Jérém &Amp; Nico Saison 1 Episode Final
Jérém & Nico SAISON 1 Episode final.
Boucler la boucle (deuxième partie)
Javale rapidement ma boisson et je remonte les escaliers. Je laisse mon verre au bout du comptoir ; et alors que je mapprête à quitter les lieux, jentends mon nom balancé au milieu des décibels.
« Nico ! Nico ! ».
Je me retourne ; un mec me regarde et me sourit. À travers des lunettes carrées lui donnant un look étudiant-intello sexy, ses yeux marron foncé me fixent ; son regard intense, charmant et charmeur, aimante le mien ; son sourire, brûlant comme le soleil du mois daoût, maveugle.
Sa chemise à petits carreaux noirs et blancs, parfaitement ajustée à sa plastique, les manches retroussées jusquaux coudes chemise estampillée du logo à leffigie dun fameux reptile retombe sur un beau pantalon marron-orange ; à son poignet, une belle montre de mec ; ses beaux cheveux châtains souples, bouclent légèrement sur le dessus ; alors que sa barbe brune, drue et bien taillée, donne du caractère à sa mâchoire par ailleurs très virile.
Bref, dans son look élégant et décontract à la fois, le mec en jette. Car le type, il a la classe : définitivement, Martin est le genre de garçon qui attire le regard, comme un rideau blanc la lumière du soleil.
Décidemment, on dirait que tous les pd de Toulouse se sont donné rendez-vous au B Machine ce soir. Je me surprends à me réjouir de tomber sur Martin ; et ce, malgré le malaise vis-à-vis de la façon dont je lai laissé tomber la dernière fois que nous sommes vus.
« Bonsoir ! » il me lance en me claquant la bise.
« Bonsoir
».
Sa barbe est dense mais douce comme une caresse ; alors que son parfum, de marque sans doute lui aussi, est capiteux, captivant.
Quand je pense que jai failli faire mes cours de conduite avec lui, me retrouver enfermé dans lespace clos dune petite voiture avec cette bombasse assise à côté de moi, les narines mises à dure épreuve par ce parfum
bien que, je ne peux pas dire quavec Julien ça ait été moins « éprouvant ».
« Tas failli me casser une côte tout à lheure
» il fanfaronne.
« De quoi ? ».
« Tu mas pas vu quand tu es parti en laissant Romain en plan ? ».
« Ah si
la chemise à carreaux noirs et blancs
cétait toi ! Pardon, jétais pressé de men débarrasser
mais tu le connais ? ».
« Qui ne connaît pas Romain
le serial baiseur
au fait
je crois quil na pas aimé que tu le plantes
cest quil na pas lhabitude
» il se marre.
Je me perds dans son regard de braise, tout en essayant de comprendre si lui aussi a déjà couché avec Romain et/ou sil sait que jai couché avec.
« Alors, que deviens tu depuis le temps ? Tu vas bientôt passer la conduite ? » il enchaîne.
« Début septembre
même si tu mas fait faux bond
».
« Jai eu un petit accident
».
« Tes toujours en arrêt maladie ? »
« Eh, oui
je dois subir une petite opération dans quelques temps
jen ai encore pour deux mois au moins
».
« Jespère que cest rien de grave
».
« Non, pas trop grave
mais cest dommage
je taurais bien voulu te prendre à la conduite
et sur la banquette arrière aussi
».
Des mots prononcés sur le ton de la boutade, alors que ses yeux dégagent un petit regard lubrique sur le ton denvie inassouvie.
« Que de la gueule
» je joue.
« Tu me connais mal
» fait-il, mi farceur, mi challengeur.
« Nempêche que tu mas fait faux bond
».
« Tas pas à te plaindre
du coup, tas fait ça avec Julien
ce putain de bogoss sexy à se damner et chaud comme la braise
».
« Ouiiiiii
».
« Ce Julien dont le plus grand défaut cest dêtre excessivement hétéro
et ce, même après trois bières
».
« Tas essayé ? ».
« Et comment ! Jai eu beau le faire boire, impossible de lui extorquer la moindre petite pipe
».
« Cest un hétéro
».
« Cest surtout un petit allumeur, il chauffe tout le monde, filles, mecs, chiens, chats
les filles, il les baise presque toutes
mais avec les mecs, il nira jamais jusquau bout
crois-moi, jai tout essayé
».
« Nous sommes devenus amis
» je lui annonce.
« Amis ? Il ta pas chauffé, toi ? ».
« Ah, si... en plus, il ma gaulé de suite... ».
« Tu le dévorais des yeux, toi aussi, hein ? ».
« Grave
je le matais dans le rétro, quand jétais assis à larrière
».
« Évidemment que tu le matais
il fait tout pour quon le mate
mais quelle idée dêtre aussi sexy
et en plus, il en rajoute avec sa gouaille et ses attitudes de petit allumeur
».
Au fond de moi, je ressens une sorte de frisson, un frisson incroyable car inespéré : cest la grisante sensation, comme une délivrance, de pouvoir enfin partager avec quelquun tout ce qui était si secret pour moi avant ; de, réaliser que dautres pensent comme moi et ressentent les choses comme moi
« Cest clair
».
« Il ta bien chauffé, alors ? ».
« Un peu comme toi, il jouait sur tous les tableaux, regards, sourires, allusions
» je lui explique.
« Avec un mec comme lui, on a vite fait de ne plus savoir où lon habite
».
« Julien est un coureur mais cest un bon gars
».
« Jen suis persuadé
dailleurs je ne lui en veux pas pour ce qui sest passé
».
« Mais lui il sen veut apparemment
».
« Il ta raconté ? ».
