Un Si Gentil Petit Couple.

Face à un adultère chacun réagit à sa façon, séparation, pardon ou vengeance ? Parfois, certains choisissent des solutions beaucoup plus radicales.
Une discussion fort intéressante avec Jacques le québécois m’a donné l’idée d’écrire cette histoire en m’inspirant d’un film que vous reconnaîtrez peut-être. Je vous laisse deviner lequel.

Recommandation d’usage : Ce récit est une pure fiction, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé, me ferait doucement rigoler.

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Jean attendait son tour à la caisse du Monoprix, enfin du Monop. Le couple devant lui cherchait ses bons de réduction sans se soucier de la queue qui s’allongeait, ni de l’impatience des autres clients. Jeanne attendait tranquillement à sa caisse sans rien oser dire, le client est roi. Jean n’était pas pressé, mais il n’aimait pas attendre. Leurs yeux se sont croisés.

En payant, lorsqu’elle lui a tendu le ticket de caisse, leurs doigts se sont touchés, pas grand-chose, juste effleurés, mais ils ont relevé la tête ensemble, se sont souri, gênés.

Les jours qui suivirent, en faisant ses courses, Jean cherchait toujours la caisse où Jeanne travaillait, sans se préoccuper de la longueur de la file d’attente. Au contraire, il bénissait les caddies bien remplis qui lui permettaient de la dévisager à loisir. Jeanne n’était pas dupe de son petit manège, elle le voyait arriver de loin, heureuse qu’il choisisse sa caisse une fois de plus. Elle attendait le moment de lui dire quelques mots, et s’attardait en lui tendant ses tickets.

C’est tout naturellement qu’elle a accepté de déjeuner avec lui, une fois, deux fois. Ils sont allés un soir ensemble au cinéma. Il lui a pris la main. Elle a posé sa tête sur son épaule. Ils se sont embrassés devant chez elle quand il l’a raccompagnée. Quelques jours plus tard, elle l’a invité à monter boire un verre. Il s’est réveillé dans son lit le lendemain matin.



A peine trente ans tous les deux, avec peu d’expérience de l’autre sexe, mais avec l’envie de rester ensemble, de ne plus se quitter. Ils s’aimaient. Il l’a demandé en mariage, elle a dit oui, pourquoi attendre. Un beau mariage avec toute la famille, tous les amis. Classique, Jean a emmené Jeanne à Venise en voyage de noces, un beau souvenir pour leurs vieux jours.

Ils connurent le bonheur de vivre en couple, de coucher ensemble, de dormir ensemble, de manger ensemble, de sortir ensemble, de voir les mêmes amis. Petit bonheur de tous les jours, ils étaient heureux sans se poser de question sur leur avenir.

La vie est ainsi faite. Est-ce elle ou est-ce lui qui a commencé ?

Jeanne était une jeune fille sérieuse, elle est devenue une femme sérieuse, mais la chair est faible. Elle faisait pourtant attention en tendant les tickets aux clients. Mais lors d’une pause un peu plus longue, trois heures à perdre entre deux vacations, la plaie pour les vendeuses qui habitent trop loin pour rentrer chez elles, le chef du rayon fromage l’a invitée à déjeuner. C’était la première fois, elle ne s’est pas méfiée. Il était beau, et beau parleur, après avoir rapidement ingurgité le plat du jour du resto du coin, elle l’a suivi pour prendre un café chez lui, il n’habitait pas très loin.
Après le café, ils ont passé un moment agréable ensemble, avant de retourner travailler. Jeanne n’avait pas l’impression d’avoir trompé Jean, c’était juste pour passer le temps.

Jean était comptable. Il passait des écritures, contrôlait les factures, classait des documents dans des boîtes que plus personne n’ouvrirait.
Au bureau, on s’intéresse à ses collègues, on discute devant la machine à café. C’est inévitable. Un soir en raccompagnant la secrétaire du service au métro, il l’a suivie jusque chez elle. Une heure après, il rejoignait son épouse comme si de rien n’était. Ce n’était que pour le plaisir, Jean n’a jamais eu l’impression de tromper Jeanne.


