Les Bonheurs De Sophie(1)
Il était décidemment temps de changer le barillet de la serrure. Phil sacharnait depuis déjà près dune minute sans parvenir à enfoncer suffisamment la clé dans le cylindre. Après de multiples tentatives infructueuses, la clé tourna enfin et la porte souvrit ! Alors quil franchissait le seuil de son appartement, il entendit des pas précipités dans lescalier et une silhouette aux longs cheveux bruns, enveloppée dans un duffle coat gris, de toute évidence essoufflée, apparue sur le palier, se précipita vers lui et laborda ou plutôt le déborda avec un flot de paroles certes précipité et anxieux mais ô combien rafraichissant tant la voix était douce et chantante :
« Je suis vraiment désolée dêtre en retard. Jai raté le train de quelques minutes à peine et en plus, il y avait des perturbations sur la ligne de RER, jai vraiment fait le plus vite possible, je mexcuse encore Monsieur
Je
»
Phil navait aucun rendez-vous de programmé mais la tendresse des pupilles taillées dans une écorce brune pigmentée déclats de lumières extrêmement précieuse, répondaient si franchement à une attente informulée que, loin de contredire, il acquiesça à lindubitable féminité resplendissante de jeunesse.
« Ce nest vraiment pas grave, mademoiselle ».
Il navait pas le cur de renvoyer ce visage désemparé ; des traits si délicats rehaussés par une forêt lisse, fine, noire ; un paysage dItalie du Sud, au teint mat rayonnant, quémouvaient encore des joues rosées par linquiétude, ce signe de désordre renforçait lharmonie ; de même, le front limpide de franchise était barré par une mèche rebelle du meilleur effet. Non, il se refusait à concourir aux tourments qui agitaient cette face angélique.
« Ô Monsieur, si vous saviez comme je me suis dépêchée pour arriver à lheure et ne pas vous contrarier. Je ne voudrai surtout pas que vous ayez demblée une mauvaise image de moi »
Il se devait de rassurer cette bouche charmante qui mendiait le pardon alors même quelle méritait mille promesses de félicité.
« Allons, allons ce nest quand même pas si grave que ça. »
Il eut une brusque intuition : la cause du malentendu siégeait en face de son appartement. La jeune femme sétait trompée de porte et surtout dinterlocuteur. Elle se destinait certainement aux voisins. En loccurrence un local qui abritait une espèce dassociation. En se référant à lintitulé sur la plaque, « La Grâce souffrante », Phil soupçonnait une activité cultuelle, voir sectaire. Il nen savait guère plus car la structure était établie en ces lieux depuis seulement un trimestre. Il croisait de temps en temps deux hommes lun émacié au crâne rasé et aux yeux de fouine, lautre aussi grand mais encore plus maigre et à peine moins dégarni, Phil jugeait la raideur de ces deux individus maladive, il nentretenait aucune relation avec eux et ne sen portait pas plus mal.
Il éprouvait de fortes réticences à abandonner cette jeune personne entre leurs pattes. A trente-six ans, célibataire depuis maintenant six mois, pas encore remis dune rupture douloureuse, confondu par une telle beauté, mais pas dupe du don de la Providence, il sautorisa à miser sur une chance inespérée. Il seffaça pour la laisser entrer :
« Vous allez mexpliquez tout ça tranquillement ».
Elle pénètre dans le salon. De toute évidence, elle ne sattendait pas à se retrouver dans lappartement dun homme. Sa surprise est visible, mais trop polie, elle ne lexprime pas. Il la débarrasse de son duffle coat. Elle est vêtue sobrement, un pull jacquard, une ample jupe noire qui descend aux genoux, des collants noirs et des bottines sans talons. Cette absence dostentation recouvre sans parvenir à le desservir un corps aux proportions assez idéales. Un petit gabarit. Il la jauge et évalue 1m65 pour 55 kilos. Deux collines à la rondeur raisonnable tendent délicieusement sous le pull. Il parierait pour un 90b. La jupe enserre une taille fine et, bien quévasé, le tissu préserve lellipse des hanches en une évocation de la fécondité qui éveillerait la concupiscence dun eunuque.
« Vous désirez boire quelque chose, Mademoiselle ?
- Non merci Monsieur. »
Il sassoit sur le canapé. Elle reste debout devant lui, visiblement gênée.
« Et bien ? Quest-ce qui me vaut lhonneur ? »
Le trouble de la jeune fille augmente. La rougeur aux joues pimente dautant la face délicate, la rend encore plus attirante. Elle balbutie.
« Jeee
Enfin
Maman espère que vous arriverez à maider
Je
je fais vraiment le maximum vous savez
Je lutte constamment pour bien me comporter
Pour
Je vous jure Monsieur
»
Une forte émotion la submerge. Les doux yeux de la bichette shumidifient.
