Sextrot 4


SEXTROT 4

J’arrive à la boutique. Pauline m’a devancé. Elle gesticule devant Lili. Elle pose ses mains sur des épaules imaginaires, appuie, fait baisser un vis à vis fictif, pousse vers lui son ventre : elle mime une fellation imposée. Elle mime ensuite un baiser, ses deux mains entourent un visage situé plus haut, repoussent un agresseur. Celui-ci la fait culbuter et Pauline se couche sur le dos, à même la moquette, replie ses genoux, les renverse sur sa poitrine. Lili est debout, doigts sur les tempes, l’air désolée et doit voir, le sexe de Pauline dans le soufflet d'accordéon de sa culotte . J’ai compris, la gentille garce explique à ma femme comment je viens de la violer. J’entre, les jambes de Pauline retombent mais le minou reste visible, sans voile. Le récit bloque, un grand silence m’accueille. Lili me dévisage :

- Toi, André,tu oses encore te montrer. Hypocrite, violeur, salaud. Ah ! Tu sais me faire la morale mais tu es pire que tous les autres réunis. Si tu n’obtiens plus assez de plaisir avec moi, rends-toi au resto du sexe et tu recevras le complément sexuel nécessaire à ton équilibre. Mais tu préfères t’en prendre à des petites femmes pour soulager tes pulsions. Sors d’ici, fous le camp. Je ne te pardonnerai jamais d’avoir violé Pauline.

- Lili, écoute-moi. C’est faux. Pauline invente…

- Dehors. Je passerai prendre mes affaires et je ne reviendrai plus dans la maison d’un salaud de violeur. Dehors. Fous le camp, gros dégueulasse.

Pauline est plus crédible que moi. Pourquoi ? Parce qu’elle a parlé en premier, parce que c’est une femme ? Par le jeu de la solidarité féminine ? Parce qu’il est plus difficile de se défendre pour un innocent ? Parce que ma culpabilité libère Lili du poids de mon opposition à des activités sexuelles au fameux sextrot de Robert ? Si je suis le sale individu décrit par la femme de Robert, elle n’a plus à respecter mes conseils, elle peut reprendre du service chez Robert le coeur léger.

Le resto lui manque, je ne peux plus l'empêcher d’y retrouver ses habitudes. Moi, le mari devenu violeur d'après l'autre hystérique, je devrai me taire et tout permettre après mon crime. La véhémence de Lili me surprend. C’est sa première grande colère, je juge inutile de contredire Pauline. La rage de Lili l’aveugle. Mieux vaut m’en aller et attendre que la tension retombe.

Lili revient chez nous, accompagnée de Pauline. La chienne ne lâche pas sa proie. Lili va droit au canapé, passe la main derrière les coussins et crie :

- Alors, c’est quoi, cette chose ?

Elle brandit une petite culotte de femme. Pauline donne la réponse :

- C’est ma culotte, il me l’a arrachée avant de me prendre de force sur le sol devant le canapé. C’est la preuve que tu demandais, la preuve de la véracité de mon récit. Il me traitait de menteuse. Tu as bien fait de me croire.

- Laisse-moi me défendre. C’est un guet-apens grossier, une manipulation perfide. Elle est venue me proposer de la venger des infidélités de Robert, notamment avec toi, elle a pris une douche…

- Pour me laver après le viol. Je me sentais si sale. Tu vas payer, je porterai plainte, hurle la comédienne.

Lili me demande de me taire. La honte devrait me submerger. Cette culotte ne ment pas.

- Pauline, veux-tu m’aider à faire mes valises ?

Tant d’incompréhension et tant de mauvaise foi m’abattent. L’une ment effrontément, l’autre se montre crédule et hostile. Il y a avis de tempête, ma défense se heurte à un mur. Lili est remontée contre moi et la présence de la culotte de Pauline est pour elle une preuve irréfutable de ma culpabilité. Ce n’est pas ma parole contre celle de Pauline, mais contre le cul nu de Pauline et la découverte de sa culotte cachée par moi en souvenir, derrière les coussins. Je me tais, je fais le dos rond. Lili finira par trouver la vérité et reviendra. Patience ... Pour le moment elle tire ses valises, les charge dans un taxi et quitte notre nid sur une dernière tirade cruelle :
- « Pourri, hypocrite, salaud, violeur.
Quelle honte. Me faire ça, à moi. Je passe ma vie à lutter contre le viol et toi, tu le commets chez nous ! Violeur. »

Dès le lendemain je me rends au commissariat. Je raconte ma mésaventure à un officier. Il entend ma version, vérifie l’absence de plainte contre moi. Si la dénommée Pauline ne se manifeste pas et laisse aux traces le temps de s’effacer, elle aura du mal à convaincre. Je pourrais déposer plainte contre elle. Cependant l’officier ne pense pas que cela provoquerait le retour de Lili. Alors, à quoi bon ?
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- Votre femme ne vous fait pas confiance, se laisse influencer par une menteuse. Elle saisit une occasion pour mettre fin à votre mariage. N’aviez-vous rien vu venir ? Aviez-vous des disputes fréquentes ?