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Jeanne et Jean s’aimaient toujours avec la même passion. Leurs soirées étaient tendres, les vacances et les weekends passés en amoureux. Ils savaient tous les deux que bientôt ils décideraient d’avoir un , combien au fait, 2 ou 3, on verra commençons par le premier.

Pourtant dans la semaine, quand Jeanne avait une pause un peu trop longue, elle aimait retrouver son collègue qui comme par hasard avait également une pause à la même heure. Ils se retrouvaient chez lui, histoire de passer le temps.

Jean de son côté, quittait souvent son bureau à la même heure que sa secrétaire, il la raccompagnait chez elle, et, une fois par semaine acceptait l’invitation de finir la journée chez elle, devant un verre.

Ils avaient chacun leur jardin secret, ça ne comptait pas. Bien entendu, il espérait que l’autre ne l’apprendrait jamais. Ils se retrouvaient chaque soir avec le même plaisir, sans aucun état d’âme, avec la même envie l’un de l’autre. Tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles, jusqu’à ce que…

Il y a des jours comme ça, où il vaudrait mieux rester couché.

Pourquoi fallut-il que Jean ayant son après-midi de libre, ait voulu faire une surprise à sa femme. Le hasard est grand, il fait mal les choses. Il arriva juste au moment où Jeanne sortait au bras de son collègue pour leur pause… Il les suivit et comprit vite son infortune. La colère succéda à la surprise, il ne se montra pas, bien décidé à ne pas se laisser faire, « Elle va me le payer » se dit-il.

Hasard, facétie du destin ? En retournant au travail, Jeanne apprit que le planning de travail avait été modifié, sa journée était terminée. Ayant du temps de libre, elle décida d’aller faire une surprise à son mari en allant le chercher à son bureau.

Elle s’était envoyée en l’air tout l’après-midi, elle tomba brusquement de haut en voyant son mari s’engouffrer dans le métro une jolie femme brune à son bras.
Femme qu’elle ne connaissait pas, là n’était pas la question. Elle suivit le couple discrètement. Enfin le couple c’était son mari avec une pouffiasse. Elle arriva devant un immeuble inconnu d’elle, mais de toute évidence pas de son mari. Elle comprit vite son infortune. Une sourde détermination succéda à sa surprise, bien décidée à ne pas se laisser faire, « Il me le paiera » se dit-elle.

Un point s’impose : Jeanne trompait Jean et savait qu’il la trompait. Jean trompait Jeanne et savait qu’elle le trompait. Jeanne espérait que Jean ne saurait jamais qu’elle savait qu’il la trompait et de son côté Jean… enfin vous avez compris.

Chacun de leur côté, Jeanne et Jean se pardonnaient leurs propres petites incartades sans importance, mais avaient du mal à admettre celles de leur conjoint.

Pas question de pardonner, une telle conduite ne mérite aucun pardon. Se séparer n’est pas la solution « On ne divorce pas dans la famille ». Impossible de rendre la pareille, ils sont déjà cocus tous les deux. Alors ? Ils décidèrent de ne pas se précipiter et d’y réfléchir calmement.

Jeanne et Jean étaient des gens simples. Ils raisonnaient simplement. Ils ne pouvaient supporter l’infidélité, pas la leur bien sûr.

Le soir même, pour donner le change et réfléchir calmement à cette situation nouvelle, ils ne laissèrent rien paraître, comme s’ils ignoraient tout du comportement lui de sa femme, elle de son mari. Comme tous les jours, ils s’embrassèrent tendrement en se retrouvant, et se demandèrent mutuellement, et très hypocritement, s’ils avaient passé une bonne journée.

A table, perdus dans leurs pensées, ni Jeanne, ni Jean ne se rendit compte que l’autre ne disait rien. La soirée se déroula comme d’habitude sur le canapé devant leur poste de télévision. Jeanne posa sa tête contre l’épaule de Jean dans un mouvement de tendresse bien naturelle dans un couple.

Au lit, chacun voulut prouver à l’autre qu’il était bien meilleur que ce qu’ils avaient connu dans la journée.

Jeanne qui avait appris beaucoup avec son amant, on apprend tous les jours, voulut en faire profiter Jean afin de lui donner des regrets pour après, après quoi elle ne savait pas encore. De son côté Jean qui depuis quelque temps comprenait mieux l’âme féminine s’appliqua à déclencher trois orgasmes successifs à son épouse comblée au-delà de ce qu’elle connaissait de lui jusqu’à présent.

