Les Bonheurs De Sophie(7)
« Je tattends demain à la même heure. Compris ?
- Oui, Monsieur. »
Elle mentait ! Il en était persuadé. Elle ne reviendra pas. Cétait évident. Or, Phil ne voulait surtout pas la perdre. Alors, il se précipita à sa suite, la suivit discrètement sans se faire remarquer, sans perdre de vue la silhouette élancée. Le duffle coat informe gommait les formes mais elle ne portait ni culotte ni soutien-gorge et les pensées de Phil sinsinuaient, pénétraient directement par cette voie lintimité de la beauté. Il voulait tout connaitre delle. Où habitait-elle ? Comment occupait-elle ses journées ? Comment garder une emprise sur elle ?
Sophie marchait vite, sans se retourner, sans prêter la moindre attention à lenvironnement bruyant. Elle naurait pas pu être plus déboussolée. Un bouleversement au plus profond de son être. Un ébranlement de lâme, un retournement absolu des valeurs. Désormais, plus rien ne sera comme avant. Un pan immense de son existence venait de sécrouler et elle ne pouvait même pas fouiller dans les décombres. Ses certitudes avaient été balayées et, à la place, un continent infini et inquiétant sérigeait devant elle. Ce nétait pas un mirage. Elle était exposée, démunie, sans protection même pas une culotte pour faire illusion ; la moiteur incrustée entre ses cuisses, cette bourbe daprès la crue, lempoissait au souvenir de la jouissance. Pouvait-elle feindre de lignorer ?
Bien sûr, elle fuirait cet homme. Mais elle nétait pas stupide. Elle échapperait au pervers, pas à lévidence dont il était porteur. Il lavait entraînée vers un territoire quelle avait trop aisément investi. Les sensations inconnues sétaient révélées trop familières, les pulsions animales finalement si peu étrangères. Elle avait opposé une résistance dérisoire à lintrusion, à croire quelle cédait à une force, avant tout, intérieure, inquiétante parce que terriblement désirable. Lhumiliation, les gifles, les coups de cravache, jalons effarants dune révolution inimaginable, participaient à linéluctable, justifiaient, sans être excusable, limpensable et insondable possession.
Portée par un souffle intérieur, une intensité dont elle devine la source, elle traverse la rue. A chaque pas, ses cuisses frottent contre sa chatte gluante. Labsence de culotte renforce la sensation de gêne obscène. Son pull frotte contre les tétons à vif. La douleur sestompe. Lhomme ne la donc pas flagellée violement. La peur a décuplé le ressenti. Le cinglant du cuir a enclenché le compte à rebours dune lancinante graduation vers lorgasme. Une morsure pour introduire la jouissance, la devancer et ensuite laccompagner. La douleur et lextase sont maintenant indissociables
Perdue dans ses pensées, elle ouvre la porte de lappartement. Se débarrasse de son duffle coat, monte dans sa chambre. Sarrête un moment sur le seuil comme à lorée dune déception. Immuables, sur létagères, la bible et quelques romans édifiants ; implacables la croix au-dessus du lit et la vierge en plâtre sur la commode. Le couvre lit est gris, les rideaux ternes. La fadeur de ce décor lassaille, elle le découvre comme pour la première fois alors quelle baigne dedans depuis sa plus tendre enfance. Il est frappé dobsolescence. Il névoluera jamais. Cest elle qui a changé.
Elle ôte son pull. Observe devant la glace ses seins quelle a tant dénigré. Les globes ronds endoloris la défient. Ils sautonomisent vis-à-vis du complexe dêtre une femme. Ce complexe, transmis par maman, ne lui appartient plus. Lhomme len a déshéritée. Les rainures rouges sur les mamelons insistent sur lextrême sensibilité de ces extrémités auxquelles elle sest rendue.
Sous la douche, elle se lave avec soin. Mais la saleté reste incrustée dans son esprit décidemment bien complaisant. Faute dêtre chassée, cette crasse grisante et capiteuse prend tous ses aises.
