Chapitre 15 : Adoption
Quelques mois ont passé, Samuel est toujours avec nous, il na pas tenté de fu-guer à nouveau. Cette nuit-là, jai eu une longue conversation avec lui, jai su ga-gner un peu de sa confiance. Il est remonté se coucher, jai veillé encore un peu par acquis de conscience, et jai retrouvé Sylvain qui ne dormait pas. Il a écouté le récit de ma soirée, impressionné par mes aptitudes au dialogue. On sest en-dormis dans les bras lun de lautre. Le lendemain, Sylvain la emmené au com-missariat, les policiers ont posé de nombreuses questions, et ils ont révélé que lincendie était volontaire. Cela a causé un choc à Samuel qui sest refermé sur lui-même. Sylvain a fait ce quil a pu pour laider.
On a fini par lenvoyer voir un psychiatre, car il refusait de nous parler. Petit à petit, il sest rouvert à nous, et la vie a repris son cours, pendant que lenquête policière continue. Samuel ne demande rien, mais nous nous renseignons réguliè-rement, et justement, les enquêteurs veulent nous rencontrer avec le petit. Syl-vain et moi faisons de notre mieux pour le rassurer. Depuis lenterrement de ses parents, Samuel se sent perdu, il narrive pas à comprendre pourquoi on a voulu les . Nous ne savons plus quoi faire, nous le soutenons autant que pos-sible. Lorsque les deux enquêteurs sassoient face à nous, à la table de la salle à manger, il nous prend la main pour avoir du courage :
-Merci de nous recevoir, dit le plus vieux des enquêteurs, ça ne prendra pas longtemps.
-Cest normal, réplique Sylvain, nous voulons connaitre la vérité.
-Nous aussi, réplique lautre enquêteur en ouvrant le dossier devant lui. Samuel, connais-tu cet homme ?
Il tend une photo qui représente un homme à laspect ordinaire, avec une peau grasse et pendouillant, une calvitie naissante et des lèvres flasques. Le seul trait marquant chez lui, ce sont ses yeux. Il a le regard cruel et sadique, avec une lueur effrayante. Si je le voyais dans la rue je ne le remarquerais pas, sauf sil me fixait.
-Je sais pas comment il sappelle, je lai souvent vu dans mon quartier, il habite dans un des immeubles de Bien-Assis.
-Il sagit de George Blasin, dit le Broyeur. Un criminel notoire, explique le vieil enquêteur. Il est connu de nos services, mais on na jamais pu le coincer. Des témoins ont vu tes parents avec lui à de nombreuses reprises. Est-il déjà venu dans ta maison ?
-Non, je ne lai jamais vu chez nous, répond Samuel. Je ne lui ai même ja-mais parlé, tout le monde a peur de lui. Mes parents nauraient pas osé
-Nous le pensons aussi, linterrompt doucement lenquêteur. Mais tes pa-rents travaillaient dans une entreprise de transport, et il devait avoir besoin de leur service. Ils auront refusé, et il sest vengé. Il a dû vouloir les effrayer, pas les , ce nest pas un meurtrier.
-Ça ne change rien au fait quil a tué ses parents, dis-je avec colère. Pour-quoi vous ne larrêtez pas ?
-Deux raisons, on na pas de preuves, et lautre, cest quil a disparu de la circulation. Nous le recherchons activement. Fouille ta mémoire, Samuel. Avant lincendie, tes parents ont-ils parlé de lui ? Agissaient-ils bizarrement ?
-Jen sais rien, sagace-t-il, mes parents nétaient pas des méchants. Ar-rêtez de dire ça.
-Calme-toi, dit Sylvain en le serrant plus fort. Ils veulent juste taider. Messieurs, je crois quon va en rester là. Samuel a besoin de se reposer. Si on trouve quelque chose, on vous appelle tout de suite.
-Bien sûr, dit le vieux, nous comprenons.
Sylvain raccompagne nos visiteurs à la porte. Samuel pose la tête sur ses bras et se met à pleurer. Sa frayeur me contamine, ses tremblements matteignent. Je regarde par la fenêtre au cas où George le Broyeur serait là. Sylvain revient et maide à monter le petit dans sa chambre.
-Il nous faut un système dalarme, finit-il par dire. Les enquêteurs ont dit quune patrouille allait passer et faire le tour.
-On va faire venir quelquun au plus vite.
-Je veux aussi quon devienne ses tuteurs légaux, jadore ce gamin. Je nimagine pas la vie sans lui.
-Cest pareil, on va appeler Sonia pour lancer la procédure. Tu crois quil sera daccord ?
-Jespère, cette situation ne peut pas durer.
-Tu as raison.
-Vous voulez vous débarrasser de moi ?, hurle Samuel.
On ne la pas entendu descendre. Son visage exprime toute sa colère et le sen-timent de trahison quil ressent. Avant quon ait pu bouger, il se précipite sur la porte dentrée. Le temps quon réagisse, il a tiré le verrou et on le ratt avant que la porte souvre. Il nous esquive et part dans le jardin, il est rapide et continue à nous esquiver. Il atteint la porte au fond du terrain qui est cadenas-sée. Il ne peut plus rien faire, il est piégé. Il se met en position de combat, comme Sylvain lui a appris, et lance son poing vers lui. Sylvain att son poi-gnet et le fait tourner pour limmobiliser. Le petit se débat :
-Calme-toi, dit Sylvain dune voix dure, cest le contraire, on veut tadopter.
-Quoi ?, réplique-t-il en cessant de bouger. Madopter ?
-Oui, répondis-je en magenouillant face à lui. On tadore, quand tu nous as entendus, on disait que la situation, cest-à-dire notre famille, devait changer, pour mieux te protéger. Tu veux rester avec nous ?
-Oui, réplique-t-il avec un sourire, je suis bien ici. Mais je ne vous appelle-rai pas papa.
-Tu nous appelles comme tu veux, rigole Sylvain. Je vais te relâcher.
Samuel se jette dans mes bras et me renverse au sol. Sylvain nous rejoint dans lherbe, nous formons une vraie famille. On rentre hilare, et je prépare le re-pas, des ufs à la béchamel avec des épinards.
-On ne va pas tous les adopter, se justifie-t-il.
-On peut faire de laccueil moins souvent, se charger des cas vraiment urgents. Tu en penses quoi, Samuel ?
-Que je veux que vous mappeliez Sam, comme mes parents. Loïc a raison, on doit continuer, vous êtes géniaux comme tuteurs.
-Merci, mon grand, dit Sylvain, ça me touche. Daccord, on continue.
-Et je peux donner un coup de main.
-Bien sûr, dis-je, tu es notre fils,
-Et dire quon a pris cet agrément parce que je ne voulais avoir ds, et le premier qui arrive chez nous, bam, je veux ladopter. Sam, tu mas trans-formé, je ten remercie.
-Sylvain, tu es un père génial, tu mas appris à me défendre. Et toi, Loïc, tu mas montré quon peut continuer à vivre malgré tout.
-Merci, dis-je. Bon, allez, maintenant va te laver les mains, et mets la table.
-Oui, Loïc.
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