Ils s’endormirent fatigués, repus, ayant oublié amant et maîtresse dans les bras l’un de l’autre.

Le lendemain, c’est en revenant de la cantine, imaginant que son épouse allait peut-être encore profiter de sa pause, que la décision s’est imposée à Jean « Je dois me venger, et vite ».
Et, c’est en prenant le métro et en repensant à la pouf brune au bras de son mari, que la décision s’est imposée à Jeanne « je dois me venger, sans attendre ».

Sans le savoir, Jeanne et Jean étaient d’accord sur un point, leur vengeance allait être exemplaire.

Deux jours plus tard, par une journée de grands vents, Jeanne est rentrée chez elle affolée. Intrigué, Jean apprit qu’un pot de fleurs malencontreusement mal accroché sur un balcon était tombé à ses pieds, évitant un stupide accident qui aurait pu lui coûter la vie.

En buvant le verre que Jean lui a servi pour reprendre ses esprits, Jeanne et Jean se regardèrent, un étrange sourire aux lèvres. Les grands esprits se rencontrent, ils eurent ensemble la même idée « A la place du vent, j’aurais mieux visé ».

Le vers était dans la pomme… cette idée allait se développer parallèlement dans la tête de Jeanne et dans celle de Jean, sans savoir que l’autre avait les mêmes préoccupations.

Une seule vengeance s’imposait maintenant à leur esprit, se débarrasser de ce conjoint indélicat, s’en débarrasser définitivement. L’unique question qui se posait à eux, « comment faire sans être inquiété ? ». Parfois la police peut être perspicace.

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JEANNE

Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Jeanne était toujours disponible pour son mari, elle le lui prouvait tous les soirs, tout en continuant à rencontrer son collègue dans la journée, sans que sa conduite ne lui pose le moindre souci, sans éprouver le moindre remords. Alors que savoir que son mari s’était permis… la colère montait en elle, ça elle ne l’acceptait pas. Il méritait cent fois qu’elle se débarrasse de lui.

Sa décision prise, Jeanne se mit à réfléchir pour trouver le moyen le plus efficace d’arriver à ses fins.

« Ma première idée, acheter un petit pistolet. Sans savoir tirer, à bout portant pendant son sommeil, je n’aurais aucun mal à faire mouche du premier coup, impossible de le rater. Seulement, il me sera difficile de faire croire à un jury populaire que je n’y suis pour rien. Jurer que le coup était parti pendant que je nettoyais mon arme, ne me parut pas suffisant pour éviter la prison. Il me fallait trouver autre chose.
Le couteau non plus, partout, Beurk !

Si Jean faisait un sport comme le para- pente ou le parachutisme, j’aurais pu m’arranger pour donner un coup de pouce au destin. Quel panache ! Malheureusement Jean n’est pas un grand sportif.

A la maison, un accident domestique est plus crédible. L’idée est simple, astiquer les marches de l’escalier comme on peut le voir dans des séries à la télé. Il dé et hop ! Efficace. Mais tel que je le connais, il va se rater, et je risque de devoir le pousser toute ma vie dans une petite voiture. Non, trop peu pour moi.

Il y a bien le plat de champignons, encore un classique. Nous avons regardé dernièrement à la télé, un vieux film avec Clint Eastwood, il passe rapidement de vie à trépas après en avoir mangé. Si ça a marché pour lui, ça devrait aussi fonctionner pour Jean.
Comment trouver des champignons vénéneux ? Je n’y connais rien. Je serais encore capable de lui mijoter un bon petit plat inoffensif auquel je n’oserais pas toucher. Non, ce serait trop.

En fermant les yeux, je repense à nos dernières vacances, quand nous avons fait la traversée pour aller en Corse. Nous étions appuyés sur le bastingage. Il aurait pu tomber dans l’eau, dommage à l’époque je ne savais pas encore. Moi, je flotte comme un fer à repasser, je coulerais de suite, mais pas lui, c’est un bon nageur. Rien que pour me contrarier, il aurait été capable de rejoindre la côte à la nage.

