Chapitre 9 : Retrouvailles
Le père de Sylvain est mort, il a fait une crise cardiaque. Cest moi qui lai dé-couvert. Je venais le voir parce que je navais plus de nouvelles depuis trop long-temps. Jai fait le nécessaire pour quon récupère son corps. Je me trouve alors devant un choix cornélien : appeler Sylvain ou laisser un inconnu lui annoncer la mort du seul parent qui lui reste. Jai récupéré son numéro et son adresse dans les affaires de son père, je nai pas beaucoup de temps. Je pèse le pour et le contre, en refusant de voir la réalité en face. Jai la trouille de lui parler et quil me rejette. Je respire un bon coup, et je compose son numéro.
-Allo ?, répond-t-il et je reconnais tout de suite sa voix suave.
-Sylvain, cest moi, Loïc, je suis désolé de te déranger.
-Loïc ?, panique-t-il. Comment vas-tu ?
-Pas mal. Jai une mauvaise nouvelle à tannoncer, ton père est mort cette nuit.
-Quoi ?, sexclame-t-il. Jarrive dès que possible. Loïc, merci de mavoir prévenu.
-Cest la moindre des choses. Tiens-moi au courant pour lenterrement.
-Pas de soucis, je dois filer. Au revoir.
Il raccroche avant que je puisse répondre. Je reprends mon souffle, les joues baignés de larmes. Je pleure sur la mort de Maurice, sur la mort de mon couple, de mon cur. Mon portable vibre, cest un SMS : « Merci pour tout ». Cest Sylvain, et je me dis quil y a peut-être un petit espoir. Ragaillardi, je vaque à mes occupations, et surtout je prends soin de mon apparence. Javoue mêtre négligé ces dernières semaines, je ne me suis pas souvent rasé et je sens un peu le fauve. Mes vêtements aussi sont sales et déchirés. Comme je suis en congés, ce nest pas très grave. Je me lave soigneusement, et jenfile une tenue confor-table. De toute façon, je ne le verrai pas avant le lendemain.
Pour une fois, jai faim, je fixe mon frigo dun regard consterné. Il est vide, sauf du beurre rance. Cest pire que de la négligence, cest comme si javais sciemment cessé de vivre.
La vue de tous ces outils, lodeur du bois, bref, tout cet univers dédié au travail manuel me réchauffe le cur. Jai oublié ma passion pour le bois, et je réalise que je nai pas mis les pieds dans mon atelier depuis deux ans environ. Je conti-nue à payer la location et les charges, mais je nai plus mes belles idées. Linspiration ma quitté. Je vais voir les essences de bois et je passe la main pour en sentir la douceur. Quelque chose remue timidement en moi, un écho de lancien moi qui cherche à me rappeler ma joie quand je sciais une planche ou je passais de la laque dessus. Jessaye de lattr à pleine pour laider à sextirper de la vase dans lequel il est collé.
Hélas, je nai pas la force et il méchappe. La vase de mon dégout le recouvre de nouveau, mais pas entièrement. Sa main dépasse, attendant le jour où je retrou-verai mes forces et mon envie de vivre. Je touche une dernière fois une planche en hêtre de toute beauté, et jachète de la peinture, des pinceaux, et du White Spirit. Ainsi que tout ce qui pourrait être utile. Je prends aussi la planche que jai touché. Je sais cest stupide, je nen ferai surement rien. Je sens seulement que jen ai besoin pour faire éclater le vrai moi. Son contact, tout au moins, me procure un grand plaisir, presque érotique.
Je passe laprès-midi à repeindre mon appartement, à décaper le plancher, et à réparer les dégâts que jai causés. Le manque dexercice me fait très vite hale-ter, je sue à grosse goutte, et je dois faire de nombreuses pauses. Je finis tout de même mon travail, tard dans la soirée. Mon estomac grogne, jai de la pous-sière et de la peinture partout. Je ne peux mempêcher de penser à Sylvain qui maurait trouvé sexy, et on aurait fait lamour sur le sol.
