Chapitre 13 : Coralie

-Quarante ans, ça se fête, dit Coralie. Tu as prévu quoi ?
-J’en sais rien, c’est Sylvain qui organise tout. Il m’a dit, et je le cite : « Fiche le camp de la maison, et ne revient que ce soir vers six heures ». J’obéis.
-Eh bien, ça promet. On sait qui porte la culotte à la maison.
-Aucun des deux, répondis-je. Sylvain met des slips, et moi des boxer, et on décide de tout à deux. Y a qu’au lit où je suis le dominant.
-Je vais me passer des détails, dit Coralie en levant les yeux au ciel.
Nous éclatons de rire et j’avale une gorgée de mon café. Neuf ans que Sylvain et moi, on revit ensemble, avec des hauts et des bas. Mais pas une seule fois, nous nous sommes séparés, et je n’ai jamais regretté ma décision. Au contraire, nos disputes nous ont rapprochés, elles nous ont permis de mieux nous comprendre. En plus, je trouve que le sexe est bien meilleur après une engueulade. Dans ces moments, Sylvain bouillonne d’énergie et s’offre à moi avec une vigueur inéga-lée. Parfois, je provoque une petite dispute juste pour le plaisir de sa fougue. Coralie me tire de mes réflexions en me montrant des photos de mon filleul. Le petit Aymeric a bien grandi, il est aussi brun que sa mère et il a hérité des yeux noirs de son père. Pour le reste, c’est un subtil mélange entre ses deux parents.
-Tu lui manques, m’avoue-t-elle. Il a envie que tu lui rendes visite, avec tonton Sylvain.
-Il veut surtout qu’on lui ramène des cadeaux. L’autre fois, il voulait une console, et des jeux. Ce petit sait ce qu’il veut, comme sa mère.
-Geoffrey a eu une nouvelle promotion, continue-t-elle l’air de rien. Il va voyager encore plus souvent.
-Oh non, compatis-je, déjà que tu ne le vois pas souvent. Comment tu le vis ?
-Assez mal, et c’est pire pour Aymeric, il réclame son père. Alors, j’ai eu une idée, je vais revenir vivre à Montluçon, comme ça, vous serez là pour m’aider. Enfin, si vous êtes d’accord.