Chaque soir, la tête pleine d’idées contradictoires, je m’applique à lui faire oublier sa grande brune. Le vider avant qu’elle ne s’en charge. »

Quand Jeanne prit la queue de Jean entre ses lèvres, elle s’appliqua à lui prodiguer la pipe du siècle. En lui caressant les couilles, une idée lui vint, idée de génie « Et si je les lui coupais ». Emportée par son enthousiasme naturel, elle se rendit compte qu’elle avait laissé passer sa chance quand il lui remplit la bouche, ce que sans se l’avouer elle attendait avec gourmandise. Profiter des derniers instants de Jean était une envie bien légitime pour une épouse parfaite.

Et tous les matins, en buvant son café face à son mari, elle se disait « Réfléchir c’est bien, maintenant il faut agir ».

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JEAN

Jean ne se pose pas plus de questions que sa femme. Il continue à l’honorer tous les soirs, et retrouve régulièrement sa secrétaire à la sortie du bureau, sans éprouver le moindre remords. Mais savoir que Jeanne l’a trahi, une sourde colère monte en lui. Elle le mérite cent fois, il doit se débarrasser d’elle.

La décision était prise. Jean se mit à réfléchir pour trouver un moyen simple et efficace d’arriver à ses fins.

« Les idées les plus folles se bousculent dans ma tête. Je vois Jeanne attachée sur un baril de poudre, façon pirate, je m’approche de la mèche un tison enflammé à la main. Quel feu d’artifice ! Un peu théâtral, mais efficace.
Ou alors, faire sauter la cabane du jardin quand Jeanne ira chercher ses outils de jardinage. Un peu de dynamite, un long câble relié à un boîtier de commande. Il suffit d’appuyer sur le détonateur au bon moment, façon Pont de la rivière Kwaï. Spectaculaire ! Encore mieux qu’en technicolor.

Me souvenant de nos dernières vacances, je repense à la traversée en bateau pour se rendre en Corse, il aurait suffi d’un moment d’inattention, et hop ni vu ni connu, nageant comme un sabot, elle aurait certainement coulé à pic. Personne n’aurait jamais retrouvé son corps, ce n’était pas bien grave.

Et ce weekend passé sur les côtes du Nord, de belles falaises, le paysage était magnifique. Malgré les panneaux « attention danger », j’aurais pu lui montrer la belle vue que l’on a du bord, Un vol plané de quelques dizaines de mètres, seul un oiseau peut s’en sortir. Et Jeanne n’est pas un oiseau.

On ne refait pas le passé. Assez rit, je perds du temps. Il faut passer aux choses sérieuses, maintenant il faut agir. »

Ne sachant pas si cela allait favoriser sa réflexion, Jean décida de baiser Jeanne afin de passer une bonne nuit. Sans se faire prier, celle-ci le chevaucha. A califourchon sur son mari, elle aimait sentir sa queue bien à fond en elle, et sautait sur place avec entrain. Dans cette position, en lui pétrissant les seins de bon cœur, Jean eut une idée « Et si mes mains enserraient son joli cou, Couic ! ». Ou encore mieux, avec un lacet façon espion. Friand de films d’action, Jean n’était pas à court d’idées.
Il n’eut pas le temps de choisir la meilleure technique. Emporté par la joie communicative de Jeanne qui lui vrilla les oreilles, il se répandit dans sa chatte avec le sourire béat du mec content de lui.
Il passa une très bonne nuit. »

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Les jours passaient, ni Jeanne, ni Jean n’avaient trouvé la solution idéale. Ce n’était pas faute de l’avoir cherchée.

Un jour, en voyant sa femme adossée à la rambarde en bois de leur terrasse, Jean eut une idée. Le bois était déjà un peu vermoulu, la rambarde était chancelante. Il suffisait de scier deux montants. En s’appuyant dessus comme Jeanne en a l’habitude un verre à la main, hop ! Le plongeon dans le vide.
Jean essaya d’imaginer en combien de temps et dans quel état, sa femme arriverait en bas. Ses conclusions furent satisfaisantes, il se persuada que c’était la meilleure solution, facile à mettre en œuvre, résultat garanti. Il fallait juste faire attention à ne pas s’appuyer le premier, sinon l’atterrissage risquait de ne pas être celui qu’il avait imaginé.
Décision, action. Quelques coups de scie plus tard, le tour était joué. Aléa Jacta Est, ce soir Jean prévoit un petit apéritif sur sa terrasse comme ils en ont souvent l’habitude.