« Pas vraiment, il a juste dit quil navait pas voulu ce qui sétait passé et quil le regrettait, mais il ne ma pas dit davantage
».
« Cétait un stupide accident
» fait-il, rêveur.
« Tes pas obligé de me raconter
».
« Il y a prescription désormais
et puis, il ny a rien à cacher
Juju est arrivé à lautoécole ce printemps
quand jai vu débarquer cette bombasse, jai été scotché
en plus il est super sympa, il est marrant
comme il me parlait des filles avec qui il couchait, jai fini par lui dire assez vite que moi jaimais les mecs
il la super bien pris, on en déconnait, cétait devenu une sorte de complicité entre nous, il essayait de deviner quels mecs je kiffais, cétait génial
très vite jai eu limpression quil y avait une sorte de feeling entre nous, limpression quil me cherchait, quil me chauffait
au fil du temps, jai fini par me dire quil y aurait peut-être le moyen de le mettre dans mon lit
je ne métais pas encore vraiment rendu compte quil faisait ça avec tout le monde
Un soir je lai invité prendre un verre chez moi
on a bien rigolé, on sest raconté nos vies
il ma posé plein de questions sur mes relations avec les mecs
au bout de quelques bières, ses regards me semblaient particulièrement chauds et caressants
Je te raconte pas dans quel état jétais
javais bu moi aussi et je me suis dit que javais mes chances
alors, à un moment, je lui ai carrément dit que javais envie de lui faire une pipe
il hésitait
jai fini par lui mettre la main sur le paquet
il ma regardé droit dans les yeux, avec son regard pétillant sexy à mort
jai cru quil allait me dire dy aller, mais il ma dit :
« Fais pas ça ».
Ah, ce ptit con ! Jai essayé de rigoler, de le chauffer à mort, de lui dire quil nallait pas le regretter
je lui ai même dit que je ne lui demandais rien de plus que ça
mais il na pas voulu
Il était tard, il sest levé pour partir ; nous nous sommes retrouvés face à face ; jai vu dans son regard quil était rond comme une bille
et jai trouvé que lalcool, ça lui donnait un petit air fragile et perdu qui le rendait, si possible, encore plus sexy que dhabitude
ah, putain
ce mec me rend dingue
javais tellement envie de le sucer
à men arracher les tripes
il faut dire que javais pas mal bu moi aussi
je me suis approché de lui, jai tenté de passer mes doigts sous son t-shirt
Dans un premier temps, jai eu limpression quil se laissait faire ; je suis même arrivé à effleurer les poils en dessous de son nombril
je te dis pas comment javais furieusement envie d'aller débraguetter son putain de short et me mettre à genoux devant lui, le front collé à son mur dabdos dacier
Cest là que jai senti ses doigts attr les miens et les stopper net
mon élan était impétueux, le sien mal maitrisé
quand il a chopé mes doigts, jai entendu un crack, jai eu très mal
et au fond de moi, jai su immédiatement que quelque chose avait cassé
».
« Ah, merde
».
« Juju voulait mamener aux urgences, mais je nai pas voulu, il avait trop bu
jai pensé à son permis, au cas il se serait fait arrêter
et puis, malgré tout, je voulais croire que ce nétait pas cassé
Je nai été aux urgences que le lendemain, après avoir passé une nuit blanche à cause de la douleur
entre temps, ma main avait drôlement enflé
résultat des courses
jai eu des phalanges et des métacarpes du majeur et de lannulaire brisées
ils mont mis des vis et des boulons
et ils ont emballé tout ça dans une espèce de plâtre
avec la chaleur, cétait horrible
je viens tout juste de lenlever
deux mois sans sortir, deux mois sans presque baiser, deux mois sans pouvoir me branler avec la bonne main
jai cru devenir fou
».
« Et là, tu as bien récupéré ? ».
« Je narrive pas à serrer complètement la main, et probablement je ny arriverai plus jamais
je vais devoir être opéré à nouveau dans quelques temps pour retirer les vis et les boulons, cest à ce moment-là quon verra combien de mobilité je vais récupérer
».
« Quelle histoire
je suis désolé pour toi
et je comprends que Julien sen veuille
».
« Il est venu me voir plusieurs fois depuis laccident
il ma fait les courses, il ma servi de chauffeur
et grâce à son assurance, je ne perds pas un centime de mon salaire
».
« Il est adorable
».
« Oui, mais jai voulu mettre de la distance entre nous
».
« Pourquoi ça ? ».
« Parce que
ce mec me fait un effet bizarre
».
« Tu as trop envie de lui ? ».
« Cest plus que ça, Nico
je crois que je suis
ah putain
ça marrache la gueule de le dire, tellement ça ne me ressemble pas
je crois que je suis
amoureux
de Juju
».
« Cest beau ! ».
« Non, cest con
ce mec ne sera jamais à moi
un coureur de jupons et un coureur de caleçons... quest-ce que tu veux que ça donne de bon ? Et quand bien même
ce mec nest franchement pas un cadeau
il baise tout ce qui bouge, mais à condition que ça ait des nichons
avec la gueule et le corps quil a, il peut se permettre nimporte quoi
je plains sa copine
être avec ce mec, cest un sacerdoce
».
« Tu redoutes de le retrouver au taf ? ».
« Disons que je ne suis pas spécialement pressé de reprendre
putain !
quand je pense quil ne veut pas que je le suce juste parce que je suis un mec
alors que je ne lui demande rien de plus que lui faire ce que lui font ses copines
mais en mieux ! ».
Je ne peux mempêcher de me marrer de sa prétention.
