La Lecture. Chapitre 7
8/ Un invité ?
- Quelquun était là ?
Ma voix tremble et trahit mon angoisse. Soudain je constate que je viens dêtre le jouet dun pervers, aveugle qui plus est ! La colère me gagne que je ne peux pas contenir. Jai le réflexe de le gifler mais bien vite je me ravise mesurant labsurdité dun tel acte. Je mempresse de récupérer mes vêtements et alors que des sanglots me montent à la gorge, je narrive pas à crier. Il veut me prendre dans ses bras. Je me refuse et jesquive, mais il matt le bras et me maintient, minterdisant toute fuite. Il est maladroit dans ses mouvements et a du mal à me si pour me contenir. Nous luttons et malgré mon avantage, je narrive pas à me dégager. Je pleure, jai peur dun seul coup pour ma vie. Je me laisse submerger par la panique et tente de menfuir.
Quand enfin je lui échappe et que je me précipite pour sortir, je lentends dire.
- Chantal sil vous plait, vous vous méprenez. Rassurez-vous, je ne vous veux aucun mal.
- Qui est venu ?
- Mais personne, voyons !
- Vous mentez, vous avez comme moi entendu le bruit de ce verre.
- Cest vrai, je lai aussi entendu, mais ne soyez pas sotte, comment voulez-vous que je puisse voir si quelquun était là ?
Je me sens idiote, cest vrai, mais la colère ne passe pas.
- Pourquoi mavez-vous empêchée dôter mon bandeau ? Je laurais vu moi !
- Il ny avait personne, je vous le jure. Restez Chantal, je vous aime.
Ces mots me surprennent et dun coup ma colère sefface. Je sais bien que je suis imbécile de croire cet homme qui vient de me prouver par ses actes quil ne maimait guère et que peut être cétait un individu ignoble. Une nouvelle fois limage de son fils me traverse lesprit. Mais bien vite je sens que je nai plus le désir ni lenvie de le laisser. Il est là debout, nu, impuissant, incapable de retrouver sa veste dintérieur. Je ne ressens aucune pitié pour lui ni aucune compassion, mais il me trouble.
Alors lentement je mavance vers lui, récupère sa veste et délicatement je la glisse sur ses épaules.
Je maperçois alors que des larmes scintillent dans ses yeux, prêtes à déborder. Elles finissent par sécouler sur ses joues.
Une immense tendresse menvahit, je réalise que mes sentiments pour cet homme sont bien ancrés dans mon cur.
Trahie, bafouée, humiliée quand il sest vidé dans ma bouche sans se préoccuper de mon plaisir, je narrive pas malgré tout à le haïr.
Cherchant ses repères, il retourne sur son fauteuil, celui près du guéridon avec le verre vide bien en évidence. Il na pas noué la ceinture de sa veste et son sexe flasque pend sur ses cuisses. Je narrive pas à détacher mon regard de cette bite que jai tant espérée et appelée de toutes mes forces tout à lheure.
Cest alors que je réalise que jai perdu la notion du temps. Je regarde ma montre, il est presque 20h ! Mon mari est déjà à la maison depuis longtemps. Je dois rentrer malgré mon envie de rester auprès de lui, si fragile et sans défense.
- Je dois rentrer monsieur. Il est tard.
Jai parlé comme pour mexcuser de labandonner
Il ne répond pas. Son regard figé sur le sol, droit devant lui. Jattends encore une minute avant de quitter la pièce puis la maison. Cest dehors que je me rends compte que nous navons pas parlé dune prochaine séance de lecture, alors que déjà je sais quil y en aura dautres.
Dans lauto je me pose mille questions qui restent sans réponses. Qui ? Combien de temps ? Le savait-il ? Ses larmes étaient-elles sincères ? Conscient de ma soumission veut-il en jouer et en r davantage ? Je repense encore à ma précipitation pour revenir le voir dès le lendemain de son appel. Et navoir rien eu à redire de venir après le départ de la femme de ménage.
En ouvrant la porte de notre maison je prends conscience que je dois sentir le sexe. Ma mouille qui a continué à couler, imprègne la peau de mes cuisses, dans ma bouche son sperme dégage une odeur très forte. Jai honte pour mon mari que je viens de tromper sans scrupules. Et lidée de labsence de culotte fait monter la pression quand je me trouve devant mon époux, dont le visage affiche interrogations et stupeur.
- Dou viens-tu ?
Ce sont ses premiers mots. Et là, troublée, je suis incapable de retenir mes larmes qui jaillissent. Sans un seul mot, je me précipite dans notre chambre et je me jette sur le lit pour fondre en larmes. Je suis en réalité meurtrie par le comportement de cet homme, pas du tout envahie de remords envers mon époux.
Jarrive enfin à me calmer et je gagne la salle de bain à létage, consciente que je vais avoir des comptes à rendre.
Appuyée contre le lavabo je regarde le miroir. Mon visage est abominable. Les cernes sous mes yeux, rougis par les pleurs, me donnent une mine de cadavre en sursis.
Vite je me mets nue et je passe sous la douche pour effacer sur mon corps les signes de mon ignominie. Mais au plus profond de moi, je sais bien que leau nefface rien, rien des moments passés auprès de cet homme. La douche, jen suis convaincue, est impuissante contre la souffrance. Car je souffre, jai mal à mon âme et mal à mon sexe qui toujours réclame dêtre pris par le sexe de cet homme que je nai rencontré que deux fois.
Une fois mon corps nettoyé de ses souillures, futile consolation comparée à celle de ma conscience et de ma frustration, je prends la mesure illusoire de cette douche.