Tout le monde le sait, le poison, c’est un truc de bonne femme. Pourquoi se creuser la tête, Jeanne choisit donc la solution qui s’imposait à elle, la plus simple.
Mais, les poisons ne doivent pas être en vente libre. Où s’en procurer ? Difficile d’entrer dans une pharmacie pour acheter du cyanure, de l’arsenic ou un produit similaire. Même avec son plus beau sourire, la démarche de Jeanne risquait d’être mal comprise, voire attirer l’attention.

Pour éviter tout malentendu inutile, Jeanne décida de rester simple, la bonne vieille mort-aux-rats devait faire l’affaire. Facile à se procurer, il suffisait d’en mélanger dans la bouteille de whisky, elle n’en boit jamais. Il fait beau ce soir, Jeanne prévoit de trinquer avec Jean sur leur terrasse.

Vite fait bien fait, la bouteille est prête. Jeanne est persuadée que son dernier verre de whisky donnera un bon mal au crâne à Jean, mais qu’il n’aura pas le temps de s’en apercevoir.

Le soir venu, c’est de concert que Jeanne et Jean proposèrent de prendre l’apéritif sur leur terrasse pour profiter du beau temps.

C’est le moment choisi par Jacques, leur meilleur ami, pour venir rechercher la perceuse que Jean lui avait empruntée quelques jours avant. Bien entendu, Jean l’invita à prendre l’apéritif avec eux. Il pensa qu’un témoin de l’accident fatal de son épouse ne pouvait qu’arranger ses affaires.

Jeanne avait sorti les bouteilles en prenant soin de laisser Sa bouteille dans le placard, un accident est si vite arrivé. Elle vit donc avec un brin d’anxiété, Jean arriver avec sa bouteille en main. Jeanne n’avait rien à reprocher à leur ami, elle eut peur de faire deux victimes d’un coup, il y en avait une de trop. En bonne épouse, elle interpella son mari :

- Chéri, je suis certaine que Jacques apprécierait la bouteille que je t’ai offert l’an dernier, lui dit-elle en lui arrachant sa bouteille des mains.
- Jeanne, heureusement que tu es là. J’ai oublié ton cadeau, et celui-là aurait pu nous rendre malades, répondit-il en essayant de faire de l’humour.

Jean servit Jacques, tandis que Jeanne allait discrètement vider sa bouteille dans l’évier.

Très déçue, elle regardait Jacques et son mari se régaler du whisky hors d’âge qu’elle avait eu la malencontreuse idée de lui offrir pour son anniversaire.
- Mon chéri, tu devrais aller chercher la perceuse, sinon tu vas encore oublier.

Hésitant à les laisser seuls pour éviter un accident à son ami, Jean ne savait que faire. Les voyant discuter à l’autre bout de la terrasse, il se décida à descendre au garage, il n’en avait que pour quelques minutes.
Au retour, la perceuse en main, il entendit un cri strident qui lui glaça le sang. Remontant quatre à quatre, il déboucha sur la terrasse se demandant qui de Jacques ou de Jeanne avait fait le grand saut. Quelle ne fut sa surprise de voir sa femme tremblante, tapit dans un coin, alors que son ami finissait d’écraser la malheureuse araignée qui avait effrayé Jeanne.

Jean se rendit compte que sa solution pouvait devenir dangereuse. En butant contre la balustrade, il fit remarquer qu’elle était vermoulue. Sur le conseil de Jacques, il promit à Jeanne de la remplacer rapidement par une neuve en verre et en acier, comme elle en rêvait depuis plusieurs années.

Une fois leur ami parti, Jean emmena Jeanne dans leur chambre. Elle se laissa déshabiller, et allongée nue sur leur lit, elle attendit que Jean la rejoigne. Ce soir-là, ils mangèrent un peu plus tard que d’habitude.

En s’endormant, ils commencèrent tous les deux à désespérer de pouvoir accomplir la mission qu’ils s’étaient fixés.

