai à lentraînement ce matin !
Mais il neige à bloc ! Il peut bien entendre ça !
Je nétais pas censé quitter Paris !
Tu fais ce que tu veux dans tes jours de repos, non ?
Il va me défoncer
Allez, il ny a pas mort dhomme. Appelle-le et explique-lui.
De toute façon, je nai pas le choix ! »
Le bobrun sassoit sur le bord du lit et passe donc un coup de fil pour prévenir quil ne peut prendre la route dans limmédiat et quil ne pourra dont pas être présent à lentraînement. Je regarde son dos solide, ses cheveux bruns. Je lécoute parler, se justifier. Je capte vite quil nen mène pas large, car à lautre bout du fil on lui met la pression. Je le sens mal à laise, contrarié, frustré.
Après avoir raccroché, Jérém demeure un long moment sans bouger, assis sur le bord du lit, le téléphone entre les mains, le regard dans le vide, muet, comme un gosse qui vient de se faire gronder. Et je le trouve terriblement touchant.
« Alors ? je finis par linterroger.
Ça me casse les couilles !
Qui, lentraîneur ?
Lentraîneur, la neige
»
Je mapproche de lui, je le serre dans mes bras, je pose des bisous dans son cou, sur sa joue. Le bobrun est toujours crispé, mais ses lèvres finissent par se laisser aimanter par les miennes.
« Allez, je vais prendre une douche ! » il me lance.
Une poignée de minutes plus tard, il revient de la salle de bain, complètement à poil, tout pecs, abdos et queue dehors, promenant sa virilité et sa jeunesse avec un naturel désarmant. Cest tellement beau la nudité masculine et laisance avec laquelle mon beau brun sait la porter !
J'adore capter la fraîcheur du bouquet olfactif qui se dégage de sa peau à la sortie de la douche. Quelle soit portée par les notes enivrantes dun gel douche de petit con, ou bien par la douce sensualité dun savon neutre qui laisse sexprimer lodeur naturelle de sa peau, son odeur naturelle, cette fraîcheur du matin me rend complètement dingue.
Je le regarde passer un t-shirt gris, un boxer et des chaussettes propres, son jeans, ses baskets. A chacun des mouvements de ses avant-bras ses biceps se gonflent et sollicitent les manchettes, mettent en valeur ses beaux tatouages. Je le regarde se mettre debout, boucler sa braguette, puis sa ceinture, laisser retomber le t-shirt par-dessus. Regarder un beau mec se rhabiller après une nuit damour, repu de plaisir, est presque aussi excitant que de le voir se dessaper en pleine excitation. Le bogoss complète sa tenue en passant sa belle chemise bleue par-dessus le t-shirt, et en la laissant complètement et nonchalamment ouverte. Sexy à mort. Et adorable.
« Quest-ce quil y a ? il me demande, en captant mon regard subjugué.
Quest-ce que je taime ! je lui lance simplement, comme une évidence.
Allez, file te doucher ! » il me lance du tac au tac, le ton railleur, mais lair flatté.
A la réception, la place du très charmant Jonas est désormais prise par Solène, une nana blonde et un peu enrobée, mais très souriante. Elle nous explique que nous pouvons garder notre chambre jusquà 17 heures, mais quil faudra régler une nuit supplémentaire si nous ne pouvons pas repartir dici-là. Je sens Jérém un tantinet tendu.
A travers les grande baies vitrées de la salle du petit déj, je regarde la neige tomber sans discontinuer.
« Jamais on va pouvoir partir dici ! » il lance, son regard inquiet faisant des allers-retours incessants entre les voitures couvertes de poudreuse sur le parking de lhôtel et le reportage sur lépisode neigeux qui sest abattu sur une partie du pays qui est en train de défiler à la télé en face de nous.
Je nose pas lui dire que cette neige me met vraiment de bonne humeur, car elle moffre un bonus de temps en sa compagnie. Aussi, elle me rappelle celle de Campan, le jour de lan lorsque nous étions bloqués à la petite maison dans la montagne, le premier « Je taime » de Jérém après avoir fait lamour. La neige me rappelle ce bonheur.
« Mais si, ça va bien sarrêter à un moment
» je tente de le rassurer.
Mais mes mots ne semblent pas apaiser ses soucis. Je le trouve tellement touchant quand il est contrarié. Jai tellement envie de le prendre dans mes bras, et de le couvrir de bisous. Lorsque nous serons à nouveau seuls dans la chambre, je vais le prendre dans mes bras et le couvrir de bisous.
En attendant, je profite du petit déjeuner . Un bon petit déjeuner à lhôtel est une bonne façon de commencer la journée. Car un petit déjeuner à lhôtel est dabord un petit déjeuner quon na pas besoin de préparer et qui, de ce simple fait, ouvre lappétit. Et a fortiori quand il soffre à moi étalé sur une longue table de buffet, copieux, à volonté, plein de promesses gustatives - viennoiserie, jus de fruit, café, cappuccino, pain grillé, confiture, salade de fruits comme une rafale de caresses. Dune certaine façon, et toutes proportions gardées, ce petit déjeuner me rappelle ceux que me préparait Maman quand jallais au lycée. Tout était prêt, je navais quà me servir. Ça a bien changé depuis que je suis à Bordeaux.
Le lycée, tiens, cétait mon quotidien encore il y a quelques mois, et pourtant ça me paraît déjà si loin. La rue de la Colombette aussi, ça me paraît très loin. Je repense à tous ces années de lycée où Jérém me semblait complètement hors de ma portée, à cette peur qui ma habité pendant des mois en terminale, et même encore pendant nos révisions, celle de ne plus jamais le revoir après le bac. Lorsque je repense à ces angoisses, tout en regardant mon beau brun là, devant moi, en train davaler son petit déjeuner après une nuit damour dans une chambre dhôtel, je ressens une sorte de délicieux vertige.