Sophie sort de la douche, senroule dans un drap de bain et sallonge, sur le dos, sur le lit. La culpabilité hante ses pensées, mais son corps, lui, na jamais été aussi détendu, apaisé. Elle sendort
Se réveille en sursaut. Maman cogne à la porte de la chambre, entre sans être invitée. Linquisitrice veut savoir :
« Alors comment sest déroulée ta confession ?
- Très bien maman.
- Tu vas te repentir ? Faire pénitence ?
- Oui maman.
- Pauvre pécheresse ! Jai été trop laxiste avec toi, pas assez sévère. Jespère quil nest pas trop tard.
- Non, non maman
- Jaurai dû punir impitoyablement tes mauvais penchants. Mais une mère a bien du mal à être inflexible avec sa fille, à ne pas se laisser attendrir.
- Heu oui, certainement maman.
- Ils vont te soigner... Tu mécoutes, Sophie ? Tu as lair distraite.
- Oui, excuse-moi, je
-
Par la mortification et le châtiment tu seras purifiée. Quand retournes-tu voir ces bons pasteurs ?
- Je ne sais pas
Je
- Jexige que tu continues à te soigner ! Je vais prendre rendez-vous pour toi !
- Mais non maman, je men occupe. Jirai mercredi prochain.
- Je compte sur toi.
- Bien sûr. Excuse-moi, mais, tu peux me laisser maintenant ? Jai des cours à réviser. »
Sophie a menti à maman. Sans remord. Une chose est sûre, elle ne retournera jamais chez le porc.
Elle esquive lexaspérante sangsue maternelle jusquau soir. Et elle compte bien abréger lépreuve du dîner.
« Où va tu Sophie ?
- Me coucher, maman.
Tu as à peine mangé.
- Et bien cest que je nai pas faim ! »
Elle dissimule mal son hostilité. Elle ne sétait encore jamais rebellée contre sa mère.
« Je ne te permets pas de me parler sur ce ton !
- Et tu vas faire quoi ? »
La mère lève la main :
- Te mettre une bonne gifle ! »
Sophie calme froide, elle-même surprise de son audace :
« Tu nas pas intérêt ! »
Les deux femmes se défient. La mère baisse les yeux.
« Tu as le diable au corps !
- Je suis majeure. »
Cest la première fois quelle tient tête à maman.
La mère ne le supporte pas. Elle explose, elle hurle :
« FILE DANS TA CHAMBRE ! TU ES UN DEMON ! DISPARAIT DE MA VUE. JE NE VEUX PLUS TE VOIR
TU ES POSSEDEE
»
La voix hystérique accompagne Sophie alors quelle monte les escaliers
« JE VAIS TE FAIRE ENFERMER DANS UN COUVENT
TE PROTEGER CONTRE TOI-MEME, TE CLOITRER
»
la jeune fille se précipite dans sa chambre
«
LE DIABLE A PRIS POSSESSION DE MA FILLE
SEIGNEUR AIDE-MOI
AIDEZ-MOI
»
Et les imprécations transpercent les murs pendant encore de très longues minutes.
A-t-elle jamais dormi aussi bien ? Elle ne sest pas polluée pendant la nuit. Le drap est immaculé. Elle sagenouille au pied du lit et prie. Elle remercie Dieu.
Est-elle guérie ? Non, simple réémission car le porc surgit brusquement dans ses pensées alors quelle se douche, que ses doigts couverts de savon glissent sur ses protubérances mammaires. Les stries laissées par la lanière de cuir sur ses mamelons la rendent-ils plus réceptive à linadmissible ? Pourquoi le monstre rode-t-il dans sa conscience pendant quelle offre sa vulve au jet deau chaude, quelle écarte délicatement ses grandes lèvres pour nettoyer son nid ? Le porc cherche à prendre le contrôle de son esprit avec un mot abjecte, avilissant : la branlée, la branlée, la branlée
Hors de question de retourner chez ce pervers. De toute façon, elle avait cours. La matinée lui parut longue, laborieuse. Le professeur de droit commercial alignait des phrases vides, creuses, désincarnées. Elle eut le plus grand mal à rester concentrée. Le porc simmisça traitreusement dans sa tête. A mesure que les heures sécoulaient, il échauffait ses sens, allumait un foyer de moiteur entre ses cuisses.