Jobserve la planche, les veines du bois, les nuds, son lissé. Je la vois trans-formée en meuble de chevet avec un tiroir. Je vois aussi un lit avec une tête sculptée de fleurs. Mes doigts me démangent, je prends une feuille à dessin, mes crayons et ma règle. Et je ne sais plus par quoi commencer. Je fais face à ma feuille, jai limage du chevet en tête, et je ne parviens pas à lui donner vie. La frustration me gagne, jamais je nai eu ce problème. Je prends mon courage, et je trace une ligne maladroite, je la gomme, et je refais un essai. Cest un peu mieux, et je continue. Je dessine grossièrement les contours du meuble, puis jaméliore mon trait, comme je le faisais à mes débuts. Très vite, je retrouve un peu de mon assurance.
Je crée un chevet tout simple, rectangulaire, quelque chose qui conviendrait partout. Ce nest pas à la hauteur de ce que je faisais avant, cen est très loin. Si javais été en forme, il y aurait eu des fleurs ou dautres fioritures. Je mestime heureux que mes traits soient droits. Je roule la feuille, et je passe la moitié de la nuit à créer quelque chose de beau. Sans men rendre compte, je mendors et je ne fais aucun rêve. Mon esprit me laisse enfin profiter dun repos mérité. Quand je me réveille, je suis étonné de me sentir si frais. Je décolle une feuille de mon visage, et je métire en baillant. Mes os craquent, je souris. Reprendre mes anciennes activités ma fait plus de bien que je le pensais.
Je prépare du café, et je regrette de ne pas avoir de pain pour des tartines. Il faut vraiment que je fasse des courses. Javale une tasse de café brulant, son gout est meilleur que dhabitude. Ensuite, je file prendre une longue douche chaude, et je constate que la salle de bain a aussi besoin de travaux. Je liste mentalement tout ce dont jai besoin, et jélargie ma liste en ajoutant du maté-riel pour la cuisine et la chambre.
-Oh, lance Sylvain en rougissant, je repasserai.
-Non, entre, tu mas déjà vu nu.
-Oui, cest vrai. Tu as lair en forme.
-Je le suis.
Je vais mhabiller dans ma chambre, hésitant sur ma tenue. Il me faut quelque chose qui me mette en valeur, et je décide denfiler un débardeur, un shorty, et un jogging. Je reste les pieds nus, un jour, il ma avoué que ça lexcitait de les voir. Je me coiffe et je fais en sorte de gonfler ma bosse. Là, ça devrait aller, il va fondre. Je fais mon lit, jouvre la fenêtre et je respire un peu dair frais.
Sylvain est assis à la table, il regarde mes dessins. Jaurais dû les ranger, il va voir que je ne vais pas bien. Il mentend approcher et rougit de plus belle. Un point pour moi. Je massois, et je le détaille. Il porte un costume anthracite sur une chemise jaune pâle, et une cravate bleu foncé avec des mocassins noirs. Ses cheveux sont plus longs, et ses yeux gris plus sombres. Il est dune pâleur mala-dive, et toujours aussi beau. Je me demande sil est encore avec son copain, et sil est venu avec lui. Ça ne me regarde pas, bien sûr. Il réunit les papiers et je me lève pour les ranger, il ne perd pas une miette de mon corps.
-Merci davoir pris soin de mon père, finit-il par dire après sêtre rincé lil. Il me racontait chaque fois que tu passais le voir.
-On était restés amis, cétait normal, répondis-je dune voix calme. Je laimais beaucoup. Ton copain est venu aussi ?
-Non, on est séparés depuis longtemps. Loïc, je te demande pardon pour tout. Jai été un vrai connard.
-Le mot est faible, dis-je en grognant. Tu mas laissé un mot, cest tout. Tu tes enfui sans prévenir, jai cru que tu mappellerais, mais non, tu as refait ta vie.
-Et jai détruit la tienne.
-Pas que ça, je suis incapable daimer.
-Loïc, laisse-moi texpliquer, sil te plait. Je te le dois.
-Si je mécoutais, tu serais au sol, la gueule en sang. Alors parle, et sois convaincant.
-Tu mens. Je te connais par cur, tu as mis une tenue avantageuse, et tu narrêtes pas de me mater avec ce regard que tu as dhabitude. Alors, je vais le dire, oui, tu mexcites, et je texcite.
-Raconte ton histoire, on parlera sentiment plus tard.