---oOo---

C’est en regardant une émission télévisée sur les années disco que la solution s’est imposée à Jeanne. En voyant le reportage sur Claude François qui venait de s’électrocuter dans sa baignoire, elle faillit bondir de joie. Ce qui aurait été du plus mauvais goût, et surtout aurait pu réveiller Jean qui dormait à poings fermés comme tous les soirs.

Cloclo, son idole venait à son secours. Trafiquer l’applique électrique de la salle de bain voilà la bonne idée. Avec sa manie du bricolage, Jean ne résistera pas longtemps, un tournevis et le tour serait joué. Personne ne pourra accuser Jeanne de quoi que ce soit. Pour Cloclo, personne n’a été inquiété, alors pourquoi elle ?

La décision est prise. C’est le moment, Jean est au garage en train de bricoler. Prudente, Jeanne a coupé le courant de la salle de bain pendant sa petite manip. Pas question de griller à la place de Jean. Un fil dénudé, deux vis à moitié dévissées, ce soir quand il prendra sa douche, l’affaire sera conclue. Il ne doit pas la décevoir.

Tandis que Jeanne s’est enfermée dans la salle de bain, Jean sachant que, comme toujours, elle prendrait son temps, se dit que c’était le bon moment pour mettre à exécution l’idée lumineuse qu’il avait eu ce matin en lisant dans le métro un article du Nouveau détective, son journal préféré depuis quelques jours, le sabotage des freins de la voiture. Un grand classique, mais imparable.
Dans son garage, Jean se glisse sous son véhicule une clé à molette à la main. En bon bricoleur, il sait exactement ce qu’il doit faire. Au bout d’une dizaine de kilomètres, après quelques sollicitations, les freins devraient lâcher. Sur l’autoroute, un défaut de frein ne pardonne pas.

Vite fait bien fait. Jean est tranquillement en train de boire une bière dans son fauteuil quand Jeanne sort toute joyeuse de la salle de bain, enveloppée dans une serviette. Sa tenue donne des idées à son mari, idées partagées par Jeanne. Pas besoin de lui faire un dessin, elle vient s’asseoir amoureusement sur ses genoux, laissant son mari la débarrasser de sa serviette qui servira dans quelques instants à protéger le cuir de leur canapé. Vingt minutes et une partie de jambes en l’air plus tard, ils reprennent leur souffle pas mécontent d’avoir remplacé avantageusement l’apéritif traditionnel.

Jeanne est fébrile, quand l’ayant bien fait jouir, Jean se prépare à aller prendre sa douche. Elle reste dans le salon, alanguie sur le canapé, s’attendant à voir un bel éclair sortir par la porte toujours ouverte de la salle de bain. Elle avait déjà préparé une lampe torche, pour se diriger vers le tableau électrique dès que les plombs auraient sauté, et son téléphone à portée de main pour appeler les secours. Elle avait même répété la grande scène de celle qui ne sait pas encore qu’elle est veuve, lorsqu’elle entendit Jean qui l’appelait :

- Chérie, viens voir s’il te plaît. La lumière a un problème, je suis sous la douche.

Effectivement l’applique qu’elle avait soigneusement préparée, clignotait, preuve d’un faux contact :

- Sûrement un faux contact, lui dit-elle innocemment.
- Porte-moi un tournevis, s’il te plaît. Je vais réparer ça en un tour de main.

Toute heureuse, elle allait chercher l’arme qui allait le mener à sa perte. Nu sous la douche, Jean se saisissant de l’outil que Jeanne lui tendait, s’approcha de l’objet qui le préoccupait. Il faillit glisser, le sol étant bien mouillé.

Jeanne le regardait avec attention, sans trop y croire. C’était trop beau, elle allait atteindre son but. C’était sans compter sur sa mauvaise étoile, pourquoi être restée à côté de lui.

- Chérie, donne-moi la main j’ai peur de glisser.

Jean lui serre la main pour éviter de tomber et approche son tournevis de l’applique diabolique. Jeanne n’a pas trop de notions d’électricité mais suffisamment pour savoir que si son mari… elle aussi.