« Cest vrai, quoi
» sexcite Martin « je veux juste lui faire plaisir
nous voulons juste leur faire plaisir à ces cons dhétéros
leur faire plaisir, tout en les laissant être « les mecs »
tout ce quils veulent, rien que ce quils veulent, autant quils veulent
et merde
pourquoi nous naurions pas le droit de se faire plaisir en leur faisant plaisir ? Juju laisserait nimporte quelle greluche fouiller dans son boxer mais pas moi, juste parce que je nai pas de chatte
une bouche, cest une bouche, merde !
quant à la maîtrise
».
« Oui, je te confirme, cest très con un hétéro
».
« Moi je pense que sils ont autant de réticence à se faire sucer par un mec, cest parce quils ont peur de trop aimer
ils ont peur de ne plus pouvoir sen passer
et aussi de découvrir des envies quils ne pourront jamais assumer
comme de sucer ou même de se faire prendre
jen ai connu quelques-uns de soi-disant hétéro qui jamais ne se feraient prendre
Il faudrait les priver de toute gonzesse, du jour au lendemain
tu verrais quau bout dune semaine, ils feraient moins les difficiles si un mec leur propose une pipe ! ».
« Cest clair
».
« Il fallait que je mentiche de ce petit con de Juju, je te jure ! » fait-il, avec une certaine tristesse dans la voix.
« Mais tu dois en tomber plein de mecs en boîte
» je tente de dédramatiser.
« Oui, oui, jen tombe, oui
enfin, jen tombais
là, jai même plus vraiment envie
cest avec lui que jai envie dêtre
je donnerais une fortune pour sentir lodeur de sa peau, pour le serrer contre moi, pour passer une nuit avec lui
une fortune pour avoir le plaisir de lui offrir du plaisir
ça mest arrivé de coucher avec des mecs et de jouir en pensant à Juju
».
« Tes vraiment accro
».
« Cest idiot
alors que je nai rien à espérer
» il considère ; avant denchaîner, sans transition : « et toi alors
tas pas ton garde du corps ce soir ? ».
Et de trois. Mais tant pis. Je suis prêt à partager ma détresse avec celle de Martin.
« Je ne le vois plus
il ma largué
».
« Ah
mince
».
« Je suis désolé de tavoir laissé en plan la dernière fois
» je profite pour mexcuser.
« Javoue que ça ma fait bizarre
moi non plus, je ne suis pas habitué à me faire planter
mais bon, je ne peux pas te blâmer
si un étalon pareil vient me chercher, devant plein le monde en plus, je me laisse faire moi aussi
et puis, je pense que tu espérais mieux que juste du sexe avec ce mec
».
« Moi, oui
mais je me suis trompé sur lui
lui il voulait juste baiser
».
« Dis
ça te dit doublier nos bombasses impossibles et daller prendre un verre chez moi ? ».
Cest la deuxième fois on me propose ça cette nuit. Jhésite.
« On nest pas obligé de baiser
» il précise, en se marrant « on peut juste discuter ou mater un film
».
Oui, cest la deuxième fois quon me propose ça cette nuit. Et cette fois, je décide daccepter.
« Super, je nhabite pas loin, à Port St Sauveur
».
Je nai pas envie de me retrouver seul à ruminer dans ma chambre, et Martin minspire confiance. Je lai trouvé touchant et sincère lorsquil ma parlé de ce quil ressent pour Julien ; comme quoi, en grattant un peu sous la surface, dans chaque coureur peut se cacher un esprit sensible.
Il est 3 heures du mat lorsque nous quittons le B Machine. Après une overdose de décibels, ça fait du bien de retrouver le silence de la nuit ; tout comme, après les températures tropicales de la boîte, ça fait du bien de retrouver un air plus respirable.
Le vent dAutan souffle toujours, et la fraîcheur nocturne est la bienvenue.
Nous contournons le parking en spirale, alors que nous entendons voler un : « Bande de pd ! » sur notre passage.
« Ny fais pas attention
surveille juste du coin de lil quils napprochent pas
et si tu les vois approcher, cours le plus vite possible, et narrête pas tant que tu nas pas croisé du monde
jai un pote qui sest fait démolir par une bande de casseurs
».
« Des casseurs ? ».
« Des casseurs de pd
».
« Oui, ça existe
» fait-il, devant mon étonnement.
Nous sortons des petites rues et nous débouchons sur les allées Verdier.
Nous navons pas fait 100 mètres quune silhouette blanche rentre dans mon champ de vision.
Jai beau être à 150-200 mètres de distance, je reconnais une démarche cadencée, rapide, souple, masculine ; je reconnais également une façon de fumer, elle aussi, éminemment masculine.
Nous avançons, le type avance droit vers nous : nous allons fatalement nous rencontrer.
Un t-shirt de mec, blanc, aveuglant, bien ajusté, un simple jeans, des baskets
Soudainement, jai limpression que le sang vient de se figer dans mes veines, que mon cur est sur le point dexploser à la suite dun ultime battement, tellement puissant qui défoncerait ma caisse thoracique ; ma tête tourne comme un tambour de machine à laver en mode essorage, mes muscles se crispent, mes tripes se vrillent, jai du mal à marcher, et même juste à respirer.
Oui, à cette distance je reconnais la façon de fumer, non pas la cigarette, mais le pétard : SA façon à LUI.
Pas ça, pas ça, pas ça, non
Je cherche une raison plausible pour faire demi-tour, pour éviter le choc frontal. En vain. Mon cerveau est paralysé, je suis incapable de me focaliser sur la moindre pensée ; le t-shirt blanc approche vite et la collision est déjà inévitable.
Un étrange mélange démotions sagite en moi
jai envie de pleurer et jai peur
Quinze jours depuis ce maudit vendredi 10 août ; quinze jours passés à tenter de loublier, à tenter de soigner mes blessures, à essayer de me donner lillusion que je suis en passe de guérir de cet amour dévastateur.