« Allons
Allons
Ne vous mettez pas dans cet état. Ce nest quand même pas si grave que ça.
- Ô si Monsieur ! Cest
cest si difficile
- Parlez en toute franchise. Dites-moi tout.
- Les pensées ignobles, le démon qui essaie de semparer de moi
Il est partout
Et sil prend possession de moi, je suis perdue
- Le démon.
- Je ne dois pas céder !
- Vous voulez dire céder à des hommes ? à des garçons ?
- Ôhh non !!! Il est hors de question que je fréquente des hommes
Quelle horreur ! Je ne suis pas une vicieuse. Et de toute façon, maman me linterdirait !
- Dans ce cas, vous nêtes pas tentée.
- Non
Enfin
des fois
cest si pernicieux
Je résiste de toute mes forces
Mais, certains jours
certaines nuits
Cest
Malgré moi
- La nuit ? Malgré vous ?
- Ohh Monsieur
Oui, surtout la nuit, quand je dors
Et
alors
le matin quand je me réveille
Ô Pardon, pardon Seigneur dêtre aussi faible
- Vous vous laissez aller la nuit dans votre sommeil ?
- Oui
cest quand je dors, pendant mon sommeil que le démon me possède. Sinon quand je suis éveillée, jarrive à le chasser
- Et ?
- Le matin
Ô Mon Dieu, je suis sale, souillée, ignoble
- Et votre maman vous envoie ici pour
?
- Oui, pour maider à rester pure.
- Quel âge avez-vous ?
- Jai 18 ans, Monsieur. »
Ouf, elle est majeure ! Pile la moitié de lâge de Phil. Si on sen réfère aux apparences, les rôles sont clairement assignés. Pour assoir son autorité, le mâle dominant tutoie la dominée :
« Donc quand tu te réveilles tu es polluée entre les cuisses ?
- Ô Monsieur, jai tellement honte.
- Réponds à ma question !
- Oui Monsieur.
- Et ta mère dit que cest mal ?
- Je dois combattre ces instincts bestiaux.
- Pourquoi ?
- Mais enfin !!! Parce que cest un immonde péché. Si je cède, je serai damnée.
- Ta mère pense que je vais taider ?
- Maman dit que si je veux être sauvée, je dois vous écouter. Vous obéir.
- Bien nous allons voir si je peux faire quelque chose pour toi.
- Ô merci, Monsieur.
- Mais tu ne dois rien me cacher.
- Je dis toujours la vérité. Mentir est un péché.
- Donc, tu te touches la nuit ?
- Nonnn.
- Comment ça ? Tu mets bien les doigts !!
- Jamais, cest un péché. Je ne veux pas aller en enfer.
- Mais tu en as envie, avoue !
- Quand je sens le démon roder, je prends des douches glacées pour le chasser
- Mais alors comment se peut-il que tu te retrouves mouillée entre les cuisses ?
- Ô Monsieur
- Parle !
- Je crois que parfois quand je dors, sans men rendre compte
- Tu fais des rêves érotiques ?
- Je ne sais pas.
- Tu ne te souviens jamais de tes rêves.
- Non.
- Et tu las avouée à ta mère.
- Ô jaurai trop honte.
- Alors comment la-t-elle su ?
- Monsieur !!!!
- Tu dois tout me dire !
- Le matin
Mes draps sont tachés.
- Dis donc tu mouilles beaucoup !
- Je suis malade !!!
- Mais non, cest plutôt un signe de bonne santé.
- Maman dit que cest une maladie. Vous allez maider à la vaincre ?
- Oui on peut dire que je vais en quelque sorte te soigner.
- Bien sûr !
- Nous allons dabord diagnostiquer la gravité de la situation. Ne bouge pas. Je reviens tout de suite. »
Phil file dans la chambre. Il sait ce quil cherche. Il met rapidement la main sur le vibromasseur qui dort depuis plusieurs mois dans le dernier tiroir de la commode. Il change les piles et constate que le joujou est en parfait état de marche. Il peut garantir de lextrême efficacité de linstrument ; montée sur une tige en plexiglass transparent au design élégant et élancé offrant une préhension optimale, une boule en mousse parsemée de petits tétons souples. Un souvenir de Caroline. Il ny a pas si longtemps, son ex, sans jamais lésiner sur les travaux pratiques, partageait avec lui les secrets les mieux gardés de la masturbation féminine. Il avait beaucoup appris. Mais aussi énormément souffert car cette garce le trompait éhontément. Le meilleur ami de Phil lui avait ouvert les yeux en lui avouant quil navait pas su résister aux avances de la belle salope et il nétait pas le seul. La liste des mecs qui lavaient baisée dans le dos de Phil était particulièrement longue. Il avait exigé des explications, Caroline lui avait ri au nez et pour toute justification avait fait ses valises. Il sétait juré de ne plus jamais tomber amoureux. Il était hors de question de trahir cette promesse. Pas de sentiments pour cette engeance ensorcelante ? Vraiment ? Il vérifie que le bouton qui permet de varier lintensité des vibrations fonctionne. Et il retourne retrouver sa patiente.