Effrayée à cette idée, elle crie :
- Chéri, non attend, pas les pieds dans l’eau. Ça peut être dangereux.
- T’as raison. Ah si je ne t’avais pas !

Dommage, il l’avait. Elle avait été à deux doigts de réussir.

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Tout a une fin. Est-ce le remords ? Non certainement pas, Jeanne n’en a jamais eu, son aventure ne l’a jamais empêchée de dormir, toujours est-il qu’elle décida de mettre fin à ses pauses passées au domicile du vendeur de fromages. Il en fut désolé, mais trouva vite du réconfort auprès de la nouvelle charcutière qui tenait le stand à côté du sien.

Un après-midi, au lieu de perdre son temps à batifoler, Jeanne a rendu visite à Maman Brigitte, une prêtresse Vaudou dont les coordonnées lui avaient été communiquées par une amie, dont je tairais le nom par discrétion.

Après l’avoir écoutée longuement, Maman Brigitte lui proposa un moyen infaillible, une poupée d'envoûtement, un grand mot pour désigner une sorte de poupée faite de cire, de bouts de bois et de chiffons. Il suffit de lui mettre une mèche de cheveux de la personne à qui on veut jeter un sort, pour la représenter. En piquant la poupée avec une aiguille, la personne visée souffrira aux endroits où la poupée a été atteinte. Et si l’aiguille touche le cœur… parfait.

Jeanne a caché la poupée dans le tiroir contenant ses sous-vêtements. Ne voulant rien laisser au hasard, elle attendait le moment le plus propice.

De son côté, Jean ne voulant pas perdre ses chances de monter en grade, estima qu’une aventure avec une femme mariée au bureau pouvait faire tache sur son CV. La séparation fut plus simple que ce qu’il avait imaginé, la belle ayant trouvé depuis quelques semaines, un autre chevalier servant qui la comblait.

Jean était maintenant certain d’avoir trouvé la meilleure façon de se débarrasser sans risque de Jeanne. La voiture était prête, demain Jeanne devait la prendre pour rendre visite à sa mère. Le retour risquait d’être plus aléatoire.

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Jeanne et Jean, maintenant libre de toute attache extérieure et n’ayant plus rien à se reprocher, pouvaient assumer pleinement leur vengeance. Cette fois serait la bonne, à n’en pas douter. Dans une semaine, ils avaient prévu de fêter leur anniversaire de mariage, tout pourrait être terminé à cette date, quel beau symbole !

En rentrant de voir sa mère, Jeanne récupère des cheveux sur la brosse à cheveux de Jean. Une mèche autour du cou de la poupée vaudou, les épingles sont prêtes. A cette heure, Jean doit être dans le métro, les autres voyageurs vont avoir une sacrée surprise, arrêt d’urgence, panique. Une épingle dans le ventre, une dans le cœur pour ne pas le rater et une sur sa bite. Elle aurait peut-être dû commencer par celle-là, trop tard. Son forfait accompli, Jeanne attend le coup de fil qui devra lui annoncer la bonne nouvelle.
Un coup d’œil sur la pendule, normalement, tout doit être terminé. Le bruit de la clé dans la serrure tire Jeanne de sa torpeur :

- Bonjour chérie, déjà rentrée ? Lui crie Jean surpris qu’elle ait pu regagner leur domicile sans dommage.

La surprise est réciproque :
- Zut ! se dit Jeanne, Elle va m’entendre cette Maman Brigitte, à ce prix !

Malgré sa contrariété, elle accueillit son mari avec son enthousiasme habituel, afin de ne pas éveiller de soupçons. Mais en elle-même, elle se demandait déjà ce qu’elle pourrait trouver d’autre.

Pour cacher son trouble, Jeanne engagea la conversation en lui parlant de leur voiture. A cette simple évocation Jean tendit l’oreille. Dans l’après-midi, comme prévu, elle l’a utilisé pour aller voir sa mère, « à priori sans encombre » se dit Jean, en essayant de cacher sa déception :
- Elle a un problème ?
- Ma mère, non. Mais j’ai l’impression que les freins de la voiture répondent mal.
- Tu crois ?
- Je ne veux pas courir de risque, demain je l’emmène au garage, je préfère les faire vérifier.