Geoffrey pense que ce serait mieux.
-Tu plaisantes, bien sûr que j’ai envie que tu reviennes. Mais il va faire comment pour son boulot ? Et le tien ?
-Je peux travailler dans n’importe quel hôpital, on est toujours à la re-cherche d’une infirmière. Et pour Geoff, il peut faire l’aller-retour en train. On en a beaucoup parlé, j’avoue que la ville me manque. Aymeric va se plaire ici.
-C’est pas tout, hein ? Geoff et toi, y a de l’eau dans le gaz.
-Je peux rien te cacher. C’est vrai, on se dispute beaucoup, pour des broutilles. Je l’aime toujours, c’est le père de mon , mais j’en peux plus. On a pris des chemins différents.
-Tu veux divorcer ?, m’enquis-je étonné. Non, ne fais pas ça. Je ne vais pas prétendre te dire ce que tu as à faire, mais laisse-lui une chance.
-Il en a eu plusieurs, ça fait plus de deux ans que ça dire. J’ai besoin de mon meilleur ami pour avancer.
-Je suis là, ma belle.
Je la serre dans mes bras et elle éclate en sanglot. Jamais, je ne l’ai vue aussi vulnérable et fragile. Elle me fait penser à Sylvain quand je l’ai connu. Tous deux ont ce point commun, l’amour les démolit quand il s’arrête. Sauf que Coralie, elle, va se relever pour son fils, elle a un but. Sylvain, à l’époque, n’avait rien, il avait tout misé sur son couple. Comme je l’ai fait aussi, et quand il m’a quitté, je n’ai plus rien eu. Avoir un but, c’est important dans la vie, il ne faut pas se vouer seulement à l’amour, sinon vous risquez d’être détruit. Coralie se dégage douce-ment, et s’essuie les yeux d’un revers de manche. Je lui offre un mouchoir :
-Tu vas habiter où ?, m’enquis-je pour la distraire.
-J’ai repéré plusieurs appartements, j’irai les visiter dans la semaine. J’ai aussi un entretien à l’hôpital.
-Reste à la maison pour tes recherches. Tu es la bienvenue avec le petit.
-Il est avec son père, Geoff ne repart que dans deux semaines. J’accepte ta proposition, ça me touche.
-Y a pas de quoi.
Tu sais quoi ? On va se faire plaisir, viens.
Quand nous étions adolescents, Coralie et moi, on passait nos journées à rêver de ce que nous ferions pour passer le temps, à la condition d’avoir de l’argent. De l’argent, j’en ai. Je suis co-propriétaire du garage où j’ai toujours travaillé, et ça rapporte bien. A côté, je vends des meubles que je fabrique, et c’est pas pour me vanter, mais je suis très apprécié. Sylvain aussi gagne très bien sa vie, il dirige le service comptable de son entreprise, ce qui l’amène à faire de nom-breux séjours à Lille. C’est un faible prix à payer, je trouve (quatre semaines par an sans le voir). J’emmène donc Coralie pour un soin complet du corps qui nous prend la journée.
En gros, on a passé notre temps à se faire bichonner, et je suis heureux de par-tager ce moment avec ma meilleure amie, pas avec Sylvain. Il aurait piqué une crise de jalousie, car deux garçons magnifiques se sont occupés de moi, et je dois l’avouer, j’ai pris mon pied. Ils m’ont massé, enduit le corps de crème pour la peau, exfolié, la totale. Je soupçonne l’un d’eux d’être gay, il a laissé plus longtemps que nécessaire son regard se promener sur mon corps nu, et il a même caressé ma queue. Ça ne m’a rien fait de particulier, y compris quand il a massé mes pieds. Il n’y a que mon homme pour me faire réagir. Nous avons aussi eu droit à une manucure pédicure, un enveloppement d’algue et à un bain de boue. A la fin, je suis reposé, et ma peau luit. Coralie a retrouvé le sourire, elle est sublime, maquillée comme une actrice.
Nous rentrons pour dix-huit heures, Sylvain nous attend devant la porte. Il est en jogging et débardeur, ça m’excite. Je me demande si on a le temps pour un petit coup rapide. Hélas, ce n’est pas le cas, et il ne semble pas d’humeur pour ça. Je dépose un baiser sur ses lèvres douces, et il me montre le bandeau qu’il a à la main. Aussitôt, toute une foule de souvenirs m’assaille. Ce bandeau, c’est celui que j’ai utilisé quand je l’ai emmené en week-end, pour son premier or-gasme et pour d’autres moments entre nous.
Je pensais qu’il avait disparu depuis longtemps. Il me le met sur les yeux et me guide dans la maison. J’hume une odeur de fumée, de sucre et d’encaustique. Sylvain me presse de monter dans notre chambre. Coralie nous suit avec son sac, et j’entends la porte de la chambre d’ami se fermer, suivie par celle de notre chambre.
-Je t’ai préparé des habits, me dit-il. Tu peux enlever le bandeau.
-Et si je le gardais un peu, on a bien cinq minutes…
-Non, bébé, je n’ai pas fini de préparer le repas. Toi, tu attends jusqu’à ce que je vienne te chercher.
Il m’embrasse et repart. Je regarde le lit, il y a une chemise bleu clair, un pan-talon cintré noir et un boxer. Je prends une douche rapide, et je m’habille. Je remarque alors une longue boite en velours rouge cachée par mes vêtements. Je l’ouvre, il y a une chaine en argent dedans, avec un médaillon gravé de mon signe astrologique, le taureau. J’ai dit à Sylvain que j’avais déjà tout ce qu’il me fallait. Ma déclaration exacte a été : « Tu es le plus beau cadeau de ma vie, le reste n’est que fioriture », et je lui ai fait l’amour. Je suis content qu’il ne m’ait pas écouté, et ce soir, je vais lui montrer ma joie. On frappe à la porte, Coralie entre, elle porte une longue robe rose pâle :
-Tu es très belle, dis-je.
-Toi aussi. Et dire que tu prétendais que tu ne porterais jamais de che-mise. Sylvain t’a transformé.
-Tu ne sais pas à quel point. Et puis, avec mon nouveau boulot, je dois sou-vent en porter.
-C’est quoi ce bijou ?, me demande-t-elle. Ça te va bien.
-Cadeau de mon homme. Cette nuit, je vais le remercier comme il se doit.
-J’ai intérêt à mettre des bouchons d’oreille.
-On attendra un moment où tu ne seras pas là.
-Je vais descendre aider, comme ça, tu n’auras pas longtemps à attendre.
-Merci.






















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