Pourtant, il me suffit de capter sa présence à des centaines de mètres pour quen une fraction de seconde, tout remonte, dans mon cerveau, dans ma chair : son sourire pendant la semaine magique, sa langue, les baiser musclés, le goût de sa peau, son kif, mon kif, la puissance de ses giclées, le goût de son jus ; ses coups de reins ; ses doigts sur mes tétons, sa main sur ma queue, sa main qui me fait jouir ; la capote qui tombe de son jeans ; notre dispute, mon coup, son coup
Alors, oui, jai envie de pleurer.
Mais aussi, et surtout, jai peur ; peur de sa réaction lorsquil va me voir en compagnie dun mec, et à fortiori CE mec, dont il a déjà été jaloux.
Bien sûr, le voir jaloux ce serait une belle revanche par rapport à sa méchanceté de cet horrible vendredi !
Ce que je redoute par-dessus tout, cest son indifférence ; alors quune bonne scène de jalousie me ferait tant de bien, ça montrerait que je ne suis pas quune petite merde à ses yeux.
Ce qui me fait peur, cest quune scène de jalousie ce serait assurément virulent ; jai peur de lesclandre, des mots blessants, de son mépris ; jai peur de la violence, de laffrontement ; le connaissant, avec son sang chaud bouillant, ça pourrait vite dér.
Je me demande aussi comment Martin, dont je ne connais pas le caractère, pourrait réagir si Jérém se mettait à faire le con. Je ne veux surtout pas de bagarre.
100 mètres
je reconnais ce t-shirt, cest le même quil portait le soir du repas de fin de lycée, tellement moulant quon le croirait peint sur sa peau
combien de souvenirs autour de ce t-shirt
50 mètres
t-shirt CK proche collision
mais quest-ce quil fait là, seul, à cette heure ? Il nest pas avec sa pouffe ? Est-ce quil a bu ? Fumé ? Il vient doù, il va où ?
40 mètres
dernière possibilité de mise en garde
« Martin
».
« Oui ? ».
« Mon ex garde du corps nous fonce dessus
».
« Ah, cest lui, là ? Jétais justement en train de tenter dévaluer le degré de canonitude du mec
».
« Oui, cest lui
sil te plaît Martin
».
« Tu gardes ton calme, je garderai le mien
et on sen débarrasse vite fait
».
30 mètres
allure alcoolisée/fumée confirmée
et il fume toujours
20 mètres
un petit hochement de la tête, accompagné dun éclair mauvais traversant son beau visage de mec : voilà la notification du fait quil vient de me capter, et de capter que je ne suis pas seul
15 mètres
il est beau, beau comme un dieu dans son t-shirt blanc immaculé, presque une deuxième peau sur sa plastique de fou
ah, putain ! Cest à hurler à sen casser les cordes vocales
10 mètres
putain de brassard tatoué, et putain de nouveau tatouage, ressortant par le col du t-shirt, le long de son cou, jusquà son oreille, jaillissant par la manchette collée à son biceps
9 mètres
le blanc du coton, sa peau mate, chaude, douce, parfumée, lencre noir des tatouages
contrastes magiques
je craque !
8 mètres
ses beaux cheveux bruns, comment jai envie de les caresser !
7 mètres
le petit grain de beauté dans le cou, la chaînette posée sur le coton blanc
jai envie de lui !
6 mètres
envie de le serrer dans mes bras, de le couvrir de bisous, de câlins
5 mètres
envie de son corps musclé sur le mien, et lui coulissant en moi
4 mètres
envie de le sentir prendre son pied
envie de mes sentir dominé, débordé, chauffé, rempli par sa virilité, par sa puissance de jeune mâle
3 mètres
envie de retrouver la complicité de la semaine magique
2 mètres
envie de lui crier : « je taime »
Et BAM !
« Hey
» fait-il sur un ton étonnamment décontracté
ou, surtout, complètement shooté par le pétard
.ce qui nest pas une bonne chose, a priori
Tout de suite, je remarque que sous son il, une légère trace de coup persiste : putain, je lai vraiment frappé fort.
« Salut
» je lui réponds avec une petite voix ridicule ; jai le souffle coupé, le cur dans la gorge.
« On se balade ? » fait-il, sur un ton en apparence aimable.
« Ouais
il fait bon maintenant
».
On peut toujours chercher une réplique plus idiote.
Lorsquil expire la fumée, je reconnais lodeur du tarpé.
« Tu me présentes pas ton pote ? ».
Bon, ça commence moins mal que je lavais imaginé ; il ny a que son ton distant et détaché qui me blesse ; pourtant, quelque chose dans le ton un brin sarcastique de sa voix me ferait dire quau-dessous de cette politesse de façade, ça bouillonne sévère.
Jai limpression de marcher sur des ufs
écourter
sen débarrasser vite
suit le conseil de Martin, Nico
« Si
Martin
Jérémie
Jérém
Martin
» jénumère, les jambes flageolantes.
Dans mon champ de vision, deux facettes de la plus absolue perfection masculine, deux styles opposés : t-shirt-blanc-jeans-baskets-chaînette-de-mec VS chemise-à-carreaux-noirs-et-blancs-pantalon -chaussures-de-ville-belle-montre-de-marque
bref, ptit con insupportablement sexy VS mec très classe insupportablement sexy.
Oui, ça avait lair de ne pas avoir trop mal commencé ; mais ça ne va pas durer.
Martin lui tend la main, poliment ; mais Jérém, petit con de son statut, ne la saisit pas, tout en expirant la fumée dans sa direction.
« On sest déjà croisés à lEsmé
» il ajoute, avec mépris ; et il continue, avec un certain dédain : « alors, tas été tamuser au
B Machine ? ».