Elle remarque lobjet, le regarde circonspecte mais linnocente nen imagine pas lusage.
Elle est particulièrement tendue. Pour la rassurer, souriant, amical :
« Tu nas vraiment pas soif ?
- Non merci.
- Allons ! Un coca ? Une bière ?
- Alors un verre deau sil vous plait.
- Je dois avoir un fond de menthe. Tu veux ?
- Non, non. Ça ira comme ça.
- Tu naimes pas la menthe ?
- Si mais, je ne veux pas
- Et bien, moi je veux ! »
La timide porte le verre à sa bouche. Lhomme assoiffé se délecte de la pulpe des lèvres qui, tout en délicatesse, aspire le liquide vert. Les yeux, pépites digne dun rêve de chercheur dor, le remercient. Son extrême réserve, sanctuarise un rien : la joliesse de la bouche et la mignonnerie du nez qui troussent une petite moue en une essence de sensualité, un jeu de lumière sur les prunelles de la douce pimprenelle, un mouvement du cou gracile, pareil à un souffle tiède sur le flou de sa crinière noire, mais aussi la voix retenue et si câline, lensemble compose un parfait tempo de tendresse !
« Au fait, quel est ton prénom ?
- Sophie, Monsieur. »
Elle rougit, baisse les yeux ; ce trouble typiquement féminin témoigne dune attente à lencontre de lhomme. Même informulée, il serait criminel de la décevoir. Phil na aucun doute sur la destination. Mais sil entrevoit le Paradis, il en est si éloigné. Quel chemin emprunter ? Il na pas le droit de tâtonner. Il doit au contraire sappuyer sur le manque dassurance de la magnifique poupée. Il na encore jamais été dominant avec une femme. Ici encore, il nentend pas imposer sa volonté, juste enjoindre la jeune fille à obéir à une loi universelle. Sil échoue, il sera malheureux car il la condamnera à linsatisfaction, à laffliction. Il pose le vibromasseur sur la table et dune voix qui nadmet pas la contradiction :
« Déshabille-toi Sophie ! »
Il sattend à ce quelle refuse et offusquée :
« Mais, non Monsieur ! »
- Ne dois-tu pas mobéir ?
- Si
mais !
- Justement il ny a pas de mais. Si tu veux être
guéri, jexige un dévouement complet.
- Mais
Pas ça
Cest
Cest impossible.
- Cest moi et moi seul qui détermine ce qui est possible et ne lest pas. Comment pourrais-tu prétendre savoir ce qui est bon ou mauvais pour toi ? Serais-tu arrogante ?
- Non Monsieur.
- Tu admets ton ignorance.
- Oui Monsieur.
- Ton refus est bien la preuve de ton inconséquence ! Tu es satisfaite de ton état ? Tu veux rester inaccomplie ?
- Non Monsieur.
- Prétend-tu contester mon autorité ?
- Non Monsieur.
- Alors enlève ce pull !
- Monsieur sil vous plait !!! »
Elle est aux bords des larmes. Si émotive. Elle a envie de céder, mais des préjugés stupides la bloquent. Il doit prendre lascendant pas tant sur la jeune fille que sur cette emprise néfaste.
« Je ne peux admettre que tu me résistes, tu le comprends nest-ce pas ?
- Heu
Oui
- Tu sais que ton entêtement est vain et quil a pour conséquence de te faire punir ».
Elle hésite :
« Je
je suis pudique Monsieur
- Tu penses pouvoir désobéir sans être punie ?
- Je
Non.
- Donc tu sais que tu vas être punie ?
- Je
Je
- Et que ce sera mérité ?
- Je
- Et que ce sera pour ton bien !
- Monsieur, ne me demandez pas ça !
- Tu as donc besoin de tester ma sévérité avant de texécuter ?
- Mais, je ne peux pas !!!
- Bien sûr que tu le peux puisque tu veux sortir de ton état. Il ny a pas dautre alternative. Tu veux vraiment me défier ?
- Oh non Monsieur.
- Cest pourtant ce que tu es en train de faire !
- Je mexcuse.
- Exécute-toi ! »
La bouche crispée, les traits pourtant si lisses sont tiraillés, elle oscille sur ses jambes, telle une pendule, davant en arrière, son corps sait quil faut se plier aux ordres mais son esprit coupe lélan. Il doit laider à franchir le pas. Elle est comme entravée. Il va la libérer. Devra-t-il dabord lasservir pour lui ôter ses chaînes ? Il na décidemment pas le choix. Elle a été tellement conditionnée que son émancipation nécessite le masque de la contrainte.
« Et bien tu lauras voulu ».
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