Oui, un bon petit déjeuner est une excellente façon de commencer la journée. Quant à un bon petit déjeuner à lhôtel, en compagnie de la personne quon aime, sans avoir à se presser de repartir chacun de son côté parce que les éléments en ont décidé ainsi, cest juste le bonheur absolu.
Pendant que Jérém fume une cigarette sous lavancée de toit devant lentrée de lhôtel, je retourne dans notre chambre. Jallume la télé et je tombe sur une rediffusion dune série qui a marqué mon adolescence. Voilà une autre bonne façon de bien commencer cette journée.
Jérém revient quelques minutes plus tard, alors que je rigole comme un bossu devant le sketch de Niles se faisant passer par Maxwell et demandant à C.C. de caqueter comme une poule pour lexciter .
« On tentend rigoler depuis le fond du couloir ! il me lance, le regard sombre.
Viens regarder avec moi, tu vas rigoler aussi ! »
Lépisode se termine et un autre démarre dans la foulée. Jadore ce type dhumour, je ne peux retenir mes fous rires. Quant à Jérém, dabord plutôt crispé, il finit lui aussi par éclater de rire devant un gag particulièrement hilarant centré sur Miss Fine, Sylvia et grand-mère Yetta. Je crois que cest la première fois que je lentends rire aussi franchement, la première fois que jentends son rire éclater, sans retenue. Et cest tellement beau, ça me touche tellement.
« Cest drôle, hein ?
Cest très con !
Mais très drôle quand même !
Ouais, javoue ! »
Je ne peux résister à lenvie de lui claquer un bisou. Nous continuons de regarder, et de rigoler ensemble. Rigoler ensemble, cest rigoler beaucoup plus. Quest-ce que jaime partager ce moment avec Jérém. Cest tellement bon de passer du temps avec lui. Chaque heure, chaque minute, chaque instant est un cadeau arraché au temps.
A 10 heures, à la faveur dune page de pub, je pars nous chercher des cafés. A 11 heures, à la faveur dune érection soudaine, nous repartons sous la couette et nous refaisons lamour.
Lorsque nous redescendons au resto pour prendre notre déjeuner, la neige sest arrêtée de tomber. La nana à la réception nous prévient que lautoroute est désormais dégagée et que le parking de lhôtel va lêtre incessamment sous peu. La petite parenthèse enchantée va prendre fin. Quel dommage, jaurais tellement aimé passer encore une nuit dans les bras de mon Jérém.
Pendant le déjeuner, je lui demande de me parler de la façon dont ça se passe dans léquipe. Le beau rugbyman mexplique que côté sportif ça se passe plutôt bien pour lui, que sa mise à niveau est bien avancée et il quil a trouvé ses marques dans le schéma de jeu de léquipe. Ce qui le tracasse, ce sont les difficultés de léquipe à gagner des matchs et des points.
« Si ça continue comme ça, on risque la relégation en Fédérale la saison prochaine ! Il faut vraiment mettre les bouchées doubles pour les derniers matchs ! »
Après le café, nous remontons dans la chambre. Il est 14 heures, Jérém mannonce quil va prendre la route pour rentrer à Paris.
« Déjà ? je ne peux me retenir de lui lancer, alors que je métais imaginé que nous passerions au moins une partie de laprès-midi ensemble.
Je ne veux pas me laisser rattr par la nuit, surtout si ça se remet à neiger
Je comprends
Et on se revoit quand, petit Loup ?
Je ne sais pas
Je risque dêtre moins dispo dici la fin de la saison
Moins dispo comment ?
Je ne sais pas encore, mais je risque de ne pas avoir trop de jours de repos, et quand jen aurai, il faudra vraiment que je me repose
si je ne suis pas au top, lentraîneur ne me rate pas. Et puis il y a les cours aussi
Cest vrai que tu es bien chargé. Mais alors, ça veut dire quon va pas se voir au mieux jusquà la fin du championnat ?
Je ne sais pas, je ne peux rien te promettre.
Et ça se finit quand le championnat ?
Mi-mai
Mais cest dans trois mois ! Je pourrais venir te voir à Paris, non ?
Peut-être, mais pas à lappart
Et où alors ?
On essaiera lhôtel
Pourquoi lhôtel ?
Parce quà lappart, ça va être galère
Tu as peur que tes potes débarquent à lappart ?
Ça peut arriver. Je préfère ne pas prendre le risque. Sils débarquent et quils te voient, ils vont ment se poser des questions. Il suffit quils simaginent des trucs pour quils me fassent la misère. Et sils commencent à lancer des ragots, cest fichu pour moi. Je peux rentrer à Toulouse direct.
Tu crois quils te feraient chier, un bon joueur comme toi, juste parce que tu es
Oh que oui. Tu peux pas imaginer ce que jentends dans les vestiaires, Nico. Il y a tant de haine pour les gars comme nous, tu ne peux pas savoir. Si ça se sait, ma carrière est foutue. Il vaudrait encore mieux que je me casse une jambe
Il vaudrait encore mieux que je tue mon père et ma mère
Mais tu nexagères pas un peu ? Ulysse te soutient et
Ulysse maide à garder les apparences
mais si la vérité se sait, il ne pourra rien pour moi
Dautant plus que lannée prochaine il ne sera certainement plus au Racing
Il veut partir ?
Oui, il a eu une proposition au Stade. Pour linstant ce nest pas signé, mais ça ne va pas tarder.
Le Stade Toulousain ?
Non, le Stade Français !
Il va rester à Paris, alors
Oui, mais on ne va plus se voir comme maintenant. »
Les mots de Jérém mont un peu secoué.
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