-Non.

Son raisonnement rejoint le mien. Lili n’était plus bien avec moi. J'étais un obstacle. Elle souffrait en silence. Pauline lui a fourni une bonne raison de se séparer de moi, lui a offert une porte de sortie. L'occasion de se libérer était trop belle, elle l'a saisie. Elle est partie sans regret, avec la conscience d’accomplir une bonne action en punissant mon crime. Elle peut désormais s’adonner sans frein à sa passion de venir en aide au peuple des déshérités, des malheureux privés de vie sexuelle. Donner aux malheureux de la chaleur humaine, c’est son programme. Dans l’immédiat elle ajoute un individu à la cohorte de ceux qui auront besoin de cette chaleur humaine : moi, l’époux renié.

Lili ne reviendra plus. Depuis deux mois elle n’a pas donné signe de vie. Je suis passé discrètement devant sa boutique certains soirs. Elle vaquait à ses occupations, rangeait des piles de linge, vendait. Elle restait la commerçante souriante d’avant son départ. Un dimanche, je rôdais par là avec l’espoir de l’apercevoir, j’ai constaté le changement de l’horaire d’ouverture. Elle terminait à dix-neuf heures au lieu de vingt heures, elle sacrifiait une heure de son travail au profit des déshérités ou de Robert ?

Peut-être Pauline s’est-elle trahie en ne portant pas plainte, peut-être Lili voudrait-elle s’excuser de la violence de ses paroles, peut-être n’a-t-elle pas le courage de venir au-devant de moi, peut-être attend-elle un signe de moi.
Aujourd'hui Je serai devant la porte de la boutique avant la fermeture, je l’aborderai et, au nom de nos années de vie commune, je lui demanderai de m’entendre. C’est décidé, je vais lui ouvrir les yeux. Je ne peux pas vivre sans elle.

Je connais l’allure de celui qui me précède. Il entre dans la boutique, tend les bras, Lili se précipite contre lui, l’embrasse fougueusement mais le pousse vers les cabines d’essayage. Elle pend un panneau sur la vitre de l’entrée et disparaît à son tour dans le coin des cabines.

Je m'approche pour lire l'écriteau.
« Absente pendant 30 minutes »

C’est nouveau mais prémédité, bien pratique pour certaine forme de commerce. Je sais pour l’avoir pratiqué ce qu’un homme et une femme peuvent faire à l’abri des regards. L’homme n’est pas un travesti venu s’habiller. C’est le trop fameux défenseur de la vertu des pauvres, Robert, le patron du resto du sexe. Un jour il avait demandé à Lili de lui accorder la relation sexuelle complète qu’elle refusait aux autres hommes. Voilà, il a obtenu ce qu’il réclamait, et désormais hors les murs du resto, égoïstement pour lui seul, il fait commerce de chair avec celle qui a quitté le domicile conjugal.

Elle a une bonne raison de m'oublier et de se passer de moi. Ils ne se contentent même plus de se rencontrer au sextrot. Comme je l'avais pressenti, ils échappent à la surveillance de Pauline ici, dans une des cabines d'essayage. A quoi s"essaient-ils ? C'est facile à deviner. A l’intérieur, derrière les rideaux de toile ces deux là copulent, volent une part de bonheur à un mari délaissé et à combien de déshérités en mal d’amour.

J’ai tout perdu, sauf l’espoir de reconquérir Lili. J’y mettrai le temps nécessaire. Pour y parvenir, j’exerce une surveillance régulière de son lieu de travail. Par habitude, je filme les entrées et les sorties des deux amants. Ici, seul Robert a le privilège de passer derrière les rideaux avec Lili. Elle l’accueille avec exubérance et ferme sa porte pendant une demi heure.
Je souffre dehors, je suis malade de les savoir unis , accouplés à quelques mètres de moi.

Une nouvelle surprise éclate un jeudi : Lili reçoit Pauline, pend l’écriteau et toutes deux partent derrière les rideaux. La sexualité de Lili s’enrichit. Leur chevelure décoiffée, la disparition du rouge à lèvres, les mouvements pour réajuster la ceinture d’une culotte ou les boutons d’une blouse frapperaient n’importe quel observateur averti. Lili a agrandi l’éventail de ses amours. Le baiser final n’échappe pas à mon objectif, un baiser de lesbiennes, donné en sortant de la cabine où elles viennent de s’aimer. Lili et Pauline font à peine plus attention que Robert et Lili, lorsqu’elles s’embrassent. Le cérémonial se répète d’une semaine à l’autre. Le jeudi est le jour de Pauline.