Toute la matinée, assise. Ça transpire entre les cuisses, son sexe fermente dans la culotte, les lèvres du coquillage embrassent le coton et y impriment des exhalaisons liquoreuses et grasses plus que douteuses.
Ses horaires sont réguliers. Des cours tous les jours, sauf le mercredi. Et à midi trente, pendant la pause déjeuner, elle rentre immanquablement chez elle en empruntant toujours le même chemin. A 14 heures, elle retourne en cours jusquà 16 h 30.
Sur sa chaise, elle ne tient pas en place. Le monstre, de plus en plus omniprésent dans son sang, loblige à se frotter constamment les cuisses. Il alimente la chaleur insidieuse qui irradie depuis son clitoris ; associée toujours au même mot odieux, la sève mémorielle congestionne le bouton de jouissance : la branlée, la branlée, la branlée
Fins des cours. Retour à la maison. Elle prend une douche glacée, puis se concentre sur la révision des examens. Sa volonté reprend le dessus.
Heureusement que maman travaille et nest jamais à la maison avant 19 heures, car, le soir, la tension est palpable. Entre la mère et la fille, pas un mot échangé, ne circule que de lincompréhension et du ressentiment. Quelque chose comme de la haine ?
Sophie expédie le dîner, se réfugie dans sa chambre. Incomprise, elle ne pardonne pas à sa mère. Hantée par son secret ignoble, impartageable, elle voudrait soulager sa conscience. Elle prie. Mais lécoute-IL ? Pour la première fois, elle doute. Est-ce le châtiment qui commence ? Est-elle vraiment possédée ? Alors pourquoi, en même temps, cette sensation de jubilation dans son corps rasséréné ? Tellement comblé quil en reveut, recommence à réclamer. Quoi ? Le porc lui souffle la réponse : la branlée, la branlée, la branlée
Les gestes du quotidien pour reprendre le contrôle de son être. Avant de se coucher, les ablutions. Nouvelle prière. A genoux. Humblement. "Mon Dieu, fortifiez ma foi". Elle enfile sa chemise de nuit sur son corps nu. Le contact du coton quand il glisse sur ses tétons encore un peu endoloris déclenche des frissons. Ils se tendent pour ce rien ! Sa vulve en profite pour soupirer au contact de lair. La toison noire entretient la touffeur. Elle se couche, sallonge sur le dos, les bras au-dessus des couvertures, les jambes serrées. La confusion règne dans son organisme. Elle est écartelée mais interdiction absolue décarter les cuisses, de se masturber, de céder à limmonde péché, de se laisser emporter par le film ignoble qui défile en boucle dans sa tête, avec toujours le même dénouement orgasmique. Le porc, lhumiliation, la branlée, le porc, lhumiliation, la branlée
Elle chasse les images. "Mon Dieu, aidez-moi à résister". Elle espère le sommeil. Simpose limmobilité la plus totale. Entre ses cuisses, un volcan au bord de léruption. La moindre secousse, le moindre mouvement licencieux, et ce serait lexplosion. Elle finit par sendormir. Le matin, elle se réveille avec la chemise de nuit détrempée, collée à son derrière, plaquée à sa minette poisseuse. La fuite ignoble sest abondamment répandue sur le drap. Elle observe avec dégoût lauréole accusatrice. Comme si elle avait fait pipi au lit ! Elle nest pas guérie.
Mais pas le temps de sapitoyer sur son sort. Pour sa pénitence, pour se soigner, elle simpose une douche glacée. Puis prière et ablutions. Etre la plus propre possible. Ne pas se contempler nue dans la glace ; aucune complaisance avec cette chair qui sétale obscènement, qui déborde de vice. La recouvrir. Petite culotte propre. Jupe droite sage. Soutien-gorge blanc. Chemisier sobre. Pull. Bottines sans talons. Pas de maquillage. Pas de colifichet. Pas dostentation. Oui, propre, sage, virginale et modeste.
Elle file en cours.
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