Ainsi, Jérém connaît le B Machine
tout comme la Ciguë
et le On Off
combien de fois a-t-il déjà mis les pieds dans le milieu gay ? Combien de mecs sest-il déjà envoyés ? Romain a donc raison de me mettre en garde
Voilà peut-être la réponse à ma question de savoir où est-ce quil allait, seul, à cette heure tardive : il était peut-être en train de se diriger vers là doù justement nous venons
Je ne sais pas trop quoi répondre, ni comment me comporter face à son attitude ; oui, il a fumé, et il certainement bu aussi, je le sens au ton éraillé de sa voix ; je dois éviter de le chatouiller, je dois éviter à tout prix que ça dé.
Un silence gênant sinstalle. Vite, trouver un prétexte pour se tirer.
Mais avant que jaie pu échafauder quoi que ce soit, Jérém revient à la charge, le ton de la voix de plus en plus froid et méprisant :
« Cest bien, tas trouvé un nouveau mec
».
Tutt'al più, mi accoglierai/Tout au plus, tu maccueilleras
Con la freddezza che, non hai avuto mai/Avec la froideur que tu nas jamais eue
Pourtant, je sens quau fond de lui, il est énervé de me trouver en compagnie de Martin. Comme si ça le faisait chier de me trouver :
Assieme a quelle che, ha preso il posto moi/Avec (celle) celui qui a pris (ma) sa place
Au fond de moi, une voix a envie de crier que personne na pris sa place ; que si jai été au B Machine,
Non è perché lamore sia finito/Ce nest pas parce que l'amour est terminé
Io ti amo ancora/Je taime encore
Oui, jai envie de lui crier que, non, personne na pris sa place, du tout ; que si jai accepté de finir ma soirée avec Martin, cest juste parce que jai besoin de ne pas être seul, parce que je nai plus envie de pleurer en pensant à lui ; jai envie de lui crier que la présence de Martin à mes côtés est juste une façon de trouver un peu de répit à la souffrance, une façon de supporter cet immense gâchis.
Mais à cet instant, la seule chose que je me sens capable de faire, cest de partir loin, au plus vite, loin de lui, de ce malaise et des larmes que je sens monter en moi.
« On va y aller
» je fais à lattention de Martin.
« Non, moi je dis que cest bien, il faut savoir passer à autre chose
» revient à la charge Jérém, de plus en plus sarcastique « alors, ten as bien profité depuis deux semaines ? ».
E forse mi chiederai/Et peut-être tu me demanderas
Quanti ragazzi ho avuto/Combien de gars j'ai eus
Dimenticando te/En oubliant que tu (étais le plus important de tous pour moi)
« Ça y est, tu es à nouveau « amoureux » ? » il ajoute, railleur.
Eppure tu sai bene/Pourtant, tu le sais bien
Che una ragazza come me/Qu'(une fille) un mec comme moi
Non scherza con lamore/Ne plaisante pas avec l'amour
Non ha scherzato mai/Na jamais plaisanté.
« Jérém, tu es relou
».
« Tu ne disais pas ça quand tu me suppliais de te baiser
» fait-il, mauvais.
« Tu ferais bien de te calmer
».
La voix chaude et calme de Martin vient de se manifester.
« Sinon quoi ? » fait Jérém, soudainement agressif.
« Sinon rien
il est tard, on va rentrer
».
« Cest qui ce bouffon ? » fait Jérém, de plus en plus piquant.
« Hey
» fait Martin en haussant le ton de la voix « je tinsulte pas, tu minsultes pas ! ».
« La ferme, toi ! Cest à lui que je cause ! A toi je nai rien à dire
toi, tu nexistes même pas ! ».
Ses mots, tout comme son attitude, sont clairement provocateurs et mauvais. Jai limpression que Jérém cherche à faire sortir Martin de ses gonds : jai limpression quil cherche la bagarre.
« Tu commences vraiment à me casser les couilles ! » fait Martin, soudainement emporté. Jai limpression quil est lui aussi à deux doigts de perdre son calme.
« Tu veux quoi, tu veux me cogner ? » fait Jérém, en mode petit coq arrogant et provocateur.
« Je ne me bats jamais
ça ne sert à rien ! ».
« Tu te bats pas parce que tas pas de couilles
».
« Tu veux voir ça ? ».
« Martin, Jérém, sil vous plaît, arrêtez ! » je crie, tout en minterposant entre les deux.
« Martin, on y va ! Et toi, Jérém, casse-toi ! Tu mas dit de dégager de ta vie, alors, maintenant, fiche-moi la paix ! ».
« Tinquiète, je vais te foutre la paix
tu ne me verras plus jamais ! ».
« Tant mieux ! » je crâne, alors que je crie et je pleure et je saigne à lintérieur.
« Fais-toi sauter par qui tu veux, je nen ai rien à foutre, je me suis assez amusé avec toi ! ».
Tuttal più mi offenderai/Tout au plus, tu moffenseras
Et tu mi caccerai/Et puis tu me chasseras (
)
Dicendo che oramai/Me disant que maintenant
Non tinteressa più/Tu ne te soucies pas plus
Una ragazza che/Pour un(e) (fille) mec qui
Serviva solamente/A servi seulement
Per divertirsi un po/Pour samuser un temps
« Tes nul, Jérém
»
« Viens, on y va
» fait Martin sèchement.
« Oui, on va y aller
» je le seconde « salut Jérém
».