Jempoigne mon courage à deux mains pour descendre et affronter mon mari. Jai passé un survêtement pour cacher des éventuelles traces de mon imposture.
Une chose est sûre, je ne vais pas me démettre de mes responsabilités dans cette aventure.
Je passe en cuisine alors quil est devant la télévision attentif aux informations.
Quand je linvite à me rejoindre à table, je prends linitiative des discussions.
- Tu sais parfaitement doù je viens. Cest toi qui mas envoyée. Mais ce que tu ne sais pas, du moins je le pense, cest que cet homme aveugle a le pouvoir de me troubler.
- Quest-ce que tu entends par pouvoir ?
Je suis surprise du ton relativement calme quil prend pour me répondre. Comme si
- Quand je lui fais la lecture, je narrive pas mempêcher de penser quil peut me regarder de son regard vide daveugle, et me voir, plus, mobserver. A plusieurs reprises il ma parlé comme sil voyait quelle était ma position sur la chaise. Troublée, je me suis mise à jouer. Ainsi jai ouvert un bouton de mon chemisier, et tu sais ce quil ma dit ?
- Non.
- Et bien il ma dit calmement : « Vous avez chaud Chantal ? ».
- Et ?
- Rien, jai repris ma lecture en laissant mon chemisier ouvert.
- Et ?
- Je tavoue que je me suis laissée aller à prendre plaisir à mexhiber devant un aveugle.
- Cest tout ? Je te connais trop, tu as dû en profiter pour en exhiber plus, non ?
Là, jai rapidement pris la décision de rester avec mon secret. Notre secret dans lequel mon époux était exclu.
- Oui cest tout.
- Mais aujourdhui, tu es restée tout ce temps avec lui ? Simplement à lui faire la lecture ?
- Et bien oui, navrée de décevoir ton mauvais esprit libertin.
- Tu retournes chez lui pour une autre lecture
ou pour une nouvelle exhibe ?
- Nous ne sommes pas convenus dune autre séance. Jattends sa demande. De toutes manière, je sais que je vais le revoir.
Là je réalise, mais un peu tard, que je suis allée trop loin.
- Le revoir ? Tu te rends compte de ce que tu viens de dire. Tu es éprise ?
Vite, je dois reprendre la situation en main. En vérité, je veux être libre de le revoir sans avoir à combattre mon mari ni qui dautre qui voudrait men empêcher. Je prends un ton humoristique pour lui répondre.
- Mais non, gros bêta, je dis cela pour te rendre jaloux.
Et il avale la pilule ! La fin du repas est tranquille. Je fais le nécessaire pour le laisser aller seul se coucher, car je suis bien décidée à ne pas lui laisser le loisir de me faire lamour ce soir, alors que je sens encore lempreinte de mon amant sur et dans tout mon corps et que je veux pas me soustraire à ces sensations. Et il ne ma pas fait lamour !
Je suis encore couchée quand il part pour le bureau. Il vient doucement déposer un chaste baiser sur ma joue. La scène dhier soir ne semble pas laffecter beaucoup.
Tout va bien ! Je reste néanmoins quelque peu étonnée que mon explication un peu légère ait réussi à le rassurer. Aurait-il minimisé limportance de mes larmes ? De mon trouble.
Je métais assoupie après le départ de mon mari et cest la sonnerie du téléphone qui met fin à mon rêve. Immédiatement la panique menvahit : cest lui !
Comme une adolescente qui attend lappel de son amoureux, je me précipite sur le combiné qui bien sûr dans la précipitation méchappe. Langoisse me fait faire des gestes incontrôlés.
- Allo ? Dis-je
Je tremble de tout mon corps et ma voix est chevrotante.
- Chantal ?
Quand je reconnais sa voix, mes jambes se mettent à trembler. Je suis obligée de masseoir, mais les mots restent coincés dans ma gorge.
- Chantal ? Vous êtes là ?
-
Mais réponds imbécile, il ne va pas te manger ! Je finis par me reprendre.
- Oui monsieur, je suis là.
- Dieu soit loué ! Je redoutais que tu ne veuilles plus me parler et que tu raccroches.
- Non, pas du tout.
- Ta voix tremble, cest moi qui te trouble ?
Je narrive pas à me débarrasser de ce tremblement. Au contraire, découverte, je me sens ridicule.
- Jétais endormie et votre appel ma réveillée.
- Je suis désolé. Tu veux que je te rappelle plus tard ? Tu es seule ?
- Heu
non, enfin oui, je suis seule.
- Bien ! Tu peux venir me faire la lecture cet après midi ?
Mon cur semballe, mes mains tremblent sur le combiné que je serre de tous mes muscles. Cet homme exerce sur moi une véritable fascination. Je suis en cet instant à ses ordres ! Il peut me demander nimporte quoi je le ferai.
- Certainement, oui.
- Tu peux venir plus tôt, je serai seul. Disons 15 heures ?
- Daccord, à tout à lheure.
Et comme une imbécile, je raccroche brutalement tant je suis bouleversée. La sonnerie retentit à nouveau.
- On a été coupé je crois. Je peux te demander une faveur ?
- Oui, dites-moi.
- Tu voudras bien accepter de venir nue sous tes vêtements ?
- Daccord.
- Tu acceptes aussi que je te bande les yeux cette fois encore ?
Je suis prise de court. Je ne sais pas quoi répondre. Je prends quelques secondes à réfléchir et la question me vient brutalement à lesprit.
- Il sera là ?
(à suivre)
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