Aujourd’hui je suis les deux amies dans les rues. Elles me mènent au resto. Après un dernier bisou plein de tendresse, Lili entre dans le local et Pauline continue sa route. Elle a relâché sa surveillance. A distance j’emprunte le même itinéraire, je me presse et arrive assez près alors qu’elle fouille son sac pour y prendre ses clés.

- Bonsoir Pauline.

- Bonsoir, monsieur… André ? Oui, c’est bien vous ? Je me demandais ce que vous deveniez. Et Lili, comment va-t-elle ?

- Je suis sans nouvelles. Peut-être pourriez-vous me dire où et comment elle vit.

- Elle tient toujours sa boutique, paraît-il. Mais vous prendrez bien un café ou un verre, entrez…

Ma pire ennemie est bien aimable. A-t-elle un nouveau piège à expérimenter sur moi.

Pauline me précède dans l’escalier, exagère le balancement de ses fesses, répand un parfum fort de chez « Suivez-moi, Monsieur ». Depuis plus de deux mois mes testicules sont au repos, je ne m‘intéresse plus aux femmes, à leur poitrine, à leur cul ou à leurs jambes. Je me languis de Lili, j’attends Lili, je rêve de la retrouver lassée des amours sans lendemain, fatiguée de sa passion adultère pour Robert et, à partir d’aujourd’hui, oublieuse de son penchant nouveau pour les femmes. Si seulement elle redevenait ce qu'elle était quand nous nous sommes connus.

Cette démarche chaloupée de Pauline, son parfum, son invitation à partager une boisson et mon envie de Lili se conjuguent, réveillent en moi le sauvage qui sommeille. Mon sang irrigue soudain la verge si longtemps muette, je suis pris d’une grosse envie de sexe. Cette femelle qui m’a injustement accusé de viol, mérite un passage à l’acte, à la réalisation de son fantasme. J’ai un coup de retard sur son discours, je lui dois une baise. Elle la voulait, elle l’aura.

- Excuse le désordre. J’avais à faire, j’ai déposé les s chez ma mère avant une course pressante. Que puis-je t’offrir ?

- Ton attention. Vois cette photo.

Familièrement elle pose une main sur mon épaule, sa joue frôle la mienne quand elle se penche vers le petit écran, elle fait.

- Oh ! Tu es au courant ?

- Depuis quelques semaines. Robert sait-il ?

- Non. Je ne lui ai rien dit de cette liaison.

- Ta mère, ton père, tes voisins, tes amis savent-ils ?

- Non, ça ne regarde personne. Lili est seule, je la console.

- Cette photo va rendre crédible ma déposition au commissariat le lendemain du prétendu viol que tu as oublié de signaler.

- J’étais furieuse du râteau que tu m‘avais fait ramasser. J’ai voulu me venger de ton rejet. Que veux-tu, je suis femme et il est vexant de se faire éconduire .

- Rends-moi ma femme. Dis-lui la vérité.

- C’est impossible nous nous aimons trop.

- Tu aimes Lili. Lili t’aime-t-elle ? N'aime-t-elle que toi ou se sert-elle de toi? Regarde les photos suivantes, il y a de la concurrence. Reconnais-tu l’homme ? As-tu une idée de ce que ces deux là fabriquent derrière le rideau où tu te trouvais il y a peu ?

Pauline, bouche bée, tremble.

- Les salauds. Ils m’ont juré … « Rien, rien, nous sommes amis et collègues. » Ils n’ont pas besoin de moi là-bas dans leur bouiboui, à deux ils gèrent. Alors, Robert va la tringler dans la boutique ?

- Tu reconnais les lieux.

- Cette fois, c’est la guerre. Il m’a trompée, il se moque de moi. Lili me donne le change, ses caresses ne sont pas sincères, elle fait semblant de m‘aimer pour me voler le père de mes s. Tu veux ta Lili salope ? Prends-moi et je lui parlerai, promis, juré. Elle saura la vérité. J’avouerai que j’avais caché ma culotte dans tes coussins par obéissance à Robert. Mais c’est tout de suite. Viole-moi.

Elle a une curieuse conception du viol ! Ma fidélité n’a pas payé, ma patience n’a servi à rien sinon à laisser la place à d’autres. Pauline s’engage à révéler la vérité à Lili. C’est une dernière chance de renouer avec ma femme. Donc cette fois, je prends mes risques. J’accepte la condition de Pauline, ce ne sera pas désagréable de m’unir physiquement à cette belle créature. La posséder après ses ébats avec Lili, me restia un peu de mon aimée. Elle a dit : »Tout de suite ».

- D’accord, approche, je vais t’aimer.

Les mains de Lili l’ont caressée, Lili l’a embrassée, Lili a léché sa peau, sucé les lèvres de son sexe, brouté les poils de sa chatte. Sur tout ce corps je retrouverai les traces de Lili. C’est Lili, ma drogue, que je redécouvrirai sur Pauline. Faire l’amour à Pauline, c’est faire l’amour à Lili. La boucle est bouclée. Si coucher avec Pauline me ramène Lili, finis les scrupules

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