-Daccord. Voilà, ça faisait quelques semaines que ça nallait plus. Pas à cause de toi, juste de moi. Je haïssais mon boulot, il ne mapportait rien, alors jai abandonné sans te le dire. Je faisais semblant dy aller et je passais mes journées à boire et à trainer. Jévitais de me saouler pour que tu ne remarques rien. Et tu nas rien vu, parce que je le voulais. Je te noyais sous une fausse af-fection.
-Je sentais que quelque chose clochait, avoué-je, mais cétait plus facile de croire que tout allait bien. Je me disais aussi que je devais te laisser gérer, javais peur de t, que tu penses que je te traitais comme une . Tu mas accusé de ça.
-Je sais, laisse-moi finir. Tu rentrais le soir, et tu me racontais ta jour-née bien remplie. Jétais jaloux de tout ce que tu avais, et je bouillonnais à lintérieur. Je te mettais sur le dos tous mes malheurs. Cétait plus facile que dassumer mes propres faiblesses. Alors, ce matin-là, jai pété un plomb, jai fait mon sac, jai acheté un billet de train, et jai écrit une lettre à mon père que jai postée. Et je suis parti.
-Tu veux savoir le pire ? Je tavais trouvé un meilleur boulot au garage. Javais convaincu mon patron de te prendre, que tu ferais un super comptable. Je voulais te lannoncer en faisant la fête. Javais acheté du cidre, et un gâteau, on aurait fait lamour. Au lieu de ça, jai trouvé ton mot, et tes affaires avaient disparu. Ça ma tué, jai pas dormi de la nuit, je tappelais en boucle. Je suis re-tourné travailler, et jai annoncé à mon patron que je prenais un congé, et quil pouvait prendre quelquun dautre. Je suis resté pendant quinze jours sans man-ger, ni dormir, ni me laver. Je restais allongé à pleurer, je te maudissais, je vou-lais te voir mort, je voulais mourir. Et je me suis réveillé, jai continué à vivre.
-Non, tu as fait semblant, comme moi, au début. Jai cru que tu serais plus fort que moi, je tai surestimé, ou plutôt, jai pas pensé à limpact que ça aurait sur toi. Je me sens minable, jai joué avec ton cur. Et je taime tant.
-Je ne sais plus si je taime vraiment, répliqué-je toujours en colère, je lai cru. Maintenant que tu es là, et que jai entendu ton histoire, je me dis que tu nes plus digne de mon amour.
-Je comprends, réplique-t-il blessé, et je my attendais. De toute façon, je ne reste que le temps de lenterrement. Ma tante se charge de lappartement, je vais juste prendre quelques trucs pour moi. Tu ne me verras plus jamais
-Si tu fais ça, je te retrouve et je te tue. Je tai dit que jhésite, ça ne si-gnifie pas que ça ne changera pas. Ecoute, reste un peu, séduis-moi de nouveau.
-Loïc, jai un boulot, je dois rentrer.
-Reste, dis-je fermement.
Je me penche et je lembrasse. Aussitôt, je retrouve mes marques, cest comme si le temps navait pas passé. Ma main se place sur sa nuque, et il monte sur mes cuisses. Je bande déjà, et il le sait parfaitement. Je le soulève, le tourne, et je vire son pantalon. Comme pour Michaël, je veux du sexe rapide et douloureux. Je ne prends pas la peine de lubrifier son trou, jentre en force en lui, il se mord le poing pour ne pas hurler. Jai des difficultés à le pénétrer, son trou est trop serré. Alors je pousse plus fort, et je finis par déchirer ses chairs. Une part de moi se demande sil va , je men fiche. Il le mérite, il mérite de ressentir ma propre douleur, et je fais tout pour cela. Il soffre à moi, à ma sau-vagerie, il minvite à le faire souffrir. Nous sommes en harmonie, unis par ce besoin de punition. Et je gicle en lui, bien trop tôt à mon gout.
Je meffondre sur la chaise, vidé. Le corps de Sylvain est parcouru de spasme. Je mets une minute à comprendre quil pleure. Je ne sais pas quoi faire. Je lui ai donné ce quil voulait, il devrait être satisfait. Je pose la main sur ses reins, et il se contracte. Il a peur que je recommence. La compassion menvahit, chassant ma colère. Je remonte ses vêtements, et je le force à me faire face. Son beau visage est baigné de larmes :
-Je taime, me dit-il, je vais me battre pour te reprendre, et tu maimeras de nouveau.
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