Jérém se tait, le regard vide, comme désemparé. Cest un regard dans lequel jai limpression de lire le même souvenir qui marrache le cur depuis que le destin, avec son ironie impitoyable, ait provoqué cette rencontre inattendue : cest le souvenir de cette nuit à lEsmé où javais failli partir avec Martin
le souvenir de son sketch, lorsquil était venu me chercher, me sommant de rentrer avec lui ; obtenant, au final, que je rentre avec lui.
Un souvenir qui se met tout seul en parallèle avec cette nuit, où je suis en train de repartir avec ce même gars, sous ses yeux. Certes, Jérém ne ma pas demandé de repartir avec lui, cette nuit : dune part parce quil na plus de chez lui ; et dautre part, parce quil ma quitté il y a deux semaines.
Jérém se tait, comme sil essayait de contenir sa colère, des mots quil regretterait ; il se tait, comme pour garder les apparences, comme sil renonçait à « jouer » pour ne pas devoir affronter la « défaite ».
Ses traits sont figés, par la fatigue et la frustration, ses lèvres sont serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme dAdam bondit sous leffet dune déglutition fiévreuse ; son regard perdu, rempli de désolation, est le même que jai vu dans ses yeux la dernière fois quil est venu chez moi, après quil mait quitté, alors que jessayais de le retenir ; et tout comme à ce moment-là, ce que je vois à cet instant, ce nest plus le connard ivre mort qui vient de me balancer des horreurs, mais un garçon très, très, très malheureux. Et ça me fend le cur.
Mais quoi faire pour annuler cette distance infinie quil a voulu, lui et lui seul, mettre entre nous ?
Je me suis battu pour cela, depuis des mois ; jai tout essayé pour me rapprocher de lui. Et là, force est de constater mon échec. Oui, cest un gâchis inouï ; mais puisquil ne veut rien entendre, à quoi bon dépenser encore de lénergie pour me battre, alors que je nai plus lénergie de me battre.
Ce qui ne mempêche pas de me demander si, au cas où il avait encore eu un « chez lui », il aurait à nouveau essayé de marracher de Martin
lespoir de retrouver un amour malheureux est si dur à juguler
Pendant que Martin et moi reprenons notre chemin, je sens son regard saccrocher lourdement à moi, happer mon énergie, entraver le mouvement de mes jambes : le fait est que mon corps est en train de séloigner DE lui, mais que mon cur est resté AVEC lui. Mes pas sont de plus en plus pénibles au fur et à mesure que je tente de méloigner, comme si un fil invisible était en train de se tendre entre ces deux bouts de moi : jusquoù ce fil va se tendre avant de casser ? Ou bien, lequel des deux bouts sera de taille à ramener lautre auprès de lui, lorsque le fil trop tendu donnera un grand coup de ressort ?
Nous navons pas fait 10 pas, que jentends sa voix résonner dans lallée :
« Nico
».
Je me fige sur place, le dos secoué par mille frissons, la tête comme un manège, la respiration coupée : au fond de moi, jespère, je veux, je crie pour quil puisse changer dattitude du tout au tout, quil essaie de me rattr comme lors de cette fameuse nuit ; quil me laisse enfin comprendre que, malgré tout, je suis quelquun de spécial pour lui, que je lui manque.
Je me retourne, le cur en mode marteau piqueur ; mon espoir aura été de courte durée : son regard est à nouveau noir et plein déclairs mauvais :
« Pour ton info
ton cadeau de merde, je nen ai rien à cirer ! ».
« Tas quà le foutre à la poubelle, si ça te chante ! ».
« Tinquiète, cest fait ! ».
Et BAM ! Voilà le grand coup de ressort qui ramène mon cur à moi, mais en mille morceaux.
« Laisse tomber, viens
» fait Martin, impatient.
Un doigt dhonneur pour seule et unique réponse, Jérém reprend son chemin comme une furie.
Je le regarde séloigner, en pensant à laffreux gâchis quil vient de faire du souvenir de cette merveilleuse complicité que nous avions, il y a encore trois semaines.
Je pensais quil ne pouvait pas me faire davantage souffrir quil lavait pu il y a deux semaines : je me trompais. Cette nuit, il a tout trainé dans la boue ; cette nuit, ma souffrance est renouvelée et portée à des sommets encore jamais atteints.
Envie de pleurer. De courir et de pleurer. Dêtre seul et de pleurer.
« Ne lécoute pas
il est rond comme une bille, il dit nimporte quoi
» fait Martin, adorable.
Merci Martin.
Chez Martin, nous avons pris un verre et je lui ai reparlé de mon amour impossible, lui du sien ; je lui ai reparlé de mon cur brisé, il a fait de même.
Nous nous sommes allongés sur son lit. Il ma pris dans ses bras, il ma caressé, il ma embrassé. Je me suis laissé faire.
Son parfum métourdissait, son regard mhypnotisait. Le contact avec sa peau chaude, avec son torse dénudé, avec ses pecs saillants et assez poilus, me faisait sentir bien.
Martin a été doux, attentionné, câlin, sensuel. Lorsquil a passé sa main sous mon t-shirt, il sest attardé à me caresser, tout en continuant à membrasser.
Jai croisé son regard, un regard qui attendait un signe de ma part pour savoir de quoi javais envie
est-ce que je savais seulement de quoi javais envie ?
https://www.youtube.com/watch?v=OYttugD31rI
Se immagino che tu sei qui con me/Si jimagine que tu es ici avec moi
Sto male, lo sai!/Je me sens mal, tu sais!
Voglio illudermi di riaverti ancora/Je veux me donner lillusion de tavoir à nouveau
Com'era un anno fa/Comme cétait il y a un an.
Io stasera insieme ad un altro/Ce soir, je suis avec un autre (
)
Puis, Martin sest glissé sur moi, il a défait ma ceinture, ma braguette. Lorsquil ma pris en bouche, ça a été le feu dartifice pour mes sens.
