De Comtesse À Fille De Cuisine - 1
Constance se voyait déja ...
Brighton, le 11 septembre 1835
Je mappelle Constance Elsworth et je suis née à Dorset, dans le sud-ouest de lAngleterre. Mon prénom vient de ma grand-mère française.
Mon père est un homme daffaires qui commerce avec la Compagnie des Indes. Jai une soeur jumelle, elle sappelle Jane. On se ressemble beaucoup physiquement : toutes les deux très séduisantes, cheveux châtains, seins en poires, longues jambes... Mais pour le reste, on est complètement différentes, hélas pour ma soeur. En effet, je suis aussi brillante intellectuellement quelle est stupide. Elle ne comprend pas grand-chose ! Ni les mathématiques, ni la littérature, ni lhistoire. Donc elle est très jalouse de moi et prétend que je suis vaniteuse, alors que je suis simplement lucide.
Une année plus tôt, nous venions davoir 18 ans et nous faisions notre entrée dans le monde. Voilà qui nous changeait très agréablement de linstitution religieuse où nous venions de faire nos études.
Nos parents voulaient que nous fassions un riche mariage. Je me suis vite rendu compte que javais lembarras du choix : tous les hommes, ou presque, se jetaient à mes pieds... Évidemment, ceci rendait assez difficiles mes rap-ports avec les autres femmes, ma beauté et mon intelligence leur faisant de lombre. La jalousie des femmes est une rançon de la beauté.
Alors que plusieurs beaux partis me faisaient hésiter, je rencontrai Philip de Cheshire. Il était riche, noble, plutôt beau et très amoureux. Difficile de trouver mieux, à part Georges IV, notre souverain. Ce qui a achevé de me décider, cest son château. Mon père avait une belle maison, certes, mais Philip était le propriétaire du château de Warforth, en Cornouailles. Une merveille. Il ma fait une cour empressée et jai accepté de devenir Comtesse de Cheshire. Moi, la fille, dun homme riche, mais roturier, jallais devenir Comtesse. Mon père était ravi, dautant plus que mon mari était prêt à mettre de largent dans ses affaires.
Ma soeur, elle, a épousé un homme daffaires. Enfin, de vagues affaires...
*
Mon mariage fut somptueux. Plusieurs membres de la famille royale étaient présents, étant donné que les Comtes de Cheshire sont des cousins du Roi. Mon nouveau mari est en 4e position dans la succession du trône. Une bonne épidémie, dont nous réchappons, mon mari et moi, et me voilà Reine dAngleterre ! Je serais devenue la plus belle et la plus puissante souveraine dEurope, donc du monde. Le fait dêtre Comtesse, de vivre dans un château, dêtre invités par laristocratie, davoir des quantités de domestiques et même des paysans qui travaillent "nos" terres, tout ça, mest un peu monté à la tête. Ma soeur était plus jalouse que jamais. Cest compréhensible : cest très difficile davoir une soeur belle et intelligente, surtout sil y a des chances quelle devienne la reine.
Ma soeur et son mari ont commencé à commercer avec la Compagnie des Indes, comme notre père. Hélas, elle nest pas une lumière et son mari, carrément un imbécile. Leur commerce a périclité et ils se sont endettés de plus en plus. Elle est venue me supplier de les aider. Je lai laissée me supplier pendant une quinzaine de jours, avant daccepter du bout des lèvres de faire quelque chose.
Ce fut finalement une aide financière, plus le gîte et le couvert dans notre château. Bien sûr, je nallais pas les laisser fureter un peu partout, loisiveté est la mère de tous les vices. En échange de mon aide généreuse, je leur ai demandé de travailler. La prison pour dettes, ça existe. Ici, ils sont libres, même si loisiveté ne leur est pas permise.
Tous les matins, après avoir pris mon petit déjeuner, je fais venir notre gouvernante afin de parler de ce quils vont devoir faire. Ensuite, je les fais appeler et je leur donne du travail pour la journée, ainsi que pour la matinée du lendemain. Travaillant pour nous, il ne mest pas possible de les accueillir à notre table, avec nos hôtes de marque.
Je me suis aussi occupée des conditions de vie des domestiques. Jai interdit quon fouette les servantes paresseuses ou maladroites. En effet, le fouet est éventuellement destiné aux chevaux ou aux chiens, mais pas aux humains. À la place, jai décidé que ce serait le strap... Il sagit dun instrument en cuir rigide de 50 cm de long, 5 cm de large, assez épais. Le strap ne blesse pas comme le fouet... Il laisse quelques bleus, ça va de soi, mais jamais de blessures. Bien sûr, le strap fait mal quand il est appliqué sur la peau nue, mais à quoi servirait une punition qui ne ferait pas mal ?