Encore raté. Jean se doute bien que le garagiste va revisser ce qu’il a mis tant de mal à dévisser. Ce coup du sort ne diminue pas sa détermination. Sans se décourager, Il est persuadé qu’il trouvera rapidement une autre solution.

Ce soir-là, Jeanne et Jean étaient revenus au point de départ. Laissant leur problème de côté, ils profitèrent pleinement de leur soirée. Jean prouva une fois de plus à sa femme qui est l’homme dans la maison, pour le plus grand bonheur de Jeanne heureuse de la forme de son mari depuis quelque temps.

Reprenant leurs esprits, enlacés dans les bras l’un de l’autre, ils décidèrent d’aller passer un weekend à la campagne pour fêter leur anniversaire de mariage. Opportunistes, ils estimaient toujours que l’attitude de leur conjoint était impardonnable et que seule une vengeance exemplaire laverait cette trahison, mais pourquoi gâcher leurs derniers moments ensemble.

Jean comme d’habitude s’occupa de tout, Jeanne ayant appris depuis longtemps à lui faire confiance.

---oOo---

Ce matin, plus hypocrites que jamais, départ pour leur weekend en amoureux. La journée s’annonce belle, et on ne sait jamais une opportunité pourrait se présenter.

Deux heures de route pour atteindre le relais-château où Jean a réservé une suite pour fêter leur anniversaire. Le soleil est au rendez-vous, il fait très chaud. Jean a soif et une envie pressante. Il décide de s’arrêter sur la prochaine aire de repos.

- Arrêt pipi.

Sans attendre la réponse de Jeanne qui s’est assoupie, il se met sur la file de droite pour ne pas rater l’embranchement. Mais ces freins répondent mal à ses sollicitations. Regardant son épouse, il râle contre le garagiste :

- Qu’est-ce qu’elle a encore cette voiture ? Elle sort juste du garage.

Jeanne, encore à moitié endormie, sursaute :

- Non mon chéri. Je ne t’ai pas dit, il n’était pas disponible. J’ai pris rendez-vous pour la semaine prochaine. On l’aura à temps pour partir en vacances.

Cette fois, c’est Jean qui sursaute. Il se revoit sous sa voiture sa clé à molette à la main. Un moment d’effroi, il est temps de s’arrêter. Trop tard, un camion déboîte devant lui, Jean n’est plus maître de son véhicule, ses freins ne répondent plus, la voiture zigzague. Jeanne pousse un cri, le choc risque d’être violent. Cramponné à son volant, Jean tente le tout pour le tout, son coup de volant de dernière minute déclenche une série de tonneaux du plus bel effet.

Même avec une ceinture de sécurité bien attachée, faire trois tonneaux ne laisse pas beaucoup de chances aux occupants.

Alors que les secours s’organisent autour de la carcasse de leur véhicule, Jeanne et Jean arrivent ensemble, main dans la main, devant Saint-Pierre. Ils n’étaient pas les seuls, il y avait foule à l’entrée du paradis, comme tous les weekends.

Saint-Pierre, en grand patron, recevait en personne chaque nouvel arrivant. Ils durent attendre leur tour.
Sur un grand écran numérique, le Ciel s’était équipé il y a déjà plusieurs années, Saint-Pierre leur présenta toutes les étapes de leur vie, sur deux colonnes, les bonnes actions d’un côté, les autres de l’autre.

Jeanne et Jean purent ainsi voir le déséquilibre entre les deux colonnes, étalant leur infidélité et leurs propres turpitudes, mais également celles de leur conjoint qu’ils ne manquèrent pas de parcourir. Le regard qu’ils s’envoyèrent ne reflétait pas la grandeur d’âme attendue par leur hôte à cet instant.

Saint-Pierre fit la grimace, difficile de les accepter au Paradis avec un tel passé. C’est certain il avait vu pire, l’enfer n’était pas pour eux tout de même. Son jugement fut clément « 272 années de purgatoire ».

Personne n’aurait songé discuter le jugement du Grand Patron. Alors que Jeanne et Jean s’en allaient vers leur destin, sans se tenir par la main, philosophe Saint-Pierre rajouta « Prenez votre temps, vous avez l’éternité devant vous pour vous pardonner ».

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