Pourtant, pendant que mon corps prenait son plaisir, mon cur pleurait ; alors, je fermais les yeux et je me laissais aller à cette
Pazza Idea/Idée folle
Pazza idea di far l'amore con lui/Idée folle de faire l'amour avec lui
Pensando di stare ancora insieme a te!/En imaginant dêtre encore avec toi!
Folle, folle, folle idea di averti qui/Folle, folle, folle idée de tavoir ici
Mentre chiudo gli occhi e sono tua/Pendant que je ferme les yeux et je suis à toi.
Martin sest allongé sur moi, il ma embrassé ; il ma souri, je lui ai souri
Pazza idea, io che sorrido a lui/Idée folle, alors que je souris à lui
Sognando di stare a piangere con te/Tout en rêvant de pleurer dans tes bras
Folle, folle, folle idea sentirti mio/Folle, folle, folle idée de te sentir à moi
Se io chiudo gli occhi vedo te/Si je ferme les yeux cest toi que je vois.
Pazza idea.../Idée folle, que de coucher chacun de notre côté
alors quon est fait lun pour lautre
Ainsi, après avoir partagé nos solitudes et nos détresses, Martin et moi avons partagé le plaisir ; puis, nous nous sommes assoupis lun à côté de lautre.
Il est 4h30 du mat lorsque je me réveille, en sursaut. Il fait chaud dans lappart et je sors chercher de la fraîcheur sur le balcon.
Je regarde la ville endormie, jécoute le silence de la nuit ; Jérém me manque à en crever.
Je repense à ce maudit vendredi, la dernière fois quil est venu chez moi. Je le revois, planté sur le pas de porte, si distant, le regard fuyant, me demandant de lui rendre sa chaînette, pressé de repartir.
Javais dû insister pour quil rentre, et javais dû ramer pour quil me laisse lui faire plaisir : et même sil avait fini par se laisser faire, ce jour-là, le sexe avait été incroyablement triste.
Jérém semblait ailleurs, perturbé par une sorte de mélancolie, par un malaise palpable que même son attitude de macho, qui sonnait dailleurs un brin e, navait pas réussi à masquer.
Et puis il y avait eu laccident de la capote tombée de son jeans, ses mots blessants, sa goujaterie, qui sonnait fausse elle aussi ; je repense à son regard, toujours ailleurs, à sa jambe, animée par une sorte de tremblement nerveux.
« Ça ne peut pas finir comme ça entre nous ! » javais essayé de le retenir.
Je le revois, là, devant moi, muré dans son silence, le regard posé sur la poignée de la porte ; je revois ses traits figés, ses paupières qui clignent nerveusement, ses lèvres serrées, parcourues par un frémissement incontrôlable ; sa pomme dAdam qui bondit sous leffet dune déglutition fiévreuse ; ses yeux qui se ferment lourdement, se rouvrent ; ce petit mouvement de sa tête sur le côté, comme sil voulait chercher mon regard, avant que ses yeux ne se perdent à nouveau dans le vide.
Jai eu limpression de me retrouver devant un garçon qui nétait pas mon Jérém ; un garçon qui se faisait violence pour être aussi méchant, pour me blesser et méloigner de lui :
« Il ny a toujours eu que ton cul qui mintéressait ! » ; « Le mec de la piscine, cest pas moi qui ta dit de baiser avec
» ; « Tes pas le seul mec que jai fait couiner
».
Ma colère aveugle ; mon coup ; son coup.
« Tes vraiment quune petite merde ! »
« tu vas dégager de ma vie ! ».
Maman qui débarque.
Et je repense à son dernier regard avant de partir, ce regard qui me brise le cur davantage encore que ses mots cruels ; ce regard perdu, rempli de désolation, de chagrin, et de regret. Ce que je vois à cet instant, ce nest plus le connard qui vient de me balancer plein dhorreurs, mais un garçon très malheureux.
Ce même regard que jai retrouvé ce soir, alors que je repartais avec Martin ; ce regard que jai retrouvé au-delà de sa colère, de sa vulgarité, de son mépris, de son état divresse.
Oui, Thibault a raison : au fond, Jérém, nest quun animal blessé qui se débat, qui réagit à sa souffrance par la violence ; oui, que ce soit en me quittant il y a quinze jours, ou en me retrouvant en compagnie dun autre cette nuit, son comportement nest au fait que le révélateur de sa détresse.
Quand je vois Jérém dans cet état, je comprends linquiétude de Thibault et je ressens la même inquiétude, une inquiétude qui me prend au ventre. Jai peur quil se mettre en danger, jai peur quil lui arrive quelque chose.
Qua-il-fait, après être reparti en colère tout à lheure ? Où est-il allé ? Qui a-t-il rencontré ? Est-ce quil a bu davantage, fumé davantage ? Avec qui a-t-il couché ? Est-ce quil sest au moins protégé ?
Soudainement, je me sens prêt à aller le voir, où quil soit, prêt à retourner toute la ville pour le retrouver et pour mexcuser de lavoir frappé, pour lui dire quil est la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie.
Non, je ne peux pas me résigner à le perdre de cette façon, sans tenter une dernière fois de lui faire comprendre à quel point on pourrait être bien ensemble.
Alors, à cet instant précis, je me dis que, dès demain, je vais lappeler, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; je me dis que oui, demain je vais trouver les mots ; que demain, je vais retrouver mon Jérém.
À cet instant précis, le lendemain me semble encore plein de promesses.
À l'autre bout de la ville, cherchant lui aussi la fraîcheur sur son balcon, Thibault non plus n'arrive pas à dormir. Quelque chose le tracasse, lui empêchant de trouver le sommeil. Cette nuit, comme depuis de nombreuses nuits.