Pour moccuper de mes domestiques, jai découvert la perle rare : Madame Steel, une ancienne maîtresse décole chassée de lenseignement, dit-on, mais sil fallait écouter les ragots... Quoi quil en soit, elle me convient parfaitement. Tous les domestiques en ont peur. Certaines domestiques 7
vont jusquà trembler devant elle, cest amusant.
Jai voulu assister aux punitions infligées aux servantes et je dois avouer que jai pris goût à les voir crier et pleurer sous le strap. Il suffit dailleurs de les en menacer pour les voir supplier dy échapper. Il y en a même qui se mettent à genoux et embrassent mes chaussures et mes chevilles. Ces filles nont aucune dignité !
Si une servante me supplie avec assez de conviction, il marrive dinfliger sa punition à une autre. Ce nest pas très juste, mais les servantes ont besoin dêtre régulièrement punies.
La faillite de Jane et de son mari.
Jane :
Je me suis rendu compte que mon nouveau mari était très loin davoir les qualités requises pour faire du commerce. Mais bon, il peut arriver à tout le monde dêtre escroqué par des gens malhonnêtes. Ma soeur et moi, nous avons hérité dune belle somme dargent de notre grand-père.
Je savais que ma soeur aurait pu nous aider, mais elle était la dernière personne à qui jaurais pensé demander cela... Sauf que mon mari ma dit que nous risquions la prison.
Donc jai demandé à ma soeur et à son mari dintercéder en notre faveur. Deux jours plus tard, elle ma dit que nous allions être arrêtés. Impossible d une affaire dune telle ampleur. Quelle horreur ! Ayant dépensé jusquà notre dernier penny, nous navions même plus de quoi payer un avocat.
La mort dans lâme, jai supplié ma soeur dau moins nous héberger, afin déchapper plus facilement à la prison pour dettes. Jai dû limplorer pendant des jours et des jours. Je lui disais par exemple :
Je ten prie Constance, je suis ta soeur !
Oui, mais tu as toujours été jalouse de moi.
Morte de honte, je lui ai répondu :
Cest parce que tu es plus belle et plus intelligente que moi. Je te demande pardon, mais je ten supplie, évite-moi la prison.
Si vous avez déjà visité une geôle anglaise du 19e siècle, vous comprenez sans doute que je mabaisse à ce point-là.
De son côté, elle était ravie de cette situation. Après des jours et des jours de supplications, elle ma dit :
Daccord, je vais taider, mais à une condition.
Merci, mille fois, merci, Constance !
Attends. Je veux que ton mari et toi, vous travailliez pour nous.
Merci Constance, je suis tout à fait daccord.
Enfin... on est soeurs après tout !
Elle a accepté de nous accueillir au château et de régler progressivement nos dettes, nous évitant lignominie de lemprisonnement. Nous nous sommes installés dans une petite chambre, dans une partie du château réservée aux servantes.
*
Au petit matin de notre première nuit au château, une servante vient me secouer en répétant :
Allez, réveillez-vous.
Quoi ? Jai sommeil !
Excusez-moi, mais Madame veut vous voir dans la salle à manger. Immédiatement !
Mon mari ne sest pas réveillé, lui. Je me lève, je mhabille et je suis la servante. Constance termine son petit déjeuner. Je lui dis :
Bonjour Constance, comment...
Elle me coupe :
Bonjour Jane. On va avoir quelques petites choses à mettre au point.
Oui ?
Je déplace une chaise pour masseoir.
Voilà, puisque tu vas travailler ici, tu dois me dire Madame et me vouvoyer.
Tu es vraiment sérieuse ?
Jai lair de plaisanter ?
Non...
Déjà, tu dois répondre poliment « Non Madame » et je préfère que tu restes debout.
Elle est folle, je vais lenvoyer.... mais lidée de la prison marrête. Je me lève et reste debout devant elle, comme les deux servantes qui attendent les ordres de leur Maîtresse, les mains croisées devant le pubis, les yeux baissés. Rester debout, dire Madame ou la prison ? Je réponds :
Bien, Madame.
Ce que je ne savais pas encore, cest que cette humiliation ne serait que la première dune longue série... Elle ajoute :
Ny vois rien de personnel, Janet.
Janet nest même pas le diminutif de Jane et elle sait que je déteste quon mappelle Janet... Elle continue :
Vous faites partie du personnel du château ton mari et toi, cest normal que vous soyez traités comme tels. Dailleurs, vous mangerez avec les domestiques, dans la cuisine.
A suivre.
Pour tous renseignements : mia.michael@hotmail.fr
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