Thibault est inquiet de ne pas avoir des nouvelles de son Jéjé depuis plus dune semaine ; il a la nostalgie de cette époque où ils étaient comme des frères, lun pour lautre ; et il ressent une immense tristesse en pensant que cette époque semble être désormais bel et bien révolue ; et imaginer lavenir sans la présence de son Jéjé, ça lui arrache le cur.
Jamais il naurait cru que ça puisse arriver un jour ; il a fallu que le Stade le choisisse, lui, et quil laisse son pote sur la touche. Il a fallu que le rugby sinterpose entre eux.
Depuis une semaine, il a essayé dappeler son Jéjé, il lui a laissé des messages ; il na jamais réussi à lavoir.
Depuis une semaine, il ny a pas eu une heure, une minute, où il na pas pensé à son pote et à sa déception après linjustice de son exclusion des poteaux toulousains ; pas un seul instant où il na pas pensé à son Jéjé, se privant lui-même de la présence bénéfique de Nico ; pas un instant sans quil ne pense à son pote loin de lui, sans quil sen veuille à mort pour la façon dont ils ses sont quittés la dernière fois quils se sont vus ; pas un moment sans ressentir linquiétude que son pote, désormais seul et désorienté, puisse se mettre en danger ; pas un moment, sans que tout cela ne lui noue la gorge, lui vrille les tripes.
Oui, depuis une semaine, Thibault a le cur lourd, très lourd : un cur qui en a encore pris un coup quelques heures plus tôt, lorsque Nico est allé lui parler. Car, à partir de ce moment-là, son cur sest encore alourdi un peu plus, de la honte davoir menti à Nico ; ou du moins de ne pas lui avoir tout dit, comme cétait le cas déjà lavant dernière fois quils sétaient vus.
Une grande résolution de profile dans son esprit ; une décision importante, terriblement difficile à prendre.
Mais avant de cela, Thibault se dit que, dès demain, il va rappeler son Jéjé, et le convaincre de se voir pour discuter calmement ; il se dit que oui, demain il va trouver les mots pour sauver leur belle amitié ; que demain, il va retrouver son Jéjé.
À cet instant précis, pour Thibault, tout comme pour moi, le lendemain semble encore plein de promesses.
Cest reposant de se dire quil y aura toujours un demain pour faire ce que nous nous sentons pas le courage de faire aujourdhui, pour trouver les mots que nous navons pas su prononcer plus tôt, pour nous reconcilier avec les personnes avec qui nous regrettons dêtre fâchés : en somme, pour être en harmonie avec nous-mêmes ; pour être heureux, tout simplement.
La nuit va bientôt se terminer et le vent dAutan na rien perdu de sa vigueur ; il caresse ma peau, sengouffre dans mes cheveux, essuie mes larmes ; il fait onduler les branches les arbres des allées, il balaie les feuilles que la sécheresse commence à faire tomber ; cest encore lui qui qui fait osciller les câbles des lignes électriques, qui sengouffre dans les places, les avenues, les rues de la ville rose, qui traverse les grilles du Boulingrin, que je contourne en rentrant chez moi, après avoir quitté lappart de Martin au petit matin.
Devant le Grand Rond, je ralentis le pas : je suis percuté par la violence du souvenir, ce tout premier souvenir de ma nouvelle vie, le souvenir dun beau jour de mai, le souvenir de mon parcours, plein dangoisses et dinquiétudes, vers les « révisions », vers lappart du garçon que jaime depuis le tout premier jour du lycée.
Je me souviens de cet après-midi ensoleillé ; ce jour-là, le vent dAutan soufflait très fort dans les rues de la ville Rose. Puissant, insistant, caressant ma peau, sengouffrant dans mes oreilles, me racontant le réveil dun printemps qui se manifestait partout, dans les arbres des allées au feuillage triomphant, dans les massifs fleuris du Grand Rond.
Jai le net souvenir de la sensation de ce vent dans le dos, accompagnant mes pas, encourageant ma démarche, comme pour tenter de faire taire mon hésitation.
Cette nuit encore, le vent dAutan semble mencourager à retrouver mon Jérém, dès demain.
Oui, cest reposant de se dire quil y aura toujours un demain pour faire ce que nous navons pas le courage de faire aujourdhui
Je ne me lasse pas de cette caresse légère que le vent dAutan pose sur moi ; cest la même caresse qui glisse dans les moindres recoins de la ville, dans la place du Capitole, place Wilson, boulevard Carnot, rue de la Colombette, jusquà cette rue du centre-ville, là où une petite foule sest amassée autour dun gars à terre, inconscient, après que sa tête ait heurté violemment un mur en briques, lors dune bagarre entre mecs bourrés
la vérité cest que nous ne savons rien de ce que demain nous réserve ; car, en une fraction de seconde, le temps dun battement daile de papillon, la vie que nous connaissons peut se retourner, du tout au tout
Le vent dAutan glisse sur mon visage, tout en glissant au même moment sur un t-shirt blanc, un t-shirt habillant la peau mate, le torse magnifique dun jeune rugbyman ; un t-shirt qui a été blanc mais qui, plus les secondes passent, plus il se tache copieusement de rouge vif
la vérité cest que la vie est un cadeau ; un cadeau dont il faut savoir profiter, tant quil est possible.
FIN de la SAISON 1 de JEREM & NICO.
Lépisode complet sur jerem-nico.com.
Ne ratez pas le générique de fin de saison ci-dessous, avec les remerciements à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible.
Merci de le regarder la vidéo jusquau bout, vraiment jusquau bout : une petite surprise vous attend
https://youtu.be/iC12TVfCZg4
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